Le Figaro du mercredi 25 juin nous livrait un rapport édifiant sur la durée moyenne du travail annuel dans les pays d'Europe. Edifiant pour la France, car selon ce rapport (rapport de l'institut Coe-Rexecode fondé sur des données européennes), dans une année (données de 2010 à 2013), les salariés français à temps complet travaillent cinq semaines de moins que les Allemands. La France se classe avant-dernière, juste avant les Finlandais, cocorico. L'étude pointe aussi d'importantes différences entre salariés. C'est en France que l'on constate que la durée du temps de travail annuel a le plus baissé ces quinze dernières années.
Pour le détail du temps de travail par catégorie de salariés, on se reportera au document. Il faut quand même souligner que, toujours selon le rapport
"Les principales causes d’absence des travailleurs sont les congés et RTT (6,6 semaines), et non l’absence liées aux maladies ou garde d’enfant (1,6 semaine)."
Cette désaffection des Français à l'égard du travail a quelque chose de très préoccupant. On assiste à un phénomène curieux: dans un pays où le chômage est un fléau national et touche une partie chaque jour plus importante de la population, ceux qui ont la chance d'avoir du travail semblent s'en désintéresser et n'attendre qu'une chose, les congés et la retraite. Ceux d'entre vous qui sont déjà intervenus dans les "forums des métiers" des lycées pourront le confirmer : les questions des élèves sur les métiers tournent principalement autour des possibilités qu'offre chaque métier d'avoir a) un bon salaire, b) de bons congés, c) une bonne retraite pas trop tardive. Etonnant, de la part de jeunes qui n'ont même pas encore commencé à travailler, même si l'on peut comprendre leur volonté de gagner suffisamment: on ne vit pas de l'air du temps. Ce qui est plus déprimant, et reflète bien l'estime dans laquelle la jeunesse tient le travail, c'est que l'intérêt qu'offre tel ou tel métier au quotidien passe loin derrière les préoccupations matérielles.
Il semble qu'on ait perdu en France la notion de travail en tant qu'oeuvre valorisante de l'être humain. Le Compendium de la Doctrine Sociale de l'Eglisevient jeter un éclairage essentiel sur la valeur du travail, auquel l'Eglise accorde beaucoup d'importance:
"256 Le travail appartient à la condition originelle de l'homme et précède sa chute; il n'est donc ni une punition ni une malédiction. Il devient fatigue et peine à cause du péché d'Adam et Ève, qui brisent leur rapport de confiance et d'harmonie avec Dieu (cf. Gn 3, 6-8)."
St Paul considère que chacun doit avoir à coeur de travailler, afin de ne pas être un poids pour les autres, et de pouvoir partager avec les nécessiteux. Lui-même s'est fait « un point d'honneur » à travailler de [ses] propres mains afin de « n'avoir besoin de personne » (1 Th 4, 11-12)
"ORA ET LABORA": "Le travail humain, finalisé à la charité, devient une occasion de contemplation, se transforme en prière" [...]
[...] "Grâce au travail, l'homme gouverne le monde avec Dieu ;avec lui il en est seigneur. [...] L'oisiveté nuit à l'être de l'homme, tandis que l'activité bénéficie à son corps et à son esprit. Le chrétien est appelé à travailler non seulement pour se procurer du pain, mais aussi par sollicitude envers le prochain plus pauvre [...] Chaque travailleur, affirme saint Ambroise, est la main du Christ qui continue à créer et à faire du bien."
L'Etat n'est pas oublié, qui doit établir les conditions favorables pour que chacun ait du travail (et non le fournir lui-même avec des emplois aidés et autres artifices):
"[...] Le devoir de l'État ne consiste pas tant à assurer directement le droit au travail de tous les citoyens, en régentant toute la vie économique et en mortifiant la libre initiative des individus, que plutôt à « soutenir l'activité des entreprises en créant les conditions qui permettent d'offrir des emplois, en la stimulant dans les cas où elle reste insuffisante ou en la soutenant dans les périodes de crise »."