Par Alain Sanders
Les jours derniers, Macron aura eu l’occasion de faire étalage de ses sympathies idéologiques et plus à l’égard de trois disparus qui auraient plutôt mérité qu’on les enterrât sans en faire des tonnes.
Ainsi en va-t-il de Michel Charasse que Macron tutoyait et qu’il prit soin de décorer avant le passage de la camarde. On ne s’arrêtera pas longtemps sur ce franc-mac à la Belphégor, fanatique au point de se faire une gloriole de ne jamais mettre un doigt de pied, quelle que soit la circonstance, dans une église (et parfois de façon ostentatoire comme lors de la messe pour Mitterrand). Ainsi en va-t-il de Hervé Bourges, porte-coton de Ben Bella, qui en pinçait tellement pour l’Algérie fellouze qu’il en demanda la nationalité. Avant de revenir en France, la queue entre les jambes, mais le verbe haut, quand les choses tournèrent mal pour ses amis politiques algériens. Il avait choisi les fells contre la France ? On fit de lui le souverain pontife de la secte télévisuelle.
Macron a dit toute l’admiration, voire l’affection, qu’il portait à ces deux personnages. Mais c’est surtout pour Jean Daniel qu’il se sera surpassé dans l’enflure et la flagornerie. Avec rien de moins qu’une cérémonie d’hommage national aux Invalides où ne devraient être honorés que nos soldats et de grands serviteurs de la France (cf l’article de Camille Galic, Présent du 28 février). On me dira : qu’attendre d’un Macron qui a béatifié le traître communiste Maurice Audin ? Soit. Mais Jean Daniel aux Invalides, je dois dire que ça me reste en travers de la gorge.
En une sorte d’oxymore involontaire, Macron a salué en Jean Daniel « une grande conscience de la gauche » et salué « la justesse visionnaire de ses analyses ». Alors qu’il se sera quasiment trompé sur tout, l’Algérie, Castro, la politique intérieure française, et même sur la gauche, et plus que tout sur la France et son roman national. Ce qui n’a pas empêché Macron, qui a les mêmes problèmes que Jean Daniel avec la France et son histoire, de décrire le sinistre – au sens latin du terme – Nouvel Observateur comme « un journal qui fut de tous les combats, de toutes les conquêtes, de tous les progrès ».
Pendant la guerre d’ Algérie, Jean Daniel, natif de Blida hélas, ira si loin dans sa danse du ventre avec le FLN – il sera d’ailleurs inculpé à deux reprises pour atteinte à la sûreté de l’Etat – qu’Albert Camus, avec lequel il avait eu des relations d’amitié, rompra avec lui. D’où l’indécence supplémentaire, lors de la cérémonie des Invalides, d’avoir lu un texte de Camus, ce qui a constitué une sale petite entourloupe à la mémoire de ce dernier, pied-noir fidèle aux siens et à sa petite patrie charnelle, lui. Il aurait été plus avisé, en l’occurrence, de lire un texte de Castro que Jean Daniel visita à Cuba.
Il faut prendre la mesure de la déchéance dans laquelle on est tombé : un Jean Daniel aux Invalides, ce qui a été refusé à un héros français comme Roger Holeindre... Un Jean Daniel, journaliste militant et, du même coup, membre du conseil supérieur de l’AFP, membre du conseil d’administration du Grand Louvre, membre du Comité consultatif national d’éthique (sic). Comme Hervé Mohammed Bourges avait été patron de ce CSA chargé de dire l’alpha et l’oméga de qu’il faut dire et ne pas dire à la télé... Jean Daniel « un exemple » pour tous les journalistes selon Macron. Sûr qu’avec des « exemples » comme Hervé Bourges et Jean Daniel, il ne faut pas s’étonner que les Français se détournent – et plus encore – des médias... Comme il serait temps que ce carrousel ininterrompu de nécrologies élyséennes nauséeuses (plus d’une centaine depuis 2017...) marque le pas.
Source : Présent 5/03/2020