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  • Pour Henri Guaino, bobos et cathos sont « à vomir »…

    On connaissait les racailles à capuches. Les racailles à loden ne valent guère mieux.

    Il y a parfois de sacrés énervements, mais aussi de saintes colères. La preuve par Henri Guaino, candidat malheureux de la deuxième circonscription parisienne, et éliminé dès le premier tour avec moins de 5 % des voix.

    Ce dimanche dernier, convié sur BFM TV à commenter le premier tour des élections législatives, l’homme s’est donc lâché de la plus belle manière qui soit, assurant que l’électorat l’ayant défait était tout bonnement « à vomir » !

    « Les bobos d’un côté, qui sont dans l’entre-soi de leur égoïsme. Et puis, il y a cette espèce de bourgeoisie traditionnelle de droite. Celle qui va à la messe, qui amène ses enfants au catéchisme et qui, après, vote pour un type qui, pendant trente ans, s’est arrangé, a triché par tous les moyens. »

    Rock and roll sur le plateau ! Les journalistes lui demandent s’il ne s’agirait pas un peu, là, d’une sorte de « manque de respect »… Réponse : « Oui, bien sûr, et alors ? »

    Il est vrai que, dans la circonscription en question, le très en marche Gilles Le Gendre caracolait en tête (41,8 %), loin devant Nathalie Kosciusko-Morizet (18,1 %), laquelle était évidemment soutenue par François Fillon et Alain Juppé, tel qu’annoncé dans nos éditions précédentes. Du coup, Henri Guaino abandonne la politique, non sans en remettre une seconde couche, dès le lendemain, sur LCI.

    Les bobos, rebelote ! « C’est vraiment ce que je déteste le plus dans l’existence… » Et rebelote et dix de der sur cette « droite » donnée pour être « bien élevée » :

    « Cette droite traditionnelle, cette couche sociologique sur laquelle finalement la droite républicaine et du centre s’est repliée après avoir perdu l’électorat populaire, les classes moyennes inférieures. […] Ce qui me choque, dans cet électorat, c’est cette distorsion entre la morale affichée, les valeurs soi-disant défendues et leur comportement.

    Il est un fait que les militants de Sens commun, pourtant fort influents dans ce très chic arrondissement de la capitale, ne se sont guère mobilisés pour Henri Guaino, pourtant naguère aux avant-postes de la Manif pour tous

    Il en est un autre que cet orphelin autodidacte, gaulliste de gauche à la forte fibre sociale, n’a jamais véritablement fait partie de la « caste » ; il en paye aujourd’hui le prix. Dans la dixième circonscription de Rambouillet, Jean-Frédéric Poisson vient d’essuyer semblable camouflet, ne totalisant que 19,12 % des suffrages, contre Aurore Bergé, candidate macroniste poussée à marche forcée par Alain Juppé, qui frôle l’élection dès le premier tour avec 46,63 % des voix.

    Et ce n’est, fort du seul soutien de François Le Hot, candidat du Front national (9 %), que ce rugbyman rugueux, catholique, plus de conviction que de naissance, candidat malheureux à la primaire de la droite et du centre, et alors torpillé par ses meilleurs amis de Sens commun, se prépare à un second tour des plus délicats :

    « Il est en train de se préparer à l’Assemblée nationale une domination sans précédent d’une formation politique dont le projet est flou, dirigé par un président de la République qui dévoile peu à peu ses intentions, qui muselle la presse, qui s’apprête à démanteler le Code du travail, qui, effectivement, installe petit à petit un matraquage fiscal comme jamais nous n’en avons connu…  »

    Trahison des clercs ou peur des bien-pensants, quelles que soient les références littéraires, la réalité est là, tandis que le récent passé s’en revient éternellement frapper à nos portes. Qu’elle se nomme orléaniste, giscardienne, chiraquienne, balladurienne ou macronienne, cette droite conservatrice ne se sera finalement battue que pour la seule conservation de ses petits privilèges. Lutte des classes ? Quelle horreur… Lutte des castes ? On comprend déjà mieux…

    On connaissait les racailles à capuches. Les racailles à loden ne valent guère mieux. Mais, au moins, les premières, de longue date macronisées, luttent-elles pour leurs intérêts immédiats, tandis qu’entre deux génuflexions, les secondes scient la branche sur laquelle elles sont depuis trop longtemps vautrées, regardant disparaître un monde qui leur échappe, telles des vaches qui contempleraient les trains qui passent. Mais quelle importance, tant qu’on peut s’énerver en lisant Yvan Rioufol dans Le Figaro ou acheter le dernier Éric Zemmour, que jamais on ne lira, mais qui sera élégamment abandonné sur la table basse du salon, entre deux vases chinois garantis d’époque ?

