Bernard Germain
Ce matin le salon de l’agriculture devait ouvrir, mais l’ouverture en a été retardée. En effet, à l’intérieur dès l’arrivée du président de la république à 8 H 00, des heurts ont commencé à opposer agriculteurs et forces de l’ordre.
C’est la première fois qu’une telle situation existe avec de sérieux affrontements physiques, tellement les agriculteurs sont exaspérés.
Le président de la république s’est réuni avec les organisations syndicales au deuxième étage du bâtiment et a donné une rapide conférence de presse dans le couloir. C’est dire le caractère électrique de la situation. À l’heure où je rédige ces lignes - 10 H 20 - il n’a toujours pas pu se promener dans le salon où il y a plus de policiers que d’exposants et d’animaux. Personne ne sait ou il se trouve à l’heure actuelle. En bas, un comité d’accueil l’attend…
À la seconde (10 H 30), le salon vient d’ouvrir ses portes au public mais pas le bâtiment 1 où se trouvent policiers, agriculteurs en colère et un président introuvable.
Du jamais vu !
Le plus extraordinaire étant que le président de la république parle depuis des jours, propose et fait semblant d’être aux commandes, mais la réalité est qu’il ne contrôle rien du tout. Tout se décide à Bruxelles. Emmanuel Macron n’est plus qu’un exécutant.
En effet depuis le traité de Maastricht (1992), les pays membres de l’Union européenne, ont accepté de renoncer à une partie de leur souveraineté nationale. Et cette perte de souveraineté qui n’était que partielle en 1992 est aujourd’hui quasi totale.
Malgré tout le baratin que nous délivre le personnel politique singulièrement macroniste, mais pas seulement, c’est que l’agriculture est une « compétence exclusive » de l’Europe. La France sur ce sujet n’a plus son mot à dire. La commission européenne décide de tout et donne chaque année ses directives via les GOPÉ (Grandes orientations des politiques économiques) que la France (comme chaque pays membre de l’UE) doit appliquer scrupuleusement et rendre des comptes à la commission européenne et donc exécuter à la lettre ce que l’Europe veut imposer.
Le résultat de ces évolutions est des plus simples. En 2019, l'INSEE recensait 400 000 agriculteurs et 250 000 ouvriers agricoles en France, représentant un peu plus de 2 % de la population active, alors que leur nombre était évalué à respectivement 1,6 million et 310 000 en 1982. Cette diminution de la part des actifs agricoles dans la population active française est encore plus forte lorsqu'on l’observe depuis 1945, où leur nombre était évalué à 10 millions.
En se référant aux chiffres de 1982, cela représente une perte de plus de 75% des agriculteurs de notre pays. Aucun autre secteur économique n’a connu une régression d’emplois aussi massive.
Le résultat de cette situation c’est que le désespoir est partout dans les campagnes et les agriculteurs se suicident au rythme de 1 tous les 2 jours, ce qui est 20 à 30 % supérieur au reste de la population.
Et puis il y a encore et toujours ce mépris de Macron pour la « populace ». Depuis qu’il est élu, tout au long de ses années au pouvoir il n’a cessé de faire des déclarations montrant en quelle estime il tient le peuple. Qui a oublié les « analphabètes de Gad », « les gens qu’on croise dans les gares qui ne sont rien »,… etc ? Il vient à nouveau de recommencer en déclarant au journal La Marseillaise « Les smicards préfèrent smartphone et abonnement VOD à une alimentation saine », histoire de dire que ce n’est pas le gouvernement et l’Europe qui sont responsables de la situation des agriculteurs mais ces pauvres types qui constituent le peuple de France qui refusent de s’alimenter correctement ce qui plomberait l’agriculture française et expliquerait la crise.
Ajoutons que Macron, non seulement méprise les Français mais il leur ment avec un cynisme absolument incroyable.
Ainsi, Pascal Canfin, socialiste hier et macroniste aujourd’hui, est président de la commission environnement à Bruxelles. Il a signé le « Green deal » (pour « être le premier continent neutre pour le climat ») et en conduit la mise en œuvre. De son côté, Macron tient en France aux agriculteurs un discours qui affirme des choses très différentes de celles affirmées par Canfin sur le sujet.
