Leur passage devant Saint-Pierre d’Alésia où je les admirais et les enviais, dura quatre-vingt-dix minutes. Long cortège en rangs serrés, occupant la moitié de la chaussée, pour ne pas obstruer la circulation déjà bien entravée dans ce secteur par la mairie de Paris. 90 minutes en chantant des cantiques et en récitant des prières. Une voiture de police à l’avant, une à l’arrière. Cette jeunesse-là n’est pas celle des désordres et du vandalisme. Elle est celle qui estime que le dépassement de soi vaut la peine.
90 minutes pour voir ces 20.000 jeunes, tous enthousiastes, mêlant gaité et prière, pensant à la longue route qu’ils allaient faire jusqu’à Notre-Dame de Chartres, d’autant que le soleil du matin devait se transformer en pluie, selon la météo. Mais ce matin, les muscles se croient encore en promenade… De nombreuses nationalités étrangères étaient présentes derrière leur drapeaux. Il était réconfortant d’entendre ces cantiques repris dans toutes les langues d’Europe. Ceux-là savent que l’Europe existe et qu’elle puise ses racines au même souffle de la chrétienté. Sur le trottoir, on les imagine priant pour eux et sans doute encore plus pour la France. Car derrière cette ferveur religieuse, comment ne pas imaginer qu’il y a forte conscience du devoir de citoyen. Les deux ne vont-ils pas ensemble ? « Mon Dieu – Mon roi ! Mon Dieu - Ma France ! » Le cri de Bouvines est encore actuel à qui veut bien entendre la France profonde. Cette Pentecôte est encore très proche de la fête de Jeanne d’Arc, le week-end dernier. Il y a des moments comme cela où l’Histoire est présente pour nous rappeler à l’essentiel.
Quelle ferveur ! En les voyant, revivent les épopées passées, des croisades au franchissement du Rhin en 1945 en passant par Verdun ou Ðiện Biên Phủ - autre clin d’œil de l’Histoire, en ce mois de mai. Et, en toile de fond, déjà, se dessinent les épopées qu’il faudra sans doute retrouver dans le futur. Il y aura tant à reconstruire pour l’avenir qu’il faudra utiliser toute cette ferveur.
Drapeaux et bannières claquaient au vent. Certains avançaient en cadence. D’autres montraient leur habitude de la marche et des efforts prolongés. D’autres, aussi, combien ils étaient novices… Tous étaient à l’unisson, marchant dans ce long ruban de prières, ponctué de la présence de prêtres dont, déjà, certains confessaient les pèlerins dont ils avaient la charge. La marche permet de faire ressortir tous les péchés à se faire pardonner. Pas de triche possible quand on souffre sur la route. Dieu premier servi !
Et que d’émotion dans le regard des riverains, en admirant ces pèlerins mettant tout leur cœur et leur âme dans des pas qui allaient vite leur paraître si lourds.
En voyant ces jeunes portés par leur foi et leur enthousiasme, les larmes m’en venaient aux yeux. Pour une fois, j’avais une belle image de la France, pas celle dont les médias nous rebattent les oreilles et les yeux. « France fille des arts, des armes et des lois », tu avais retrouvé, en ce samedi de Pentecôte, les promesses de ton baptême.
Philippe Montillet
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