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culture et histoire - Page 1138

  • Pas d'écoles libres dans un État laïc !

    Rivarol a tiré fort le signal d'alarme dans son numéro du 16 juin 2016 : la liberté de l'enseignement est en grand danger. Dame Vallaud-Belkacem, ministre de l'Éducation que l'on dit nationale, s'en prend désormais aux écoles hors-contrat et à l'enseignement à domicile, ces deux derniers refuges de la liberté de parents qui entendent transmettre à leurs enfants ce qu'ils ont eux-mêmes reçu de meilleur.

    L'heure est grave : devant l'audace de ces Robespierre au petit pied, de droite comme de gauche, il importe de brandir, à temps et à contretemps, quelques vérités, dont le première est que l'Etat enseignant est une monstruosité. Ce qui est naturel, c'est l'ouverture d'écoles par l'initiative privée. L'État, lui, par nature, n'a qu'un droit de regard, comme sur tout corps intermédiaire (questions d'hygiène, de sécurité, de bonnes mœurs...) et un droit de suppléance car là où l'initiative privée fait défaut, au nom d'un autre principe de droit naturel, celui de subsidiarité, il peut et doit créer des écoles, mais, alors, même ces dernières, confiées à des maîtres  capables de se mettre au service des familles, ne devraient jamais être considérées par l'État comme un « service public » qu'il puisse utiliser à des fins idéologiques.

    Il y a différents moyens de faire respecter ces principes. Il en est un qui fit, au cours de la dernière guerre scolaire - celle de temps de François Mitterrand -, l'objet de très sérieuses  études  parmi  les défenseurs de l'école libre. Nous ne l'évoquons que pour mémoire car, pour nous, bien entendu, il faut avant tout en finir avec la laïcité de l'État, mais tant que nous devons supporter cette chape de plomb, il est bon de connaître quelques moyens de la secouer. Ce moyen s'appelle le bon scolaire, certains disent allocation scolaire ou coupon scolaire.

    Le bon scolaire

    Il s'agit d'une allocation versée par l'État, non plus aux établissements, mais à tous les chefs de famille ayant des enfants d'âge scolaire, à charge pour eux de la reverser à l'école de leur choix, confessionnelle ou pas, privée ou publique, ou de s'entendre avec d'autres familles pour organiser l'instruction à domicile. Simple mesure de justice : l'argent de tous les Français redistribué de manière à aider les familles à accomplir leur mission !

    Utopie ? Sûrement pas ! Cette mesure pourrait contenter presque tout le monde :

    les familles d'abord, qui deviendraient responsables de la marche des écoles choisies et pourraient en garantir le caractère propre.

    les chefs d'établissement ensuite, qui, n'étant plus des "mendiants" vis-à-vis de l'État, seraient libres de donner à leur école une atmosphère particulière, autour d'un corps professoral bien soudé, à l'abri de toute ingérence technocratique Les enseignants mettraient un point d'honneur à servir les parents qui leur feraient confiance, et l'influence des syndicats de gauche, comme celle des grands-prêtres de la laïcité, serait largement réduite. Le bon scolaire libérerait donc même l'école publique !

    - Enfin l'État laïc lui-même, qui pourrait aider tous les parents sans distinction de religion et serait libéré des considérations philosophiques qui le font hésiter à financer une école pour ne pas avoir l'air de subventionner un culte. Autre avantage : le bon scolaire disloquerait ce grand niais de ministère de l'Éducation nationale qui, dans sa forme actuelle, est un mammouth, lourd et coûteux, telle une machine de guerre au service des groupes de pression tous plus sectaires les uns que les autres.

    Ainsi s'opérerait la nécessaire séparation de l'école et de l'État qui devrait aller de pair avec la séparation de l'Église et de l'État, puisqu'on voit mal au nom de quoi un État qui rejette toute religion, donc tout critère de vérité, peut se permettre de former des esprits...

    Un moindre mal

    Cela dit, le bon scolaire ne nous débarrasserait pas, à lui seul, de la laïcité de l'État qui reste le mal absolu, mais il y contribuerait. C'est pourquoi ce système était préconisé par le pape Pie XI dans l'encyclique Divini Illius Magistri du 31 décembre 1929. Depuis lors, il reçut des appuis inattendus : Guy Mollet (1905-1975), président du Conseil et maintes fois ministre, y était favorable, de même que Philippe Malaud (1925-2007), président du Centre national des Indépendants et Paysans, et une foule d'élus locaux, maires, conseillers   généraux, conseillers régionaux, anciens ministres, qui lancèrent en 1983 un appel en faveur de l'allocation scolaire, système « moins coûteux pour la collectivité nationale, satisfaisant pour les enseignants, conforme à la justice pour les familles, assez souple pour favoriser l'adaptation des enseignements aux besoins professionnels et culturels de plus en plus diversifiés ».

    Il n'y avait presque plus que les représentants officiels de l'Enseignement "catholique" pour ignorer cette proposition de bon sens. Il faut se souvenir que nous étions au temps où le président de la Commission "épiscopale" du monde scolaire, Jean Honoré (1920-2013), "évêque" de Tours, voulait vivre en parfaite intelligence avec la gauche car elle lui semblait être l'avenir : « Si le pouvoir venait à succomber à une crise dont l'origine serait imputable d'abord à la défense de l'enseignement privé, ce serait pour l'avenir un risque considérable », car le gouvernement de gauche qui serait tombé « portait les espoirs des couches populaires du pays ! » On ne sait pas s'il faut en rire ou en pleurer !...

    La liberté absolue ?

    Toujours est-il que rares étaient les défenseurs de l'école dite libre de 1984 à avoir une idée précise sur la liberté de renseignement. Tous s'entendaient pour la définir comme un droit de l’homme, « absolu, inaliénable, imprescriptible »,

    mais l'abondance même des adjectifs ronflants et définitifs rendaient cette définition trop jolie pour être honnête.

