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« C’est comme ça, en Algérie » : premier jour d’audience pour la meurtrière de Lola

Jean Bexon
Jean Bexon
Les détails du crime sont insoutenables. Ce vendredi 17 octobre, l’ouverture du procès de Dahbia Benkired pour le viol et le meurtre avec actes de torture ou de barbarie de la petite Lola Daviet replongeait dans l’horreur de la journée du 14 octobre 2022. Ce jour-là, le corps dénudé de la collégienne de douze ans était retrouvé sans vie à l’intérieur d’une malle, dans son immeuble du XIXe arrondissement de Paris.

Les faits

Loin des images qui avaient circulé après le crime, celles présentant une jeune femme coquette et athlétique, l’accusée, aujourd’hui âgée de 27 ans, est méconnaissable. Elle apparaît devant le tribunal de la cour d’assise épaissie, le visage marqué, coiffée sobrement d’un chignon bas tiré en arrière. Sa voix fluette et sa manière apparemment docile de répondre aux questions ne laisseraient pas imaginer un instant les atrocités qu’elle a fait subir à Lola, il y a maintenant trois ans. Mais les photographies du petit corps recroquevillé dans la malle ramènent à la réalité : les plaies profondes qui ont presque entièrement sectionné son cou, ses pieds et ses mains liés, et surtout son visage, invisibilisé par ce gros scotch dont la meurtrière a recouvert entièrement la tête de Lola, et qui aura conduit à sa mort par asphyxie. Un visage tellement abîmé qu’il sera impossible aux policiers de déterminer sur le champ qu’il s’agissait bien de la collégienne. Les détails du viol, aussi, achèvent de dresser le tableau de cette journée de cauchemar.

Pourquoi avoir imposé de tels sévices à une fillette dont elle n’avait jamais croisé la route auparavant ? C’est ce qu’essaiera de déterminer ce procès, en commençant par retracer le parcours de l’accusée.

Une enfance algérienne

Son premier souvenir ? L’agression sexuelle dont elle aurait été victime à quatorze ans par un voisin du quartier. Une enfance marquée par les valeurs de l’islam, qu’elle estime finalement heureuse, malgré un père - et une mère, parfois – violent et alcoolique. Après la séparation de ses parents, Dahbia part vivre chez sa grand-mère avec plusieurs tantes, tandis que ses sœurs sont confiées à d’autres membres de la famille. C’est là, affirme-t-elle, qu’elle aurait subi les premiers abus : les tantes se prostituaient, faisaient venir des hommes qui, selon ses dires, l’emmenaient dans les bois, la forçaient à regarder des films pornographiques et à les toucher. Des violences également évoquées par l’une de ses sœurs, Friha, mais que cette dernière ne juge pas déterminantes : « En Algérie, c’est comme ça, mais on n’en parle pas. » Petite, elle pensait que c’était dans le monde partout pareil. Une histoire que certains voudront réduire à une excuse individuelle, mais qui révèle la violence de son milieu qui a joué un rôle d’incubateur.

Un système de violence importé

Son arrivée en France en 2016 n’y change rien. Dirigée vers un CAP restauration, elle sèche les cours, ne valide pas ses stages. Ses professeurs la décrivent comme provocatrice et mythomane, un comportement qu’elle reproduira plus tard en garde à vue. Elle enchaîne quelques emplois, occupe brièvement un poste de serveuse dans un restaurant de Colombes, y fait du ménage et affirme se prostituer occasionnellement pour des clients qu’elle y rencontre. Elle reconnaît ne pas aimer travailler : « Je préfère quand c’est l’homme qui travaille », lance-t-elle à la cour. Le cannabis qu’elle fume depuis qu’elle a rencontré Mustapha M., avec qui elle entretient une relation tumultueuse pendant quatre ans, la rend incapable de garder un emploi.

Finalement tombée sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français, elle n’obtempère pas. « Parce que je ne voulais pas. J’ai tout, ici », explique-t-elle. « Y avait pas de raison. J’ai fait mes études ici, j’avais ma famille ici. J’allais faire quoi, en Algérie ? » Cette situation irrégulière est une constante, dans sa famille, semble-t-il. À propos de l’une de ses tantes qu’elle accuse d’abus, elle lance au tribunal : « Elle vit dans le 92 et elle a une OQTF aussi ! » Sa sœur Friha, elle aussi en situation irrégulière à l’époque, n’a d’ailleurs pas souhaité contribuer à l’enquête de personnalité, mécontente d’avoir été expulsée après les faits reprochés à Dahbia.

C’est donc le produit d’un milieu ultra-violent, d’une adolescence déréglée et d’un maintien irrégulier sur le sol français qui était scruté par la cour d’assises, ce vendredi. La personnalité de Dahbia Benkired s’est manifestée sous le signe d’une forte discordance idéo-affective offrant à l’assistance le spectacle ahurissant d’une apathie absurde face à l’horreur des faits.

Alienor de Pompignan

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