    Du « vomi », pour reprendre les propres termes d’Henri Guaino ? Histoire de paraphraser Alphonse de Châteaubriant et le titre d’un ancien journal, aujourd’hui un peu oublié, un seul qualificatif nous vient à la fois à l’esprit et à la glotte : La Gerbe.

    http://www.bvoltaire.fr/henri-guaino-bobos-cathos-a-vomir/

  • Les excès du libre-échangisme et les limites à apporter au libre-échange (4/5)

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    4-Il est légitime de se protéger de l’échange inégal et déloyal

    Cela me conduit tout naturellement à évoquer une troisième limite au libre-échange, qui tient au fonctionnement de l’échange lui-même.

    L’échange est un jeu à somme positive car, sans cela, aucun des partenaires ne passerait de contrat. Mais à ce jeu, il peut y avoir des perdants et des gagnants ou, si tout le monde gagne, certains joueurs peuvent gagner beaucoup et d’autres trois fois rien. Deux types de dysfonctionnements sont à distinguer : l’échange inégal et l’échange déloyal. Ces deux notions sont voisines mais elles ne se recouvrent pas : tout échange inégal n’est pas forcément déloyal et, dans un échange déloyal, les résultats des joueurs ne sont pas forcément inégaux.

    Le premier cas correspond aux situations de monopole ou de position dominante : l’un des partenaires exploite sa position pour passer un contrat certes libre, mais dans lequel il peut imposer ses conditions et son prix. Des situations de ce genre se produisent aussi bien dans chaque pays que dans les relations économiques entre les pays : par exemple, entre les centrales d’achat et leurs fournisseurs, entre une grande entreprise et ses sous-traitants ; ou encore, pour l’énergie et les matières premières, entre un fournisseur ou un cartel de fournisseurs et ses clients – on a pu ainsi parler de la rente pétrolière des pays de l’OPEP et, aujourd’hui, de celle de la Chine avec ses terres rares.

    Dans le second cas, l’échange déloyal, l’un des partenaires (ou les deux) ne respecte pas, ou respecte mal, les termes du contrat. Le producteur fournit un service ou une marchandise de mauvaise qualité, le salarié « se la coule douce », le client ne paye pas ou paye en retard, le prêteur ne fournit pas la somme promise, le débiteur fait défaut. Il y a donc à ce jeu un gagnant et un perdant, quand l’un triche et l’autre pas, ou deux perdants, quand l’un et l’autre trichent, comme le résume la célèbre formule : « ils font semblant de nous payer, nous faisons semblant de travailler ».

    Ces pratiques, qui sont fréquentes, justifient des restrictions au libre-échange : exclusion des tricheurs, représailles commerciales, sélection des partenaires à l’échange afin de n’échanger qu’avec des partenaires fiables, intervention de l’Etat afin de réglementer la concurrence, d’organiser les représailles, la sélection des partenaires, d’empêcher l’acquisition et l’abus des positions dominantes.

    Les avocats du libre-échange semblent, au moins sur le papier, prêts à reconnaître ces limites. Mais il n’en demeure pas moins que dans le monde actuel, façonné par le libre-échangisme, les Etats et les organisations internationales ont été trop peu vigilants face aux dysfonctionnements de l’échange.

    Je prendrai deux exemples : la finance, la concurrence des pays à bas salaires.

    La finance, tout d’abord. Le maniement de l’argent est un métier dangereux qui fait courir à l’économie et à la société tout entière des risques importants. Ces risques justifient des règles, des précautions, des protections particulières : limitation de la taille des groupes financiers afin d’éviter qu’aucun d’entre eux ne devienne, selon l’expression consacrée, trop gros pour faire faillite ; séparation des activités de banque classique et des activités de marché ; surveillance renforcée des risques et des marchés ; contrôle des transactions et freinage de leur développement pour éviter une trop grande fragilité du système financier et limiter la propagation des crises. Force est de constater, au vu de l’histoire financière des trente dernières années et du déroulement de la crise dite des subprimes, que ces précautions ont été perdues de vue. On a trop laissé grossir les groupes ; on a trop déréglementé, par exemple en démantelant, aux Etats-Unis, au cours des années 1980 et 1990, la loi Glass-Steagall de 1933 qui organisait la séparation des métiers bancaires. Et l’on se rend compte aujourd’hui, mais un peu tard, que la libéralisation et l’internationalisation sont allées trop loin dans ce domaine.

