De retour d'une courte hospitalisation sans trop de gravité, votre chroniqueur reprend sa plume. Le hasard et l'ennui qui se dégage d'une chambre sans visite, l'ont conduit, avant l'aube de ce 23 février, à l'écoute des débats parlementaires télévisés sur LCP.
On croit trop souvent, tels les médecins de Molière, à la vertu dormitive d'un tel exercice "Quia est in eo virtus dormitiva. Cujus est natura Sensus assoupire."
Erreur. À 5 heures du matin, il ne parvint pas à m'endormir. Bien au contraire. Le débat diffusé s'était déroulé au sénat dans la nuit du 17 au 18 février. Or, il se révélait sinon strictement passionnant, n'exagérons rien, du moins stimulant et surtout révélateur. On argumentait autour d'un amendement au projet gouvernemental déroulant le fameux Grenelle de la Santé, sur un point qu'on ne saurait tenir pour un détail, car il vise à juguler les excès de l'intérim hospitalier.
Le ministre Véran prétendait en cette circonstance conduire une réflexion et une action de nature à corriger la dérive de cette pratique.
Or, il s'inspirait pour cela d'un petit rapport de 28 pages, tout mouillé, 3 pages de synthèse et 14 de texte : intitulé "Hôpital cherche médecins, coûte que coûte", ce travail est sous-titré "Essor et dérives du marché de l’emploi médical temporaire à l’hôpital public". Il avait été rédigé par notre actuel ministre de la santé et des solidarités, presque 10 ans plus tôt, en 2013, alors qu'il siégeait en député de l'Isère… député socialiste… Il se citait lui-même, sans revenir en rien sur son jugement d'alors.
Commençons par le constat. Pour faire court, soulignons l'équation sinon le chiffrage du rapporteur socialiste de 2013, ministre macronien de la Santé et des Solidarités depuis 2020. L'homme n'a pas changé en 7 ans, mais, pendant le même temps, les abus et les surcoûts de l'intérim comme le délabrement des finances des hôpitaux publics se sont aggravés.
Il faisait alors apparaître que le recours à l'intérim mobilise quelque 6 000 praticiens exerçant régulièrement des missions temporaires à l'hôpital. Il déplorait déjà que "le marché se répartit entre sociétés de recrutement, agences d’intérim, et recrutements directs en 'gré à gré', solution la plus couramment utilisée. Les tarifs pratiqués sont les mêmes, le coût total pour l’établissement varie peu. Tandis qu’un praticien hospitalier gagne environ 260 euros nets par jour travaillé, il perçoit en moyenne 650 euros nets pour en mission temporaire. Idem pour le prix d’une garde de 24 heures, qui passe de 600 à 1 300 euros." Devant les sénateurs, notre ministre indiqua avoir reçu lui-même en tant que neurologue, spécialité peu sollicitée, une proposition à hauteur de 2 000 euros. Or, "une fois additionnés les indemnités spécifiques, frais d’hébergement, de transport et de bouche, les frais d’agence, les diverses charges, le coût global est triplé." Tout ceci entraîne, conclut-il des dépassements de dépenses en résultant, à peu près égaux aux déficits des hôpitaux.
En bon disciple de Robespierre, le socialiste Véran connaît la solution. Pour lutter contre la pénurie, en l'occurrence celle des médecins de ville comme hospitaliers, conséquence dramatique du plan Juppé et de son numerus clausus, il préconise de revenir à la bonne vieille loi du maximum de 1793. Aujourd'hui, ignorant des leçons de l'histoire, notre Ministre de la Santé et des Solidarités tourne le dos aux lois de l'économie.
On connaît la rengaine des étatistes : il faut légiférer.
Sa proposition tend à rendre "effectif, une bonne fois pour toutes, le plafond réglementaire de l’intérim médical, en obligeant le comptable public à rejeter tout paiement au-delà de cette limite."
Tout est dit. Soyons-en certains, ça ne marchera pas. La situation s'aggravera tant que l'on ne luttera pas contre la pénurie. Mais cela fera les choux gras de quelques imprécateurs et autres démagogues étatistes.
Hélas, ainsi va la France.
JG Malliarakis
https://www.insolent.fr/2021/02/le-socialiste-veran-et-la-p%C3%A9nurie.html