L'annonce était présentée ce 12 mai, par et pour la CGT, comme une bonne nouvelle. Mais il convient d'y voir plutôt un signe très négatif pour le site industriel normand et son avenir. Les vrais syndicats, affiliés aux centrales professionnelles et non marxistes, déploraient tous en effet, de la CFDT à la CFE-CGC en passant par FO, que l'usine Renault de Sandouville ne puisse rouvrir avant le 22 mai. Cet établissement vient de subir deux mois de fermeture. Celle-ci avait été imposée par le seul confinement général du 16 mars. Il restera cependant toujours bloqué depuis le 11, date du début de déconfinement. Renault Sandouville se situe donc au rebours des efforts de tout un pays pour relancer son activité productive et nourricière, endommagée par la débâcle technocratique face au virus.
L'Humanité trompe ses lecteurs en prétendant de manière répétitive que "la justice suspend l’activité à Renault Sandouville pour risques liés au Covid-19". Juridiquement, en vérité, le tribunal qui a décidé le 7 mai, sans possibilité d'un appel suspensif, que le site restera fermé ne s'est prononcé qu'en considérant un minuscule vice de forme.
Ce 12 mai le journal communiste allait plus loin. Il cherchait à mettre en cause ses adversaires : au-delà de leurs opinions, il vise les hommes. Titre de l'article : "Poussée de fièvre chez les anticégétistes". Et comme l'un d'entre eux, Gilles-William Goldnadel, a osé s'exprimer dans Valeurs actuelles, horresco referens, on orne cette courte revue de presse à charge, d'une photo de l'intéressé délicatement choisie, fumant un cigare. Rien ne manque dans les divers registres de grossièreté que le stalinisme a toujours utilisés.
Vite lu, le texte permet cependant de comprendre que les critiques ne viennent pas seulement de ceux que feu Georges Marchais aimait à brocarder en tant que "réactionnaires fieffés".
La ministre du Travail, L'Express, le ministre de l'Économie et les syndicats non communistes font tous la même critique : le blocage de la reprise de l'activité est considéré tout simplement comme nuisible pour le pays.
Ah mais le PCF entend ici culpabiliser une fois de plus ceux qu'il présente pour des adversaires de classe. Le camarade député Jean-Paul Lecoq au nom du Parti en est encore à prétendre défendre une "priorité absolue à la santé". Comme si personne d'autre n'y songeait !
Tout un imaginaire de gauche raisonnera toujours en effet comme si le méchant capitalisme devait restait figé dans l'imagerie affreuse des romans de Zola, supposé description objective comme si la richesse des riches se nourrissait par nature et nécessité de la misère des misérables.
Au nom de son misérabilisme abstrait, la CGT, le PCF, la FSU comme les activistes de SUD, toutes ces métastases du communisme, s'emploieront toujours à constituer le front des destructeurs. Et après s'être comportés pendant des décennies comme les premiers ennemis des considérations environnementales légitimes, ces gens se préoccupent désormais de rallier, dans l'union du camp destructeur, les écologistes, leurs anciens ennemis...
Mais on doit bien comprendre aussi que ce syndicat des destructeurs ne peut fonctionner qu'en se révélant, d'une manière qui peut paraître paradoxale, mais qui résulte en fait de l'essence même du marxisme, le destructeur des syndicats eux-mêmes...
Ceci apparaît dès la rupture de 1846 entre Marx et Proudhon.
Ceci se confirme dans le mépris qu'après 1871 Marx et Engels manifestaient pour ceux des ouvriers français, exilés à Londres, engloutis et broyés dans l'échec de la Commune de Paris.
Les marxistes, Lénine et Trotski compris bien entendu, ne se sont jamais intéressés qu'aux ouvriers métaphoriques, pas aux ouvriers réels.
Ainsi durant la révolution russe, c'est-à-dire après le coup d'État du 7 novembre – 25 octobre dans le calendrier julien, – après que la démocratie ait été doctrinalement condamnée, en décembre, par les thèses de Lénine, puis, après que le 6 janvier 1918 elle ait été officiellement liquidée, dans la pratique, après l'unique réunion de l'Assemblée constituante le 5, le pouvoir soviétique brise toute notion de liberté syndicale ouvrière comme il empêchera toute possibilité d'émancipation paysanne.
Nous disposons pour cela d'un étalon de l'opinion effective des travailleurs russes : le Vijkel. Ce sigle désignait le Comité exécutif panrusse du syndicat des travailleurs du rail, la plus forte organisations syndicales russes. Le secteur se montrait essentiellement imprégné de particularités corporatives, ce qui constitue la légitimité même de cette liberté syndicale d'association, condamnée par le Code pénal napoléonien de 1810, au nom de l'idéologie jacobine.
On dispose des chiffres de la composition idéologique du Vikjel élu à l’été 1917 : sur ses 40 membres, on comptait seulement 3 bolcheviks, contre 26 socialistes de diverses tendances, – dont une majorité de "SR", le parti qui l'emporta aussi aux élections de la Constituante et 11 sympathisants du parti KD. Autrement dit les ouvriers russes réels étaient 4 fois plus favorables au centre droit qu'au communisme.
En Russie, la direction du Vikjel est d'abord critiquée par les communistes pour sa tentative conciliatrice au lendemain de l’insurrection d’Octobre. Elle cherche à s'allier avec ce qui sera considéré comme l’aile droite de la direction bolchevique, Kamenev, Zinoviev et Rykov. Elle tente de promouvoir l'idée d'un gouvernement composé de toutes les tendances socialistes, ce qui l'ouvre aux mencheviks et aux socialistes-révolutionnaires dits "de droite", ceux qui ne reconnaissaient pas la légitimité d'un pouvoir se réclamant des soviets, mais qui ne va pas tarder de leur ôter soute représentativité et toute consistance autre que bolchevik au lendemain du coup de force.
Certes Lénine l'emporta. Son pays porte encore les stigmates de la Terreur qui en résulta pendant 70 ans. Voilà le modèle de la CGT.
JG Malliarakis
https://www.insolent.fr/2020/05/la-cgt-ennemie-du-travail-francais.html