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Les chiffres tronqués de l'immigration; purification comptable et blanchiment statistique

Les chiffres tronqués de l'immigration.jpegL'immigration en France, c'est un peu comme le chômage dans feu l'Empire soviétique. Ça n’existe pas. Sinon dans le cerveau reptilien de Français ataviquement racistes. Un fantasme ! Voyez les chiffres… C'est que les démographes officiels ont un truc, un peu comme les magiciens. Ils font disparaître les immigrés de leurs statistiques. Mais pas de la réalité.

Autruche (politique de l’) : relatif à la politique migratoire de la France. Ou comment ne pas voir que les flux migratoires explosent. Partout. Sauf dans les données officielles, celles que fournissent l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) et l'Ined (Institut national d'études démographiques), où, année après année, ils ne dépassent jamais le seuil dangereux des 10 % de la population. Merveilleuse stabilité.

Il y a une raison à cela. À l'heure de l'antiracisme triomphant, Tartuffe s'est fait statisticien. Couvrez ces immigrés imaginaires que je ne saurais voir, cela fait venir de coupables pensées. Le héros de Molière a donc inventé le blanchiment statistique en proscrivant les critères ethniques des recensements, au prétexte que c'est là - horresco referens - « un moyen d'expression du racisme », comme l'avoue cyniquement Hervé Le Bras, le Lyssenko en chef des études démographiques, l'homme qui traque la bête immonde jusque dans les chiffres.

Ces chiffres, dont le grand démographe Alfred Sauvy disait qu'ils étaient pareils à « des êtres fragiles, qui, à force d'être torturés, finissent par avouer tout ce qu'on veut leur faire dire ». Nous, on a introduit une nuance - on les torture pour qu'ils n'avouent rien. Imaginez un enquêteur de police qui efface les unes après les autres les traces du crime, vous avez l'Insee et l'Ined réunis, experts es lissage de données. Car ici, on n'ausculte pas, on occulte. Curieux enquêteurs qui ont inventé le déni statistique. Des immigrés entrent dans les équations différentielles des ordinateurs de l'Insee et de l'Ined, ils en ressortent par l'un de ces tours de passe-passe digne des plus grands magiciens - Français. De la prestidigitation numérique, on vous le dit, la statistique officielle, qui fait disparaître l'immigration de ses bases de données. Abracadabra ! Et le tour est joué.

Il y a bien quelques démographes dissidents qui font entendre un autre son de voix au sein de l'institution, mais on ne les écoute guère. Ainsi de Michèle Tribalat. Cela fait quelques années déjà qu'elle n'adhère plus au panglossisme qui règne dans les études démographiques, mais il lui restait encore à franchir le Rubicon du démographiquement incorrect. Elle vient de le faire avec Les Yeux grands fermés, livre accablant qui retrace l'histoire d'un aveuglement, celui qui entoure les chiffres de l'immigration en France. C'est une divine surprise, qui aurait dû prendre date avec l'histoire de France, ou du moins ce qu'il en reste après le tsunami migratoire, si les médias avaient bien voulu ne pas accueillir son livre autrement que par un silence embarrassé. Comment aurait-il pu en aller différemment tant il rétablit la vérité sur les chiffres - explosifs - de l'immigration en France. Ce que tous les Français voient quotidiennement. Tous ? Non ! Pas les journalistes-autruches qui résistent, mais seulement à l'évidence (c'est tellement plus confortable). La position de Michèle Tribalat, directrice de recherche à l'Ined, donne pourtant à ses travaux une légitimité à laquelle nul d'entre nous ne peut prétendre. Mais voilà, l'auteur des Yeux grands fermés, qui fut longtemps opposé aux analyses du Front national, vient finalement leur donner une base scientifique. Impardonnable.

« On a l'impression, écrit-elle, que l'Insee, sur ces sujets, manie les chiffres comme il le ferait de la nitroglycérine ».

Prenez le solde migratoire, mesure indépassable de l'immigration. Il est censé mesurer la différence entre les entrants et les sortants. Elémentaire ! Sauf qu'ici, la plupart des entrants sont des immigrés et la plupart des sortants des nationaux qui s'expatrient. Comment d'ailleurs mesurer les uns et les autres, sachant qu'en France, on n'enregistre pas les sorties ? On les estime donc. À la louche. C'est ainsi que selon les « calculs » de l'Ined, ledit solde migratoire devrait être quasi-nul. Comme la chose est peu crédible, l'institut a donc procédé à des réajustements, en le fixant arbitrairement à + 50 000, puis après 2 004 à + 65 000, avant de le plafonner à + 100 000.

