Connu pour ses pitrerie et ses provocations à l’antenne, l’animateur vedette de « Touche pas à mon poste ! » et de « Balance ton post ! » sur C8 est, en coulisses, un redoutable homme d’affaires. Né en 1974, cinq ans après l’arrivée en France de ses parents, juifs tunisiens, ce proche des Bolloré compte bien jouer les premiers rôles cathodiques pour la présidentielle de 2022.
Pour la présidentielle de 2022, Cyril Hanouna a décidé nous dit-on de changer de braquet et de jouer les premiers rôles dans la bataille qui s’annonce. Certes, il a déjà reçu Marlène Schiappa et Agnès Pannier-Runacher, ministres déléguées chargées respectivement de la citoyenneté et de l’industrie.
Mais il veut frapper plus fort. L’un de ses chroniqueurs, l’écrivain Yann Moix, l’a prédit en direct dans l’émission du 11 février : « C’est ici, sur ce plateau, que se jouera l’élection présidentielle. »
Si cette prophétie s’annonce exacte, elle démontrera à qui en douterait encore que l’élection du chef de l’Etat au suffrage universel n’est qu’une farce et qu’il est urgent d’en revenir à l’hérédité dynastique !
Hanouna ambitionne de recevoir tous les candidats, y compris l’actuel président de la République et Marine Le Pen. Il a une date en tête, idéalement en mars. Peut-être d’abord en solo puis, dans un second temps, tous ensemble, toujours en présence du public. Jean-Luc Mélenchon a déjà son rond de serviette dans l’émission. En février, il a été invité une deuxième fois tandis qu’à la même heure Marine Le Pen et le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, débattaient sur France 2. Une audience plus qu’honorable : 709 000 téléspectateurs pour C8 ; 2 millions de téléspectateurs pour France 2.
« Cyril pèse dans le débat politique et tous les politiques veulent venir, fanfaronne Lionel Stan, coreligionnaire et directeur général de H2O Productions, la société de production fondée et présidée par Cyril Hanouna. Si on peut faire avancer les choses dans le monde de la télévision, pourquoi pas dans la société française et en politique ? ». À entendre Hanouna, les prétendants à l’Élysée se rueront tous sur le plateau d’une émission prisée des jeunes, où l’on parle de tout, souvent de manière familière. Où l’on peut, comme Jean-Luc Mélenchon, décider que tel chroniqueur (Éric Naulleau, en l’occurrence) ne participera pas aux débats.
Mais où l’on prend des risques : diffusion en direct, question des internautes, grande liberté de ton. Tout peut se dérouler sans heurts ; tout peut aussi déraper très vite. Ce qui explique sans doute qu’aucun des poids lourds du gouvernement ne soit venu. À l’image de Bruno Le Maire, qui explique : « J’ai été invité à de multiples reprises, mais j’ai toujours courtoisement refusé. Je ne crois pas que l’on puisse y exposer sereinement ses positions. Je pense aussi que ce n’est pas la place d’un ministre de l’économie et des finances. »
Emmanuel Macron a déjà participé à l’émission, mais… dans une bande dessinée, Le Président, parue aux Arènes en décembre. Morgan Navarro, illustrateur, et Philippe Moreau Chevrolet, communicant et professeur à Sciences Po, imaginent un scénario surprenant. Début 2022 : tourné en ridicule en direct par Cyril Hanouna, Emmanuel Macron quitte le plateau. Acclamé par ses fans qui le poussent à se présenter, le présentateur entre alors en campagne. Le second tour le voit battre Marine Le Pen… Et la France disparut.
Philippe Moreau Chevrolet, qu’Hanouna avait déjà invité à participer à son émission, y est retourné pour les besoins du livre afin d’en analyser les coulisses, le fonctionnement et, bien sûr, la personnalité de l’animateur-producteur. Pour lui, il ne fait aucun doute qu’il est animé d’une ambition démesurée : « On n’a rien compris à Cyril Hanouna si on ne saisit pas que c’est un homme de pouvoir. Un mec de pouvoir animé par le pouvoir. »
Mesurez-vous la profondeur de l’abîme dans lequel est tombé notre pays ?