    Je voudrais évoquer maintenant la question de l’incidence du libre-échange sur le marché du travail. C’est un sujet particulièrement sensible à propos duquel une controverse est apparue depuis une vingtaine d’années. On peut en résumer les termes de la façon suivante.

    Tout d’abord, on observe dans les pays les plus développés – disons, pour faire bref, les « pays du Nord » – une forte diminution de la demande de travail non qualifié par rapport à la demande de travail qualifié. Il en résulte une tendance à l’accroissement de l’éventail des salaires et/ou une forte hausse du taux de chômage des non qualifiés. Dans le même temps, on a observé une diffusion des technologies de l’information dans tous les secteurs chez les pays riches, une baisse accélérée de l’emploi dans le secteur manufacturier de ces pays et une forte augmentation des importations de biens manufacturés riches en travail non qualifié, en provenance des pays émergents et du tiers-monde, disons les « pays du Sud ».

    Il est évidemment tentant de relier entre eux tous ces faits et d’affirmer que la libéralisation des échanges avec les pays du Sud, en accroissant la concurrence de ces pays à bas salaires, a fait pression sur les secteurs à main-d’œuvre peu qualifiée dans les pays riches en causant des difficultés spécifiques (accroissement des inégalités salariales ou du chômage) pour les travailleurs non qualifiés de ces secteurs. C’est par exemple ce que suggérait dès 1995 un économiste anglo-saxon, Adrian Wood, dans un article intitulé « Comment le commerce pénalise les travailleurs non qualifiés ». Il y présentait notamment un graphique semblant montrer une relation entre l’ouverture au commerce avec les pays du Sud et le recul de la part du secteur manufacturier dans les pays du Nord.

    Un débat statistique entre spécialistes s’est ouvert à ce propos, et il n’est toujours pas clos. Il apparaît que la concurrence des pays à bas salaires est loin d’être le seul facteur explicatif des difficultés pesant sur l’emploi non qualifié. Mais un accord semble s’être fait aussi pour affirmer que cette concurrence aurait eu au moins une part de responsabilité, de l’ordre de 20 %, dans l’évolution récente des inégalités sur le marché du travail dans les pays riches. Cela suffit pour dire que les pays les plus développés sont sans doute allés un peu vite dans l’ouverture de leurs marchés à des producteurs qui, en matière de conditions de travail, d’emploi et de salaires, ne jouent pas le même jeu qu’eux. Des producteurs qui, de surcroît, peuvent tricher sur la valeur de leur monnaie en s’arrangeant pour que celle-ci reste durablement sous-évaluée : c’est le cas depuis de nombreuses années pour le yuan chinois.

    Il est pleinement justifié que les pays avancés prennent des mesures pour limiter les effets indésirables de l’échange inégal et de l’échange déloyal. Ces mesures ne seront pas forcément des protections commerciales au sens classique. Elles ne sont pas destinées à être perpétuelles car les choses évoluent : les pays émergents rattrapent vite nos niveaux de salaire. Mais, en tout cas, ce n’est pas en prétendant, contre toute évidence, comme Pascal Lamy en 2012, que « les ouvriers chinois sont huit fois moins payés que les Français, mais ils sont huit fois moins productifs aussi », que l’on avancera dans la bonne direction.

    Philippe Baccou 23/11/2013

    https://www.polemia.com/les-exces-du-libre-echangisme-et-les-limites-a-apporter-au-libre-echange-45/

  • Législatives : PS, après la défaite, la banqueroute ? - Journal du mardi 13 juin 2017

  • Rois de France, de Balzac, republié par Péroncel-Hugoz : Présentation [I]

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    C'est en 1837 que Balzac publia Rois de France, un ouvrage concis fort intéressant, consacré aux six derniers « Louis » rois de France, de Louis XIII à Louis XVIII. Malheureusement peu réédité par la suite, cet ouvrage était devenu, de ce fait, indisponible, depuis 1950.

    « 1837 est une des plus glorieuses années de Balzac, celle où il publie également Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau », écrit dans sa préface notre confrère Péroncel-Hugoz, qui a pris l'heureuse initiative de faire rééditer Rois de France, au Maroc, par les Editions Afrique Orient. Nos lecteurs peuvent d’ailleurs lire Péroncel-Hugoz ici-même, régulièrement, puisqu’il nous fait l’amitié de sa participation – très appréciée – à Lafautearousseau.

