Le 19 septembre dernier à Franconville dans le Val-d’Oise, un bateleur sur le retour, exceptionnel bonimenteur et ancien « résident » élyséen pendant cinq pitoyables années lançait une polémique vite reprise et amplifiée par le système politico-médiatique. Naguère chantre du métissage imposé (qu’on se souvienne de son lamentable discours du 17 décembre 2008) (1), Nicolas Sarközy lança à un auditoire toujours ravi d’être cocufié : « Nous ne nous contenterons plus d’une intégration qui ne marche plus, nous exigerons l’assimilation. Dès que vous devenez français, vos ancêtres sont Gaulois. »
La sortie calculée de l’ancien gouverneur du district hexagonal de l’Occident globalitaire – qui aspire à le redevenir par simple désir d’effacer un formidable échec (battu, pensez donc par Flamby !) – souleva l’indignation des belles âmes. Jamais en reste dans le conformisme le plus rance, l’une d’elles, Laurent Joffrin, répliqua doctement que « la véritable identité française […] est celle du mélange (2) ». Et pourtant, entre le politicien et le journaliste bien-pensant, les divergences ne sont que superficielles. En multiculturaliste zélé, Joffrin penche pour l’intégration tandis que l’ancien président soutient, lui, l’assimilation, ce qui rend les deux discours de 2008 et de 2016 parfaitement compatibles. Quelques jours plus tard, le 24 septembre, à Perpignan, Sarközy ajoutait que « nos ancêtres étaient les troupes coloniales mortes au Chemin des Dames lors de la Première Guerre mondiale, les tirailleurs musulmans morts à Monte Cassino ».
La référence aux Gaulois ne date pas d’Ernest Lavisse et du dessein uniformisateur des caciques de la IIIe République balbutiante (3). Accaparée par le projet prométhéen de forger un type unique d’« homme français », la « République des Jules » privilégia l’antériorité gauloise à une époque où l’origine romaine rappelait trop la présence catholique et l’apport franc l’Allemand détesté. Pour l’occasion, les républicains pillèrent sans hésiter dans les recherches effectuées sur les fonds propres d’un passionné d’archéologie gauloise, l’Empereur des Français Napoléon III.
L’affirmation péremptoire et vaguement historique « Nos ancêtres les Gaulois » connut sa consécration officielle avec la parution en 1959 du premier album d’Astérix. Le petit et courageux Gaulois de l’irréductible village armoricain aurait symbolisé l’âpre résistance de Charles De Gaulle aux menées atlantistes et assimilationnistes alors en cours en Algérie encore française. On ne sait pas en revanche que la formulation contribua à l’arasement voulu des cultures vernaculaires ainsi qu’à l’amalgame fragile et provisoire des populations les plus instruites de l’empire colonial français. Des instituteurs zélés faisaient apprendre à leurs élèves africains, indochinois ou océaniens que leurs aïeux se nommaient Brennus et Vercingétorix au mépris de tout fondement ethno-culturel réel.
Grossière approximation historique, « Nos ancêtres les Gaulois » incarne surtout la formule assimilatrice par excellence qui nie et écarte les cultures populaires. On entend sans cesse que la France aurait une tradition assimilatrice. Erreur, c’est l’immonde et abjecte République qui assure cette funeste et détestable pratique. À l’âge industriel, si elle excluait les cultures régionales et les patois paysans, l’assimilation parvenait parfois avec difficulté à inclure de petites minorités étrangères (italienne, polonaise, espagnole, portugaise…) guère distantes du modèle socio-culturel dominant. Ce contexte n’est maintenant plus valable. « L’assimilation est aujourd’hui un mirage, reconnaît Laurent Joffrin, qui voudrait que les minorités se coupent totalement de leur culture d’origine (4). » Auparavant, si les populations provenant d’Europe acceptaient de se fondre dans la culture française, c’est parce qu’elles y trouvaient de nombreuses correspondances. Ce temps est dorénavant révolu en raison du trop grand écart culturel entre les Européens et des immigrés venus d’Afrique et d’Asie.
Prôner l’assimilation signifie promouvoir et encourager le métissage, c’est-à-dire accepter la fin définitive de la France européenne. Cet effacement s’accompagne de la célébration jusqu’à la nausée des sempiternelles valeurs républicaines parmi lesquelles se place désormais en pointe une affligeante laïcité. Le récent débat sur le voile musulman démontre la difficulté qu’a l’idéologie républicaine de s’extraire de son moule uniforme et centralisateur.
La laïcité et sa manifestation politique, le laïcisme, travaillent à l’indifférenciation du monde, à la réification des peuples et à la marchandisation des cultures. En portant le voile qu’elles estiment être un gage de pudeur, les musulmanes refusent de se prendre pour des « Vercingétorixettes ». Elles ont raison ! Plus elles seront nombreuses à porter hijab et niqab, plus l’opinion prendra peut-être conscience que, d’une part, le « Grand Remplacement » (Renaud Camus) agit au quotidien dans les rues, les transports en commun, les salles de classe, et que, d’autre part, la réémigration sera à terme inévitable.
Dans la bouche du candidat démagogique de la « primaire de la droite et du centre », « Nos ancêtres les Gaulois » instaure la primauté d’une laïcité hostile à toutes les singularités communautaires. Le modeste héritage gaulois se retrouve ainsi instrumentalisé au profit d’une exécrable idéologie cosmopolite. Par-delà les Gaulois, les Grecs, les Romains, les Francs, les Burgondes, les Wisigoths, les ancêtres de la majorité des Français en 2016 n’en demeurent pas moins des Borées !
Georges Feltin-Tracol
Notes
1 : « Quel est l’objectif ? Cela va faire parler, mais l’objectif c’est de relever le défi du métissage, déclarait le futur mec de Carla. Défi du métissage que nous adresse le XXIe siècle. Ce n’est pas un choix, c’est une obligation. C’est un impératif : on ne peut pas faire autrement au risque de nous retrouver confrontés à des problèmes considérables. Nous devons changer, alors nous allons changer. On va changer partout en même temps : dans l’entreprise, dans les administrations, à l’éducation, dans les partis politiques. Et on va se mettre des obligations de résultat.
Si ce volontarisme républicain ne fonctionnait pas, il faudra alors que la République passe à des méthodes plus contraignantes encore. » Qu’en pensent donc les éternels grandes gueules droitardes prêtes à voter une nouvelle fois pour ce sycophante madré ?
2 : Laurent Joffrin, « Sarkozix le Gaulois », dans Libération, le 21 septembre 2016.
3 : Dans les banlieues de l’immigration, les racailles allogènes n’hésitent plus à qualifier les ultimes Européens de France de « fromage » et de « Gaulois » pour exprimer tout leur mépris. Ces deux mots sont honorables et montrent que certains conservent une claire conscience de leur appartenance ethnique. En 1998, dans son Archéofuturisme, Guillaume Faye retournait ce qualificatif et annonçait vouloir remplacer la France multiculturalisée par une Gaule enfin ré-européanisée. C’était bien vu.
4 : Laurent Joffrin, art. cit.