Jean-Michel Aphatie fait encore parler de lui
« Il y a un problème. » Sur le plateau de Quotidien (TMC), Jean-Michel Aphatie décide de commenter la publication du rapport déclassifié sur les Frères musulmans. Le premier problème, pour l’éditorialiste, est que la publication de ce document de 73 pages servirait « un homme et une ambition ». Il s’agirait d’une opération de communication « XXL » au service de Bruno Retailleau afin de lui permettre de « se poser en grand chef de la lutte contre l'islamisme radical ». Pire : il s’agirait, au vu du calendrier politique (deux jours après l’élection du ministre de l’Intérieur à la tête des Républicains), d’une « manipulation de l’opinion publique XXL ». Mais le principal problème n’est pas là, pour Jean-Michel Aphatie. Selon l’éditorialiste, ce rapport, pourtant « très bien fait », participerait surtout à une stigmatisation des musulmans. « Si on ne parle plus que des musulmans en France sous cet aspect-là, on va détourner les musulmans patriotes, honnêtes, français, qui payent leurs impôts […] du pacte social », affirme-t-il. « Monsieur Aphatie n’a pas compris que les "musulmans patriotes et honnêtes" n’ont précisément aucune affinité avec les Frères musulmans. Qui fait l’amalgame ? », lui rétorque, sur les réseaux sociaux, Florence Bergeaud-Blackler, spécialiste du sujet.
Jean-Michel Aphatie n’est pas le seul à sous-entendre cet amalgame. Au micro de RTL, Catherine Tricot, directrice de la rédaction de Regards, revue d’extrême gauche, surenchérit : « Pour Bruno Retailleau, une femme qui fait du football et qui a un foulard, c’est déjà un signe de radicalisation. » Selon elle, « on est d’abord en train d’exagérer grossièrement l’influence [des Frères musulmans, NDLR] en France ». « Je ne dis pas qu’ils ne visent pas à influencer, je dis que ce n’est pas vrai qu’ils ont une telle influence », poursuit-elle, refusant de voir le constat objectif dressé par le rapport. Pour rappel, la version déclassifiée de ce document fait état de 139 mosquées, 21 écoles et au moins 280 associations affiliées aux Frères musulmans.
Aveuglement et victimisation
Certains médias vont jusqu’à ignorer la publication de ce rapport. Le Monde, par exemple, ne consacre pas une ligne de son édition papier à ce sujet, dans son édition du 21 mai. Seule une dépêche AFP est publiée sur le site du journal.
Côté politique, à gauche, Jean-Luc Mélenchon brise l’omerta qui régnait sur le sujet. Pour le tribun insoumis, « l’islamophobie franchit un seuil ». « Un Conseil de défense autour du Président accrédite les thèses délirantes de Retailleau et Le Pen », s’agace le candidat à la présidentielle de 2022. Interrogé à l’Assemblée nationale, Raphaël Arnault (LFI) abonde dans le même sens. Le fondateur de la Jeune Garde dénonce « une période islamophobe » et des « fantasmes complotistes ». « Qu’on arrête de nous prendre pour des imbéciles ; le seul but, ici, c’est l’agenda raciste. » Un constat partagé par Sandrine Rousseau. Au micro de BFM TV, l’écologiste nie l’existence d’« ennemis de l’intérieur ». « Ça rappelle tellement l’antisémitisme des années 1930, c’est inadmissible ! », s'insurge l’élue. Une comparaison avec les années 1930 reprise par Smaïn Bendjilali, alias « l’imam Ismaïl », sur X. « Ce que révèle le rapport, c’est qu’il y a en France des citoyens de confession musulmane qui organisent leur culte dans le respect des lois. […] Et leur visibilité dérange. Comme celle des Juifs dans les années 30. On sait comment ça s’est terminé », écrit l’ex-imam de la mosquée des Bleuets (Marseille). Et pour Raki Chekkat, avocat, ce rapport aurait pour but de « remettre en cause la présence musulmane dans ce pays ». Une rhétorique qui nous renvoie directement à la première partie du rapport sur les Frères musulmans. En effet, il y est rappelé que le processus de conquête frériste « se manifeste par […] le recours à la victimisation, à travers le concept piégé d’"islamophobie" ».