    Nous donnerons quatre extraits de Rois de France, des « bonnes feuilles », dans nos prochaines parutions du week-end :

    I. La « secte » des Encyclopédistes et la décomposition morale des « élites » et de la société au XVIIIème siècle ;
     
    II. Les erreurs de Louis XVI face à la Révolution ;

    III. L'infanticide perpétré à l'encontre du petit roi Louis XVII ;

    IV. Louis XVIII.

    On verra que, même si l'on n'est pas forcément d'accord sur l'intégralité de ce qu'écrit Balzac, et même si l'on peut, parfois, être surpris par ce qui pourrait apparaître comme de la naïveté (les Prussiens auraient voulu « délivrer » Louis XVI ?) des tonalités, des analyses, des développements que l'on verra par la suite chez un Bainville, chez un Maurras sont déjà là, exprimées par Balzac, dès 1837... 

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2017/05/19/histoire.html

  • Les plus anciens Homo sapiens mis au jour au Maroc

    Découvertes : Les plus anciens Homo sapiens mis au jour au Maroc par une équipe internationale dirigée par le Pr Jean-Jacques Hublin de l’Institut Max Planck d’Anthropologie Evolutionnaire (Leipzig, Allemagne) et du Collège de France, chaire de Paléoanthropologie, et par le Pr Abdelouahed Ben-Ncer de l’Institut National d’Archéologie et du Patrimoine (INSAP, Rabat, Maroc). Le Pr Hublin décrypte sa découverte en vidéo.

    Source : Collège de France

    Relire notre numéro d'Éléments n°159 : Le mythe du berceau unique

    http://blogelements.typepad.fr/blog/2017/06/les-plus-anciens-homo-sapiens-mis-au-jour-au-maroc.html#more

  • Quand François Bayrou tente de faire pression sur la liberté d'expression de certains journalistes

    Comme il est aussi garde des Sceaux, Philippe Edouard est obligé de le recadrer :

    "Quelle ne fut pas la surprise du directeur de la cellule d'investigation de Radio France Jacques Monin mercredi 7 juin, lorsqu'il a reçu l'appel du ministre de la Justice François Bayrou. Le fondateur du MoDem était furieux d'une enquête en cours visant des membres de son parti, à la suite des soupçons d'emploi fictifs au Parlement européen, qui ont donné lieu à l'ouverture d'enquête préliminaire. François Bayrou a indiqué au passage étudier avec ses avocats la possibilité d'ouvrir une procédure pénale pour harcèlement, une forme très claire de pression envers les journalistes, selon Jacques Monin. Le locataire de la place Beauvau semble avoir trouvé la parade idéale: c'est le citoyen et non le ministre qui s'est emporté (...)

    C'était sans compter la réaction d'Edouard Philippe, le chef du gouvernement, qui a rappelé en personne le ministre de la Justice aux impératifs de sa fonction. «Le truc est assez simple, quand on est ministre on ne peut réagir comme quand on est un simple citoyen», a tranché le premier ministre, invité sur France Info. «Je comprends parfaitement que l'homme Bayrou ait été agacé, peut-être par la manière dont les questions ont été posées, avec beaucoup de pression, et à des gens qui ne s'y attendaient pas. Je peux parfaitement comprendre ça, et je pense que l'ensemble des Français peuvent comprendre ça… Mais il se trouve que lorsqu'on est ministre on est plus simplement un homme animé par ses passions, ses humeurs ou son indignation»."

    Elle commence bien la moralisation de la vie politique...

    Philippe Carhon

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

  • Autonomie et Tradition

    par Johann Sparfell

    Ex: http://www.in-limine.eu

    « Il ne faut pas agir et parler comme nous l'avons appris par l'héritage de l'obéissance ». C'est ainsi qu'Héraclite introduisit sa pensée sur l'autonomie, sur l'art d'acquérir un esprit libre. Il est en effet possible et même indispensable de lier la notion d'autonomie de celle d'une éducation au travers de laquelle l'on devient soi-même, l'on s'élève. Il est bien entendu que par là nous pouvons ainsi faire référence à la nécessité d'une affirmation de l'être de l'homme et, comme d'une conséquence, de la propre personnalité de chacun en ce monde. Mais serait-ce pour autant une autorisation prêtée à l'individu d'accroître sans cesse, pense-t-il naïvement, ses prérogatives, dans une « limite » de la liberté d'autrui, afin de se soumettre toujours davantage à l'illusion de la jouissance ? Au nom d'un tel dévoiement de la notion d'autonomie, nous avons en fait appris à renier cela même qui en faisait l'élément primordial de l'existence des communautés et des hommes : la Tradition.

