Tout d’abord, ce que ce texte n’est pas : il n’est pas une discussion sur le bienfondé de la décision de reconfiner (qui serait assimilable au concept de vie nue développé par Mme C.Delsol dans un beau texte du 23 octobre COVID-19 : on abolit l’existence à force de vouloir protéger la vie nue. Il n’est pas plus une discussion sur les modalités de ce reconfinement.
Il se veut une réflexion sur les intox et les présupposés toujours hystéricisés ayant amené la macronie à décider d’un nouveau confinement. Il ne sera donc pas question non plus de tous les autres mensonges, à commencer par ceux entourant l’usage de l’hydroxychloroquine, qui demanderaient à eux seuls déjà tous les tomes d’une Comédie humaine.
Mensonge et hystérie avant la décision de reconfinement : contentons-nous d’examiner successivement trois catégories :
- Les mensonges sur l’impréparation de la France
- Les mensonges sur les données chiffrées
- L’hystérie constamment distillée par toutes les prévisions retenues pour la prise de décision
I- Mensonges sur l’état de préparation de la France qui aurait tirer profit de l’expérience de la première vague :
- « Oui, nous serons prêts» répond M.Macron le 14 juillet à la question « S’il y a une deuxième vague qui arrive, est-ce que cette fois-ci, nous serons prêts ? »
- « Si une pression sanitaire trop forte devait se faire sentir, nous avons en tout cas anticipé, sécurisé nos capacités de réponse» rassurait M. O .Véran en conférence de presse le 27 août (https://www.gouvernement.fr/point-de-situation-sur-l-epidemie-de-covid-19-du-27-aout-2020.
- « Si la situation le nécessite, ce sont donc 12000 lits de réanimation qui pourraient être disponibles pour accueillir près de deux fois plus de patients en même temps que lors de la première vague » disait le même M.Véran lors de la même conférence (J.Castex a annoncé aux partis politiques le 27/10 qu’il y avait 6400 lits de réanimation).
- «L’hôpital est prêt à faire face » répétait encore M.Véran le 21 octobre, à la Une du journal Les Echos, juste une semaine avant l’annonce du reconfinement pour raisons d’engorgement hospitalier.
II- Mensonges sur les données chiffrées, toutes accentuées pour faire peur :
- 200 lits occupés par les réanimations covid dans le département des Bouches du Rhône, annonce M.Castex le 24 septembre pour justifier l’annonce de la fermeture des bars et restaurants, courbe sur son compte Twitter à l’appui. Les chiffres gouvernementaux réels donnent le chiffre de 121 lits occupés.
- « Hier, nous avons eu 527 décès» indique M.Macron dans sa dernière exhibition télévisée du 28/10 : Vérification immédiate avec les chiffres gouvernementaux : 288 décès à l’hôpital.
En réalité, les morts des EHPAD ne sont comptabilisés que tous les quatre jours de façon groupée. Ce qui a permis à M.Macron d’exhiber son beau score, gonflé et donc faux.
- « Hier, nous avons dénombré près de 3000 personnes en réanimation, soit plus de la moitié des capacités nationales » déclare encore M.Macron le 28/10 à propos du nombre de malades covid en réanimation. Mais si, comme l’a dit M.Castex, le nombre réel de lits en réanimation est de 6400, près de 3000 personnes ne peuvent pas représenter plus de 50% de cette capacité. Ceci étant, M.Castex dans sa présentation du plan de reconfinement à l’Assemblée nationale le 29/10 disait aussi : « Aujourd’hui, 60 % des lits de réanimation sont occupés par des patients souffrant de la covid-19 ». 60% de 6400 lits, cela fait 3800 malades covid en réanimation. Le Président et le Premier ministre ne sont même pas capables d’être d’accord à 24 heures d’intervalle. C’est vous dire la finesse de l’analyse gouvernementale. Ca suscite la confiance.
- « A ce stade, nous savons que quoi que nous fassions, près de 9000 patients seront en réanimation à la mi-novembre, soit la quasi-totalité des capacités françaises» déclare toujours M.Macron le 28/10. Alors, capacité de 6000 ? de 6400 ? de 12000 ?, de 9000 ?
Le sujet du taux d’occupation réel des lits de réanimation a été passé en revue par un article de la cellule Checknews de Libération intitulé : L’indicateur du taux d’occupation des lits de réanimation est-il gonflé ?
La réponse est claire et nette : oui, les taux sont gonflés. Explications :
« Le taux d’occupation des places en réanimation est calculé en rapportant au nombre de lits initial en réanimation (un peu plus de 5000) tous les patients atteints du Covid-19 hospitalisés «en soins critiques»… une catégorie qui va au-delà des seuls patients en réanimation. En clair, les autorités présentent un taux d’occupation des services de réa… qui prend en compte des patients qui ne sont pas dans ces services.