    Car, tout de même, marcher dans les manifestations en chantant à tue-tête sur une musique du compositeur italien franc-maçon Giuseppe Verdi, un hymne à la liberté, « seule vérité », abstraite et révolutionnaire, c'était assurément se tromper de partition, ou reconnaître que la seule école libre, c'était l'école laïque, libre de toute soumission à une vérité transcendante. Si la liberté de l'enseignement appartient à tout le monde sans la moindre distinction, on risque d'assister à des situations ubuesques :

    - ou bien n'importe qui, au nom de n'importe quelle "foi", se donnera le droit d'ouvrir une école, et l'on aura des écoles marxistes, libertaires, voire subversives ou se réclamant des morales les plus douteuses, sans compter le risque, bien réel aujourd'hui, de voir des écoles coraniques devenir djihadistes... - ou bien, au nom du pluralisme qui met tout sur le même plan, on admet que le "public" et le "privé" sont également estimables, et alors, tel l'Enseignement "catholique" aujourd'hui, on est prêt à tout arrangement avec le "public" sans se rendre compte que celui-ci est au service d'une idéologie liberticide et anti-naturelle. On risque ainsi de vaciller longtemps entre l'hypertrophie et l'atrophie d'une liberté.

    Être libre d’aller au Vrai, au Beau, au Bien

    Or il ne suffit pas à une école d'être libre pour bien accomplir sa mission car il faut d'abord bien savoir qu'être libre, pour s'en tenir à la sage définition de Montesquieu, c'est pouvoir faire ce que l'on doit faire et n'être pas contraint de faire ce que l'on ne doit pas faire. Voilà une définition de la liberté, certes limitée, mais considérablement enrichie ; la liberté est liée aux devoirs de l'homme, à l'accomplissement de ses finalités spirituelles et temporelles. Elle est la faculté d'aller volontairement au Vrai, au Beau, au Bien et de n'être pas contraint d'aller à leurs contraires.

    Il faudrait que l'Enseignement officiel puisse adopter cette conception de la liberté et l'enseigner aux élèves, si l’on ne veut pas voir un jour les collégiens français forcés, comme ceux de tel collège de Rhénanie-Nord-Westphalie, à des simulations de pratiques sexuelles, y compris la sodomie, sous prétexte de lutte contre l'"homophobie" et de découverte des différentes « sexualités possibles »... La théorie du genre dans toute son horreur !

    Mais comment l'État sans Dieu peut-il nous protéger contre de telles aberrations , alors qu'il est toujours prêt à interdire d'enseigner à des maîtres se réclamant de références supérieures ? Entre l'anarchie et le totalitarisme, le point d'équilibre sera toujours instable, tant que l'on est sous le régime de la laïcité...

    L'on retrouve ici le grand drame du libéralisme que d'aucuns s'obstinent à présenter comme la seule doctrine à opposer au socialisme. Le libéralisme fait de la liberté le principe absolu, fondamental, par rapport auquel, disait Maurras, tout doit s'organiser en fait et se juger en droit. Il s'ensuit que toutes les idées librement et sincèrement exprimées, même les plus audacieuses, se valent - ce qui ne peut qu'engendrer l'anarchie intellectuelle et bientôt morale, sociale et politique ; en fin de compte c'est la liberté qui en fait les frais ! Peu à peu s'insinue un étouffant conformisme de l'anticonformisme, et quiconque n'est pas libre penseur, c'est-à-dire pense selon Dieu plus que selon le monde moderne, est exclu de l'intelligentsia officielle. Du libéralisme au terrorisme intellectuel, donc au totalitarisme socialiste, la distance est courte ! La preuve en est que la plupart des écoles "catholiques" ont utilisé les moyens de vivre accordés par la loi Debré de 1959 bien plus pour s'aligner sur les écoles de l'État sans Dieu que pour affirmer et renforcer leur caractère catholique ; donc elles y ont perdu leurs raisons de vivre.

    « Nous voulons Dieu dans nos écoles »

    Alors, qu'en conclure, sinon que le libéralisme et sa traduction politique : la laïcité de l'État, ne garantissent aucunement les libertés, puisque se trouve toujours entravé l'exercice de celles-ci dans le sens du Vrai, du Beau et du Bien.

    Faudrait-il croire que la République en France a besoin, pour vivre, d'arracher les esprits à Dieu ? Il est en tout cas prouvé par plus de cent ans d'Histoire que la place accordée par ce régime à un enseignement libre - c'est-à-dire libre d'être pleinement catholique - a toujours été et sera toujours aléatoire. La république a toujours fait la guerre à ceux qui enseignent que tout pouvoir vient de Dieu et qu'il existe un ordre naturel voulu par Dieu devant lequel la volonté humaine, fût-ce celle d'une majorité, doit s'incliner. Le pouvoir républicain n'aime pas que l’on dise aux enfants que la France est essentiellement catholique et qu'elle n'est pas née en 1789. La république n'aime pas non plus que l’on chante : Nous voulons Dieu dans nos écoles... Et cette guerre scolaire ne semble pas près de prendre fin avec Manuel Valls et dame Vallaud-Belkacem, ni avec ceux qui les suivront dans les ministères, fussent-ils de la droite invertébrée dont on connaît déjà la couardise...

    Le pouvoir sans Dieu, donc sans foi ni loi, empêtré dans ses partis pris idéologiques, se sait trop faible pour empêcher l'islamisme de gagner du terrain parmi les enfants immigrés, et c'est pourquoi, par un pervers parallélisme, il veut s'en prendre aux écoles hors contrat, surtout celles qui sont ouvertement catholiques ! Comment ne pas mesurer l'urgence de rétablir en France un pouvoir libre de se déterminer en fonction du seul bien commun qu'est l'héritage national et catholique ? Un tel pouvoir ne saurait sortir des urnes, et cela suffit à nous faire détester la démocratie.

    Michel Fromentoux. Rivarol du 7 juillet 2016

  • La loi Debré : une dépendance obsolète ?

    La loi Debré de 1959 est aujourd’hui le symbole de l’intégration pacifiée et routinière de l’enseignement privé dans le système public. Elle introduit une étroite dépendance que les directeurs supportent de moins en moins bien depuis la réforme des collèges.

    En 1959, la loi Debré est adoptée au terme d'une vive polémique. Dix millions de Français ont même pétitionné contre cette loi. Mais pour le nouveau pouvoir gaulliste - on est encore dans une phase de mise en place de la Ve République -, il s'agit de prendre en compte l'explosion démographique et de mettre fin à une question scolaire, qui avait empoisonné la IVe République. En outre, une majorité de Français apparaissait alors comme étant de plus en plus favorables au financement de l'enseignement catholique. La loi Debré apparaît donc à un tournant qui n'a pu être que favorable à la prise en compte de l'école catholique. Quant au Général de Gaulle, ancien élève des jésuites et catholique pratiquant, il veut mettre fin à une querelle qui a divisé la France pendant 150 ans. Au regard de tous ces éléments, un substantiel rapprochement de l'enseignement privé au système de l'Éducation nationale va avoir lieu.

