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Gouverner par le chaos, ou savoir pour être libre

Quel livre amèneriez-vous sur une île déserte ? Ou plutôt : quel ouvrage vous paraît-il être d’une urgente utilité dans le désert humain qu’est le Nouveau monde postmoderne ? Indiscutablement, Gouverner par le chaos, dont les auteurs se tiennent volontairement dans un anonymat constructif (la résistance se doit d’être collective), ne se donne pas uniquement comme une analyse concise, informée et solide, mais comme un instrument de lutte, une arme. Le parcourir, c’est non seulement acquérir du savoir, « bien connaître son ennemi », mais aussi, et par-là même, se rendre plus fort.

De quoi s’agit-il ? La thèse part d’un postulat, qui est un constat logique : l’entreprise d’objectivation du monde, qui a commencé avec la révolution scientifique de Galilée et de Descartes, a investi le champ politique. Ce processus de technicisation de la chose publique, d’ingénierie sociale, culturelle, et de « management » des consciences, des corps et des cœurs, a débuté à la suite de la première guerre mondiale, dans les années vingt. La massification de la production et de la consommation a nécessité l’ « étude scientifique du comportement humain », notamment dans le champ de la réclame et du marketing. Très vite, par le truchement des disciplines liées à la psychologie (singulièrement le behaviourisme américain), aux sciences cognitives, à la sémiologie et à la sociologie, les spécialistes du politique ont abandonné l’axiome, devenu caduc, de la confrontation motivée de valeurs représentant des options réelles d’existence, mode opératoire qui prévalait avant la grande boucherie mondiale, pour adopter une approche ambitionnant de parfaire le contrôle et la surveillance des populations. Ce projet est celui, actuellement, de la classe transnationale, qui vise à instaurer un gouvernement mondial régnant sur un agglomérat d’êtres atomisés, déterritorialisés, pour ainsi dire dématérialisés, dont on aura anéanti non seulement toute envie de résister, mais l’idée même de révolte.

Car l’astuce suprême de la tyrannie, comme l’avait bien vu Etienne de la Boétie, est de rendre désirable sa propre servitude, autrement dit de « fabriquer le consentement » à la dégradation radicale des conditions de vie, et même à la suppression de la vie-même, dans le sens où celle-ci se fonde sur l’imprévisibilité, et que le système a pour dessein de tout calculer, de tout anticiper en créant les conditions de la représentation, les causes des réactions, et l’intimité des êtres qu’il cherche à dominer.

Ce petit livre, dense et clair, très didactique, sans concession ni littérature inutile, décrit par le menu les stratégies et les tactiques d’arraisonnement des gens, en fournissant parfois des exemples du cynisme de la caste mondialiste. Ainsi chaque technique est-elle exposée, avec ses conséquences : le marketing et le management, bien sûr, mais aussi la robotique, le cognitivisme, la neurolinguistique, le storytelling, le Social Learning, le reality-building, la RFID (Radio Frequency Identification), les implants corporels, la nanométrie, le profilage, le tatouage numérique, le tittytainment, la technique du pied-dans-la-porte, le Mind Control, le virtualisme etc., toute la panoplie d’un Meilleur des Monde susceptible d’octroyer à chacun le bonheur primitif de se laisser bercer dans les vastitudes de l’imbécillité la plus parfaite.
On identifiera au passage certaines opérations, particulièrement actuelles, par exemple le tsunami propagandiste relatif à des offensives de l’empire, ou des crises économiques sciemment déclenchées, ou bien des actions terroristes chargées d’augmenter angoisse et haine. Car la clé est de parvenir à créer de tels problèmes que la société demande, comme issue, évidemment suggérée par les fauteurs de trouble, une solution chargées de davantage de chaînes et d’esclavage.

Les manipulateurs, en guerre contre tous, sont en mesure, comme aux échecs de prévoir tous les coups, quand l’homme du commun ne peut que réagir.

Cette entreprise, inédite dans l’humanité, du moins, à cette ampleur, projette d’achever enfin l’Histoire, c’est-à-dire le jeu aléatoire de la liberté humaine, laquelle devient seulement effective avec le choc des contradictions, la préservation des frontières, des limites et des altérités. Ce fantasme d’un contrôle universel de l’être ne peut qu’aboutir à l’éviction de la vie, du réel-même.

Le livre se termine par le programme du Conseil de la Résistance (ce qui est beaucoup, en regard du triomphe libéral, mais encore peu par rapport à l’enjeu herculéen), ainsi que par le projet de s’organiser quasi militairement pour investir de façon clandestine les cercles du pouvoir.

Claude Bourrinet
notes

Gouverner par le chaos, Max Milo Editions, Paris, 2010, 9,90€

http://www.voxnr.com/cc/dt_autres/EFFAVZFFlllMEKeTqy.shtml

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