En effet, depuis le début de la crise du Covid-19, les communications officielles utilisent le terme «patients en “réanimation”» pour désigner tous les patients atteints du Covid-19, placés en soins critiques. C’est-à-dire dans les services de réanimation à proprement parler, mais aussi en unités de soins intensifs (SI) ou en unités de surveillance continue (SC).
Selon des chiffres de 2019 diffusés par la Drees, on comptait alors en France environ 5 400 lits en réanimation, près de 6 000 en soins intensifs, et plus de 8 000 en surveillance continue. Comment les patients souffrant du Covid et admis en soins critiques sont-ils répartis dans ces différents services ? Mystère. On connaît, chaque jour, le nombre de patients Covid en soins critiques (plus de 3100 à ce jour). Mais pas la répartition. Et donc pas le nombre de patients Covid occupant des lits en réanimation ».
- « Jamais depuis un siècle et les vagues épidémiques de la grippe espagnole, la France, l’Europe et le monde n’avaient été confrontés à une crise sanitaire aussi grave et aussi dévastatrice que celle que nous traversons depuis près de dix mois désormais» a encore affirmé avec un rien de grandiloquence M.Castex le 29/10 à l’Assemblée nationale.
Nous avons pourtant deux points de comparaison (en prenant comme bases 36 000 morts covid actuels en France dont le nombre, c’est vrai, va encore croître et 1,2 millions de morts dans le monde) :
- La grippe asiatique de 1957 a provoqué entre 1 et 4 millions de morts dans le monde et entre 12 et 100 000 morts en France ; soit un équivalent, ramené proportionnellement aux populations actuelles, d’environ 30 000 morts en France et 5,2 millions dans le monde.
- La grippe de Hong-Kong en 1969 a provoqué environ 1 million de morts dans le monde et 31 000 morts en France ; soit un équivalent, ramené proportionnellement aux populations actuelles d’environ 41 000 morts en France et 2,1 millions dans le monde.
Donc, au total, des ordres de grandeur tout à fait comparables, rien de quoi s’extasier –pour le moment- sur le covid.
III- Enfin, des prévisions toujours catastrophiques.
- Revenons à J.Castex le 24 septembre à propos des mesures prises à Marseille. La courbe prévisionnelle qu’il a présentée pour les malades covid en réanimation dans le département des Bouches-du-Rhône préannonçait 940 malades au 27 octobre. La réalité ? 194 malades covid en réanimation dans ce département, une exagération de près de cinq fois.
- Macron, dans son adresse du 28 octobre, à propos des lits de réanimation : « Du reste, quand bien même nous pourrions ouvrir beaucoup plus de lits et malgré l’effort de doublement que nous avons réussi qui peut sérieusement vouloir que des milliers de nos compatriotes passent des semaines en réanimation avec les séquelles que cela implique sur le plan médical ? ». Or, il a été fréquemment dit que de grands progrès avaient été faits pour soigner les malades en stade avancé, leur éviter souvent la réanimation, ou au moins l’intubation (« A la place, les médecins pratiquent l’oxygénothérapie, qui consiste à administrer de l’oxygène aux patients de manière nettement moins invasive : Deux petits embouts qu’on met dans le nez, c’est extrêmement léger”), et que au surplus, les durées d’hospitalisation avaient été sérieusement écourtées. Encore une dramatisation.
- Et enfin, l’affirmation de M.Macron le 28 octobre : « Nous pourrions – certains le préconisent – ne rien faire, assumer de laisser le virus circuler. C’est ce qu’on appelle la recherche de « l’immunité collective » c’est-à-dire lorsque 50, 60% de la population a été contaminée. Le Conseil Scientifique a évalué les conséquences d’une telle option. Elles sont implacables : à très court terme cela signifie le tri entre les patients à l’hôpital. Et d’ici quelques mois c’est au moins 400 000 morts supplémentaires à déplorer ».
M.Macron n’ayant pas explicité son raisonnement, nous allons devenir des scientifiques distingués à l’aide d’un article du Figaro qui s’attache à comprendre cette question importante : Ces modélisations qui ont convaincu Emmanuel Macron de reconfiner. On y apprend que ce chiffre de 400 000 est issu de modélisations produites par l’Institut Pasteur et publiées le 9 septembre.
Vous pensez que l’art de la modélisation est difficile ? Pensez donc : pour arriver à cette estimation de 400 000 morts, il suffit « de considérer qu’il a fallu dans le contexte français 30 000 morts pour obtenir 5 % d’immunité collective » et ensuite d’appliquer un prorata pour atteindre 65% d’immunité collective : 30000 *65 /5 = 390 000 pour être précis. Une bonne vieille règle de trois fait donc l’affaire.
Or, de façon intéressante, l’article du Figaro rappelait aussi que des travaux de l’Imperial College de Londres avaient estimé en juin que le premier confinement en France avait permis de sauver 690 000 vies. Les bases de calcul étaient un taux de mortalité (1,26%) et un taux de pénétration du virus de 90%.
