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Onze millions

par Louis-Joseph Delanglade

On le savait depuis des mois, c’est arrivé : le candidat opposé à Mme Le Pen au second tour a été élu.

Certains, dans les deux camps, mais pour des raisons bien différentes, ont fait mine de croire jusqu’au bout que rien n’était « joué » : les partisans de M. Macron pour mieux instrumentaliser un F.N. réduit au rôle de repoussoir électoral, les partisans de Mme Le Pen parce que victimes de l’illusion démocratique générée par le système lui-même.

Voici donc M. Macron élu. Elu avec 65% des suffrages exprimés. On pourrait ergoter et faire valoir que, compte tenu des millions de non-inscrits et d’abstentionnistes (sans parler des bulletins blancs et nuls), il aura obtenu à peine plus de 16,5% du total des Français en âge de voter au 1er tour et environ 40% au 2nd tour. Ce petit calcul en guise de réponse à M. Bayrou qui fait mine de croire que M. Macron représente deux Français sur trois : disons deux sur cinq au mieux, ce qui donne d’ailleurs une idée assez précise, arithmétique à l’appui, de ce que l’on nomme la souveraineté populaire en France démocratique.

N’importe, foin des pourcentages, il est élu. Et pourtant, malgré quinze jours d’un matraquage médiatique ininterrompu en sa faveur et la coalition de la quasi totalité des politiciens et des membres de la « société civile » au sens large, ils auront été onze millions à dire explicitement non, par leur vote en faveur de Mme Le Pen, à son projet essentiellement financier, libéral et euro-mondialiste. Mieux : malgré la campagne sans envergure intellectuelle, parfois même incohérente et finalement décevante d’une Mme Le Pen, manifestement pas à la hauteur de l’enjeu et de ses propres prétentions, ils auront été onze millions à dire, avec elle, oui à la souveraineté nationale, et non à l’immigration sauvage et incontrôlée.

M. Macron, en bon petit soldat du système, a fort logiquement remporté cette élection. A défaut de vaticiner, on peut penser qu’il ne sera ni un président-fainéant comme M. Chirac, ni un président oublieux de la plupart de ses promesses comme MM. Sarkozy et Hollande; on peut penser aussi que le scénario le plus probable dépend du résultat des prochaines élections législatives : soit il sera contraint à une cohabitation hasardeuse, soit il pourra mettre en oeuvre (ou tout au moins essayer) ce qu’il a dit et que nous avons assez condamné ici même. Cela pourrait même dégénérer, avec M. Macron dans le rôle de M. Hollande, en scénario du pire : voir se réaliser la fiction imaginée par M. Houellebecq c’est-à-dire la désagrégation accélérée du pays, désormais miné par l’islamisme, avec une élection « ethnique » dès 2022. 

Mais ce serait sans compter avec ces onze millions. Cette fois encore, grâce à M. Macron, dont certains affirment qu’il a été piloté par l’Elysée, le système a survécu. Rien ne dit qu’il en sera toujours ainsi. Comme le dit le poète, « lui seul croit encore au long temps de son règne » : onze millions de Français auront pris date pour rappeler que cette fois-ci pourrait bien être la dernière.

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