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Bloquer l'Élysée plutôt que les trains (arch 2007)

30 MAI, voici la recette magique que l'illusionniste Sarkozy s'apprêterait à sortir de sa mallette, avec l'assistance de l'ex -"Occidental" Patrick Devedjian : c'est, en effet, le 30 mai 1968 qu'à l'appel de Malraux (qui avait tant contribué à la gauchisation de la société française avec ses Maisons des Jeunes et de la Culture), la « majorité silencieuse» déferla sur les Champs-Elysées en une foule immense tous drapeaux au vent, sonnant la fin de la récréation printanière ... et des angoisses d'un président De Gaulle prudemment réfugié à Baden-Baden sous l'ombre tutélaire du brav'général Massu. Comme Devedjian et beaucoup de "nationaux", le tout jeune Sarkozy était à la manif' et il verrait bien dans une réédition de celle-ci la solution à l'agitation sociale frappant tant de secteurs depuis le 18 octobre dernier. Certes, le rassemblement « Stop la grève» organisé dimanche dernier par plusieurs mouvements libéraux et l'Union universitaire étudiante (UNI) très proches de l'UMP n'a pas mobilisé les foules - faute de transports, le contraire eût été étonnant - mais la décision du chef de l'Etat de sortir enfin mardi du silence où il se complaisait en matière sociale depuis son échec auprès des pêcheurs du Guilvinnec peut changer la donne. Surtout après la série de sabotages criminels commis dans la nuit du 20 au 21 octobre sur les voies de la SNCF par des radicaux irresponsables. Ou manipulés.
UNE ANGOISSE DIFFUSE
Désormais, jusqu'où ira la rébellion des cheminots s'estimant lésés dans leurs "acquis", des avocats et magistrats menacés par la réforme de la carte judiciaire, des étudiants rejetant une loi pourtant acceptée l' été dernier par leurs syndicats pour exprimer leur peur d'un avenir bouché, et jusqu'où ces refus catégoriels feront-ils tache d'huile?
Dans la fronde actuelle, il y a évidemment l'incapacité consubstantielle des Français, peuple le plus révolutionnaire du monde, à accepter des réformes, même indispensables et d'ailleurs approuvées par la représentation nationale. Il y a tout aussi évidemment la mystique gaucharde du « troisième tour » dans la rue. Mais il y aussi une angoisse et un dégoût diffus dont le pouvoir actuel serait mal avisé de sous-estimer l'importance.
A quoi sert en effet un « Grenelle de l'environnement » avec son intention affichée de lutter contre la "désertification" des campagnes si dans le même temps, sous couleur de rationalisation, on supprime les postes, les hôpitaux, les tribunaux d'instance (sept d'entre eux devraient fermer leurs portes en Auvergne, cinq dans l'Isère et trois en Savoie a annoncé le garde des Sceaux Rachida Dati lors de sa visite mouvementée le 16 novembre à Lyon), les cours prud'homales (68 sacrifiées sur 271) ou les trains régionaux qui irriguent encore peu ou prou le monde rural et évitent sa totale extinction?
A quoi rime de s'accrocher à la sinistre fiction des « 80 % au moins de chaque classe d'âge» reçus au bac, passeport pour l'Université, quand on est bien décidé, discrimination positive oblige, à favoriser l'emploi des néo-Français au détriment des "souschiens" ?
UNE NUIT DU 4-AOÛT, MAIS POUR TOUS
Et comment un président peut-il exiger de ces sujets qu'ils consentent à des sacrifices fmanciers quand lui-même, à peine élu, s'octroie de sa propre autorité une augmentation de salaire de 172 % ? On ne dira jamais assez en effet combien cette initiative de Nicolas Sarkozy (rendue sans doute nécessaire par les conditions de son divorce, avec une épouse ne concevant de suivre une cure de thalassothérapie que dans un palace monégasque avant de s'envoler avec son fils pour New York) a été désastreuse, pour lui-même et pour le pays, à la veille d'échéances sociales qu'il savait à très hauts risques.
