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[POINT DE VUE] Ingérence de Macron en Moldavie… pour la bonne cause, bien sûr !

Capture écran TV5 Monde
Capture écran TV5 Monde
Les élections législatives auront lieu le mois prochain en Moldavie. Dans ce petit pays de l’ex-bloc soviétique, dirigé par l'européiste Maia Sandu, la société est profondément divisée entre pro-européens et pro-russes. Par conséquent, l’enjeu est important pour le gouvernement en place : si les élections portent les pro-russes au pouvoir, la présidente devra cohabiter avec ses ennemis, et les principaux leviers de commande seront entre les mains des partisans de Vladimir Poutine. Aussi, pour éviter que la Moldavie ne bascule dans le camp du Mal absolu, c’est-à-dire, vu de Bruxelles, le camp russe, Emmanuel Macron, Friedrich Merz et Donald Tusk se rendent-ils à Chisinau ces jours-ci. Objectif : témoigner leur soutien à Mme Sandu…au mépris de la non-ingérence dont ils se gargarisent pourtant.

 

La Moldavie est un cas géopolitique complexe. Une partie de son territoire a appartenu à l’Empire Ottoman. La région de Transnistrie (12% de la superficie du pays) a proclamé son indépendance dès 1992, soutenue par la Russie, qui y stationne toujours 1.500 soldats. La langue moldave est une variante du roumain, et la Roumanie a longtemps disputé à la Russie, jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale pour être exact, la maîtrise du pays. Membre de la CEI mais partenaire de l’OTAN, la Moldavie est candidate à l’adhésion à l’Union Européenne depuis 2022. Bref, c’est un de ces ex-pays soviétiques dont les frontières sont aussi floues que la légitimité est bancale.

Une belle cible pour l'impérialisme bruxellois

Idéalement située entre la Roumanie et l’Ukraine, la Moldavie pourrait être un solide point d’appui pour l’UE et le « camp du Bien » autoproclamé, repoussant un peu plus les frontières de la sphère d’influence occidentale vers l'est, en cas d’adhésion à l’UE...mais pour cela, il faut un pouvoir aux ordres. C’est en tout cas ce que semblent se dire les dirigeants français, allemand et polonais, qui ont donc décidé d’aller très officiellement soutenir Maia Sandu en vue des prochaines élections. Diplômée de Harvard, ancienne employée de la Banque Mondiale, notamment à Washington, Maia Sandu a également travaillé pour les Nations Unies et bénéficie d’une réputation d’incorruptibilité assez rare dans le paysage politique moldave. Bref, elle coche toutes les cases. Si on se met à la place de cette troïka européiste, on comprend qu’il y a urgence à la soutenir.

A un détail près toutefois : trois chefs d’Etat qui se rendent dans un pays souverain pour expliquer au peuple ce qu’il est bon de choisir, n’est-ce pas ce que l’on appellerait…de l’ingérence ? Comment prendrions-nous la démarche si trois chefs d’Etat se déplaçaient à Paris pour nous dire de voter Macron ? Et comment Ursula von der Leyen réagirait-elle si Poutine, Kim et Khamenei, par exemple, se rendaient dans un quelconque pays de leur zone d’influence pour donner une leçon de politique au bon peuple, afin qu’il vote correctement ? Quel mépris pour les libertés fondamentales et le discernement de l’électorat moldave ! Quelle infantilisation exaspérante !

Devoir d'ingérence ?

Décidément, l’ingérence dans les élections, c’est comme le chasseur du sketch des Inconnus : il y a la bonne et la mauvaise. Quand on accuse les Russes de vouloir peser sur les résultats via des campagnes agressives dans les réseaux sociaux (ce qu’ils font très certainement), c’est de la mauvaise ingérence. Quand ce sont trois chefs d’Etat européens, à qui les Moldaves n’ont rien demandé, qui prennent l’avion pour donner des leçons de civisme, c’est de la bonne ingérence. Ce n’est pas plus compliqué que ça !

Il n’est pas impossible que ce voyage, objectivement inapproprié, provoque la réaction inverse de la part du corps électoral moldave. Des gens qui ont subi la dictature communiste n’ont pas nécessairement envie de troquer le knout soviétique contre la férule citoyenne et responsable des hommes gris de Bruxelles. Si ce n’est pas la décence qui arrête Macron et ses comparses, c’est peut-être la voix du peuple qui le fera.

Arnaud Florac

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