Laissez venir à moi les petits enfants. En perte de vitesse depuis des années, Libération a lancé un supplément digital pour les enfants, le « P’tit Libé » dont le premier numéro est consacré aux migrants. L’occasion de faire passer la doxa pro-migrationniste du journal et de présenter le sujet sous un angle partiel et partial sous couvert d’expliquer avec des mots simples l’actualité compliquée.
Très graphique, le supplément – évidemment gratuit et sans publicité, donc drapé dans la toge de l’innocence – commence par jouer sur l’identification de ses lecteurs avec un migrant. Une migrante en l’occurrence, et même une fillette issue d’une famille aisée du nord de la Syrie. Une approche plutôt tronquée de la réalité – la plupart des migrants qui déferlent sur l’Europe sont des hommes en provenance principalement des Balkans ou de l’Érythrée, soit de l’Afrique subsaharienne et enfin d’Irak, d’Afghanistan et du Pakistan. Les Syriens ne représentent qu’une infime minorité des demandeurs d’asile, la plupart des réfugiés issus de ce pays étant restés aux abords, à l’est de la Turquie, au Liban ou en Jordanie, espérant que la guerre vienne à s’achever et qu’ils puissent rentrer chez eux. En revanche, nombre de migrants venus pour des raisons économiques se font passer pour des Syriens réfugiés de guerre – un tiers selon les autorités allemandes elles-mêmes. Mais ce choix rédactionnel n’est pas anodin : les Syriens, en tant que réfugiés de guerre, sont mieux vus par la population majoritairement hostile à l’accueil des migrants, surtout s’ils sont des Chrétiens d’orient.
Le sujet est ensuite divisé en courts chapitres avec beaucoup de dessins : la définition du migrant, ses pays d’origine – trois seulement sont donnés à savoir la Syrie, l’Érythrée et l’Afghanistan. Ceux qui sont le plus présents dans le champ médiatique. Puis leurs destinations, les raisons des blocages aux frontières et la situation à Calais. Un petit quiz en quatre questions achève le tout.
Les sujets qui fâchent sont systématiquement évités. Ainsi, à Calais, « les migrants n’ont pas le droit d’aller en Angleterre, alors ils essayent de le faire en secret. Ils tentent de monter dans les camions qui vont en Angleterre sans qu’on les voie, mais se font souvent attraper. En attendant de réussir, ils vivent dans des tentes, dans des conditions difficiles. » Rien sur les réseaux mafieux qui les concentrent et dont les passeurs armés se baladent librement dans les rues, rien sur l’agressivité de plus en plus grande dont font preuve les migrants : ces jours-ci en plus de prendre d’assaut les camions comme d’habitude, ils ont attaqué l’un des bénévoles qui les aidait, le site d’Eurotunnel ou encore une ambulance qui portait secours à une migrante renversée par une voiture. Et la jungle fait tache d’huile dans toute la région, jusque sur les aires d’autoroute picardes ou les trains sur l’axe Amiens-Boulogne. [....]
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