Car Hanouna est un des hommes les plus puissants de la télévision française. En mars, selon C8 et Médiamétrie, « TPMP », son émission phare, a battu « un record de saison sur toutes les cibles », avec des pics à plus de 1,5 million de téléspectateurs et, notamment, 12,7 % de part d’audience pour les 15-34 ans, ce qui en ferait le premier talk des 15-24 ans. Un vrai succès, qui dure depuis plus de dix ans, pour l’homme aux 5,9 millions d’abonnés sur Twitter, qui échange des SMS avec Brigitte Macron, dont il est proche, et des balles jaunes à Monte-Carlo avec Novak Djokovic, numéro un mondial de tennis.
Sic transit gloria mundi !
Marlène Schiappa, une référence, veut bien voter Hanouna, mais uniquement en tant qu’animateur. « En 2022, assure-t-elle, c’est lui qui devrait coprésenter le débat de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle. » Autre raison avancée par la ministre chargée de la citoyenneté, avec qui le présentateur a animé un « Balance ton post ! » consacré aux « Gilets jaunes », en janvier 2019 : « C’est quelqu’un de brillant, qui connaît la société française. Mais il est de bon ton de cogner sur lui, cela relève du mépris de classe. » En invitant sur son plateau, le 21 janvier, Thaïs d’Escufon, la porte-parole de Génération identitaire, il aurait aussi ouvert les yeux du gouvernement et permis la dissolution du groupuscule d’extrême droite. « C’est grâce à lui ! », soutient Marlène Schiappa.
Tout est dit !
Une affirmation reprise par Hanouna lors de notre rencontre : « On les a exposés, c’est grâce à nous s’il y a eu la dissolution. » On lui rapporte alors les propos d’un conseiller de Gérald Darmanin : « Cela faisait plus d’un an que nous travaillions sur cette mesure. Nous n’avons bien évidemment pas engagé cette procédure après la diffusion de l’émission. » Pour une fois à court d’arguments, Hanouna se crispe. Immédiatement, le sourire s’efface et le regard devient noir un court instant. Puis il retrouve son air affable.
Le diable est dans les détails.
Cyril Hanouna est un homme aux multiples visages. À l’antenne, il est tantôt un pitre – il se définit lui-même comme « rigolo » –, tantôt intervieweur venimeux. Mais, en coulisses, il est un homme d’affaires redoutable et redouté. Sans le revendiquer, l’intéressé recherche aujourd’hui une forme de respectabilité. « Je ne réunirais pas jusqu’à 1,5 million de téléspectateurs tous les soirs en direct depuis dix ans si j’étais dans le buzz, rétorque-t-il. La marque “TPMP” est la plus puissante du PAF. Les équipes font un travail formidable, on est une émission de divertissement, de débat, qui parle de tout, donne la parole à tous, dans un paysage audiovisuel qui se lisse de plus en plus. C’est ça, le succès de “TPMP”, pas le buzz. »
Peut-être, mais, fin février, celui qui prétend influer sur la campagne présidentielle annonçait le recrutement comme chroniqueuse d’ Isabelle Balkany condamnée en mai 2020 à quatre années d’emprisonnement pour blanchiment de fraude fiscale. Avant d’y renoncer. Reste qu’entre-temps, toute la presse en a parlé.
Année après année, émission après émission, son pouvoir s’accroît. Il compte. On le sollicite, on le sonde. Ainsi d’un SMS parmi tant d’autres. Que pense-t-il du transfert de France 3 à France 2 de la série Capitaine Marleau, signé Stéphane Sitbon-Gomez, directeur des programmes de France Télévisions ? Celui-ci reconnaît échanger « de temps en temps avec Cyril Hanouna, [qu’il] respecte beaucoup ». Hanouna, la Pythie qui connaît tous les chiffres, devinerait les tendances. Ou l’entre-soi politico-culturel des anciens du Maghreb.
Il suit à la seconde près sur son téléphone, pendant l’enregistrement, l’audience de « TPMP ». Michel Drucker (encore un autre opportuniste venu d’ailleurs), qui le couvre de louanges, l’assure : « Il connaît les chiffres de mes émissions avant moi. » Le nom d’Hanouna circule pour prendre la direction des programmes d’Europe 1, si la station est finalement bien rachetée par Vincent Bolloré. À son sourire en coin, on comprend qu’il a déjà tout en tête. Ce joueur de poker, de tennis et de billard à au moins trois bandes énonce le champ des possibles avec gourmandise.
