Les comptes de l’assurance-chômage accusent de façon vertigineuse le coup de la récession qui frappe le pays depuis le début de l’épidémie de Covid-19. Fin 2020, son déficit a plongé à – 17,4 milliards d’euros, selon les chiffres adoptés, mercredi 24 février, par le bureau de l’Unédic, l’association copilotée par les partenaires sociaux qui gèrent le dispositif.
Il y est mentionné que « près de 3 millions de personnes » sont indemnisées par le régime et que plusieurs millions de travailleurs – « 8 ou 9 millions » au plus fort de la crise – sont couverts dans le cadre du chômage partiel. « Tout cela a un coût ». En 2020, les dépenses d’allocations-chômage ne représentent cependant qu’un quart du déficit, selon l’Unédic. Ce qui alourdit considérablement la facture, c’est le financement du chômage partiel (55 % du déficit), pris en charge pour un tiers par l’Unédic et aux deux tiers par l’Etat. A cela, il convient d’ajouter les baisses de recettes liées à la crise : reports et exonérations de cotisations, baisse de la masse salariale sur laquelle sont assises les contributions à l’assurance-chômage et rentrées d’argent plus faibles en raison du chômage partiel, exonéré de cotisations.
Un effet de ciseau redoutable qui entraîne une dégradation très brutale des comptes, alors que, début 2020, avant l’apparition du coronavirus, un retour aux excédents était prévu pour 2021. Hélas, « Dans une perspective économique encore dégradée pour les années 2021 et 2022, les dépenses d’activité partielle et d’allocation resteraient élevées en raison de l’augmentation du chômage et du maintien exceptionnel en indemnisation de demandeurs d’emploi en fin de droit », note l’Unédic. Conséquence : cette année, le déficit resterait à un niveau très haut, – 10 milliards d’euros, quand il se résorberait à – 6,4 milliards d’euros l’an prochain. Ces chiffres sont toutefois à manier avec précaution, a souligné Eric Le Jaouen, président (Medef) de l’Unédic, qui a pointé « l’ensemble des incertitudes qui pèsent sur notre économie », tant vis-à-vis de la situation sanitaire que des politiques de soutien, « dont on ne sait pas quand elles s’arrêteront ».
En 2021, l’organisme « fait l’hypothèse que les mesures de maintien de l’emploi devraient s’estomper dans le courant de l’année » : « La fin des aides et une conjoncture encore fragile entraîneraient la destruction de 230 000 emplois » cette année, après la destruction de 360 500 emplois dans le privé en 2020, selon des chiffres de l’Insee. « Environ 2,95 millions de personnes » seraient ainsi indemnisées fin 2021, ajoute l’organisme. L’année prochaine, le nombre de demandeurs d’emploi percevant une allocation-chômage « diminuerait de 125 000 grâce aux 210 000 créations d’emplois attendues, ce qui porterait le nombre de chômeurs indemnisés à environ 2,8 millions de personnes fin 2022 », poursuit l’Unédic. Le niveau de l’emploi reviendrait alors « à son niveau de 2020 ». Ce qui n’est pas suffisant pour sortir du rouge.
Résultat : la dette s’envole. En 2020, elle a atteint 54,2 milliards d’euros, contre 38,4 milliards d’euros anticipés avant la crise. Elle serait de 64,2 milliards d’euros en 2021 et de 70,6 milliards d’euros à la fin de 2022. L’Unédic estime l’impact lié à la crise économique sur ses finances entre 2020 et 2022 à « près de 39 milliards d’euros ». Si Patricia Ferrand, vice-présidente (CFDT) de l’Unédic, a assuré que « les investisseurs nous font toujours confiance », M. Le Jaouen a rappelé que « l’Etat envisage de cantonner ou, en tout cas, d’amortir [sa dette Covid] sur une durée exceptionnelle – plusieurs dizaines d’années » et « qu’il y aurait une forme de cohérence à ce que le traitement de l’amortissement soit comparable entre la partie Unédic et la partie Etat ».
Précision importante : toutes ces prévisions ont été réalisées avec « les règles de l’assurance-chômage d’aujourd’hui », a indiqué M. Valentie, « car nous ne connaissons pas les modifications qui auront lieu ». Elles n’intègrent donc pas les changements de la réforme de 2019, dont les dispositions ont été suspendues, reportées ou adoucies par le gouvernement depuis le début de la crise sanitaire. Le sujet doit être abordé lors d’une réunion mardi 2 mars entre la ministre du travail, Elisabeth Borne, le patronat et les syndicats. Mardi, ces derniers ont fait monter la pression en publiant un texte commun – une première sur le sujet – pour dire tout le mal qu’ils pensent de cette réforme. Si toutes les dispositions initialement envisagées étaient appliquées, les économies réalisées seraient, selon l’Unédic, de 1 milliard d’euros en 2021 et de 2,6 milliards d’euros en 2022.
Aux dépens de qui ?
Le 25 février 2021.
Pour le CER, Jean-Yves Pons, CJA.