Les sacrifices ne sont acceptables que s'ils sont partagés par tous. Mais comment les fonctionnaires en général et les cheminots en particulier renonceraient-ils à leurs privilèges quand ils apprennent que Jacques Chirac cumule 30471 euros de retraites par mois, que soixante de ses anciens conseillers de l'Elysée ont retrouvé des niches somptueuses, ambassade ou présidence d'entreprises semi-publiques, que les députés se sont voté cinq années d'indemnités de chômage et que les grands patrons, dont certains (Messier, Forgeard ... ) ont mené dans le mur le train de leur société, croulent sous leurs parachutes dorés et leurs stock-options? Qu'on ne s'étonne donc pas si, dans notre «République fromagère» (cf. Michel de Poncins) où les grands étalent un luxe et un esprit de lucre insolents, les petits privilégiés s'accrochent à leurs "acquis", surtout quand le pouvoir d'achat ne cesse de baisser et la peur du lendemain d'augmenter avec un euro à près de 1,50 dollars qui, en nuisant aux exportations, accélère la fermeture ou la délocalisation des usines et même des services. Alors, oui à une Nuit du 4-Août, mais pour tous et à tous les étages.
Sans doute Sarkozy comptait-il sur les syndIcats, toujours achetables même quand ils se drapent volontiers dans le drapeau rouge comme SUD et la CGT, pour jouer les chiens de garde du troupeau grévicole et le maintenir dans les limites assignées.
Mais nous avons depuis longtemps averti nos lecteurs du discrédit frappant les centrales "institutionnelles", qui défendent moins leurs mandants que leurs mandats.
LE REFUS DE L'EUROCRATIE ET DE LA MONDIALISATION
Rien d'étonnant donc si, malgré les ouvertures d'un Bernard Thibault appelant à la raison, les grèves dans les transports, loin de s'interrompre, se sont durcies - d'autant qu'à la SNCF par exemple, la direction revenait le 14 novembre sur un accord signé la veille avec la CFDT, la CFTC et la CGECGC qui, du coup, appelaient à nouveau à la grève. Et dans les discussions de la "base" - composée, l'a-t-on remarqué? presque uniquement de Blancs -, ce n'est plus seulement l'alignement des retraites sur celles du régime général des fonctionnaires qui est en cause (beaucoup de travailleurs le savent au fond d'eux-mêmes inéluctable dans la mesure où, en 2007, la pénibilité des tâches qui leur valait ces avantages n'est plus celle de 1906), mais l'avenir que leur réserve, ainsi qu'à leur famille, la mondialisation avec son tsunami de produits manufacturés et humains noyant notre biotope, ruinant notre économie. Certes, le départ à la retraite anticipé des cheminots ou des machinistes coûte cher et pour tenter de débloquer la situation, la SNCF se disait le 20 novembre prête à mettre 90 millions d'euros sur la table. Mais combien coûte la « politique de la Ville », c'est-à-dire la gestion de l'immigration pour acheter un semblant de paix civile? 4 milliards d'euros par an, vient de répondre la Cour des comptes (voir notre précédent n°) ... en précisant que c'était pour un résultat nul.
En outre, parmi les grévistes de ce mois de novembre, une grande majorité avait sans doute voté le 29 mai 2005 contre le traité de constitution européenne qui va nous être maintenant imposé d'« en haut ». Avant de se glorifier de "son" traité dit simplifié et de proclamer que « la France, qui avait été la première à dire non, serait la première à dire oui », le chef de l'Etat eût été bien inspiré d'envisager les conséquences de ce Diktat dont il est le premier à reconnaître l'impopularité
A l'évidence, Sarkozy entend aujourd'hui jouer les usagers contre les grévistes prenant les autres travailleurs en otages alors qu'ils devraient bloquer le quartier de l'Elysée au lieu de paralyser les trains et les facs. Et l'exaspération est en effet telle aujourd'hui devant l'impossibilité de se déplacer - d'autant que tout a été fait pour pousser les travailleurs hors des villes - que le calcul peut se révéler payant. A court terme. Car la "modernisation" à marche forcée  et doublée d'une substitution de population pour accélérer le mouvement d'une France jugée archaïque par les Sarkozy, Attali, Minc et autres Touati, peut réserver encore bien des soubresauts, autrement douloureux et spectaculaires.
C.-M.G. RIVAROL 23 novembre 2007

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