Donc Macron dit blanc en France et son représentant à Bruxelles dit noir. Ce double langage est réellement insupportable.
Au final, le problème est assez simple et peut se résumer à quelques questions emblématiques :
- Oui ou non, est-il acceptable que l’Ukraine exporte en Europe ses céréales qui dérèglent totalement à la baisse le prix du marché ?
- Oui ou non, est-il acceptable qu’un milliardaire ukrainien noie le marché français avec ses poulets ce qui là aussi fait s’effondrer les prix du marché ?
- Oui ou non, est-il acceptable que des accords de libre échange continuent sur le mercosur ? L’Europe va-telle stopper ces négociations ?
- Oui ou non, l’accord de libre échange signé le 9 juillet 2023 par l’Europe avec la Nouvelle-Zélande va-t-il être remis en cause ? L'accord prévoit une quasi-élimination des droits de douane sur les kiwis, les oignons, les pommes, le poisson, le vin, le miel de Nouvelle-Zélande, ainsi que sur des quantités limitées de fromage, viande ovine et bovine. Cela crée de grosses difficultés aux agriculteurs français.
- Oui ou non, est-il acceptable que les normes imposées aux agriculteurs français ne soient pas imposées aux produits importés de nombreux pays étrangers ?
- Oui ou non, va-t-on continuer à noyer les agriculteurs sous des normes notamment écologiques absurdes (ex : police de l’eau) qui exposent les agriculteurs à des sanctions très lourdes ?
- ... etc.
Ces questions seront tranchées à Bruxelles quoi qu’en dise Macron, le Premier ministre et son gouvernement.
Certains disent : « vous dites des choses qui sont vraies, mais s’il n’y avait pas l’Europe il n’y aurait pas les versements aux agriculteurs (PAC), versements qui étaient au niveau de 9 milliards l’an dernier. ».
C’est absolument faux !
Je rappelle que la France est un « contributeur positif » de l’Europe. C’est à dire que chaque année la France verse plus à l’Europe qu’elle ne reçoit de l’Europe. L’an dernier a versé 12 milliards de plus qu’elle n’a reçu.
Si on n’était plus dans l’Europe, on n’aurait plus à verser ces 12 milliards donc non seulement on pourrait verser les 9 milliards aux agriculteurs mais en plus il resterait 3 milliards à disposition du pays.
Il faut arrêter de jouer à faire peur aux citoyens et raconter n’importe quoi.
On a déjà connu ces balivernes lors du Brexit en 2016 et depuis des années.
Jusqu’à preuve du contraire la Grande-Bretagne va très bien et est même dans une meilleure situation que lorsqu’elle était membre de l’union européenne.
Pour sortir de la crise agricole, il faut sortir de l’Europe qui a décidé la disparition de notre agriculture.
Donc, soit on sort de l’union européenne, soit notre agriculture disparaîtra. Il n’y a aucune autre alternative.
La situation est d’une clarté aveuglante. Il n’y a que les aveugles ou les complices de l’UE pour ne pas voir les choses ou les nier.
Dernière minute :
Macron, entouré d’une nuée de gardes du corps, a accepté de dialoguer avec quelques dizaines d’agriculteurs au premier étage du bâtiment du salon.
Discussion très tendue au cours de laquelle les agriculteurs montrent qu’ils n’ont pas encore tiré la conclusion qu’il faut sortir de l’Europe pour sortir de cette crise. Mais, ils s’en approchent chaque jour un peu plus.
Le jour où ils vont tirer cette conclusion, la situation changera radicalement et le pouvoir risque bien d’être confronté à une « jacquerie » qui touchera certainement tout notre pays.
Il est 12 H 05… Macron discute toujours au premier étage avec certains agriculteurs. Il n’est toujours pas descendu au niveau du salon. Le fera-t-il ? Ce serait une énorme provocation… Le comprendra-t-il ?
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