Ce 20 janvier au matin "L'Huma" croit pouvoir rassurer ceux de ses lecteurs qui craignaient depuis plusieurs mois une rupture du front de gauche. L’alouette Mélenchon dont le vedettariat et le sectarisme indisposaient le cheval communiste ne prendra pas, ou pas tout de suite, son envol loin du nid. Une telle indépendance se révélerait suicidaire pour le petit oiseau, aussi demeurera-t-il encore quelque temps sous la protection de son grand frère. Il pataugera dans le pâté auquel il prête son nom, le temps sans doute de retrouver un siège confortable dans l’assemblée de Strasbourg.
À noter pourtant, dans le même numéro, un entretien complaisant avec la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem à l'occasion du débat à l'Assemblée nationale sur le projet de loi sur l'égalité. Celle-ci se déclare… "très heureuse d’avoir en charge ce beau ministère, qui se bat à la fois sur des valeurs mais aussi pour offrir de vraies solutions de sortie de crise… les pouvoirs publics doivent être vigilants contre les tentations permanentes de régression."
Autrement dit : entre la gauche caviar essentiellement tournée vers la destruction des valeurs traditionnelles et la subversion sociale, telle que les marxistes l’ont toujours conçue, les convergences existent.
Ainsi donc la logique cuisinière électorale l’emporte. Du moins elle s’impose à gauche. Car le PCF a compris que, cette fois-ci les batailles municipales se joueront, contre la tradition si souvent invoquée, celle des "scrutins locaux", beaucoup plus entre droite et gauche, au plan de chaque ville.
Ce choc paraît peut-être suranné, parfois même absurde, tant un grand nombre de dirigeants de la droite ont adopté des positions culturelles proches de celles de leurs adversaires, et tant la politique économique du parti socialiste tend à [faire semblant de] se rapprocher des observations du Medef.
C’est d’ailleurs sur ce point que s’est développé plus qu’une sorte de malentendu, entre le camarade Mélenchon et l’appareil du Parti.
Les vieux "stals", de leur côté, savent parfaitement que sans eux la logistique de l’ex candidat à la présidentielle de 2012 se trouverait fort réduite. Ils se contentent donc de reprendre ceux de ses arguments susceptibles de leur servir, en criant aussi fort que lui "contre le pacte avec le Medef et les choix sociaux-libéraux revendiqués par François Hollande."
Ils crient mais ne font rien, pour le moment.
La gauche, disent les communistes ce matin, "monte au Front." Mais leur critique ne va pas jusqu’à rompre, dans les faits, une alliance avec le PS, qui permet au vieil appareil stalinien et cégétiste de disposer, encore, de moyens matériels hors de proportion avec leur véritable audience dans l'opinion.
"Le Front de gauche existe-t-il encore ?" s’interrogeait "Le Figaro" le 16 décembre. Un mois plus tard hélas la réponse demeure positive et le restera tant que cette fiction d’alliance profite au PC qui, grâce à elle, peut diposer de deux fers au feu. De la sorte, le canard donne donc des signes de vie. Le gros PCF et le mince PG, dépassant leurs désaccords pour les municipales se sont rabibochés.
Le 16 janvier le chef du parti de gauche laissait encore planer le doute : "Je n'ai jamais cru que ce serait un dîner de gala, ni une promenade de santé de construire cette force autonome" car "ici se trouvent les gens qui ne céderont jamais et qui ne participerons jamais aucun arrangement qui n'ait été d'abord validé par le peuple lui-même et avec ça tout est dit." Tout ? Non, car "avec les dirigeants communistes (...) on est amis, on est camarades, on mène un combat commun, je le sais." Le 17, Laurent et Méluche déjeunaient ensemble aux Buttes-Chaumont.
Le 18, ils défilaient côte à côte à Marseille. Et le chef du PC pouvait déclarer : "La crise qu'on a traversée est derrière nous". (1)⇓ Plus précisément elle est "surmontable"… aux conditions des communistes.
Le 19, "Le Monde" prenait au sérieux une nouvelle déclaration de Méluche : "Le groupe Front de gauche votera contre la confiance". (2)⇓ Or, d’une part une telle hypothèse ne se produirait que dans le cas d’une question de confiance posée par une nouvelle combinaison ministérielle. Et, d’autre part, même dans ce cas, elle ne changerait pas grand chose, tant qu'un nombre significatif de députés PS ne se seraient pas détachés d'une majorité devenue socialo-centriste différente de l'actuelle. Pas encore à l'ordre du jour. (3)⇓
En bref, le PCF figurera encore plus fort au sein de la municipalité de gauche à Paris, si Mme Hidalgo l’emporte, et il en ira de même dans la plupart des grandes villes.
Mélenchon amuse la galerie. Les chiens trotskistes aboient, la caravane stalinienne passe…
La suite probablement après les européennes…
JG Malliarakishttp://www.insolent.fr/2014/01/quand-les-camarades-se-retrouvent.html
Apostilles
1) sur BFM TV ⇑2) sur France 3 émission "12-13 Dimanche". ⇑
3) Rappelons au besoin que Mitterrand a toujours promis une ouverture au centre, en catimini, de 1983 à 1993, mais ne l'a jamais réalisée.⇑