La démographie, c'est de l’approximographie

Comment arrive-t-on à ce chiffre ? Nul ne le sait. Et d'ailleurs comment le saurait-on quand l'Insee lui-même estime qu'entre 1,5 et 3 % de la population échappent au recensement (soit tout de même de 900 000 à 1,8 million d'individus, dont on se doute bien qu'il ne s'agit pas de Français parfaitement insérés). À cet égard, Jean-Paul Gourévitch, autre spécialiste, rappelle dans Les Africains de France(1) que la cité des 4000 à La Courneuve, qui n'abritait selon les statistiques officielles, que 28 % d'étrangers, comptait en réalité... 90 % de jeunes d'origine non-métropolitaine. Selon le même auteur, il y aurait aujourd'hui en France, si l'on inclut les populations originaires des DOM-TOM et d'Haïti, 8 millions d'« Africains en France ». Ils étaient moins d’1 million en 1945. Mais chut !

On connaît en réalité le nombre d'entrées légales par les préfectures de Police. Elles ont explosé ces dix dernières années (alors qu'on nous expliquait que l'immigration baissait), en provenance principalement des pays dits tiers (hors UE), la plupart situés en Afrique - 215 000 en 2003, 193 000 en 2007 (hors mineurs). Entre le recensement de 1999 et celui de 2006, l'accroissement de la population immigrée a été de 700 000 personnes. Et ce sont là les chiffres de l'Insee. Autrement dit, on est en train de retrouver l'emballement migratoire des années soixante-dix. Sauf que c'était hier une immigration de travail. C'est aujourd'hui une immigration de peuplement.

L'auto-engendrement des flux familiaux, nouveau régime migratoire

Selon Michèle Tribalat, plus de 60 % des personnes entrant sur le territoire national comme conjoints de Français rejoignent en fait une personne d'origine étrangère dans le cadre de mariages endogames (on est très loin du mythe des mariages mixtes censés prouver une intégration réussie), occasion d'une régularisation. C'est la raison pour laquelle la démographe en vient à parler d'un « nouveau régime migratoire, celui de l'auto-engendrement des flux familiaux ». Car l'immigration n'est plus, mais alors plus du tout, reliée aux flux de main-d'œuvre. En 2007, seulement 7 500 entrants légaux ont obtenu leur permis de séjour au titre du travail. C'est la fameuse immigration choisie chère à Sarkozy, mais qui ne parvient pas à dissimuler que l'immigration est de plus en plus subie.

L'auteur des Yeux grands fermés estime que l'immigration a représenté près de la moitié de la croissance démographique française lors des quarante dernières années du XXe siècle. Ce qui fait dire à Eric Zemmour que « notre dynamisme démographique est branché sur le moteur à explosion maghrébin et africain ; les dissimulations imprécatoires des Lyssenko de l'Ined n'y changeront rien.(2) » Mais ces Lyssenko ont transformé la démographie en science de l'approximographie, et fait de l'immigration le nouveau débat interdit. Défense d'en parler, sous peine de reductio ad hitlero-racistum. Dès lors, mieux vaut tordre le cou à la réalité migratoire pour la faire coïncider avec la vision angélique que l'on en a. C'est l'opération d'exorcisme statistique à laquelle se livrent les démographes de l'Ined et de l'Insee, avec la bénédiction des pouvoirs publics. Ainsi va le monde des Bisounours, édifiant sur du sable une Babel radieuse, avec de gentils descendants d'esclaves et des fils d'esclavagistes repentis. Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil.

Dans La France africaine(3) parue il y a dix ans, Jean-Paul Gourévitch avait isolé trois scénarios. Le « scénario rose », qui se résume à la politique officielle de la France - « Tout va très bien, madame la Marquise. » Le « scénario gris », une sorte de banalisation désenchantée de l'immigration, sur fond de deuil des illusions assimilationnistes, puis intégrationnistes « Tout va très bien, madame la Marquise. Pourtant il faut, il faut que l'on vous dise. On déplore un tout petit rien. » Le « scénario noir » enfin, celui qui se profile à l'horizon : « Apprenant qu'il était ruiné (...) Monsieur l'Marquis s'est suicidé/ Et c'est en ramassant la pelle/ Qu'il renversa toutes les chandelles/Mettant le feu à tout l’château/ Qui s’consuma de bas en haut ». Mais à part ça, madame la Marquise, tout va très bien, tout va très bien !

François Bousquet Le Choc du mois mai 2010

A lire:

Jean-Paul Gourévitch, Les Africains de France, Acropole, 480 p., 21 €. )

Michèle Tribalat, Les yeux grands fermés. L'immigration en France, Denoël.224 p., 19 €.

1. À lire du même les très instructifs : L'immigration, ça coûte ou ça rapporte ? Larousse, 160 p., 9,90 € ; Le coût de la politique migratoire de la France, Les monographies de Contribuables associés, 94 p. (téléchargeable sur www.contribuables.org).

2. cf. Mélancolie française, Fayard-Denoël, 2010.

3. Le Pré aux Clercs, 2000.

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