    Un dispositif de rapprochement

    La loi Debré constitue un pas supplémentaire dans le rapprochement de l'enseignement privé vis-à-vis du système public. Mais à la différence de la loi Falloux qui prévoyait une aide des collectivités locales, le soutien est conditionné à un certain rapprochement à l'égard de l'enseignement public. On est cette fois-ci dans une perspective d'intégration. Ainsi, le dispositif- aujourd'hui intégré dans le Code de l'éducation - prévoit un système de contrats entre l'État et les établissements qui le souhaitent. L'expression « sous contrat » est une conséquence sémantique de ce dispositif. En échange d'une aide de l'État, les programmes doivent être identiques à ceux de l'enseignement public. Les enfants, quels qu'ils soient, doivent être acceptés. Quant au personnel enseignant, il est rémunéré par l'État selon les mêmes grilles indiciaires. Cependant, ce ne sont pas des fonctionnaires de l'Éducation nationale. Les maîtres, comme on le disait encore à l'époque, relèvent du droit privé. Ainsi, pour la retraite, les enseignants dépendent du régime général et de caisses de retraites complémentaires. En raison de cotisations plus fortes, la rémunération est donc plus faible. Les retraites sont également moins élevées. C'est déjà le début d'une certaine normalisation, qui ne peut que se traduire par une pédagogie moins originale, alignée sur celle que l'on retrouve dans les autres établissements publics. La logique du moule uniformisateur et indifférenciateur semble prévaloir. Écoles privées et écoles publiques, cela devient l'Enseignement, avec un grand "e"...

    On peut se demander qu'est-ce qui peut distinguer une école privée d'une école publique. Certes, les programmes sont les mêmes. On doit cependant noter un meilleur souci d'efficacité. Le privé est moins rattrapé par les crises de la société (violence, absentéisme...). Le suivi des élèves est meilleur et pour les parents - de gauche comme de droite - l'enseignement privé, même sous contrat, reste une garantie qui ne s'est toujours pas démentie. On ne peut que s'en réjouir. C'est normal, dira-t-on, car dans le privé, on fait plus attention aux sous et les parents attendent - forcément - un retour sur investissement... Les enseignant du privé vont même considérer leurs collègues du public, comme des... privilégiés !

    La crise est dans l'Église

    En réalité, si la loi Debré a conduit à une certaine normalisation, il serait injuste de lui imputer exclusivement cette situation. Un autre aspect a joué : la crise de l'Église, qui apparaît dans les années 1960, dont la concomitance avec la loi Debré, explique la configuration actuelle de l'enseignement catholique. L'enseignement catholique connaît une véritable crise d'identité, à tel point que l'on s'interroge sur ce qui différencie une école publique d'une école privée. Pourtant, en 1959, lors de la négociation de la loi Debré, la commission épiscopale de l'enseignement avait été ferme sur le caractère spécifique des écoles catholiques en refusant la laïcisation de l'enseignement et de l'éducation. À l'époque, pas question de lâcher sur la foi ! La volonté de « s'ouvrir » au monde, mais aussi l'affaiblissement des congrégations enseignantes ont abouti à une véritable sécularisation de l'enseignement catholique. Le personnel recruté l'est pour des raisons strictement éducatives, indépendamment d'autres considérations. Les dérives sont même fortes dans certaines écoles privées. Ainsi, en Seine-Saint-Denis , on a vu tel prof de CM2 donner un cours d'informatique en arabe aux élèves... On imagine le scandale si cela avait eu lieu dans le public ! La transmission de la foi est parfois à peine concevable de la part des écoles catholiques... La dimension religieuse et spirituelle est souvent absente, parfois volontairement passée sous silence. Les évêques, souvent interpellés, demeurent silencieux sur certaines dérives. Pourtant, l'école catholique reste un instrument disponible dans l’évangélisation et la conservation de la foi. Il suffit de vouloir s’en servir.

    François Hoffman monde&vie 1er juillet 2016

  • Hommage à Roger Nimier

    Ex: http://mauditseptembre62.hautetfort.com

    Roger Nimier fut sans doute le dernier des écrivains, et des honnêtes gens, à être d'une civilisation sans être encore le parfait paria de la société; mais devinant cette fin, qui n'est pas une finalité mais une terminaison.

    Après les futilités, les pomposités, les crises anaphylactiques collectives, les idéologies, viendraient les temps de la disparition pure et simple, et en même temps, des individus et des personnes. L'aisance, la désinvolture de Roger Nimier furent la marque d'un désabusement qui n'ôtait rien encore à l'enchantement des apparences. Celles-ci scintillent un peu partout dans ses livres, en sentiments exigeants, en admirations, en aperçus distants, en curiosités inattendues.

    Ses livres, certes, nous désabusent, ou nous déniaisent, comme de jolies personnes, du Progrès, des grandes abstractions, des généralités épaisses, mais ce n'est point par une sorte de vocation éducative mais pour mieux attirer notre attention sur les détails exquis de la vie qui persiste, ingénue, en dépit de nos incuries. Roger Nimier en trouvera la trace aussi bien chez Madame de Récamier que chez Malraux. Le spectre de ses affections est large. Il peut, et avec de profondes raisons, trouver son bien, son beau et son vrai, aussi bien chez Paul Morand que chez Bernanos. Léautaud ne lui interdit pas d'aimer Péguy. C'est assez dire que l'esprit de système est sans prise sur lui, et que son âme est vaste.

    On pourrait en hasarder une explication psychologique, ou morale. De cette œuvre brève, au galop, le ressentiment qui tant gouverne les intellectuels modernes est étrangement absent. Nimier n'a pas le temps de s'attarder dans les relents. Il va à sa guise, voici la sagesse qu'il nous laisse.  Ses quelques mots pointus, que l'on répète à l'envie, et que ses fastidieux épigones s'efforcent de reproduire, sont d'un piquant plus affectueux que détestateur. Pour être méchant, il faut être bien assis quelque part, avec sa garde rapprochée. Or le goût de Roger Nimier est à la promenade, à l'incertitude, à l'attention. Fût-ce par les méthodes de l'ironie, il ne donne pas la leçon, mais invite à parcourir, à se souvenir, à songer, - exercices dont on oublie souvent qu'ils exigent une intelligence toujours en éveil. Son goût n'est pas une sévérité vétilleuse dissimulée sous des opinions moralisatrices, mais une liberté exercée, une souveraineté naturelle. Il ne tient pas davantage à penser comme les autres qu'il ne veut que les autres pensent comme lui, puisque, romancier, il sait déjà que les autres sont déjà un peu en lui et lui dans les autres. Les monologues intérieurs larbaudiens du Hussard bleu en témoignent. Nimier se défie des représentations et de l'extériorité. Sa distance est une forme d'intimité, au rebours des familiarités oppressantes.

