Camélia, on ne se connait pas, mais je tenais à te dire que par certains côtés, nous sommes un peu sœurs. Moi aussi j’ai les cheveux frisés. Moi aussi, mon père est d’origine algérienne. Moi aussi, j’ai chanté pour la victoire de François Hollande (mais moi j’ai une excuse, je picole toujours les soirs d’élections, même pour les Miss France).Par certains côtés donc, du moins « ethniques » et « capillaires », nous sommes un peu sœurs. Sœurs de souffrance en ce qui concerne les cheveux, parce que, je te l’accorde, c’est chiant quand il pleut. Toi, il parait que « quand tu portes tes cheveux frisés, tu ne te sens pas en sécurité face à un flic en France ». C’est ton ressenti, il t’appartient et tu as tout à fait le droit de l’exprimer. Personnellement, jamais un policier n’a émis le moindre jugement sur ma coiffure, et même quand j’ai un brushing impeccable, je ne peux pas exclure tout à fait l’hypothèse que les forces de l’ordre s’en foutent royalement.
Là où nous sommes différentes, Camélia, c’est que toi, tu as grandi dans une jolie villa dans le Var, alors que moi, je viens d’une moche citée de la banlieue lyonnaise. Là où nous sommes différentes, Camélia, c’est que toi, tu retournes certainement avec plaisir dans ta jolie villa alors que moi, j’évite de remettre les pieds dans mon ancien quartier, aujourd’hui gouverné par les dealers. Car vois-tu, quelle que soit ma coiffure, c’est au milieu de certains enfants de mes ex-voisins, que je ne me sens pas « en sécurité », surtout dans les périodes de rodéos sauvages.
Là où nous sommes différentes, Camélia, c’est que toi tu déclares vivre dans un monde où « des hommes et des femmes qui vont travailler tous les matins en banlieue se font massacrer pour nulle autre raison que leur couleur de peau ».
Moi je vis dans un monde où la violence est malheureusement très présente. Quand elle est policière, même si elle est le fruit d’une minorité, elle est hautement condamnable mais surement tout autant que celle, quotidienne, qui s’exerce sur les flics, qui se font insulter et caillasser. Et dans « mon monde », il n’y a pas des hordes de policiers assoiffés de sang qui massacrent d’innocents travailleurs du matin, des paisibles mères de familles et des étudiants pressés. Ou alors, dans un jeu vidéo peut-être. Mais au fait, ça fait combien de temps que tu n’as pas mis les pieds en banlieue Camélia ?
Nous avons besoin d’apaisement, d’éducation, de retour aux règles, nous avons besoin qu’un message de raison soit délivré partout, avec fermeté et respect.
Nous n’avons pas besoin qu’une jeune bourgeoise en manque de frissons victimaires viennent jeter de l’huile sur le feu et attiser une haine qui couve depuis trop longtemps déjà. Nous sommes presque au point de non-retour, il y a des drames, des gens qui souffrent vraiment de part et d’autre. Il y a des policiers qui se suicident, de rage, d’impuissance et de désespoir, avec leur arme de service. Il y a des habitants de quartiers qui sont abandonnés, entre incivilités, rodéo, règlements de comptes et trafics de drogue.
Alors, si tu as quelque chose à dire, de juste et d’honnête, qui prenne en compte la difficulté de la situation, si tu as quelque chose à proposer pour faire avancer les choses, vraiment, vas-y. Propose un débat à Castaner, il te répondra certainement sur twitter quand il aura terminé ses rdv avec Cyril hanouna et Aya Nakamura.
Mais si ta démarche consiste juste à mettre de l’huile sur le feu parce qu’il est de bon ton en ce moment d’être dans une posture victimaire raciale : arrête ! Tu nous fais du mal, tu fais du mal à la France. Ce pays dirigé par « de vieux mâle blancs riches » comme tu dis, c’est le tien comme le mien, c’est le nôtre, il ne va pas bien mais il mérite mieux que ces déclarations irresponsables de pompiers pyromanes.
Pour le reste, vas chez le coiffeur régler ton problème « d’insécurité capillaire », ou fais comme moi, attache-toi les cheveux. Tu verras, ça aère le cerveau.