C’est là qu’il y a un petit problème : pour des catholiques, nier la divinité du Christ au nom de l’unicité de Dieu (on rappelle que les chrétiens, n’en déplaise aux musulmans, ne sont pas polythéistes ni « associateurs » pour autant), en présence du Saint-Sacrement, est un sacrilège. Et, pour des musulmans, cet appel à la prière comprend la chahada (« Je témoigne qu’il n’y a pas de Dieu excepté Allah et que Mohammed est le messager d’Allah »), ce qui fait de la cathédrale, aux yeux de certains d’entre eux, une terre d’islam dès lors que cette profession de foi y est prononcée. Dans tous les cas, ce n’est pas le lieu de cette représentation. L’archevêque de Bordeaux, lorsque cette œuvre avait été jouée dans l’une de ses églises, avait obtenu qu’on n’y entendît pas la chahada. On note, au passage, que certaines personnes tiennent absolument à ce que la profession de foi musulmane soit entendue dans tous les diocèses de France. C’est tout de même curieux.
Un paroissien du diocèse de Coutances a contacté l’évêque du lieu, Mgr Cador, en lui rappelant ces évidences. Il a bien voulu faire suivre à BV les messages échangés. L’évêque lui a répondu - avec beaucoup de gentillesse, il faut le souligner - qu’il avait connu le dialogue interreligieux lors de son affectation au Cameroun, peu avant que Boko Haram ne prenne l’ampleur qu’on lui connaît. Il semble, cependant, que la question ne soit pas là : quand la même messe - quel acharnement, décidément ! - avait été interprétée à Paris, en l’église de la Trinité, le curé avait découvert a posteriori que ce concert contenait la prière islamique et, en réparation, avait alors présidé une célébration pénitentielle. Ce qui prouve bien que tout cela, d’un point de vue religieux, est loin d’être anodin.
Ce qui semble artistique et fraternel aux autorités catholiques est perçu bien différemment par les musulmans. Imagine-t-on un chœur grégorien chanter le Salve Regina dans une mosquée ? Ou un abbé qui lirait le prologue de l’Évangile selon saint Jean et le commenterait en haut du minbar de la grande mosquée de Paris ? Bien sûr que non. C’est toujours à sens unique. Comment ne pas se dire que l’islam se nourrit de la faiblesse du clergé catholique. Il est heureux que certains fidèles soient moins naïfs que leurs pasteurs.
Évidemment, le diocèse de Coutances ne va rien changer. L’évêque s’en porte garant. La messe de Karl Jenkins sera interprétée en intégralité, avec ces cinq minutes d’appel à la prière intégrés dans le concert. Mais au juste, pendant la guerre du Kosovo, à laquelle Jenkins fait référence, qui a fini par gagner, avec le soutien de la communauté internationale ? La Serbie orthodoxe ou le Kosovo musulman ? Vous voyez bien…
Arnaud Florac