    L'amour exige de ces distances, qui ne sont pas seulement de la pudeur ou de la politesse mais correspondent à une vérité plus profonde et plus simple: il faut aux sentiments de l'espace et du temps. Peut-être écrivons nous, tous, tant bien que mal, car nous trouvons que ce monde profané manque d'espace et de temps, et qu'il faut trouver quelque ruse de Sioux pour en rejoindre, ici et là, les ressources profondes: le récit nous autorise de ses amitiés.  Nul mieux que Roger Nimier ne sut que l'amitié est un art, et qu'il faut du vocabulaire pour donner aux qualités des êtres une juste et magnanime préférence sur leurs défauts. Ceux que nous admirons deviendront admirables et la vie ressemblera, aux romans que nous écrivons, et nos gestes, aux pensées dites « en avant ». Le généreux ne jalouse pas.

    Il n'est rien de plus triste, de plus ennuyeux, de plus mesquin que le « monde culturel », avec sa moraline, son art moderne, ses sciences humaines et ses spectacles. Si Nimier nous parle de Madame Récamier, au moment où l'on disputait de Mao ou de Freud, n'est-ce pas pour nous indiquer qu'il est possible deprendre la tangente et d'éviter de s'embourber dans ces littératures de compensation au pouvoir absent, fantasmagories de puissance, où des clercs étriqués jouent à dominer les peuples et les consciences ? Le sérieux est la pire façon d'être superficiel; la meilleure étant d'être profond, à fleur de peau, - « peau d'âme ». Parmi toutes les mauvaises raisons que l'on nous invente de supporter le commerce des fâcheux, il n'en est pas une qui tienne devant l'évidence tragique du temps détruit. La tristesse est un péché.

    Les épigones de Nimier garderont donc le désabusement et s'efforceront de faire figure, pâle et spectrale figure, dans une société qui n'existe plus que pour faire disparaître la civilisation. La civilisation, elle, est une eau fraîche merveilleuse tout au fond d'un puits; ou comme des souvenirs de dieux dans des cités ruinées. L'allure dégagée de Roger Nimier est plus qu'une « esthétique », une question de vie ou de mort: vite ne pas se laisser reprendre par les faux-semblants, garder aux oreilles le bruit de l'air, être la flèche du mot juste, qui vole longtemps, sinon toujours, avant son but.

    Les ruines, par bonheur, n'empêchent pas les herbes folles. Ce sont elles qui nous protègent. Dans son portrait de Paul Morand qui vaut bien un traité « existentialiste » comme il s'en écrivait à son époque (la nôtre s'étant rendue incapable même de ces efforts édifiants), Roger Nimier, après avoir écarté la mythologie malveillante de Paul Morand « en arriviste », souligne: « Paul Morand aura été mieux que cela: protégé. Et conduit tout droit vers les grands titres de la vie, Surintendant des bords de mer, Confident des jeunes femmes de ce monde, Porteur d'espadrilles, Compagnons des vraies libérations que sont Marcel Proust et Ch. Lafite. »

    Etre protégé, chacun le voudrait, mais encore faut-il bien choisir ses Protecteurs. Autrefois, les tribus chamaniques se plaçaient sous la protection des faunes et des flores resplendissantes et énigmatiques. Elles avaient le bonheur insigne d'être protégées par l'esprit des Ours, des Lions, des Loups ou des Oiseaux. Pures merveilles mais devant lesquelles ne cèdent pas les protections des Saints ou des Héros. Nos temps moins spacieux nous interdisent à prétendre si haut. Humblement nous devons nous tourner vers nos semblables, ou vers la nature, ce qui n'est point si mal lorsque notre guide, Roger Nimier, nous rapproche soudain de Maurice Scève dont les poèmes sont les blasons de la langue française: « Où prendre Scève, en quel ciel il se loge ? Le Microcosme le place en compagnie de Théétète, démontant les ressorts de l'univers, faisant visiter les merveilles de la nature (...). Les Blasons le montrent couché sur le corps féminin, dont il recueille la larme, le soupir et l'haleine. La Saulsaye nous entraîne au creux de la création dans ces paradis secrets qui sont tombés, comme miettes, du Jardin royal dont Adam fut chassé. »

    Hussard, certes, si l'on veut, - mais pour quelles défenses, quelles attaques ? La littérature « engagée » de son temps, à laquelle Nimier résista, nous pouvons la comprendre, à présent, pour ce qu'elle est: un désengagement de l'essentiel pour le subalterne, un triste "politique d'abord" (de Maurras à Sartre) qui abandonne ce qui jadis nous engageait (et de façon engageante) aux vertus mystérieuses et généreuses qui sont d'abord celles des poètes, encore nombreux du temps de Maurice Scève: « Ils étaient pourtant innombrables, l'amitié unissait leurs cœurs, ils inspiraient les fêtes et décrivaient les guerres, ils faisaient régner la bonté sur la terre. » De même que les Bardes et les Brahmanes étaient, en des temps moins chafouins, tenus pour supérieurs, en leur puissance protectrice, aux législateurs et aux marchands, tenons à leur exemple, et avec Roger Nimier, Scève au plus haut, parmi les siens.

    Roger Nimier n'étant pas « sérieux », la mémoire profonde lui revient, et il peut être d'une tradition sans avoir à le clamer, ou en faire la réclame, et il peut y recevoir, comme des amis perdus de vue mais nullement oubliés, ces auteurs lointains que l'éloignement irise d'une brume légère et dont la présence se trouve être moins despotique, contemporains diffus dont les amabilités intellectuelles nous environnent.

    Qu'en est-il de ce qui s'enfuit et de ce qui demeure ? Chaque page de Roger Nimier semble en « répons » à cette question qui, on peut le craindre, ne sera jamais bien posée par l'âge mûr, par la moyenne, - dans laquelle les hommes entrent de plus en plus vite et sortent de plus en plus tard, - mais par la juvénilité platonicienne qui emprunta pendant quelques années la forme du jeune homme éternel que fut et demeure Roger Nimier, aimé des dieux, animé de cette jeunesse « sans enfance antérieure et sans vieillesse possible » qu'évoquait André Fraigneau à propos de l'Empereur Julien.

