Journaliste chez Livre Noir, Pauline Condomines a infiltré pendant plusieurs mois de nombreuses associations d’extrême-gauche. Elle répond à Marc Eynaud pour Valeurs actuelles.
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On a davantage l’impression d’être face à une organisation bien plus politique qu’humanitaire. Concrètement, comment cela passe ?
Ils vont vraiment les enrôler. C’est donnant-donnant. En échange, les clandestins doivent manifester quand on leur demande, ils doivent dire ce qu’on leur demande. Ce sont d’ailleurs les plus assidus aux évènements politiques de l’association qui sont prioritaires dans le traitement de leur dossier. C’est ce rapport très éloigné de ce qu’ils montrent de la façade humaniste qu’ils montrent dans leur communication C’est là que je me suis dit que c’était vraiment intéressant.
Mais concrètement, Utopia 56 gère des mineurs non accompagnés et leur fournit un toit. Comment les récupérez-vous ?
On ne peut raconter cela sans avoir en tête que leur agenda politique, c’est la régularisation et l’accueil de l’intégralité des clandestins. Comme je l’explique dans l’enquête, on allait vraiment tous les jours à l’AMNA, l’accueil des mineurs de ma compagnie, chercher les clandestins dont la minorité n’avait pas été reconnue. Parce qu’à l’AMNA, quand ils arrivent, ils ont un entretien, un entretien pour savoir s’ils sont mineurs, sur la base de déclarations et de papiers d’identité. Et nous, on est allé chercher ceux qui avaient été refusés. Et là, on les prend en charge, on les incite à formuler un recours et on leur explique que ce qui leur arrive est anormal, alors-même qu’ils sont majeurs en réalité. Pour être efficace sur les recours, j’ai reçu, dans le cadre de l’association, une formation juridique dispensée par une salariée de France Terre d’Asile. Ironiquement, c’est France Terre d’Asile qui s’occupe de faire les entretiens pour évaluer la minorité de ces fameux clandestins qui se prétendent mineurs du moins à Paris. Donc, c’était une salariée de France Terre d’Asile qui m’a formé mais pour le compte d’Utopia 56, qui pour le coup, est une association vraiment sans-frontiériste. Ça aussi, ça m’a posé question.
Utopia 56 mais également Urgence Palestine, les Zad… Qu’est-ce que toutes ces associations ont en commun ? Comment avez-vous pu évoluer d’une structure à l’autre ?
Franchement, c’est des associations qui sont toutes interconnectées. Pour la plupart. Je dirais que peut-être Dernière Rénovation (asso écologiste ndlr) reste un mouvement quand même un petit peu à part. Et vous avez donc raison de l’observer, c’est ça qui m’a aidé à réaliser cette infiltration, parce que c’est devenu très naturel d’aller d’un groupe à l’autre. Ce n’est pas du tout mal vu parce que les groupes sont tous connectés. Il y a une vraie Convergence des luttes, pour le coup, qui m’a amené à Urgence Palestine en dernier lieu. Cette dernière association est en quelque sorte la quintessence de cette fameuse convergence des luttes, une substantifique moelle de ce que certains appellent « islamogauchisme ».
Vous décrivez un milieu aux cellules très poreuses entre-elles. Ces militants, est-ce qu’ils sont vraiment nombreux ou est-ce que ces associations, c’est un petit peu des coquilles vides, au fond, avec une poignée de militants multi-encartés, qui vont d’une association à l’autre ?
Non, pour le coup, les militants sont très nombreux, vraiment très nombreux. Après, il y a des militants qui ont une personnalité forte et qui eux, vont vraiment incarner la convergence des luttes parce qu’ils vont avoir plusieurs cartes et ils vont aller de collectif en collectif pour faire leur lobby en venant de la part d’un groupe ou de l’autre. Ça, c’est très marquant. Je pense notamment à un militant d’Alternatiba que je voyais dans plusieurs groupes et à chaque fois, il venait de la part d’Alternativa pour vraiment incarner cette Convergence des Luttes, pour créer des liens avec les autres collectifs. Mais indépendamment de ces militants qui ont plusieurs casquettes et qui incarnent vraiment cette addition de combats, j’ai vraiment rencontré des centaines de personnes pendant mon infiltration. Urgence Palestine, on a fait des réunions, on était une centaine. En manifestation, on était extrêmement nombreux. Les soulèvements de la terre, on était extrêmement nombreux aussi. Et c’est des mouvements où les gens vont et viennent, donc il y a énormément de passages. […]
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