    Mais enfin ! Qu'est-ce donc que cette « autonomie » de pacotille dont on nous serine dans nos oreilles les louanges afin de faire de nous des consommateurs « libres » de leurs choix et de leur « vie » ? Bien sûr une illusion, parce que, plutôt que d'être sans limite, elle en a au contraire beaucoup ! Ce n'est point en ce cas une affirmation de soi, mais une affirmation d'une chose extérieure à soi : d'une norme ! Oui, et c'est en cela qu'elle n'est que pure illusion ; il nous faudrait atteindre un certain état par lequel nous nous mettrions en état de suivre un mouvement que nous « participerions » à faire perdurer. « Participer » peut-être ! Mais certainement pas initier. Et encore moins innerver, c'est-à-dire en déterminer le cours, parce que ce mouvement, ce serait nous-mêmes en acte !

    La liberté individualiste, que nous confondons aujourd'hui avec l'autonomie, se mêle inextricablement dans la soupe post-moderne avec l'adaptabilité, la flexibilité, la rentabilité, l'utilitarisme, l'esprit d'innovation techniciste et l'instinct de concurrence ; tout ce qui, en fait, permet au Capital, en tant que rapport social, de faire perdurer l'exploitation des ressorts humains au milieu de l'obsolescence de l'homme, et la domination de classe. Cette « liberté » est un statut, un état fixe et idéalisé, un ensemble de dispositions à atteindre au travers desquels les individus gagnent leur vie. La solvabilité en est par exemple un indice de relative réussite : elle ouvre la voie aux jouissances d'une consommation raréfiée. L' « autonomie » qui lui est liée est en ce cas un simulacre en ce sens qu'elle implique, une fois atteinte, de ne se battre que pour s'y maintenir, seul, et en regard des impératifs d'un procès que l'on ne maîtrise qu'à la mesure de nos renoncements.

    Elles se situent bel et bien là les limites de ce simulacre d'autonomie : à l'horizon bouchée des impératifs d'un économisme totalisant au noms desquels nous nous transformons en entités mécaniques dont le seul but devient de ne point tomber dans le néant du déclassement sociale. Le modernisme a inventé, par l'absolutisme de l'économisme, une nouvelle forme d'hétéronomie qui a su, comme ses prédécesseurs, se voiler des apparats de l'accomplissement humain et d'une certaine forme de rédemption. Or, se « mouvoir », ou plutôt bouger, par l'incitation de cette forme d'hétéronomie ne se résume dans les faits qu'à faire du sur-place en tentant de maintenir les « misérables » acquis dus à notre soumission à l'ordre accumulatif. Lorsque nous y creusons un peu plus, nous y voyons les racines du ressentiment ; d'un ressentiment que l'on ne pourrait croire issu que de ce que l'autre a pu acquérir à notre place, mais en fait provoqué par l'horreur que nous inspire l'image de la futilité d'une quête qui n'est que course vers le néant : nihilisme ! Par lui, nous nous en voulons à nous-mêmes de ne point savoir exister, signe d'une faiblesse inexcusable et d'un manque de savoir-vivre !

    Car l'autonomie, au contraire, est bien d'exister par soi-même : exister, sortir du néant, tout simplement, sans artifice, sans préjugés. L'autonomie n'est pas une fixation en un état supposé idéal malgré qu'elle implique de savoir se donner des limites, des lois, par soi-même. Elle est une dynamique, un processus jamais parfaitement accompli d'auto-détermination. Si l'hétéronomie économiste est un effort d'adaptation à un procès dans lequel il s'avère absolument nécessaire de s'intégrer pour « exister », tout en étant un rapport social de domination en sous-main, l'autonomie est une participation à un flux vital dont l'assomption invite l'être à se fonder en soi-même en tant qu'être libre de sa propre détermination : il s'agit en ce cas d'une intégration dans un tissus de relations communautaires par lesquelles l'on coopère à son propre destin et à celui de son environnement – tant humain que naturel ou artificiel.

    L'hétéronomie économiste est une fixation. L'homme échappe ainsi à son devenir, sa responsabilité, en s'enfermant dans un éternel présent, qui s'avère en réalité être un piège vers une néantisation – l'éternel présent, ou le règne de l'immédiateté, est un univers carcéral où l'horizon se résume en une fuite perpétuelle vers un futur idéalisé qui n'est en réalité qu'adhésion, au sens premier du terme. Plus rien ne fait lien dans un monde où domine une dépendance totale à des impératifs quantitatifs, ni les hommes entre eux – car tous concurrents les uns des autres – ni le passé d'avec l'avenir – car l'un et l'autre sont devenus absolument contradictoires. Se donner ses propres règles, selon la définition de l'autonomie, ce n'est nullement se laisser enfermer selon une prescription commandée par une appartenance de classe ou autres dans une actualité sans fin. C'est fort au contraire dépasser l'actualité afin de donner corps à une connivence toujours possible, toujours souhaitable, entre le passé et l'avenir : participer par conséquent au recouvrement d'un lien intime entre les deux.