    Qu'en est-il de l'humanité lorsque ces fous qui ont tout perdu sauf la raison régentent le monde ? Qu'en est-il des civilités exquises, et dont le ressouvenir lorsqu’elles ont disparu est exquis, précisément comme une douleur ? Qu'en est-il des hommes et des femmes, parqués en des camps rivaux, sans pardon ? Sous quelle protection inventerons-nous le « nouveau corps amoureux » dont parlait Rimbaud ? Nimier écrit vite, pose toutes les questions en même temps, coupe court aux démonstrations, car il sait que tout se tient. Nous perdons ou nous gagnons tout. Nous jouons notre peau et notre âme en même temps. Ce que les Grecs nommaient l'humanitas, et dont Roger Nimier se souvient en parlant de l'élève d'Aristote ou de Plutarque, est, par nature, une chose tant livrée à l'incertitude qu'elle peut tout aussi bien disparaître: « Et si l'on en finissait avec l'humanité ? Et si les os détruits, l'âme envolée, il ne restait que des mots ? Nous aurions le joli recueil de Chamfort, élégante nécropole où des amours de porphyre s'attristent de cette universelle négligence: la mort ».

    Par les mots, vestiges ultimes ou premières promesses, Roger Nimier est requis tout aussi bien par les descriptifs que par les voyants, même si  « les descriptifs se recrutent généralement chez les aveugles ». Les descriptifs laisseront des nécropoles, les voyants inventeront, comme l'écrivait Rimbaud « dans une âme et un corps ». Cocteau lui apparaît comme un intercesseur entre les talents du descriptif et des dons du voyant, dont il salue le génie: «Il ne fait aucun usage inconsidéré du cœur et pourtant ses vers ont un caractère assez particulier: ils semblent s'adresser à des humains. Ils ne font pas appel à des passions épaisses, qui s'essoufflent vite, mais aux patientes raisons subtiles. Le battement du sang, et c'est déjà la mort, une guerre, et c'est la terre qui mange ses habitants ».Loin de nous seriner avec le style, qui, s'il ne va pas de soi, n'est plus qu'un morose « travail du texte », Roger Nimier va vers l'expérience, ou, mieux encore, vers l'intime, le secret des êtres et des choses: « Jean Cocteau est entré dans un jardin. Il y a trouvé des symboles. Il les a apprivoisé. »

    Loin du cynisme vulgaire, du ricanement, du nihilisme orné de certains de ses épigones qui donnent en exemple leur vide, qui ne sera jamais celui des montagnes de Wu Wei, Roger Nimier se soucie de la vérité et du cœur, et de ne pas passer à côté de ce qui importe. Quel alexipharmaque à notre temps puritain, machine à détruire les nuances et qui ne connaît que des passions courtes ! Nimier ne passe pas à côté de Joseph Joubert et sait reconnaître en Stephen Hecquet l'humanité essentielle (« quel maître et quel esclave luttant pour la même cause: échapper au néant et courir vers le soleil ») d'un homme qui a « Caton pour Maître et Pétrone pour ami. » Sa nostalgie n'est pas amère; elle se laisse réciter, lorsqu'il parle de Versailles, en vers de La Fontaine: « Jasmin dont un air doux s'exhale/ Fleurs que les vents n'ont su ternir/ Aminte en blancheur vous égale/ Et vous m'en faites souvenir ».

    On oublie parfois que Roger Nimier est sensible à la sagesse que la vie et les œuvres dispensent « comme un peu d'eau pris à la source ». La quête d'une sagesse discrète, immanente à celui qui la dit, sera son génie tutélaire, sondaemon, gardien des subtiles raisons par l'intercession de Scève: « En attendant qu'à dormir me convie/ Le son de l'eau murmurant comme pluie ».

    Luc-Olivier d'Algange

    Extrait d’un article paru dans l’ouvrage collectif, Roger Nimier, Antoine Blondin, Jacques Laurent et l’esprit Hussard, sous la direction de Philippe Barthelet et Pierre-Guillaume de Roux, éditions Pierre-Guillaume de Roux 2012.