Depuis l’automne dernier, il représente Vivendi au conseil de surveillance de Banijay (dont le groupe Vivendi détient 32,9 % des parts), fondé en 2007 par Stéphane Courbit. Avec le rachat d’Endemol, Banijay est devenu le premier groupe de production audiovisuelle indépendant au monde, avec un chiffre d’affaires annuel de 2,7 milliards d’euros en 2019, selon la direction du groupe Vivendi. Filiale de Banijay, la société de Cyril Hanouna, H2O Productions, affichait en 2018 (derniers chiffres publics) un chiffre d’affaires de 43 millions d’euros.
Elle est devenue une des sociétés télévisuelles produisant le plus de programmes diffusés en France : outre ses deux émissions (« Touche pas à mon poste ! » et « Balance ton post ! »), une récente web-série documentaire, Influenceurs, une vie de rêve à Dubaï, le jeu « À prendre ou à laisser » (déprogrammé depuis février) ou des émissions consacrées aux stars de la télé-réalité. Pour compléter le tableau, notre homme est à la tête d’une (petite) société de production de cinéma, Darka Movies, qu’il a créée en 2015. Un premier film réalisé par Claude Zidi Jr, le fils de Claude Zidi (encore un pote venu du Maghreb après le décret Crémieux), est en cours de tournage. Il assure même être en train d’écrire deux séries, une policière et une comique.
En vérité, la vie d’Hanouna bascule réellement en 2004, quand il rencontre Vincent Bolloré. Ce jour-là, il fait la promotion de son spectacle Cyril Hanouna est une ordure sur le plateau de Direct 8 (devenue C8). À la fin de l’émission, un homme l’attend : « Bonjour, je suis Vincent Bolloré. Est-ce que tu veux prendre un café avec moi dans mon bureau ? » Le comique est soufflé : « Je n’en revenais pas. On discute, on rigole, je lui dis comment je vois les choses. » Ils échangent leurs numéros et s’envoient des SMS régulièrement. Le milliardaire prend des nouvelles.
Nous y sommes : les pitreries et le fric; « panem et circenses » !
« Un jour, il me dit : “J’aimerais que tu rencontres Yannick.” Avec son fils, tout de suite ça a collé. On est devenus hyper potes. Et en 2010 Yannick et moi avons eu l’idée de monter une boîte ensemble. C’est comme ça qu’est née H2O. » Yannick Bolloré apporte une petite précision. L’idée n’a pas surgi d’une volonté commune mais d’une sollicitation de l’animateur. « Il est venu me proposer de l’accompagner dans son projet. Je l’ai fait, et c’est comme cela qu’est née H2O. » Deux H : un pour Havas et un pour Hanouna.
Cyril Hanouna évoque une histoire de complicité avec les Bolloré, d’osmose. « Yannick est mon meilleur ami et Vincent est comme mon grand frère. » En 2012, son émission quitte France 4 pour D8. Depuis, ils ne se sont plus quittés. « En tout cas, je ne me vois pas travailler avec quelqu’un d’autre. Vincent Bolloré est tout sauf autoritaire. Je suis d’une fidélité indéfectible et c’est réciproque, je crois. » Oubliant un peu vite que l’homme d’affaires breton sait aussi étouffer la moindre contestation au sein de son empire et parfois même… acheter le silence.
Fin 2015, Vincent Bolloré signe à Hanouna un chèque de 250 millions d’euros pour continuer à produire ses émissions cinq ans de plus. C’est à cette période, d’après plusieurs « cafteurs« , que l’animateur « devient un autre homme et pète les plombs », selon l’expression d’un haut responsable d’une chaîne de télévision concurrente. « Il était sympa, généreux, et là, il est devenu par moments cassant, très colérique surtout. » À Europe 1, il ne laisse pas que de très bons souvenirs : « Quand on est dans son équipe, on est sous son emprise, se souvient un de ses anciens collaborateurs. C’est Versailles sous l’Ancien Régime, la contestation n’y a pas sa place. » Toujours les mêmes poncifs sur « l’Ancien Régime » !…
Cyril Hanouna se considère-t-il comme un homme de pouvoir, au sens d’un homme que l’on craint ? « Je suis un passionné », rétorque-t-il à grand renfort de langue de bois. On insiste. Son regard se durcit à nouveau, un petit sourire en coin. « Je ne sais pas, je ne me rends pas compte. C’est plus la façon dont les gens me parlent qui pourrait le montrer… » Ou plutôt n’osent plus parler de lui.
