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« Cette jonction naturelle entre le patriotisme et la vraie foi »

Actuellement au service du diocèse de Toulon, Julien Langeila embrasse avec fougue ces deux adjectifs, si souvent réputés contradictoires : catholique et identitaire. Il vient de publier chez DMM, un livre sous ce titre.

Dialogue avec Julien Langeila

Julien Langeila, vous avez trente ans. Le titre de votre premier livre : Catholiques et identitaires, claque comme une bannière. Quel est votre parcours personnel ?

Ce sujet me tient particulièrement à cœur parce que je suis un jeune converti. J'ai reçu le sacrement de confirmation en 2013. Je peux dire en grossissant un peu le trait que je me suis converti au catholicisme grâce à un pasteur protestant parlant provençal et célébrant la messe dans la forme extraordinaire (de fait, ce brave monsieur avait inventé sa propre religion) Même si je savais que l'Église n'était pas qu'une ONG pro-clandestins, et qu'il y avait encore des amoureux du Beau et du Vrai en son sein, son allure extérieure - bourgeoise, économiquement libérale ou « mili-pêchu-mytho » - me rebutait assez. Je ne viens pas de ce milieu : j’étais entré en politique sept ans auparavant, à l'Action française puis aux Identitaires, dans une démarche radicale (traiter les problèmes à la « racine » comme le dit bien l’étymologie latine et esthétique.

L'idée de révolution culturelle à droite (réactualisation des mots d'ordre, des slogans, des symboles) m’enthousiasmait. Alors, pensais-je, je n'avais pas fui le « ghetto faf » pour rejoindre un autre ghetto, « les cathos »... Mais le Bon Dieu a été plus fort et j'ai fait le grand saut grâce à sainte Marie-Madeleine la Provençale, après une randonnée détournée de son objectif initial grâce à la beauté de la Sainte Baume, « troisième tombeau de la chrétienté » comme disait Lacordaire [après le Saint Sépulcre à Jérusalem et le tombeau de saint Pierre à Rome]. J'ai donc aussi été converti grâce à un lieu. Et puis j'ai rejoint notre sainte Mère l'Église après quelques dernières hésitations païennes (grecques, bien sûr). Mon réenracinement provençal (donc français et européen), par la connaissance des rudiments de la langue, des contes, des plantes et de l'histoire, participe de cette même radicalité qui m’anime suivant le mot de saint Thomas, selon lequel « l'amour de la patrie appartient à la piété », je me suis réenraciné comme on entre en religion.

Pour vous les catholiques français sont-ils tous identitaires, en quelque sorte par position ?

Par nécessité, oui. Dans les faits, non. Même dans les cercles traditionalistes, les catholiques ne cultivent pas assez l’enracinement local. Peut-être est-ce par défiance vis-à-vis d'un régionalisme assimilé à tort à un séparatisme en puissance, à la violence terroriste ou simplement à la « chienlit » du Larzac ? Si je suis Français, c'est parce que je suis provençal. Bien sûr, il ne s’agit pas de nier notre identité nationale, cette communauté de destin historique « la nation est une unité de destin dans l'universel », disait José Antonio), mais simplement de ne pas la découpler de ses racines provinciales, ce qui serait contre-nature et mènerait à l'idolâtrie de la Nation révolutionnaire. La petite patrie est l’école du patriotisme (l'amour de la France comme la famille est l’école de l’amour. Les catholiques doivent retrouver cet amour du terroir il faut changer radicalement de mode de vie, que ce soit personnellement ou en famille. Cela passe autant par l'alimentation (devenir locavore que par l'histoire (habiter la terre, c'est en connaître l'histoire ou via une démarche naturaliste contemplative (s'enraciner passe par la connaissance des sols qui nous nourrissent, pensons à Gustave Thibon, le paysan-philosophe). Grâce au pape François et à l'encyclique Laudato Si, les lignes bougent. Une dynamique a été lancée, il faut maintenant la mener à son terme l'écologie intégrale ne sera jamais fidèle à ses ambitions d'« intégralité » si elle ne proclame pas que la patrie est l’écosystème des peuples et qu'il faut donc la préserver dans toutes ses composantes ethnique, linguistique, gastronomique, végétale, architecturale, etc.).

Quel est l'enseignement de la Bible sur l'identité ? En parle-t-elle ?

Elle ne fait que ça ! Tout l'Ancien Testament est une épopée identitaire incluse dans une histoire d'amour entre un Dieu et son peuple les Hébreux ne sont pas des « migrants » mais les propriétaires légitimes d'une patrie qui leur a été promise. Leur exode permanent est une démarche d'enracinement, Moïse n'a pas dit « nos grands-parents ont construit les pyramides, l'Egypte est une terre d'accueil, nous sommes tous des immigrés ! » Regardez l'épopée des Maccabées, ce mélange de Spartiates tout droit sortis du film 300, des cristeros et des rebelles écossais de Braveheart leur révolte fut un combat pour la liberté religieuse et une guerre de libération nationale. Il n'y a pas plus bel exemple de cette jonction naturelle - autant que la figue et la guêpe blastophage, l'une ne pouvant vivre sans l'autre - entre le patriotisme et la vraie Foi ?

Quant au Nouveau Testament, le Christ, nous enseigne Dom Gérard, fondateur de l'abbaye sainte Madeleine du Barroux, est « un Homme-Dieu qui a grandi, relié à une terre, à une patrie, à un travail, à une race ». Jean-Paul II ne disait pas autre chose dans Mémoire et identité « le dogme de l'Incarnation appartient à la théologie de la nation ». Pie XII nous apprend même dans l'encyclique Summi pontificatus que le Divin Maître, en pleurant sur la chute prochaine de Jérusalem (évangile selon saint Luc), nous montre l’exemple de la préférence nationale.