    http://euro-synergies.hautetfort.com/

  • Les acquisitions ciblées des informations personnelles

    Une agence d’espionnage ne se contente pas d’écouter tout ce qui se passe sur des câbles et de poster des injonctions judiciaires, elle a aussi vocation à aller chercher des informations qu’elle désire spécifiquement. Parfois, elle attend patiemment que sa proie se mette à sa merci, comme David House, soutien actif du soldat Manning, lorsqu’il a voulu se rendre au Mexique en 2010 : bien qu’il ne représente pas une menace pour la sécurité du pays, tous ses appareils électroniques (ordinateur, téléphone, appareil photo, clef USB) ont été confisqués au passage de la frontière
         A l’autre extrême, le Special Collection Service (SCS), surnommé « Mission impossible », mène depuis ses 75 stations permanentes autour du monde des opérations de surveillance, vol, écoute et cambriolage dans les endroits les plus difficiles : gouvernements, ambassades, centres de communication, réseaux de fibres optiques... C’est lui qui a récemment permis d’espionner le quartier général du Conseil européen et la représentation diplomatique de l’Union européenne aux États-Unis et à l’ONU
         Lorsque Snowden rencontrait ses avocats, il leur demandait de ranger leurs téléphones dans le frigo, car il était bien placé pour savoir que leurs micros pouvaient être déclenchés à distance, de manière indétectable, pour connaître tout ce qui se disait dans la pièce. De même, la webcam intégrée à un ordinateur portable appartenant à un service de renseignement est toujours bloquée par du gros scotch, parce qu’elle aussi peut être déclenchée à distance, sans aucun signe extérieur
         Il est bien difficile d’arrêter une agence motivée : lorsque les États-Unis déterminèrent que Ben Laden était susceptible d’être caché dans une maison d’Abbotabad (Pakistan), le SCS loua un appartement distant d’un mile (1,6 km) depuis lequel ils utilisèrent des lasers pour mesurer les vibrations des fenêtres. Cela leur permit de compter les personnes et de constater que l’une d’elles ne sortait jamais. 
         Ces exemples spectaculaires donnent une idée des capacités de la NSA. Comment se transposent-elles lorsque leurs cibles sont accessibles par un réseau ? Comme pour l’aspiration de données, la NSA est passée à l’échelle industrielle. Sa branche Tailored Access Operations, chargée d’identifier, surveiller et infiltrer les installations, dispose de bibliothèques de programmes lui permettant de pénétrer dans les systèmes courants, notamment des routeurs et des pare-feu (souvent appelés firewalls dans un contexte informatique). Les attaques peuvent être menées sans intervention humaine ou presque, en testant la présence de failles connues, ou de logiciels présentant des backdoors (« portes dérobées ») dont la NSA aurait connaissance, ou encore en essayant de deviner un mot de passe. Dès qu’une faille est trouvée, l’ordinateur attaquant installe une ou plusieurs backdoors sûres, efface discrètement les traces de l’attaque, et installe les logiciels qui rempliront la mission : un keylogger pour enregistrer tout ce que tape un utilisateur, un mouchard pour exfiltrer des données, etc. 
         Pour compléter sa panoplie d’attaque, pour avoir connaissance de nouvelles vulnérabilités dans des logiciels, pour former ses recrues ou pour mener certaines missions à sa place, elle peut compter sur des entreprises spécialisées dans l’intrusion de systèmes, analogues informatiques des sociétés militaires privées (comme Blackwater) dont les Etats-Unis avaient fait grand usage en Irak. Par exemple, HackingTeam vend une suite logicielle baptisée « Système de contrôle à distance Da Vinci : les outils de hacking pour l’interception gouvernementale ». Ou Finfisher, qui avait par exemple équipé l’Egypte de Moubarak. Ou encore Vupen, entreprise française « leader mondial de la recherche sur les vulnérabilités », qui fournit à la NSA depuis le 14 septembre 2012 une analyse en profondeur de chaque nouvelle vulnérabilité connue, donc un moyen d’en tirer le plus grand avantage. Le choix est vaste ; l’an dernier, les salons organisés par ISS World Training (Intelligence Support Systems, « Systèmes d’appui au Renseignement ») avaient réuni 4635 personnes provenant de 110 pays, de l’Afghanistan au Zimbabwe. 41 % représentaient des entreprises spécialisées. 
         Cette automatisation est ce qui a permis à la NSA de mener 61 000 opérations d’intrusion en Chine. L’un des résultats est que la NSA enregistre les métadonnées et les SMS d’un milliard d’abonnés au téléphone portable dans ce pays
         Ce n’est qu’en cas d’échec des méthodes industrielles qu’une attaque est pilotée en direct par des humains, pour les sites les mieux sécurisés. Ils prennent alors soin de se faire passer pour d’autres, notamment des hackers chinois, pour le cas où ils seraient découverts. (La Chine, de son côté, lance aussi beaucoup d’attaques. Lors de son espionnage des vidéoconférences au sein de l’ONU, la NSA s’est aperçue que des Chinois tentaient de faire la même chose au même moment). En 2011, ce sont 231 attaques ciblées que la NSA à menées « à la main »
         Lorsque les « logiciels de guerre » échouent, la NSA sait revenir aux méthodes traditionnelles, comme la copie de disques durs lors d’un raid du SCS ou, plus souvent, l’infiltration d’une organisation ou le retournement d’un de ses membres. 
     
    Sébastien Desreux, Big Mother

  • Rocard et Wiesel : la fin de deux imposteurs

    Quelle différence y a-t-il entre Jean-Marie Le Pen et Marine Le Pen ? Le premier rappelle dans deux tweets bien sentis que Rocard qui vient de s'éteindre le 2 juillet à 85 ans « fut un combattant de la guerre d'Algérie : dans le camp de l’ennemi » et que l'ancien Premier ministre de François Mitterrand « se vantait d'avoir porté des valises de billets qui servaient au FLN à acheter des armes pour tuer des Français ». La présidente du Front national, elle, à l'instar de toute la classe politico-médiatique, a cru bon de rendre hommage à l'ancien militant PSU et pro-FLN : « Sincères condoléances à la famille et aux proches de Michel Rocard, premier ministre de la France, homme de convictions ». Et après cela il y a aura encore des gens pour prétendre que le FN n'a pas changé, qu'il s'agit seulement d'une différence de forme et de génération et non de fond entre le père et la fille !

    Michel Rocard était un vil politicien qui a toujours trahi les intérêts de la France, d'abord pendant la guerre d'Algérie en poignardant dans le dos les soldats du contingent appelés à se battre contre le FLN et en fraternisant avec l'ennemi, ensuite en participant, comme Premier ministre, au largage graduel de la Nouvelle-Calédonie, pourtant territoire stratégique riche en minerais que nous convoitent des puissances comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande, en cédant tout là encore au FLNKS de Jean-Marie Tjibaou, aidé par le traître gaullo-chiraquien Jacques Lafleur (c'est décidément une habitude chez les gaullistes de prendre le parti de l'ennemi et de lui céder des pans entiers du territoire national !)

    Piètre orateur, très imbu de lui-même, ce protestant multidivorcé que pour le coup Mitterrand détestait à juste titre n'a mené à bien aucune réforme d'envergure en politique intérieure pendant les trois ans où il fut Premier ministre et où il veilla à ne surtout pas baisser dans les sondages en vue de la prochaine présidentielle (à laquelle il ne put concourir, ayant reçu de l'Elysée le missile Tapie lors des européennes de 1994). Alors que la France jouissait à l'époque d'une forte croissance, Rocard s'est refusé par démagogie, lors de son passage à Matignon, à traiter le dossier explosif des retraites, repassant la patate chaude à ses successeurs. Alors que notre pays connaissait déjà des taux records de prélèvements obligatoires, il créa une nouvelle cotisation, la CSG (Contribution sociale généralisée), un nouvel impôt, l'ISF (l'impôt de solidarité sur la fortune) ce qui incita les personnes ayant brillamment réussi dans la vie à fuir l'enfer fiscal français. Il favorisa le parasitisme et l'invasion migratoire en créant le RMI sans soumettre l'octroi de ce revenu à une condition de nationalité ni à une recherche effective d'un travail.

