L’Union européenne veut notre bonheur. De gré ou de force. Qui oserait en douter ? Elle veut le meilleur pour nous et elle sait, elle, ce qu’est ce meilleur pour nous, n’hésitant pas à nous le rappeler à l’occasion. À ce titre, Frau Ursula von der Leyen est un modèle. Un modèle allemand, il va sans dire. Récemment, dans un souci hygiéniste qui fait honneur à sa nation, elle nous a expliqué comment il fallait se laver les mains. On attend, d’ailleurs, la suite avec impatience.
Certes, sur ce coup du coronavirus, elle (l’Union européenne) n’a pas été vraiment au rendez-vous. Elle a laissé l’Italie se dépatouiller toute seule mais, c’est promis, la prochaine fois, elle fera mieux. À condition qu’il y ait plus d’Europe : c’est un peu le principe de base. Si la peste bubonique revient dans nos contrées, elle offrira des crécelles en plastique fabriquées en Chine. Cela dit, elle peut bien faire ça, l’Union européenne, vu que c’est avec nos impôts qu’elle vit. Mais on n’en est pas encore là.
Là, maintenant, faut penser à comment en sortir, de cette crise du coronavirus. Et Mme von der Leyen vient de faire une nouvelle recommandation. Finalement, un peu dans la lignée de celle faite au lavabo. Les vieux – pardon, les seniors -, faut qu’ils restent confinés au moins jusqu’à la fin de l’année. Voilà, c’est dit. Pas comme ça, parce qu’on ne parle pas comme ça dans les locaux aseptisés de l’Union européenne, mais c’est tout comme. « Sans vaccin, il faut limiter autant que possible les contacts des seniors », explique la dame de Bruxelles au quotidien allemand Bild. « C’est difficile, mais nous devons rester disciplinés et patients », ajoute-t-elle. Ah, la discipline allemande, y a pas à dire, c’est quelque chose !
Déjà, une question : c’est qui, au fait, les seniors ? Prenez, par exemple, au hasard, Michel Barnier, qui bosse à Bruxelles pour l’Union européenne : 69 ans au compteur, c’est un senior. D’accord, lui, ça compte pas, car il a été testé positif (donc testé, lui…) en mars dernier. Autre exemple, alors : Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères : 73 ans le 30 juin prochain. On en fait quoi, de Le Drian ? Confinement au Quai d’Orsay ou retour dans ses foyers ? Et nos sénateurs ? Plus de 53 % d’entre eux ont plus de 61 ans. Confinement au palais du Luxembourg ? Avec assistance médicale et tout et tout ? Peut-être que, parmi tous ces seniors, il s’en trouvera quelques-uns pour protester et suggérer au gamin de l’Élysée qu’il calme les bonnes intentions d’Ursula aux blanches mains.
Alors, c’est quoi, la prochaine idée lumineuse ? Comme les seniors seront confinés et que, par conséquent, ils consommeront moins, feront moins de voyages en paquebot, rouleront moins en bagnole, pourquoi ne pas réduire leurs pensions à la stricte nécessité (le mot est d’actualité) ? Une belle façon de contribuer à l’effort national, non ?
Bien entendu (on ne peut l’imaginer que comme ça), Frau von der Leyen ne vise que le bien des vieux (en gros, 20 % de la population de l’Union européenne) en voulant les confiner au moins jusqu’à la trêve des confiseurs. Elle affirme, toujours dans le Bild, « espérer » le développement d’un vaccin par un laboratoire européen (c’est quoi, un laboratoire européen ? Français, allemand, italien, que sais-je ?) « vers la fin de l’année ». Elle espère. L’espoir fait vivre. Entre-temps, les plus vieux seront morts de confinement. Autrement dit de solitude. Avec l’Union européenne, on meurt guéri.