(La nébuleuses libéral-conservatisme
Si la famille libérale, en France, n'est guère représentée politiquement parlant - seul Valéry Giscard d'Estaing a réussi à lui sortir la tête hors de l'eau, un septennat durant -, elle est en revanche assez dynamique sur le plan associatif. Une myriade de laboratoires d'idées et de groupes de pression soutient des idées de liberté, de responsabilité individuelle, de refus de l'étatisme. Elles se connaissent toutes et entretiennent entre elles des relations faites d'amitié, mais aussi de concurrence - libéralisme oblige ! On trouve de tout dans ces associations libérales le meilleur et le pire, le chic et le populaire, l'anticonformiste et le politiquement correct... Visite guidée.)
Au pays libéral-conservateur coexistent plusieurs grandes associations qui ont en commun leurs modes et leurs moyens d'action. Toutes rassemblent plusieurs dizaines de milliers de membres qu'elles amènent, en organisant des campagnes de pétitions massives, à faire pression sur les pouvoirs publics et sur les élus. Le recrutement passe essentiellement par des campagnes de marketing direct qui permettent aussi de recueillir des dons, le nerf de la guerre garantissant l'indépendance des associations.
La plus importante d'entre elles est sans conteste Contribuables associés, qui, présidée par un ancien chef d'entreprise, Alain Mathieu, revendique 130 000 adhérents. Créée en 1990 par Alain Dumait (ancien propriétaire de l'hebdomadaire Les 4 vérités) sur le modèle des associations antifiscales suédoise et américaines, elle pratique un marketing musclé, à l’anglo-saxonne, à coups de lettres choc envoyées tous azimuts et d'opérations de communication destinées à toucher à un très large public : le demi franc, devenu demi euro, qu’on porte à la boutonnière pour symboliser ce qui vous reste quand l’État a pris sa part, c'est eux, les bagnards qui défilent devant Bercy le jour symbolique où les contribuables cessent de travailler pour l’État, c'est eux aussi; l'argus parlementaire qui note les députés en fonction des lois qu'ils votent, c’est toujours eux. Des méthodes qui choquent parfois, mais qui sont efficaces.
L'association Sauvegarde Retraites, présidée par Pierre Labarre et dirigée par Marie-Laure Dufrêche, déléguée générale, travaille avec les mêmes méthodes que Contribuables associés. Et avec la même efficacité. Soulignant la faillite annoncée de notre actuel système de retraites et son injustice foncière, Sauvegarde retraites, qui revendique 80000 membres, milite pour un système de retraite plus libre - dans lequel chacun pourrait opter pour la retraite de son choix plus responsable - où les caisses de retraites rendraient des comptes à leurs affilés, et plus juste - avec une retraite proportionnelle à l’effort fourni. L’association a mis au jour le scandale des régimes spéciaux, débusqué ceux des retraites d'Outre-mer des réversions des retraites des parlementaires; « Nous-menons actuellement une campagne pour que deux syndicalistes de la fonction publique - dont le secrétaire CGT de la fonction publique - soient exclus du Conseil d'administration de la CNAV c'est-à-dire du régime général, où ils ont été cooptés et sont censés représenter les salariés du privé ! », explique Pierre-Edouard du Cray directeur des publications de Sauvegarde-Retraites.
Remédier aux dérives du système judiciaire
Présidée par Claire Polin et animée par Vincent Laarman, SOS Education veut « combattre les corporatismes qui cherchent à contrôler l’Éducation nationale ». En clair, les syndicats d enseignants sont sa bête noire. Militant pour une réforme complète du système éducatif français et pour le retour à des méthodes d'enseignement « de bon sens », elle mobilise ses 80 000 adhérents sur des sujets liés à l’actualité, menant campagne contre les plus mauvais manuels scolaires ou pour l’abandon de la méthode globale d'apprentissage de la lecture. Non sans succès, s'il faut en croire les auteurs du livre Main basse sur l’école publique Eddy Khaldi (conseiller fédéral de l'UNSA-Education) et Muriel Fitoussi, qui accusent l’association d'exercer une influence jugée pernicieuse sur le ministre, Xavier Darcos. « Nous sommes complètement indépendants à l’égard du pouvoir politique, précise cependant Aldric Boulangé, porte-parole de SOS Education. C'est pourquoi nous avons soutenu la réforme des programmes du primaire engagée par Xavier Darcos, et critiqué sans ménagement celle du lycée, qui était catastrophique. »
Pour alimenter la réflexion, SOS Education a engendré un Institut de recherche indépendant pour l’Éducation (IRIE) dirigé par David Mascré, qui publie des études et analyses sur des thèmes historiques, philosophiques ou d'actualité, depuis Causes et origines du déclin de l'université française (David Mascré) jusqu'à Violences scolaires, le témoignage de l'histoire (Philippe Conrad), en passant par Les liaisons dangereuses de l’École et de l'art contemporain (Christine Sourgins pour ne citer que celles-là.
Dernière née de ces associations, l'Institut pour la Justice (IPJ), présidée par Marie-Laure Jacquemond-Laarman, épouse de Vincent Laarman, s'est donné pour but d'« analyser les graves dérives de notre système judiciaire et de proposer des solutions simples pour y remédier ». Le comité d'orientation de l'institut est présidé par Philippe Schmitt, père d'Anne-Lorraine Schmitt, assassinée en 2007 par un violeur récidiviste. Un référendum sur la justice lancé sur Internet avec son appui, a recueilli en quelques jours plusieurs dizaines de milliers de réponses.
Henri Lemoine monde&vie 21 février 2009 n° 807