    Très antichrétien (il osa dire de manière calomniatrice à l'Assemblée nationale que les docteurs de l’Église s'étaient demandé pendant des siècles si les femmes avaient une âme alors même que les catholiques ont toujours vénéré la Vierge Marie, que pour la validité du mariage a toujours été requis le libre consentement de la future épouse et que les femmes ont toujours reçu le sacrement du baptême au même titre que les hommes), Rocard fut un adversaire constant de la droite nationale en général et de Jean-Marie Le Pen en particulier qu'il accusa sans preuves d'avoir torturé en Algérie. Pour la petite histoire, la cour de cassation changea sa jurisprudence à cette occasion : dans cette affaire qui dura quatorze ans, Le Pen avait d'abord réussi à faire condamner Rocard pour diffamation, la cour de cassation dans un premier temps donna raison au Menhir puis, quelques années plus tard, l'affaire se prolongeant, les cours d'appel successives refusant de condamner l'ancien porteur de valises du FLN, les juges de casse changèrent leur fusil d'épaule de sorte que Rocard fut définitivement relaxé. Ce dossier a montré de manière stupéfiante qu'on ne saurait faire aucune confiance à une justice politisée et syndicalisée toujours prête à prendre le parti des puissants et de l'appareil dirigeant de l’État contre l'opposition nationale.

    Si le décès de Rocard nous laisse donc l'œil sec, nous ne pleurerons pas davantage (sinon peut-être de joie) devant la disparition d'un autre imposteur, Elie Wiesel. Dans les pages centrales de ce numéro, Hervé Ryssen et Robert Faurisson rappellent fort opportunément qui était vraiment ce mystificateur, pourvoyeur de haines, qui a su faire une carrière très rémunératrice dans la pleurniche. De même, dans un tweet qui a suscité lire des grands média et des lobbies « puissants et nocifs », Jean-Marie Le Pen, qui suit manifestement de près l'actualité, a écrit fort justement : « Wiesel affabulateur ? " Il m'arrive assez souvent de broder, d'inventer des détails piquants sur l’histoire... " Mémoires, tome I, 1994, p.271 ».

    Nous ne sommes cependant pas les seuls à refuser de tresser des lauriers à l'auteur de La Nuit. Evoquant le 2 juillet la mort d'Elie Wiesel, disparu le même jour que Rocard (quelle belle journée une semaine seulement après le Brexit !), le site de France Inter annonçait à 22h44 : « Claude Lanzmann sera demain à 7h45 l'invité du 6/9 de Laetitia Gayet » L'émission a bien eu lieu, on peut l'écouter sur l'excellent site Egalité et Réconciliation (< https://www.egaliteetreconciliation.fr/ Lanzmann-Finkiefkraut-et-Levy-reagiss >) mais on n'en trouve aucune trace dans la grille de France inter, où il est absolument impossible de réécouter l'émission. Pourquoi cette inhabituelle et brusque censure ? Tout simplement parce qu'invité à dresser le panégyrique du défunt, ce qui semblait somme toute logique entre professionnels de la « shoah business », le nonagénaire Claude Lanzmann, après avoir évoqué une « fournée de morts » (sic !), multiplia les attaques vipérines contre Wiesel qui « n'avait passé que 3 ou 4 nuits à Auschwitz avant d'attendre la fin de la guerre à Buchenwald » contrairement au prix Nobel hongrois Imre Kertesz, « un vrai survivant, lui ». Lanzmann accusa également Wiesel d'avoir refusé avec mépris de participer à son film Shoah (quel impardonnable affront !) et de n'en avoir soufflé mot à sa sortie, sauf dans un étrange article du New York Times où il se garda bien de vanter la qualité de l'oeuvre. Laetitia Gayet qui ne s'attendait pas à un tel déluge de feu contre l'icône était manifestement tétanisée. On le voit, entre professionnels de la Shoah, c'est tout sauf le grand amour !

    Reste que la réaction de Lanzmann choqua même certains milieux juifs. Alliance, « le premier magazine juif sur le net », < www1.alliance.fr.com >, publia contre le réalisateur un libelle intitulé « Touche pas à ma Shoah » (sic !) et que nous ne résistons pas à l'envie de publier in extenso d'autant que ce texte a depuis été supprimé du site : « Répondant à l'invitation qui lui était faite le dimanche 3 juillet sur France Inter (invitation qu'il pouvait refuser) afin de saluer la disparition d'Elie Wiesel, Claude Lanzmann s'est livré à un exercice d'ignominie, d'exécution et de petitesse consternante. En une poignée de secondes l'égotique a accusé Elie Wiesel de n'être resté "que 4 jours et 4 nuits à Auschwitz", comme s'il fallait classer les camps de la mort selon un guide Michelin des lieux de massacre. Celui où Wiesel et sa famille furent emmenés n'était donc pas le "bon",.. Lanzmann ne s'est pas arrêté en si bon chemin. Il a repris sa vieille lanterne : ne peuvent filmer la Shoah que ceux qui ne l’ont pas vécu de l’intérieur. Il joue au passage, contre Wiesel, Laszlo Nemes. L'auteur du « Fils de Saul » n'avait pourtant été salué par le directeur des Temps Modernes que du bout des lèvres. Celui-ci s'empressa de dire qu'il ne s'agissait pas d'un film sur la Shoah afin de conserver sa chasse gardée.

    Dans un dernier temps de sa compulsion narcissique Claude Lanzmann a émis une ultime reproche. Lors de la sortie de Shoah à New-York, et sous prétexte d'en parler, Wiesel n'en a pas dit un mot, préférant "les témoins au témoignage". En 3 minutes le venin n'a eu cesse de couler de manière déplacée (euphémisme).

    L'auteur prouve comment, fidèle à la société du spectacle, il ne peut baigner que dans sa propre gloire. En un moment de deuil le "moralisme" et ses crachats rendent Lanzmann pathétique. Son déni fondé sur le culte du moi s'est réduit à une sorte de bêtise et de forfanterie auto-satisfaite. L'intellectualisme à la française n'en sort pas grandi Lanzmann dans son hommage transformé en diatribe s'est réduit à un Cyrille Hanouna atrabilaire. Ce qui n'est pas gentil pour Hanouna. »

    Ce texte bien peu respectueux pour le sacro-saint réalisateur de Shoah a donc disparu du site Alliance, comme l'interview de Lanzmann sur France Inter. On nous répète qu'à la fin de la guerre les Allemands ont détruit toutes les preuves de leurs crimes. Il faut croire alors qu'ils ne sont pas les seuls à agir ainsi ! Nous donnerons le mot de la fin à Bocage qui écrit fort justement : « Elie Wiesel, le grand prêtre de la Shoah, Prix Nobel de la Paix, sa parole et ses écrits ne devaient jamais souffrir la moindre critique. Or le coup de canon, la bombe atomique n'est venue ni du Professeur Faurisson, ou de Vincent Reynouard, mais du réalisateur de Shoah : Claude Lanzmann [...] Ce qui peut paraître incroyable dans cette affaire pour la société, et non pour les révisionnistes, est que Elie Wiesel serait un affabulateur, ayant bien vécu sur les bobards de la Shoah. Nous remarquons que les grands média sont bien silencieux, silence gêné, ou silence demandé par le Système. Elie Wiesel va rejoindre le néant en compagnie de Fillip Mûller, Shlomo Venezia, Martin Gray et autres menteurs de la Shoah. Ces juifs, par leur appât du gain et de la célébrité, ont fait plus de tort aux juifs et aux historiens officiels qui sont restés pendant 70 ans sans avoir un début de doute. Grâce à Claude Lanzmann : une nouvelle victoire du Révisionnisme ! » Etonnant, non ?

