Lu sur Polémia :
"[...] La sociologie politique française inexorablement se « droitise ». Cette droitisation se traduit, notamment, par un rapprochement des positions des électorats UMP et FN et par un rejet global de la classe politique. Ce que le Système dominant dénonce comme une dérive « populiste ». Mais la bipolarisation de la vie politique autour du duo UMPS et l’exclusion du Front national de la vie politique institutionnelle empêchent une recomposition « naturelle » du paysage politique par les droites. Ce blocage, du coup, place le système actuel en tension perpétuelle.
Les évolutions sociologiques profondes, cependant, amplifiées par la crise économique qui déstabilise la société, laissent voir que ce système n’a plus vraiment de marge de manœuvre devant lui et que, faute d’accepter les évolutions que l’histoire réclame, il est condamné à un état de crise permanent qui doit le conduire plus ou moins rapidement à son éclatement.
[...] La défiance massive à l’égard du pouvoir politique, que nous avions déjà identifiée en 2012, tourne désormais au sentiment de révolte. Pascal Perrineau, directeur général du Cevipof, parle, lui, de « dégoût, de ressentiment et de colère ». 61% des Français se disent prêts à descendre dans la rue, contre 30% en 2010.
On assiste là à un rejet qui touche désormais les fondamentaux de notre système politique et frappe directement la construction européenne. Les Français ne sont plus que 32% à faire confiance à l’UE, soit plus de 20 points de chute en deux ans, si l’on considère qu’en mars 2012 un sondage TNS/P&S soulignait que 54% de nos compatriotes jugeaient positivement le rôle de la construction européenne, avec toutefois, déjà, un avis largement négatif sur l’euro à 59%. [...]
Les élections de 2014 se présentent donc comme un test déterminant pour évaluer la résilience du Système en fonction de l’état des forces politiques en présence. L’UMP et le PS sont pris conjointement dans un mouvement d’affaissement incontrôlé où chacun espère sa survie de l’effondrement prioritaire de l’autre, tout en sachant que cet effondrement de l’autre doit logiquement provoquer le sien car il libère mécaniquement les forces centrifuges qui ouvriront de nouveaux espaces politiques. Chacun doit favoriser la chute du concurrent tout en évitant l’effondrement fatal qui écroulerait le Système en même temps et dont ils sont tous les deux solidaires. Le coup est loin d’être évident à jouer. [...]
La gauche socialiste – et ses alliés écolos, Front de gauche et PC (l’extrême gauche de la gamelle, en quelque sorte) – ne dispose plus d’aucune force de rappel à gauche. Elle tente, au mieux, de maintenir ses positions. Sa seule chance de sauver les meubles est d’espérer un bon score du FN aux municipales qui lui permettent de défaire la droite dans un jeu de triangulaires. Selon certaines évaluations, le FN pourrait être en position d’arbitre dans plus de 90 des 240 villes de plus de 30.000 habitants.
Cette configuration sera la clé de notre avenir politique proche à l’issue des élections municipales. Le jeu des partielles en 2013 a montré qu’il était désormais possible de voir le PS perdre, voire être absent, au 2ndtour d’une élection locale qui se polarise autour d’un duel UMP/FN. La rente de situation du PS dans les élections locales n’est désormais plus garantie.
Il est logique, dans le cadre des municipales, de tabler sur une défaite sévère du Parti socialiste qui ne se traduira pas pour autant en un triomphe de la droite de gouvernement, durement concurrencée par un Front national renforcé dont le potentiel électoral, au niveau national, évolue désormais dans la zone des 25%.
En effet, minée par ses divisions, son absence de leadership et de vision stratégique, la droite institutionnelle arrive aux élections de mars en état de vulnérabilité. Elle va subir le test redoutable de la mise à l’épreuve de sa mal nommée « discipline républicaine ». Combien de candidats, confrontés à un second tour difficile, accepteront de sacrifier leur sinécure politique au dogme du « cordon sanitaire » ? Combien, en revanche, prendront le risque de la transgression ?
L’UMP, en tout état de cause, se retrouve placée dans une situation intenable. Elle ne peut plus ignorer encore longtemps l’opinion dominante de ses électeurs. Ces derniers n’accepteront plus les défaites programmées, alors que la droite est majoritaire dans le pays. A ce titre, les élections de mars 2014 vont boucler un cycle.
Les sondages sont formels : selon une enquête BVA de septembre 2013, 70% des sympathisants UMP sont favorables à la « normalisation du FN ». [...] Ceux qui à l’UMP, tels NKM, Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin, Valérie Pécresse, Bruno Lemaire et tant d’autres, misent sur une reconquête du pouvoir par les centres, évoluent clairement à l’encontre des attentes majoritaires de leurs électeurs. Et absolument rien ne laisse présager que les déçus du « Hollandisme » reporteront leurs voix vers une droite recentrée. Le principal danger qui menace le PS aujourd’hui est l’abstention massive de ses électeurs.
La stratégie de Jean-François Copé qui vise à conquérir le pouvoir en jouant sur une droitisation de l’UMP tout en combattant idéologiquement le Front national est également illusoire. On peut aussi formuler la même remarque sceptique sur la démarche de la Droite forte qui table sur une reconquête par la droite en s’appuyant sur un très problématique retour de Sarkozy. [...]"