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Travailleurs détachés : un dossier à faire péter la Macronie

Alors que le nombre de travailleurs détachés explose d’année en année, le gouvernement peine à endiguer ce phénomène, sources de multiples fraudes et d’un dumping social permanent, aujourd’hui parfaitement légal.

« Nome and shame » ! désigner pour humilier, c'est la dernière trouvaille à l'anglo-saxonne de Muriel Pénicaud pour lutter conter les fraudeurs au travail détaché.

Les médias s'emparent de l'expression, les commentateurs glosent sur le côté orwellien de la chose, débattent de l'efficacité réelle ou fantasmée d'un bonnet d'âne décerné aux auteurs de dumping social. Même le MEDEF joue le jeu, en la personne de Thibault Lanxade, son vice-président, qui fait mine de s'inquiéter que « le "name and shame" ne contribue pas à une société apaisée ». Mais il sait que les patrons peuvent dormir paisiblement. En réalité, il s'agit juste de faire diversion, car plus personne ne traite plus le fond du dossier.

Et le fond, c'est l'explosion du nombre de ces travailleurs détachés en France. Explosion en 2017 avec 516 000 travailleurs détachés, soit 46 % d'augmentation par rapport à 2016, hors transport routier. Et une explosion qui suit celle de2016 (+24%),de2015 (+25 %)... En 2008, ils n'étaient qu'un peu moins de 96 000. Ces chiffres pourraient d'ailleurs être multipliés par deux, tant la fraude est massive.

Justement, le gouvernement affirme que ces hausses spectaculaires seraient dues aux efforts des pouvoirs publics pour enrayer le phénomène déclarations plus simples et contrôles en hausse. Peur du gendarme ? Voire. Les URSSAF consacrent au travail détaché 16 % de leurs contrôles. Avec 170 agents dédiés à la lutte contre le travail illégal, sur un total de 13 000 salariés, ça ne ressemble pas franchement à une priorité.

Un million de travailleurs détachés

Et si la ministre du Travail s'appuie sur les chiffres de contrôles de l'Inspection du travail de 2016, ce n'est pas par hasard. En effet, cette année-là, le nombre mensuel moyen de contrôles était de 1 300, contre seulement 965 en 2017.

Pouvoirs d'enquête élargis pour les inspecteurs du travail, coordination inter services accrue, objectifs de contrôle à + 50 %, autant d'ambitions louables. Reste que le « shaming », les amendes qui passeront de 2000 à 3 000 euros par salarié détaché illégalement et de 4 000 à 6 000 euros si récidive, avec menace d'interruption de l'activité d'une entreprise, voire sa fermeture, tout cela ne risque guère de faire peur aux grands groupes on peut bien fermer une filiale dédiée au travail détaché... Cela n'empêchera pas d'en recréer dix.

Sur le fond aucune chance que rien ne change, d'autant que la grande « victoire européenne » de Macron sur la réforme de la directive travail détaché de 1 996 ressemble aussi à un trompe-l'œil. Certes, la France a obtenu en octobre dernier le principe d'une rémunération égale à poste égal et non plus le salaire minimum. Mais les cotisations sociales restent toujours payées dans le pays d'origine. Le dumping social, avec des taux de cotisations sociales variant de 6,6 % à Malte à 33,2 % en France, pourra se poursuivre. En réalité, la réforme de la directive européenne s'est faite a minima et les mesures annoncées en France tiennent plus de l'effet de manche que d'une vraie prise en compte du problème.

Des annonces cache-misère

Ajoutons, pour prendre la mesure de l'inefficacité des réformes Macron sur ce sujet, que le plafonnement de la durée du détachement à 12 mois (promesse de campagne du candidat Macron), ressemble furieusement à un coup d'épée... dans l'eau la durée moyenne du détachement est inférieure à quatre mois. Et de toute façon, cette mesure n'est pas près d'être appliquée Paris a dû transiger aussi sur ce point la nouvelle directive révisée passe de 12 mois à... quatre ans. Et elle n'entrera pas en vigueur avant... 2022, au mieux.

Enfin, Macron a tout bonnement sacrifié le secteur du transport sur l'autel de son « Europe qui protège » la directive de 1996 continuera donc de s'appliquer aux chauffeurs routiers dans l'attente de nouvelles négociations européennes. Voilà un secteur massacré par la concurrence des chauffeurs étrangers, pour qui les notions de repos obligatoire et de retour régulier à la base entre deux missions ne sont que très théoriques. Avec 100 000 véhicules étrangers sur tout le territoire chaque année, selon les professionnels du transport, des contrôles quasiment inexistants, les entreprises françaises sont menacées de disparition... ou d'emploi massif de travailleurs détachés, comme Geodis, filiale de la SNCF, qui emploie massivement des chauffeurs roumains.

Là comme ailleurs, ce sont autant d'emplois dont les 6 millions de chômeurs français ne bénéficieront pas.

Richard Dalleau monde&vie  8 mars 2018

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