Le combat identitaire n'est pas un détournement politique de la religion, comme disent les nouveaux publicains, mais au contraire l'occasion formidable d'approfondir notre foi. Si notre foi n'avait rien à nous dire sur nos convictions présentes, si absolument rien dans notre foi ne pouvait les soutenir, ce serait dramatique. Je le dis souvent l’amour ne se divise pas.

Y a-t-il un enseignement des papes récents sur l'identité ?

Je ne peux pas m’étendre les citer tous, cela reviendrait à réécrire une partie de mon livre. Mais tous les papes de Léon XII à François (certes, plus timidement et surtout pour exalter celle des Aborigènes) ont exalté la vertu de patriotisme.

Faut-il opposer identité et diversité ? Êtes-vous contre la diversité ?

La « diversité » au sens commercial et politique du mot, tel que SOS Racisme et Mc Donald la promeuvent, est un nom de code pour justifier le grand remplacement, c'est-à-dire en réalité la fusion, donc le métissage, c'est-à-dire l’anéantissement de toute diversité. Quelle diversité peut-il bien subsister après le passage de ces marées migratoires, réalisées sous les auspices bienveillants d'une mondialisation libérale qui exalte les identités uniquement quand elles sont hors-sol, à l'image des tribus de consommateurs divisées entre « gothiques » « skateurs » et « hipsters » ? Luttant pour les identités, je suis pour la diversité authentique, celle définie par Dieu lorsqu'il châtia les bâtisseurs de Babel. Benoît XVI, dans L’Unité des nations rappelle bien que la « division de l'humanité en nations est imposée souverainement par Dieu » Quand nous serons tous mélangés (ce qui, Dieu merci, ne peut pas arriver car le vivre-ensemble est un échec pratique), il n'y aura plus de diversité donc plus d'échange possible. Le mélange, c'est la mort de la communication entre les peuples.

On peut vous opposer que l'identité, c'est ce qui, en nous, n'est pas rationnel… Est-ce que vous n'êtes pas en train de défendre un pur préjugé finalement ?

L'identité, c'est ce qui rassemble des personnes « identiques », que ce soit par l'identité sexuelle, culturelle ou socioprofessionnelle. L'identité est d abord une réalité sociologique, un fait social objectif, il n'y a aucun préjugé stupide là-dedans, à moins de penser comme certains juges, fermant les yeux sur le racisme anti-blanc, que « les Français de souche » cela n'existe pas. Ces gens cassent le thermomètre quand la température ne leur plaît pas. Toutefois, la prise en compte de l'identité relève, c'est vrai, d'une forme de préjugé, comme l'avait remarqué le contre-révolutionnaire Edmund Burke, qui faisait d'ailleurs de ce genre de préjugé une « vertu ». Juger la réalité grâce à l'expérience et au bon sens, et non à travers de grandes idées abstraites, c'est la vertu des gens ordinaires aussi bien que des hommes de cour et de cloître. Hélas cette vertu « burkienne » est peu populaire dans les cénacles dirigeants de la technocratie libérale, ce club d'experts qui fait revoter les gens quand leurs « préjugés » leur fait choisir le mauvais bulletin de vote. Ce que Burke appelle « préjugé » c'est tout simplement le bon sens.

Dans l'Église du pape François, une telle défense ne va-t-elle pas à contre-courant ?

« L’Église du pape François », ça n'existe pas. Notre Église, celle de Jésus-Christ, a commencé avec un Simon-Pierre qui, devant les flics mettant les menottes à son Maître et ami, s’est copieusement défilé « C'est pas moi m'sieur ! » C'était pourtant celui-là même auquel il avait été promis « les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle » Alors le pape peut bien proférer des erreurs politiques à propos des migrants, d'autres ont fait pire bien avant lui quand Etienne VI, au Xe siècle, convoque le concile cadavérique et déterre son prédécesseur Formose pour le juger, l'Église de l'époque était-elle celle « du pape Etienne VI ? » Je ne crois pas. On n’est pas forcément d'accord avec le pape François, mais c'est notre père, et nous défendrons toujours la papauté contre les hyènes qui l’ont prise pour cible. Ne croyez pas, cependant, que nous ne soyons qu'un petit nombre à mettre en cause la politique migratoire du pape mon discours rejoint celui de tous les évêques d'Europe centrale et orientale (Mgr Kiss-Rigo de Hongrie, Mgr Hoser de Varsovie, etc.), d'une bonne partie du clergé africain (de Mgr Sarah à Mgr Turkson) et surtout moyen-oriental (l'archevêque de Mossoul, le père Boulad, Mgr Boutros Rahi d'Antioche, etc.) qui n’en peuvent plus de voir leurs diocèses menacés de disparition par l’appel irresponsable de quelques prélats occidentaux à « l'accueil ». Je crois au contraire que le combat identitaire, sur un plan politique, fait partie de cette lame de fond qui traverse l'Église, et au nom de laquelle, chez les jeunes prêtres, « tradis » ou non, on revient à la soutane ou au clergy (identité sacerdotale affirmée) et à une théologie et une morale plus classique. Le XXI siècle sera celui des identités dans l'Église comme ailleurs !

Propos recueillis par l'abbé G. de Tanouarn monde&vie  30 novembre 2017

Julien Langella, Catholiques et identitaires, De la manif pour tous à la reconquête, préface abbé G. de Tanoûarn, éd. DMM 354 pp. 22 €.

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