« Je suis tellement honoré par l’incroyable lettre que m’a adressé Viganô. J’espère que tous, qu’ils soient croyants ou non, la liront ! » Twittait Donald Trump le 11 juin.
La lettre ouverte à Donald Trump de Mgr Viganô, ancien nonce à Washington dont les prises de positions traditionalistes ont déjà défrayé la chronique, peut difficilement être majorée « Ces derniers mois, nous avons assisté à la formation de deux camps opposés que je qualifierais de bibliques les enfants de la lumière et les enfants des ténèbres », ces derniers occupant souvent « des positions stratégiques au sein des gouvernements, au niveau politique, économique et dans les médias. Ces deux camps sont établis selon la séparation nette entre la postérité de la Femme et celle du Serpent. D'un côté, il y a ceux qui, bien qu 'ils aient mille défauts et faiblesses, sont motivés par le désir défaire le bien, d'être honnêtes, d'élever une famille, de travailler de donner la prospérité à leur patrie, d'aider les nécessiteux et, dans l'obéissance à la Loi de Dieu, de mériter le Royaume des deux. D'autre part, il y a ceux qui se servent eux-mêmes, qui n ont aucun principe moral, qui veulent démolir la famille et la nation, exploiter les travailleurs pour s'enrichir à outrance, fomenter des divisions internes et des guerres, et accumuler du pouvoir et de l'argent pour eux, l'illusion fallacieuse du bien-être temporel cédera un jour - s'ils ne se repentent pas - au terrible destin qui les attend loin de Dieu la damnation éternelle. »
Expliquant que ces forces obscures peuvent facilement s'identifier au « deep state » que Trump combat, et qu'elles agissent de plus en plus à découvert, faisant avancer leurs idéaux maçonniques en utilisant tour à tour la grande peur du coronavirus et les émeutes mondiales à propos d'un fait divers américain, Viganô salue en Trump « un président qui défend courageusement le droit à la vie, qui n'a pas honte de dénoncer la persécution des chrétiens dans le monde entier qui parle de Jésus-Christ et du droit des citoyens à la liberté de culte ». Et de demander que tous prient pour le président qui s'oppose au Nouvel Ordre Mondial, pour son pays et pour toute l'humanité devant « cette énorme attaque de l’Ennemi ».
Que Donald Trump ait cru utile de recommander la lecture de cette lettre à ses millions de suiveurs, au risque de se faire passer pour un illuminé, est pour le moins saisissant. L'a-t-il fait pour des raisons électorales, comme certains l'affirment ?
Si on veut dire que le thème de l'avortement reste très présent dans les campagnes électorales américaines - et sur ce plan, Donald Trump a fait davantage que promettre, il a réellement agi en faveur de la défense de la vie - que ce soit par le biais des subventions des nominations à la cour suprême, les prises de position de LifeSite, volontiers présentées comme radicales par les grands médias sont très loin d'être partagées par l'électorat dominant. Au demeurant, LifeSite ne craint jamais de critiquer la politique plutôt pro-LGBT de Donald Trump.
Vigaro contre Vatican II
Ce qui se révèle dans cette affaire, c'est la présence de catholiques convaincus dans l'entourage du président des États-Unis, notamment dans son équipe de communication, et le principe selon lequel la lutte contre un ennemi commun aussi puissant et dangereux que la faction des « enfants des ténèbres » qui veulent révolutionner le monde pour aller vers un Nouveau Désordre Mondial requiert l'union des forces pour le bien.
Aujourd'hui, dans sa lettre à Trump, Mgr Viganô évoque l'existence d'une « deep church » à l'instar du « deep state » elle « trahit ses devoirs et renonce à ses engagements propres vis-à-vis de Dieu ».
Dans un article plus récent publié par Chiesa e postconcilio, Mgr Viganô va encore plus loin, citant des principes énoncés par Vatican II ou leur suite logique comme responsable des « déviations doctrinales, morales, liturgiques et disciplinaires » que nous connaissons depuis le Concile. Et de dénoncer les tentatives de corriger les « excès du Concile » par l'invocation d'une « herméneutique de la continuité ».
Il qualifie « l'esprit du Concile » de « matrice hérétique » avec une dimension propre, soulignant qu'aucun autre concile de l'Église catholique n'a fait naître un « esprit du concile » : « La raison est claire ces conciles étaient tous, sans distinction, l'expression de la voix unique de notre Sainte Mère l'Église, et pour cette raison même de Notre Seigneur Jésus-Christ. »
Il est clair que le jugement de Mgr Viganô sur la situation de l’Église aujourd'hui et son lien avec Vatican II a évolué, comme il le dit lui-même :
« Je l'avoue avec sérénité et sans polémique : j'étais l'un de ceux, nombreux, qui malgré pas mal de perplexités et de craintes - qui s'avèrent aujourd'hui absolument légitimes - ont fait confiance à l'autorité de la Hiérarchie avec une obéissance inconditionnelle. En réalité, je pense que beaucoup, et moi parmi eux, n’ont pas envisagé au départ la possibilité d'un conflit entre l'obéissance à un ordre de la Hiérarchie et la fidélité à l'Église elle-même. Ce dernier pontificat a certainement rendu tangible la séparation contre nature, je dirais même perverse, entre Hiérarchie et Église, entre obéissance et fidélité. »
Le pontificat de François a ceci d'intéressant qu'il oblige à des choix clairs.
Jeanne Smits Monde&Vie 20 juin 2020