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LA RAISON DU FOU ! (I)

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A écouter BHL, Vladimir Poutine serait un paranoïaque. Ce terme est repris assez souvent et accompagné de rapprochements historiques douteux faisant du président russe un Frankenstein, mi-Hitler, mi-Staline. La foule moutonnière soumise à la pensée unique s’est engouffrée dans la diabolisation de la Russie et dans la sanctification de l’Ukraine. Quelques moutons noirs n’hésitent pas à utiliser cette atmosphère de western, avec ses bons et ses brutes, pour révéler à quel point ils sont eux-mêmes des truands.

Ils paraissent parler de la guerre en Ukraine, mais en fait, ils visent l’élection présidentielle française : malheur à ceux qui auraient esquissé l’ombre d’un soutien à Poutine, la moindre velléité de compréhension à l’égard de la Russie ! Ils sont politiquement morts en France ! La virulence des condamnations se mêle à l’ignorance totale de l’histoire ancienne ou récente pour créer un maëlstrom de pensée aussi péremptoire que confuse. C’est plutôt chez nous, dans cet Occident conduit par une Amérique décadente qu’il faut chercher de la folie.

Pendant les quatre années du mandat de Trump, les Etats-Unis n’avaient suscité aucune guerre. Le Président américain pratiquait une politique internationale réaliste fondée sur deux piliers complémentaires bien qu’apparemment antagonistes : l’usage de la force et la capacité de parler à tout le monde. Les Etats-Unis défendaient leurs intérêts, maintenaient leur puissance, mais ne prétendaient plus être les champions d’une idéologie. Ils demandaient aux Etats européens de pourvoir davantage à leur propre sécurité en y mettant le prix nécessaire. Mais, bien sûr, aux yeux de la tendance dominante des médias, Trump était sinon un fou, au moins un clown incompétent et irresponsable qui n’avait pas sa place à la Maison Blanche. La pression exercée par l’opposition américaine, par les démocrates toujours à l’affut d’un motif de destitution, par la majorité des médias et le troupeau des commentateurs, issus des divers milieux du spectacle, toujours avides de se faire valoir, a limité les effets de l’action du Président américain. Le soupçon non étayé d’une aide apportée par la Russie à son élection, la russophobie anachronique présente au Congrès, l’ont notamment empêché de s’entendre réellement avec Poutine. Ainsi, des chantiers n’ont pu être fermés avant l’arrivée de la catastrophe Biden. L’Etat syrien n’a pas encore trouvé sa pleine souveraineté et le pétrole, si nécessaire à la reconstruction du pays, continue d’être exploité par la minorité kurde protégée par les Américains,  au-delà de l’Euphrate. La fin de l’intervention en Afghanistan était programmée et devait s’effectuer méthodiquement. Avec Biden, elle a pris la forme d’une débâcle.

C’est pourquoi il faudrait plutôt s’interroger sur la part de folie qui depuis bien longtemps a envahi l’oligarchie politique et médiatique occidentale que sur la supposée “paranoïa” de Vladimir Poutine. En 1991, le second totalitarisme du XXe siècle s’effondre en URSS. Le camp du Bien a gagné, la démocratie universelle est en marche… sauf qu’elle doit sa victoire, non à sa séduction, mais à l’acharnement d’islamistes fanatiques en Afghanistan, et à la résistance de la très catholique Pologne. “L’Empire éclaté” d’Hélène  Carrère d’Encausse éclate pour de bon, alors que pour sa plus grande part, il se pense encore russe, et que d’importantes minorités russophones vivent encore dans la plupart des nouvelles républiques. La fin du communisme et l’irruption d’une libéralisation chaotique précipitent l’ensemble dans le marasme. Les tyrans locaux héritiers du système, les oligarques voraces s’emparent des dépouilles. Dix ans plus tard, Poutine entame un redressement spectaculaire de la Russie. C’est un patriote russe. Ce n’est plus un marxiste, mais plutôt un conservateur qui ne demande que du respect pour son pays de la part du vainqueur avec lequel il est tout prêt à s’entendre. La politique étrangère lors de son premier mandat est dans la continuité de la politique de Elstine. Il ira même plus loin : il proposera à l’UE la création d’un marché économique unique et aux États-Unis l’entrée de la Russie dans l’Otan. Les deux offres seront refusées. Elles étaient pourtant raisonnables : d’abord, l’Europe et la Russie sont complémentaires ; ensuite, l’Otan n’a plus l’URSS comme ennemi, mais en a d’autres qui se révèlent alors : l’islamisme sous sa forme terroriste, notamment. Poutine soutiendra le Président Bush après le 11/09.

La situation actuelle ne provient pas du délire d’un nouveau Tsar, mais de la déception devant la réponse américaine, puis de la prise de conscience lucide de ce que veut l’Amérique. Il y avait eu l’éclatement de la Yougoslavie, essentiellement au détriment des Serbes proches des Russes, puis l’écrasement de l’Irak un ancien allié, puis pendant la présidence de Medvedev, la dislocation de la Libye, enfin la tentative de renverser le régime baasiste de Syrie, partenaire de Moscou, et qui abrite des bases russes. Décidément, Washington, et surtout les démocrates de Washington, ne veulent pas du bien à la Russie. Celle-ci est encore trop puissante, et une éventuelle alliance avec l’Europe ferait de l’ensemble un redoutable rival. La politique dessinée par Brzezinski dans ses ouvrages, “Le Grand échiquier” ou “Le vrai choix” consistait à précipiter la division de la Russie, à empêcher l’indépendance de l’Europe et à maintenir la puissance américaine en Eurasie. Les événements actuels se situent dans le déploiement de cette stratégie : la poussée de l’Otan vers l’Est, le soutien constant aux musulmans sunnites et notamment à la Turquie également membre de l’Otan deviennent cohérents. Le soutien turc aux musulmans de Bosnie contre les Serbes, la présence turque en Syrie protégeant le réduit islamiste d’Idleb, l’appui turc à l’attaque de l’Azerbaïdjan contre l’Arménie, demeurée fidèle à Moscou, l’abandon de l’Afghanistan aux Talibans à la lisière des républiques musulmanes de l’ex-URSS dessinent une logique d’encerclement de la Russie dont témoignent également les “révolutions” suscitées dans les pays qui lui sont proches. En somme, derrière la folie apparente, il y a des deux côtés une intention rationnelle qui est de tuer pour l’un, et de survivre pour l’autre. Reste que la prétention d’accomplir ce meurtre au nom de la démocratie et des droits de l’homme relève davantage de la démence que la volonté de se défendre en évitant absolument que dans une ancienne province russe à portée de Moscou ne s’installent des armes nucléaires : telle est la prétendue folie de M. Poutine ! ( à suivre)

https://www.christianvanneste.fr/2022/02/27/la-raison-du-fou-i/

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