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Cet article a été publié le 30/10/2022.
En octobre 2022, un politologue néerlandais interrogé dans Le Monde faisait part de sa découverte : qualifier certains partis de « néo-nazis » ou « postfascistes » ne convient plus. La dédiabolisation des partis populistes et conservateurs est-elle en marche ?
Après l'arrivée au pouvoir des post, néo, crypto-fascistes de Giorgia Meloni, Le Monde, voyant qu'il se passait quelque chose, mais pas de marche sur Rome, a eu la bonne idée d'aller interviewer un politologue néerlandais spécialiste des populismes européens, un certain Matthijs Rooduijn, enseignant-chercheur au département de sciences politiques à l’université d’Amsterdam (Pays-Bas). Pour beaucoup d'entre nous, il ne fait qu'enfoncer des portes ouvertes. Mais quand des évidences émanent d'un intellectuel mainstream dans un quotidien mainstream s'adressant à l'électorat Macron, la performance est à saluer.
Jugez plutôt : pour lui, ces partis dit « d'extrême droite » « ne peuvent plus être qualifiés » ainsi car « les appellations "postfasciste" ou "néonazi" qui leur sont accolées ne sont pas satisfaisantes ».
Nous avions bien compris que l'appellation, ultra-ressassée depuis quarante ans en France, relevait au mieux de la bêtise ou de la paresse intellectuelle, mais plus souvent de la mauvaise foi et de la manipulation politique : de Mitterrand et Chirac jusqu'à Emmanuel Macron, cela fait beaucoup de monde, et du grand.
S'il ne faut donc plus traiter lepénistes et zemmouriens ainsi, c'est qu'il y a des raisons objectives qui les distinguent des partis d'extrême droite des années 30. D'abord, ils sont populaires, et non « élitistes ». Ils ne sont pas non plus racistes ni antisémites. Et ils ne sont pas antidémocratiques : « Les partis [...] comme le Rassemblement national [RN] en France, les Fratelli d’Italia, les Démocrates de Suède [SD] ne veulent pas abolir la démocratie. Ils veulent opérer dans le cadre d’un État démocratique. »
La second évidence de notre politologue, qui va faire hurler le lecteur du Monde, c'est que ces partis sont arrivés ou vont arriver au pouvoir de façon très logique, après une évolution naturelle les ayant fait passer, en trente ans, de 5 à 20-25 % environ, leur principal moteur étant évidemment le sentiment anti-immigration. Et comme les Shadoks au pouvoir dans nos pays depuis trente ans ne cessent d'actionner la pompe migratoire, il est normal que ces partis croissent en proportion. Devoir expliquer ces évidences à un lectorat, et un électorat censé avoir les QI les plus élevés...
Mais finalement, cette pédagogie sur l'extrême droite pour les nuls aura son utilité. Par exemple, pour la droite qui s'est longtemps dite, chez nous, « parlementaire » ou « de gouvernement » : comme le RN est tout aussi parlementaire qu'elle (et même plus nombreux), il sera tout autant « de gouvernement », et cette droite LR aurait intérêt, tout en organisant sa survie, à réfléchir à sa stratégie d'alliance - les deux étant bien sûr liées.
Le Monde et quelques autres vont devoir rapidement changer leur nomenclature et leurs tics de langage à l'égard du RN et de Reconquête. Mais aussi à l'égard de la presse qui, comme Boulevard Voltaire, subit le même genre de diabolisation et qui proteste depuis longtemps contre cet étiquetage malhonnête et stigmatisant, et tellement facile. Le pluralisme du débat démocratique et de l'information aurait beaucoup à y gagner.
Frédéric Sirgant