Stéphane Le Foll a annoncé lundi de nouvelles mesures pour la filière porcine avec un objectif clair : que la France retrouve sa compétitivité. Les industriels dénoncent un prix «politique», fixé hors des contraintes du marché.
C'était un engagement du gouvernement: 1,40 euro le kilo, au minimum. Les éleveurs exigent un tel prix de retrait, qui correspond à la moyenne du coût de production. Mais Cooperl et Bigard, qui représentent à eux seuls 30% des achats du marché du porc en France, ne veulent pas d'un prix fixé par le gouvernement mais par le marché.
Dès la semaine prochaine, de nouvelles discussions vont s'engager autour d'une évolution du système de fixation des prix de la viande. Reste que le problème français est plus profond. Le secteur porcin est aujourd'hui confronté à une concurrence féroce à l'échelle européenne. Des voix s'élèvent chez ses représentants pour demander une politique européenne commune concernant l'exportation de la viande de porc alors qu'un sommet sur l'agriculture est prévu à Bruxelles, le 7 septembre. Mais pourquoi le cochon français est-il à ce point délaissé par nos industriels?
La donne est claire: la France est moins compétitive que ses voisins européens. Troisième producteur de viande de porc en Europe avec 1,9 millions de tonnes produites en 2014, le pays affiche le prix le plus élevé: 1,55 euro le kilo. En Allemagne, le porc est vendu à 1,32 euro le kilo et va même jusqu'à 1,25 euro du kilo en Espagne. Certains industriels préfèrent alors se tourner vers l'étranger.
• Des exploitations plus petites en France
Les exploitations françaises ont un problème de rentabilité. En moyenne, un élevage en France compte 200 truies contre 560 au Danemark et même le double en Espagne! «En 1998, la circulaire Voynet-Le Pensec, a mis un coup à la modernisation nécessaire à notre système agricole, estime Guillaume Roué, de l'interprofession porcine (Inaporc). L'objectif était alors de limiter l'élargissement des élevages. En 2004, on a commencé à voir une inversion de la courbe sur la production de porcs français. Pendant ce temps-là, nos voisins se sont diversifiés, ont augmenté leur productivité et ont agrandi leurs exploitations.» En vingt ans, l'Allemagne est en effet passée de 35 millions de porcs abattus à presque 60 millions l'an passé.
• Une main-d'oeuvre plus chère
En France, un employé du secteur «est en moyenne rémunéré entre 17 et 18 euros de l'heure. En Allemagne, les travailleurs détachés européens sont nombreux et sont payés 5 ou 6 euros de l'heure avec un rythme impensable, c'est du dumping social», précise Guillaume Roué. Le plus grand élevage allemand emploie environ 90% de personnel étranger, avec 20 nationalités différentes, sous le statut de travailleur détaché. La réunification allemande a également boosté le poids du pays dans le secteur porcin. Aujourd'hui, l'Allemagne compte 4340 abattoirs et produit plus de cinq millions de tonnes de porc chaque année.
• Des normes environnementales contraignantes
Il y a quelques semaines, le président de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, Philippe Chalmin, nous confiait que «l'administration française appliquait, selon lui, les normes environnementales de façon plus tatillonne». Autre facteur, la décision allemande de fermer toutes les centrales nucléaires du pays en juin 2000, ce qui a provoqué la mise en place d'un plan sur les énergies renouvelables et le développement d'une nouvelle donne écologique. Une disposition permettant une diversification rapide de l'agriculture du pays.
Maxime Brigand