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Charles II Le Chauve Dernières étincelles carolingiennes

Une de fois de plus, Ivan Gobry nous entraîne à la rencontre d’un de ces rois de France dont seul le nom – et encore ! - a été retenu dans la mémoire des Français. Loin d’être tous des fantoches, les rejetons de Charlemagne ont chacun, dans les circonstances de leur temps, au rythme de leurs échecs, avec un système successoral excitant les égoïsmes, contribué quand même à faire durer la France de Clovis, donc à préparer l’entreprise future et salvatrice des Capétiens. Notre auteur avait déjà écrit la première biographie française de Louis Ier (778-840), fils de Charlemagne (éd. Pygmalion, 2002). Nous avions assisté alors à la dislocation irrémédiable de l’oeuvre de son père, lequel, à défaut de barbe fleurie, avait plus le génie de la démesure que l’intelligence de la durée. Louis Ier, dit le Pieux ou le Débonnaire, se sentant incapable de diriger seul un aussi vaste empire l’avait prématurément partagé (817) entre ses trois fils : Lothaire, Pépin et Louis.
Comment Charles, l’intrus né en 841 d’un second mariage avec l’ambitieuse Judith, allait parvenir, en dépit de l’opposition féroce de ses aînés, à recevoir un trône ; - comment, après d’horribles troubles civils, le jeune prince put traiter d’égal à égal avec d’abord Louis en 842 (le fameux Serment de Strasbourg où ils se jurèrent fidélité - le premier monument officiel dans notre langue française !), puis avec Lothaire et Louis réunis en 843 (traité de Verdun) pour se partager définitivement l’empire : à Charles la France à peu près hexagonale, à Louis la Germanie, à Lothaire le titre d’empereur et une bande de terre entre mer du Nord et Méditerranée, point du tout viable mais qui, au cours des siècles, allait éveiller bien des nostalgies chez des gens d’affaires désireux de faire éclater la France... ; - comment ce « rescapé de la royauté » devenu Charles II le Chauve, belle stature, courte chevelure, allait faire face à l’invasion dévastatrice des Scandinaves (les Vikings) et réussir à les congédier ; - comment ce roi contesté parvint à affermir son pouvoir en dépit des vassaux qui ne respectaient personne ; - comment cet enfant élevé dans le spectacle des révoltes de ses frères contre leur père affronta l’indiscipline de ses propres fils dont deux moururent jeunes et le troisième, Louis, dut être tenu en tutelle avant de régner ; - comment enfin Charles II, modèle de loyauté envers ses propres frères réussit à faire main basse sur les royaumes de ses neveux et sur le titre d’empereur, ... tout cela est raconté par Ivan Gobry avec aisance et clarté, toujours se nourrissant aux sources les plus sûres du IXe siècle.
Renaissance carolingienne
Avec cela ce règne, sorte de monarchie autoritaire et parlementaire à la fois, prolongea la renaissance carolingienne : défrichage des forêts par les moines, naissance d’un petit artisanat, formation de quelques villes, rayonnement de la pensée (l’abbé Strabon, l’évêque de Reims Hincmar, le théologien Jean Scot Érigène, l’historien saint Adon...), développement des écoles dans tout le royaume, intéressantes controverses théologiques auxquelles le roi lui-même prit part, renaissance des monastères dévastés par les Vikings...
Hélas, à sa mort, le 6 octobre 877 en traversant les Alpes, cet « astre dans le ciel », comme le saluait le pape Jean VIII, ne laissait qu’un fils, le très indigne Louis II dit le Bègue, qui parvint à se faire couronner empereur en 878 un an avant de mourir. Alors que la branche germanique d’un côté, les Vikings de l’autre menaçaient la France dans son existence même, les deux aînés du défunt, Louis, seize ans, et Carloman, treize ans, furent sacrés à la hâte, mais ces courageux guerriers moururent le premier en 882, le second en 884. Comme leur petit frère Charles n’avait alors que cinq ans, le germanique Charles le Gros en profita pour s’emparer de l’empire et de la France. Cela ne lui porta pas bonheur puisque les Grands le déposèrent en 887 et le condamnèrent à mort, élisant au trône l’héroïque défenseur de Paris contre les Vikings, Eudes comte de Paris, fils de Robert le Fort, dont la lignée se dévouait tant au bien public. Toutefois, il n’est jamais bon de bousculer l’Histoire : la voie s’ouvrait aux futurs Capétiens, mais l’heure de la nouvelle dynastie n’avait pas encore sonné. À la mort d’Eudes en 898 le troisième fils du Bègue, Charles III dit le Simple, dix-neuf ans, reprit ses droits dynastiques et l’on crut qu’il redonnerait vie à la descendance de Charlemagne. Ivan Gobry nous annonce un prochain livre sur ce roi. Nul doute qu’il sera tout aussi passionnant.
Michel Fromentoux L’Action Française 2000 du 19 juillet au 1 er août 2007
* Ivan Gobry : Charles II (843-877). Éd. Pygmalion, 336 pages, 20 euros.
À signaler chez Pygmalion la réédition de deux ouvrages excellents de Georges Bordonove : Henri II et Louis XV.

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