    Plutôt que dans le temps, qui est une constante projection vers l'au-delà du réel, ce qui nous rend absolument dépendants du règne de la mesure temporelle, nous devrions nous inscrire dans la durée, qui est une possibilité perpétuellement donnée de pouvoir affirmer son être. Chaque être est en fait une durée singulière, un devenir qui s'étire de son origine à sa finalité, mais s'inscrivant toujours inévitablement dans une plus longue durée au sein de laquelle il devient un transmetteur, le dépositaire d'une traditio. La longue durée est une suite indéfinie d'événements, un processus global du devenir des civilisations, chacune d'elles imbriquée dans le devenir de l'humanité, et où demeurent les archaïsmes : « ce qui ne passe pas » et que l'on tient en réserve afin de dépasser sa propre condition initiale. Les durées singulières se lient les unes aux autres, transposent d'une génération à l'autre le socle sur lequel chacune participera à bâtir l'histoire à sa façon. Et pour ce faire, il est indispensable de pouvoir réellement exister ! Qu'est-ce à dire ? Que chaque homme, chaque communauté, doit pouvoir construire sur de bonnes bases ses propres règles, donc être autonome et ne plus dépendre de l'arbitraire des dogmes.

    L'existence est une élévation, l'acte de se mettre debout et d'affirmer la singularité de son être au milieu de la pluralité contradictoire de ce, et de ceux qui nous entourent. Exister, réellement, a à voir avec l'autonomie ; c'est un acte de volition qui est la condition même de la réalisation de l'autonomie. Lorsque nous nous mettons à exister « pleinement », non de façon désobligée comme aujourd'hui – l'individualisme ne nous engage plus à rien -, nous nous en tenons à une affirmation qui repose en premier lieu et qui a toute chance de pouvoir prendre son essor à partir d'un socle commun. L'existence est un passage : celui du non-être à l'être au croisement du passé et de l'avenir, où règne l'infini et la négation, l'éternel présent – mais ne s'y attardent que les aventuriers de l'esprit, s'y perdent les autres... les insensés ! -, ce qui implique de devoir y adjoindre un sens. L'existence est une dynamique en quelque sorte, dont l'élément moteur est la Tradition : le « socle » commun. Un « élément » dont la primordialité n'a d'égale que le sens qu'Elle apporte aux hommes et à leurs œuvres, un sens partagé de génération en génération par lequel le monde se voit doté d'une signification sacrée en une « durée » où se déploie l'existence, l'indéfinité des existences influant les unes sur les autres en de multiples « écosystèmes ».

    La durée dans laquelle nous nous inscrivons est une épaisseur qui est celle des interrelations par lesquelles il nous est donné de pouvoir construire nos autonomies, tant personnelles que communautaires ; en d'autres termes donc, exister, à chaque instant qu'il nous est donné de pouvoir vivre par soi-même ! A contrario du temps, linéarisé par les besoins d'une foi toute basée sur un type d'homme, que l'on peut s'imaginer telle une meurtrière à travers de laquelle l'on n'a la possibilité de n'apercevoir qu'une frange étroite de la réalité : celle d'objectif qui recule sempiternellement à chaque minute.

    La quête de l'autonomie est en nous comme un besoin vital de réaliser notre vie, d'être pleinement nous-même en accord avec le monde. C'est une dynamique qui se prolonge durant « mille vies » et nous transpose à chaque point de cette durée du non-être à la grâce d'être – dynamique symbolisée par la Croix, l'un des plus vieux symbole en ce monde. Elle est le Mythe, le mythos primordial que ne vient pas de l'homme, mais qui néanmoins perdure en l'homme et le fait être tel lorsqu'il en ressent le devoir, c'est-à-dire tant qu'il a en lui ce désir de s'affirmer pour le bien commun de ceux par qui, et quoi, il existe. Elle est en fin de compte l'expression « vitale » de la Tradition Elle-même, son souffle sacré par lequel les mondes se constituent et se succèdent, prennent sens et épaisseur.