    RIVAROL, du 7 juillet 2016

    <jeromebourbon@yahoo.fr>.

  • L’école : un droit des parents

    D’où vient la liberté de l’enseignement ? La question paraît évidente, il faut tout de même remonter aux principes.

    Dans la perspective libérale, on insiste effectivement sur la liberté de conscience,que les parents doivent respecter autant que l'État. C'est très clair dans le premier article de la loi Debré (1958). L'Église, elle, va plus loin, elle revendique pour les parents un droit de nature, qui est une application particulière des droits naturels de l'homme à la relation parents/enfants. Il ne s'agit pas d'un droit que l'homme se donnerait à lui-même, comme les droits révolutionnaires que l'homme s'octroie, mais d'un droit que l'on reconnaît communément comme un fait de nature, en tant que tel supérieur à tous les autres droits humains. Pie XI, dans Divini illius magistri (1929), distingue en premier lieu, non pas l'individu qui n'existe pas en lui-même, mais, première des sociétés humaines, la famille :

    « En premier lieu, la famille, instituée immédiatement par Dieu, pour sa fin propre, qui est la procréation et V éducation des enfants. Elle a pour cette raison une priorité de nature et par suite une priorité de droits, par rapporta la société civile... Ce droit de donner l'éducation à l'enfant est inaliénable parce qu'inséparablement uni au strict devoir corrélatif... [il est] inviolable par quelque puissance terrestre que ce soit...». Pourquoi ce droit est-il inviolable ? Parce qu'il recouvre en même temps un devoir. C'est la nature elle-même, c'est le Créateur de la nature qui fait un devoir aux familles d'élever elles-mêmes leurs enfants et qui leur donne ce privilège de pouvoir choisir le type d'éducation qu'elles veulent donner à leur progéniture. Les successeurs de Pie XI retrouveront cette théorie naturelle des droits de la famille. Le principe de subsidiarité joue ici à plein : tout ce qu'une petite société naturelle peut faire, il importe qu'elle l'accomplisse, sans s'en remettre à la société politique elle-même, symbolisée ou représentée par l'État.

    Mais l'État n'est pas seul en cause. Certes il peut et il a pu prendre la responsabilité non seulement de l'instruction publique mais même revendiquer pour lui l'éducation nationale. De nos jours, c'est courant : l'État devient enseignant. À la fin du Moyen Âge et jusqu'au XVIIIe siècle, à travers l'Université, ce n'est pas l'État qui enseigne, c'est l'Église. Contrairement à l'État, essentiellement chargé de la prospérité temporelle et de la paix entre les citoyens, l'Église, elle, trouve dans sa mission fondamentale, un droit et un devoir imprescriptible à s'occuper des âmes et de ce que l'homme peut apprendre. Voici comment elle le revendique, toujours sous la plume de Pie XI, dans Divini illius Magistri :

    « Société d'ordre surnaturel et universel, société parfaite, car elle a en elle tous les moyens requis pour sa fin qui est le salut éternel des hommes (...) l'Église a la suprématie dans son ordre... [L'éducation lui] appartient d'une manière suréminente à deux titres d'ordre surnaturel... Le premier se trouve dans la mission expresse et l'autorité suprême du magistère que son divin fondateur lui a données ; Allez, enseignez toutes les nations (...). Le second est la maternité surnaturelle par laquelle l'Église, épouse immaculée du Christ, engendre, nourrit et élève les âmes dans la vie divine de la grâce par ses sacrements et son enseignement... »

    Des formules comme celles-là peuvent entraîner les hommes d'Église vers un cléricalisme trop facile. Elles donnent à l'Église un droit sur la culture des esprits qui est lui aussi imprescriptible. Qu'en penser ? Dans une société chrétienne, l'Église peut et doit utiliser son droit imprescriptible à l'éducation. Parce qu'elle possède la vérité sur la nature humaine, elle jouit de plein droit de la liberté d'enseignement. Encore faut-il ajouter que du point de vue thomiste, en tout cas, le droit de l'Église sur l'éducation morale et spirituelle des êtres humain est moins grand que l'autorité des familles. On trouve cela au début de la Ilallae, dans la Somme théologique. Le commentaire de Cajétan est particulièrement explicite : face à Duns Scot, qui, au nom du droit de l'Église reconnaissait un droit à faire baptiser les enfants indépendamment des parents et de leur volonté ou de leur interdiction, Cajétan affirme et défend le droit naturel des parents, qui est antérieur et plus contraignant encore que le droit surnaturel de l'Église.

    Edgar Mortara : un cas théo-illogique

    Ce pilpoul scolastique vous paraît dépassé ? Il y eut au XIXe siècle une affaire terrible, sorte d'affaire Dreyfus avant l'heure au sein même de l'Église. À sa naissance, le petit Edgar Mortara, appartenant à une famille juive des États pontificaux, fut baptisé par sa gouvernante, une jeune chrétienne, parce qu'elle pensait qu'il ne survivrait pas à sa venue au monde. L'enfant finalement survécut malgré sa faiblesse. La jeune femme soumis la question à son confesseur : ce jeune baptisé pouvait-il être laissé à sa famille juive ? Le confesseur, qui avait appris le droit de l'Église, mais pas dans sa version thomiste, recourut au pape, qui ordonna qu'on enlève l'enfant à sa famille et se proposa d'être son parrain. L'Europe entière s'enflamma contre le mal heureux Pie IX, qui tint bon. Edgar Mortara devint prêtre et respecta toujours profondément son parrain. Mais du point de vue de Thomas d'Aquin et de Cajétan, une telle affaire n'aurait jamais dû arriver. L'un et l'autre enseignent que le droit de nature que la famille a sur l'enfant est plus important que le droit même de l'Église Rassurant !

    Abbé G. de Tanoüarn monde&vie 1er juillet 2016