D'un François Hollande à l'autre. Après s'être présenté en ennemi de la finance, lors de son discours du Bourget, le candidat socialiste a endossé hier à la Maison des métallos, à Paris, son costume de comptable. Devant un parterre de journalistes et en présence des leaders du PS, Martine Aubry, Ségolène Royal ou encore Laurent Fabius, François Hollande a présenté ses 60 engagements pour la France. Il en a surtout détaillé le financement. 29 milliards pour résorber le déficit et 20 milliards de propositions nouvelles. "Lucide" sur la crise, le candidat assume les hausses d'impôts à venir.
Le socialiste réfute à l'avance le procès qu'il sent monter à droite. La hausse des prélèvements qu'il envisage est "exactement la même que celle que prévoit le gouvernement actuel", assure-t-il. "Alors que nul ne vienne sur ce terrain-là : laisser penser que la gauche augmenterait les impôts et que la droite les baisserait", met-il en garde. Pour réduire comme promis à 3% en 2013 le déficit, 29 milliards d'euros seront nécessaires. "Le grand débat de cette élection, ce n'est pas les 29 milliards un peu plus ou un peu moins, c'est qui va les payer", martèle-t-il. Il détaille : 17,3 milliards à la charge des entreprises et 11,8 milliards en faisant contribuer les ménages aisés, selon lui. François Hollande tient sa cible : "Ceux-là mêmes qui ont reçu beaucoup, beaucoup trop du président sortant et de la majorité." En clair, les riches. François Hollande ne les a jamais beaucoup aimés.
Mais à droite, on juge que les classes moyennes seront frappées par la hausse des impôts. "C'est un programme essentiellement dédié au matraquage fiscal des classes moyennes", a déclaré Jean-François Copé. Ce dont François Hollande se défend, notamment lorsqu'il évoque sa réforme du quotient familial, qui ne touchera pas les ménages dont les revenus sont inférieurs à "six smic". Le candidat socialiste en profite aussi pour s'en prendre au bilan de Nicolas Sarkzoy : "Ces classes moyennes, elles ont été ponctionnées pendant cinq ans".
Réformes puis redistribution
Pour paraître crédible, François Hollande a assorti sa plate-forme présidentielle de tableaux chiffrés sur le désendettement ou la croissance. Pour 2012, il mise sur 0,5% de croissance puis, pour 2013, sur 1,7%, avant de renouer avec une trajectoire de 2%. Soit des estimations délibérément inférieures à celles de la majorité. "Personne ne me prendrait au sérieux si je prenais comme taux de croissance celui du gouvernement", ironise-t-il. S'il était élu et que l'actuel gouvernement ait finalement eu raison, celui lui permettrait alors de bénéficier d'une cagnotte fiscale. De toute façon, François Hollande prévoit deux temps dans son quinquennat, en cas de victoire : d'abord les réformes de structures, ensuite la redistribution. C'est dans cette deuxième étape, à condition d'avoir les moyens nécessaires, qu'il inscrit notamment l'allocation d'autonomie sous condition de ressources, pour les jeunes.
Si François Hollande a donc tranché et précisé ses propositions, sur le fond, il n'y a rien de nouveau dans les 42 pages du petit livre qu'il a dévoilé. Les propositions étaient déjà toutes connues : elles sont raccord avec le projet du PS, même si certaines ont été rognées, compte tenu du contexte économique. Par exemple les emplois d'avenir : la promesse porte sur 150 000 contrats et non plus 300 000. Comme les postes de policiers : 5 000 sur 5 ans et non plus 10 000. "Quand les objectifs de croissance sont divisés par deux, il faut s'adapter", reconnaît le porte-parole du PS, Benoit Hamon.
Sur France 2, François Hollande a assuré le service après-vente de ses propositions. Avec pour contradicteur le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé. "C'est plus important pour Alain Juppé que pour François Hollande", s'amuse Pierre Moscovici. "Alain Juppé est candidat à Matignon, François Hollande est candidat à l'Élysée". Pour le socialiste, l'exercice avait quand même un objectif : montrer sa solidité face à l'ancien premier ministre. Avec ces échanges, François Hollande a clos une semaine clé pour lui. Il fallait lever les doutes sur sa campagne et répondre aux accusations sur son positionnement. "Il savait que c'était important pour lui", rapporte Manuel Valls.
Le Figaro N°20 991