Le scandale de l'aide au développement
Un tiers de ces aides (3,8 milliards d’euros) finance l’activité de l’AFD (Agence française de développement), un organisme dont la gestion est depuis longtemps contestée, et qui a dû regrouper ses activités dans un nouveau siège afin de faire des économies, sans que la mesure ne fasse taire toutes les critiques. En témoigne la question orale posée par la sénatrice Antoinette Guhl, le 7 décembre 2023, qui s’inquiète d’un projet sur « 50.000 m2, devant être construit sur l'un des rares terrains non bâtis de la capitale, pour un prix de revient de 924 millions d'euros, soit plus de 18.500 euros du m2. » Et au lendemain du cyclone qui a frappé Mayotte, la députée RN du Lot-et-Garonne Hélène Laporte s’interroge, sur X : « Alors que 77 % des habitants de #Mayotte vivent sous le seuil de pauvreté, la France finance le développement de pays comme le Sénégal (177 millions d'euros), le Mali (107 millions d'euros) ou encore le Burkina Faso (100 millions d'euros)… Les Mahorais sont des Français comme les autres ! »
Paris finance le « genre » en Colombie
Et si l’État français montre souvent le mauvais exemple, que dire de la politique de certaines grandes villes, comme Paris ? Elle aussi très fortement endettée (à hauteur de de 8,6 milliards d'euros), la capitale a pourtant consacré 270 millions d’euros à des projets de développement à l’étranger en 2024 (chiffre quasi stable depuis dix ans). Comme le rapporte Le Parisien, les élus d’opposition sont vent debout contre certains de ces projets, comme ces « 80.000 euros destinés à améliorer l’accès durable à l’eau salubre et l’assainissement près de Ouagadougou (Burkina Faso), 33.000 euros pour la réduction des déchets à Katmandou (Népal), 15.000 euros pour essaimer le modèle de développement alternatif durable avec perspective de genre de la Mesa Hunzahua (Colombie) ». Pourquoi tout cela ? Selon Paul Simondon, adjoint aux finances d’Anne Hidalgo, ces aides « participent au leadership de la maire à l’international et à notre diplomatie des villes ». Les Mahorais affamés apprécieront.
Ce n’est en fait pas tant le principe de l’aide au développement qui choque, mais le deux poids deux mesures qui laisse nos Outre-mer, et notamment Mayotte, dans une situation catastrophique. Comme l’indique le Journal officiel de ce matin, l’État vient bien de débloquer une aide d’urgence de 655.000 euros, et l’exposé des motifs précise qu’elle « vise notamment à financer les besoins urgents de la sécurité civile pour faire face à la situation à Mayotte ». Un minuscule pansement dont chacun sait, là-bas, qu’il n’est pas en rapport avec la gravité de la situation. Le ministère de l’Intérieur s’est hasardé, ce matin, à un premier bilan provisoire de 22 morts et 1.400 blessés, dont 48 en urgence absolue. Le port maritime est encore en service, mais l’aéroport est dévasté et « seuls les avions militaires et civils opérant en mode dégradé et uniquement de jour peuvent s'y poser ». L’activité de l'hôpital a repris à hauteur de 45 % et un hôpital de campagne devrait être mis en place à partir de jeudi. D’ici deux ou trois jours, la moitié de la population devrait retrouver de l'électricité et de l’eau. En attendant mieux, cinq modules militaires de 150 places (tentes et lits) sont en cours d’installation et 8.000 personnes sont hébergées dans les établissements scolaires. Les 1.600 policiers et gendarmes déjà sur place devraient être rapidement rejoints, entre autres, par 800 personnels de la sécurité civile et 400 gendarmes.
Mayotte bientôt à nouveau dans l’oubli ?
Mais cette aide d’urgence ne saurait faire oublier le grand néant qui règne, depuis des années. Ancien conseiller général de Mayotte, président des anciens élus du département et délégué de Mayotte au Carrefour des acteurs sociaux, Ibrahim Bacar est une « mémoire » qui a obtenu la départementalisation de l’île mais constaté, depuis, son isolement. Il confie à BV sa grande douleur « face aux conséquences des catastrophes qui s’abattent sur Mayotte ». Problèmes d’alimentation en eau potable, puis crise Covid, immigration clandestine incontrôlée, comorienne puis récemment africaine… « Depuis François Hollande, rien n’a été fait pour développer Mayotte, prévenir les drames et protéger les Mahorais. Gérald Darmanin avait commencé à dire les choses, et puis silence… Parions que dans quelques semaines, Mayotte sera à nouveau tombée dans l’oubli. » En métropole au moment du passage de l’ouragan, Ibrahim Bacar a pu avoir des nouvelles des siens, son fils ayant réussi à gagner Mamoudzou : les dégâts matériels sont importants, mais la famille est saine et sauve. « Qu’a-t-on fait, depuis toutes ces années ? Où sont les routes, les écoles ? Où sont les politiques de lutte contre l’immigration clandestine, les négociations avec les pays concernés ? Trop de promesses ont été faites et jamais tenues. » Mais l’argent du contribuable aura permis de mettre en place un « modèle de développement alternatif durable avec perspective de genre » en Colombie. N’est-ce pas là l’essentiel ?