Pourquoi ne pas porter plainte contre ses provocations à l’antenne ? « C’est compliqué, répond-on à TF1. Vous savez avec qui il travaille… » Un très haut dirigeant de la chaîne s’énerve pourtant : « Ce qu’il a fait à Aprikian et Arthur est d’une extrême violence. Son vrai pouvoir, c’est d’avoir l’oreille de Vincent Bolloré. Du coup, il se croit tout permis. Lui et Bolloré se tiennent par la barbichette. Mais, à ce jeu-là, Bolloré reste forcément le plus fort. »
Pourquoi tant de haine ? Pourquoi ces moqueries, ces fausses allégations, ces attaques contre les autres stars du petit écran ? « Tout ça, c’est de l’humour, c’est pour rire, c’est pour déconner, il ne faut jamais le perdre de vue », prétend Cyril Hanouna. Le médecin, journaliste et animateur Michel Cymes, lui, a perdu son sens de l’humour au gré des attaques dont il est devenu la cible. Il rencontre Hanouna à France Télévisions, participe même à quelques numéros de « TPMP ». Mais le vent tourne. « Il y a environ cinq ans, sans que rien de particulier ne se passe, ses chroniqueurs ont commencé à me cibler, raconte-t-il. Critiquer mes émissions, ma façon de présenter ne me pose aucun souci. Mais, quand cela porte atteinte à votre personne, ce n’est plus possible. Je ne vais pas me laisser traîner dans la boue. »
Mais Cymes, qui n’est pourtant pas un enfant de choeur, n’a pas compris que Hanouna veut importer chez nous les règles du… caïdat !
Un producteur très influent, qui apprécie et connaît Cyril Hanouna, lui donne aujourd’hui volontiers ce conseil à distance : « Qu’il se calme. Qu’il arrête de jouer un jour au clown, un autre au caïd. » Et pourtant, « Baba » (son surnom) jure ne vouloir que la paix, l’harmonie, la « darka » (de l’arabe familier dans le texte : amusement, rigolade), comme il dit. Et se mettre au service des autres.
Trente-quatre ans après la naissance des Restos du cœur, il a même imaginé marcher dans les pas de Coluche et créé une Banque du cœur, en 2019. L’idée était de réunir des fonds pour prêter de l’argent à des personnes dans le besoin. Soins médicaux non remboursés, voiture en panne, chaudière à remplacer… Lui et ses partenaires devaient se porter garants. Le projet n’a pas vu le jour… Aujourd’hui, il fait la promotion de celui de Ryad Boulanouar, un ancien ingénieur informatique ayant fait fortune qui, sollicité à l’époque, avait jugé la Banque du cœur « irréalisable ». L’idée serait de créer une cryptomonnaie, le poto, destinée à soutenir des associations d’aide aux plus démunis. Le projet, qui aurait dû être lancé fin 2019, semble en suspens.
Au fait, une dernière petite question : comment envisage-t-il la suite de sa carrière ? Il se voit rester cinq ans à l’antenne sur C8 puis diriger une chaîne. Non, pas une chaîne : un groupe ! Michel Drucker prend son ambition au sérieux. « Il serait temps que l’intelligentsia comprennent que Cyril va rester dans l’histoire de la télévision, assène-t-il. C’est un chef d’entreprise. Vincent Bolloré ne laissera jamais partir Cyril Hanouna, sachant que C8 dépend entièrement de lui. » Peut-il bâtir un empire ? « En tout cas, il travaille avec des gens qui détiennent un empire. Il a un boulevard devant lui. »
On repense pourtant à ce que dit de lui l’une de ses victimes, le journaliste franco-algérien Rachid Arhab : « Cet homme, c’est Janus. Quelqu’un de sincèrement généreux mais aujourd’hui prisonnier d’un système qui fait peur. » On songe surtout à cet avertissement reçu de la part de l’assistant d’une des plus grandes vedettes de la télévision : « Vous ne savez pas à qui vous vous attaquez. Vous ne savez pas qui est Cyril Hanouna, qui sont ses amis, de quoi ils sont capables, à quel point il fait peur à tout un tas de gens. »
Il est vital de sortir rapidement notre pays des griffes de ces prédateurs. Des copains et des coquins.
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