    Mais qu'est-ce donc qu'être autonome sinon être soi-même, devenir soi-même, simplement, parmi les autres ? Être un esprit libre comme ont su le dire Héraclite, Montaigne ou Nietzsche, un « barbare » - un être « simple » - en chemin vers la maîtrise de son existence qui se réfère en toute humilité aux leçons et expériences accumulées par les générations qui l'ont précédées. C'est un accomplissement qui se réalise au nom d'une notion de Bien Commun, d'une notion secrètement portée par la Tradition et qui ne peut dépendre que d'un minimum de préjugés sur l'homme et la nature a contrario du respect de la parole donnée. Comme le disait S. Weill, la vérité est enfouie dans le silence des humbles ; la Tradition y a toujours trouvé son ultime refuge. La Tradition est un appel intemporel pour l'homme à s'extraire et s'élever par lui-même, de par ses propres forces, au-delà du magma informe de l' « indifférencié civilisateur » - j'entends par là la tendance historique à la standardisation massificatrice du processus civilisateur dont le marxisme orthodoxe et le néo-libéralisme, qui sont si proches l'un de l'autre dans les faits, en sont les portes-voix modernes -, donc des préjugés et des « héritages de l'obéissance ». Elle est une Connaissance qui engage à l'empathie, donc à l'autonomie.

    Que pourrions-nous en conclure en somme ? Que la Tradition, loin d'être une sommation à l'inertie et l'impuissance, est fort au contraire une invitation au développement indéfini de nouvelles manière de « voir » le monde et de le faire nôtre, consciemment. Elle n'est pas une vérité imposée d'une « hauteur » inatteignable mais l'invitation à la recherche constante de la vérité. La Tradition est ce qui ne passe pas, telle une clef intemporelle qui est à même de nous élever à la com-préhension, à la lucidité « raisonnable », de ce qui agit dans le monde au travers de nos êtres et constitue celui-ci à chaque instant, à chaque époque singulière. Loin de pouvoir être interprétée Elle-même telle un carcan ou une « vérité » irréfutable sur l'homme, Elle constitue ce qui au contraire peut nous apporter en tout temps la conscience du devoir de construire nos autonomies, celle de la personne comme celle de ses communautés, afin de toujours pouvoir faire surgir, in limine, la nécessité de concevoir un sens commun au milieu de ce qui n'est, en vérité, que chaos, mais chaos riche d'une multitude de possibilités de créations, mais aussi de destructions. Elle est en somme, la richesse des possibles contenue dans l'existence et qu'il nous appartient de mettre à jour à chaque instant de l'histoire, en faisant l'histoire : en composant de nouvelles harmonies, en donnant du sens à nos vies. Elle est un socle bâti par la multitude d'expériences accumulées par l'homme sur lui-même et son devenir...

    La Tradition accompagne donc la marche de l'histoire, en lui donnant l'ouverture indispensable vers l'ensemble des possibles et des révolutions ; Elle ne saurait par conséquent représenter pour l'humanité éveillée un système clos sur lui-même, une injonction théorique idéalisée dans un système religieux, « politique » ou philosophique : « La transformation de l'activité théorique en système théorique qui se veut fermé c'est le retour vers le sens le plus profond de la culture dominante. C'est l'aliénation à ce qui est déjà là, déjà créé ; c'est la négation du contenu le plus profond du projet révolutionnaire, l'élimination de l'activité réelle des hommes comme source dernière de toute signification, l'oubli de la révolution comme bouleversement radical, de l'autonomie comme principe suprême ; c'est la prétention du théoricien de prendre sur ses propres épaules la solution des problèmes de l'humanité. Une théorie achevé prétend apporter des réponses à ce qui ne peut être résolu, s'il peut l'être, que par la praxis historique. Elle ne peut donc fermer son système qu'en pré-asservissant les hommes à ses schémas, en les soumettant à ses catégories, en ignorant la création historique, lors même qu'elle la glorifie en paroles. Ce qui se passe dans l'histoire, elle ne peut l'accueillir que s'il se présente comme sa confirmation, autrement elle le combat – ce qui est la façon la plus claire d'exprimer l'intention d'arrêter l'histoire. »1

    Yohann Sparfell

    Note:

    1Cornélius Castoriadis in L'institution imaginaire de la société, éd. Du Seuil, 1975, p. 101

    http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2017/06/08/autonomie-et-tradition.html

  • La fable d'une "crise morale"

