Ironie de l’histoire ? Le cycle de trois débats organisé par Christine Kelly portait… sur la liberté (j’ai eu l’honneur de participer à la deuxième) : liberté de la presse, liberté de croire, liberté d’aimer.
Qui de plus légitime que la célèbre journaliste, ancienne du CSA, menacée de mort pour avoir donné la parole à Éric Zemmour dans son émission Face à l’info, pour porter la défense de la liberté ? Elle en a, du reste, fait un livre Liberté sans expression (Cherche Midi).
Comme pour illustrer l’urgence de ce combat, Le Monde a décidé de ne pas donner à ses lecteurs la liberté d’assister à ces conférences sur la liberté. Dès le lendemain, Libération - décidément - volait au secours du Monde, prétendant éclaircir les faits : selon Louis Dreyfus, président du directoire du groupe Le Monde, « il n’y a jamais eu de partenariat particulier entre le journal et la salle Gaveau qui aurait pu être dénoncé ». Mais quelques lignes plus loin, le même président du directoire répond quand même sur (je cite) « ces accords avec les salles de spectacle ». Pas de « partenariat » mais un « accord » ? Il faut sans doute être aussi intelligent qu’un journaliste de Libé pour comprendre la nuance : « Les salles proposent au service abonné du Monde des places pour les abonnés. » Celui-ci peut « accepter ou refuser, en fonction de l’événement », « car le service s’autorise à refuser des événements qui ne correspondent pas aux centres d’intérêt des abonnés ». Et comme par hasard, Christine Kelly ne correspond pas à ces « centres d’intérêt », les lecteurs n’étant pas assez grands pour faire eux-mêmes leur choix. Louis Dreyfus de se défendre en citant deux autres conférences « refusées » : l’une de Michèle Alliot-Marie, ancien ministre de Chirac et Sarkozy, l’autre de Yann Moix (fréquemment sur CNews).
Libération précise, sans rire, que « relancé sur le cas spécifique de Christine Kelly » et un « éventuel refus » […] Louis Dreyfus ne [leur] a pas formellement répondu ». Sauf qu’une source proche, elle, est formelle : Le Monde a bien signifié à la salle ne pas vouloir, en proposant ces places comme elle fait d'habitude, « financer Bolloré ». Pourtant, justement, il n’y a aucun flux financier dans cet accord, simplement des places offertes en échange, mécaniquement, d’un peu de visibilité sur le site car pour proposer la conférence, il faut bien l’annoncer. Et cela, semble-t-il, c’est encore trop.
C’est, bien sûr, une forme de chantage sournois qu’exerce LE « journal de référence », celui « dont on dit dans les ministères : le lire, c’est déjà travailler ». Ce refus vaut mise en garde feutrée pour toutes les salles qui auraient des velléités d’inviter « en dehors de clous ». Le fondateur du quotidien vespéral Hubert Beuve-Méry disait à ses journalistes « Faites chiant, ça aura l’air sérieux. » En 2024, Le Monde n’est toujours pas excessivement drôle, mais pour le sérieux, c’est terminé : ces façons ne sont pas dignes d’un média qui se prétend « journal de référence ».
En octobre 2023, dans un live sur « sa ligne éditoriale », à la question de savoir « Vous considérez-vous comme un journal de centre gauche ou d’extrême gauche », Gilles van Kote, directeur délégué aux relations avec les lecteurs, avait répondu, avec des pudeurs de gazelle : « Nous avons toujours défendu un certain nombre de valeurs – humanisme, droits de l’homme et de la femme, construction européenne, lutte contre les discriminations et les inégalités, etc. – qui nous situent plutôt du côté des progressistes, un terme un peu passé de mode mais qui nous situerait plutôt au centre gauche. »
La bonne blague. Ces méthodes d’intimidation sont loin d’être humanistes. Elles rappellent, mezzo voce, celles des antifas et des Sleeping Giants qui s’emploient à dissuader par la crainte d’y laisser des plumes et d’être black-listé quiconque accueillerait, dans sa salle de spectacle ou sur la liste de ses ses annonceurs, des médias déviants. C’est bien à l’extrême gauche de l’échiquier que se situe Le Monde. Et son pédantisme ne saurait servir de manteau de Noé à son idéologie. Sollicité à plusieurs reprises par BV, Le Monde n’a pas donné signe de vie : ni confirmation, ni infirmation, ni explication. Rappelons que c’est ce « journal de référence » dont l’auteur du rapport sur CNews pour Reporters sans frontières, François Jost, voulait faire l’expert neutre et indépendant, détenteur de la vérité et chargé de ficher politiquement ses confrères.
En attendant, longue vie aux conférences « Face à vous » de Christine Kelly, entourée de nombreuses figures bien connues de CNews : les débats sont pleins de vie, gais, libres, légers et profonds à la fois comme l’esprit français ; bref, tout sauf « chiant ». Très loin du Monde, en somme !
Les prochaines conférences auront lieu les 8 novembre 2024 (« Sommes-nous en démocratie ? »), 17 janvier 2025 (« Qu’est-ce que la haine ? ») et 7 mars 2025 (« Qu'est-ce que la vérité ? »).
De nombreux lecteurs de BV seront présents.
Gabrielle Cluzel
https://www.bvoltaire.fr/salle-gaveau-les-dessous-de-la-censure-de-christine-kelly-par-le-monde/