Par Laurence Daziano*
Cette épidémie entraîne une crise économique mondiale inédite car elle combine à la fois un choc d’offre (la production est stoppée) et un choc de demande (le confinement empêche de consommer). Nous ne sommes ni dans la crise de 1929 (crise monétaire) ni dans celle de 2008 (crise financière) : les remèdes qui avaient servi à juguler ces deux crises ne sont pas les réponses adaptées. Les conséquences économiques, industrielles, sociales ou politiques sont encore inconnues dans leur ampleur, de même que le temps nécessaire pour les résorber et les traces qu’elles laisseront sur la société. Les réponses apportées pour répondre à cette crise doivent être fortes et originales, notamment pour soutenir puis reconstruire notre tissu industriel dans la nouvelle compétition mondiale qui s’ouvre.
Si la mondialisation a démontré certaines limites, elle ne sera fondamentalement pas remise en cause. Elle a permis de sortir de la pauvreté la moitié de l’humanité, de baisser la mortalité infantile de 50 % depuis 1990 et a soutenu le pouvoir d’achat des Occidentaux grâce à la production manufacturière au moindre coût. Dans ce cadre, la France doit s’employer à rebâtir son industrie. Maintenir un tissu industriel sur le territoire et préserver une souveraneté dans des industries stratégiques sont devenus un impératif économique.
Il faut rebâtir le cadre d’intervention dans lequel notre industrie évolue. L’Etat doit y jouer un rôle d’orientation et de financement des filières stratégiques. Les grands fleurons industriels français sont nés dans le giron public, de Saint- Gobain, héritière de la Manufacture royale des glaces, à nos grandes entreprises énergétiques. Un « MITI » français pourrait regrouper, comme au Japon, l’industrie et la recherche dans un ministère unique pour faciliter le pilotage. Une Agence de la reconstruction industrielle (ARI) serait créée et financée par une quote-part de la CSG. Elle aurait pour mission d’investir dans les programmes de recherche. Le MITI aurait la tutelle de l’Agence des participations de l’Etat qui prendrait une participation de 10 à 15 % au capital de toutes les industries stratégiques françaises, notamment les industries pharmaceutiques et numériques. Les investissements initiaux seraient remboursés, à terme, par les dividendes générés et la création de valeur. Un chef de file serait désigné dans chacune des filières, par exemple Orange dans le numérique ou EDF dans les énergies. Enfin, des seuils minimaux de localisation des productions stratégiques seraient fixés sur le territoire national, afin de garantir notre souveraineté industrielle.
La politique industrielle de la France ne devra céder ni à la crainte de l’intervention de l’Etat, ni aux dogmes de la concurrence, mais trouver sa propre voie. Comme l’écrivait John Maynard Keynes, « la difficulté n’est pas de comprendre les idées nouvelles, mais d’échapper aux idées anciennes ».
(*) Laurence Daziano, maître de conférences en économie à Sciences Po, est membre du Conseil scientifique de la Fondapol.
Source : Les Echos 7/04/2020