Remarquons qu’il y a une variable autre que le taux de pénétration du virus, c’est le taux de mortalité. On va en reparler. Mais repartons des 690 000 vies de l’Imperial College. Si d’une part, on choisit un taux de pénétration du virus de 65% (au lieu de 90%), cela conduit à un chiffre de 500 000 vies (690000 * 65 / 90). D’autre part, choisir un taux de mortalité un peu plus faible (comme l’a fait l’institut Pasteur selon ce qui est indiqué dans l’article), soit 1% comme hypothèse, cela conduit à 400 000(498000 / 1,26), soit le chiffre de M.Macron. La boucle est bouclée..
En faisant varier ces deux paramètres, on aboutit au chiffre qu’on veut. Retenons par exemple, un article de juin 2020 (c’est-à-dire au moment même où l’Imperial College utilisait le taux de 1,26) sur le site pourlascience.fr, et sans doute pas plus bête que d’autres, faisait état d’un taux de mortalité du virus compris entre 0,5 et 1%. Si on prend 0,75% : nous arrivons alors au chiffre de 300 000 vies. Et on pourrait continuer.
Mais ces projections sont purement hypothétiques. Alors essayons une autre méthode en faisant deux comparaisons plus concrètes :
La première comparaison avec la situation des Etats-Unis. On se rappelle qu’il n’y a pas eu de ricanement assez méprisant (et les airs de chattemite du professeur Salomon quand il commençait chaque soir par le chiffre des décès aux Etats-Unis) pour moquer la gestion du covid aux USA, considérée comme en-dehors de tout contrôle. On peut donc en conclure que la situation là-bas doit assez ressembler à la catastrophe annoncée pour la France hors décision de confinement. Or, quels sont les chiffres actuels de l’épidémie aux USA par rapport à la France ? Il y a actuellement 70 décès pour 100 000 habitants aux USA, plus qu’en France où il y a pour le moment 54 décès pour 100 000 habitants. Soit une différence de 29%.
Mais notons que l’hypothèse du chaos extrême et des 690 000 morts cités par l’Imperial College aurait correspondu pour la France à environ 1000 décès pour 100 000 habitants, soit quand même un écart de quatorze fois plus que le réel constaté aux USA (70). Autrement dit, soit la situation aux USA n’est pas aussi incontrôlée qu’on l’a répété, soit les estimations de l’Imperial College étaient belles mais inopérantes.
Deuxième comparaison : le cas de la Suède, étudié à partir d’un autre article produit par la cellule Checknews de Libération et intitulé Les prévisions de Ferguson, qui ont conduit de nombreux pays à se confiner, étaient-elles fantaisistes ? Un M.Ferguson qui, en passant, fait partie de l’Imperial College. Extrayons la phrase clé de cet article :
« ce modèle voyait la Suède payer cher pour l’absence de confinement, avec 40 000 décès par Covid-19 au 1er mai et 100 000 au mois de juin ».
Or, la Suède n’a pas confiné et son taux de décès actuel pour 100 000 habitants est de 58, tout à fait comparable à celui de la France (soit 6000 décès à fin octobre en Suède à comparer à l’hypothèse des 100 000 dès juin).
Terminons cette revue par ces quelques remarques complémentaires tirées d’une Tribune signée par plus de 300 professionnels et scientifiques de diverses disciplines et de divers horizons qui se déclarent atterrés par les discours officiels dramatisant indûment la réalité afin de justifier des mesures de confinement :
« Il est également faux de dire [qu’avec le reconfinement] nous ferions simplement comme tous nos voisins européens. À ce jour, seuls l’Irlande et le Pays de Galles ont reconfiné la totalité de leur population… Au final, moins de 1% de la population est donc « à risque » et c’est uniquement elle qu’il faut protéger… Toute personne entrant à l’hôpital porteuse d’une trace du Covid est comptée comme un « hospitalisé Covid » même si elle vient en réalité pour son cancer ou son hypertension. Et c’est la même chose si elle entre en réanimation ou si elle décède. Ensuite, si les chiffres de l’hospitalisation et de la réanimation augmentent bel et bien, cela n’a rien d’exceptionnel : c’est au contraire ce qui se produit chaque année à la même époque (automne-hiver) mais que l’on fait semblant d’avoir oublié. Un Alzheimer généralisé s’est-il emparé de nos politiques et des journalistes ? Faut-il rappeler qu’en janvier 2020, à la veille de la crise du Covid, 1000 médecins dont 600 chefs de service des hôpitaux avaient menacé de démissionner pour dénoncer « un hôpital public qui se meurt » ? « .
N’en jetons plus, la cour est pleine. Yvan Rioufol très en verve le 30 octobre sur CNews disait: « On a l’impression que l’Elysée est devenu un grand hôpital, pour ne pas dire un grand hôpital psychiatrique ». On pourrait peut-être y trouver quelques lits de réanimation supplémentaires ?