    La crise, selon eux, était une crise morale. Elle ne mettait nullement en cause le système : il fallait, pour mieux le sauver, le "moraliser". Sans doute parce que la France est restée une "nation politique", ce fut Nicolas Sarkozy qui exprima cette thèse avec le plus d'éloquence. Dans son discours de Toulon (25 septembre 2008), il fit en effet très fort. Il flétrit avec une telle violence l'"immoralité" du capitalisme financier qu'il en laissa sans voix la gauche française. Celle-ci avait trop attendu des dividendes du même capitalisme financier pour avoir le réflexe de s'étonner : le capitalisme a-t-il jamais été "moral" ? Or, cette critique "morale" était faite pour occulter les causes fondamentales de la crise et dévier la colère des victimes vers une poignée de spéculateurs. Elle arrangeait ceux qui avaient mis ou laissé mettre en place un système où aucun frein institutionnel n'entravait plus la cupidité de capitalistes cooptés, se distribuant sans retenue salaires faramineux, stock-options, bonus extravagants, retraites-chapeaux et parachutes dorés. La gauche fut comme prise à revers par la violence et l'audace même du discours sarkozyste. Elle ne pouvait - et pour cause - poser la seule bonne question : qui, en effet, avait fait sauter les "freins institutionnels" censés "moraliser" le capitalisme ? Au-delà de la responsabilité des banquiers et des traders, il y a eu celle des politiques, celle des pouvoirs publics qui ont déréglementé à tour de bras, non pas depuis hier, mais bientôt depuis trois décennies. Là était l'indicible ! Sans compter la responsabilité de tous les grands prêtres du "marché" ayant sévi sur toutes les tribunes et dans tous les médias. On n'en finirait plus de dresser le florilège de leurs pâmoisantes oraisons devant le "dieu Marché", et de leurs fulminantes excommunications à l'encontre des dissidents, de ceux qui osaient encore défendre l’État, les services publics, la politique industrielle, etc., alors que, depuis longtemps déjà, avait sonné l'heure de "la fin de l'histoire" !

         Oui, il faudrait un peu de mémoire à ces messieurs, de droite ou de gauche autoproclamée, avant qu'ils ne montent à nouveau en chaire pour nous assener leurs prêches sur la "moralisation" du capitalisme ! Car la critique "morale" vise avant tout à exonérer le système lui-même et à occulter des problèmes autrement plus fondamentaux que la réglementation des bonus (quasi inexistante à ce jour, d'ailleurs) : d'abord l'assainissement du système du crédit et le contrôle des marchés financiers, ensuite et surtout la correction des déséquilibres économiques fondamentaux entre les pays déficitaires (États-Unis) et les pays excédentaires (Chine, Allemagne, pétromonarchies), enfin la réforme du système monétaire international. Ces problèmes ne sont traités au G20 que du bout des lèvres. Les marchés financiers, en effet, sont toujours debout. Ils prétendent plus que jamais tout régenter. Le paradigme néolibéral qui présuppose l'efficience des marchés inspire les mêmes politiques qui ont conduit à la crise : compression des salaires au nom  de la flexibilisation du marché du travail, libéralisation du commerce international, accroissement de la concurrence, réduction des déficits publics, privatisation des services publics, etc. En chemin, on a finalement oublié de les "moraliser"...
         Un problème a chassé l'autre. Après avoir substitué l'endettement public à l'endettement privé pour sauver les banques et conjuré la récession par des plans de relance multipliés, les États, ces bons Samaritains qui s'étaient mis en déficit pour sauver le système, ont vu avec effarement le système se retourner contre eux ! Comme un vol de rapaces, les marchés financiers ont fondu sur les États les plus endettés, notamment dans la zone euro, aimablement gratifiés de l'acronyme PIGS (Portugal, Ireland, Greece, Spain), pour leur faire payer au plus cher le refinancement de leur dette, aiguillonnés en cela par les cris de trois chouettes : les agences de notation. La chouette était, pour les anciens Athéniens, le symbole de la sagesse. Mais est-il vraiment sage de s'attaquer aux États ? Nous ne sommes plus au temps des banquiers de la Renaissance rançonnant les princes impécunieux ! La révolution démocratique fait qu'aujourd'hui, derrière les États, il y a les peuples. Jusqu'où ceux-ci accepteront-ils les plans de rigueur qu'on veut leur administrer ? La logique des trois "chouettes" se laisse aisément deviner : elles expriment l'exigence insatiable de rentabilité du capital. Elles veulent faire payer par le contribuable, les salariés, les retraités, le coût du sauvetage du système. Mais les peuples se laisseront-ils faire ?
         En 2011, Nicolas Sarkozy présidera le G20. Je doute qu'il puisse opérer les remises en ordre qu'il préconise, ne serait-ce que parce qu'il limite lui-même son ambition : "Nous ne sauverons le capitalisme qu'en le refondant, en le moralisant" et que, de cette ambition même, il n'a pas les moyens politiques, ni en France ni, a fortiori, dans le reste du monde. Le président de la République en semble lui-même conscient : "Ou bien nous changeons de nous-mêmes, ou bien le changement nous sera imposé par des crises économiques, sociales, politiques."
    Jean-Pierre Chevènement, La France est-elle finie ?