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culture et histoire - Page 1135

  • Le terrorisme est une des « valeurs » du Quatorze juillet

    Le terrorisme a encore frappé et, cette fois, en un jour hautement symbolique : le jour de la fête nationale de la république. Si, après cet horrible massacre de Nice, les hommes politiques de ce régime, de droite comme de gauche, n'ont pas compris qu'il ne sert à rien de rappeler sans cesse les "valeurs" républicaines   pour   intimider les  djihadistes, nous aurons la preuve de leur incompétence et de leur aveuglement. Foin des dissertations sur les Droits de l'Homme et la Laïcité : les nouveaux barbares ne comprennent que l'implacable répression. Et si ces discours n'ont pour but que de consoler les rescapés du terrorisme en les rendant fiers d'être du pays ayant inventé ces concepts faussement philosophiques, que nos bavards médiatiques cessent enfin d'ajouter au deuil des familles éprouvées le pire des mensonges !

    D'abord, loin de toute fausse éloquence, les quatre-vingt-quatre victimes de la Promenade des Anglais ont besoin des prières de la communauté nationale. Qui donc y a songé ? Dire que ces hommes, ces femmes, ces enfants, sont morts en "héros", leur rendre hommage à longueur de lamentations, organiser des marches blanches, n'est pour leur âme d'aucune utilité : les média nous enivrent depuis le soir de 14 juillet de larmes de crocodiles, alors qu'il serait plus utile pour ces morts et même pour les survivants d'observer de grands moments de recueillement et de se demander s'il n'est pas imprudent de jeter le peuple en masse dans la rue, le soir d'un jour historique marqué par le souvenir de tant de scènes de cannibalisme, pouvant donner des idées à des assassins en puissance...

    Le terrorisme a commencé en 1789

    Nous savons ce que fut en 1789 le premier Quatorze Juillet où Paris se trouva livré à des agitateurs sans foi ni loi, sans attaches et sans mémoire. Chaque année à la mi-Juillet la république nous fait commémorer le souvenir des assassins de nombreux Invalides et de nombreux Suisses, qui se saisirent du marquis de Launay, gouverneur de la Bastille, le blessèrent, le massacrèrent et le jetèrent au ruisseau, tandis que le "patriote" garçon boucher Desnos, qui « s'y connaissait en viandes », dit Rivarol, lui coupa la tête. Jacques de Flesselles, prévôt des marchands, s'étant porté à la rencontre de ces sauvages ivres de meurtre, connut le même sort.

    Ces barbares mirent les têtes sanglantes et les viscères de ces malheureux au bout des piques que l'on escorta jusqu'au Palais Royal : ce fut le premier défilé du Quatorze Juillet ! Et là on mit le feu, le soir, à toutes ces chairs, et on farandola autour : ce fut le premier bal du Quatorze Juillet !

    Les jours suivants on continua d'égorger à tour de bras. Bertier de Sauvigny, intendant de Paris, soupçonné de vouloir affamer la capitale, fut massacré, place de l'Hôtel de Ville, devant un grand concours de peuple. Même sort pour son beau-père Foulon de Doué, intendant avisé et vieillard de soixante-quatorze ans, arrêté à Viry-Châtillon et ramené à Paris, pieds nus et un collier de chardons au cou, puis pendu à un réverbère place de Grève ; la corde ayant cassé, on le décapita, puis un soldat arracha le cœur du cadavre et le présenta sur un coussin d'œillets à Bailly, maire de Paris, et au marquis de La Fayette...

    La « grande peur »

    Ces scènes d'orgie meurtrière ne tardèrent pas à gagner la province où s'installa la Terreur, bien avant 1793. La hiérarchie ne disposant ni de l'indépendance ni de la faculté de protéger, et l'autorité, à quelque échelon que ce fût, n'étant plus exercée par des cadres légitimes, la Grande Peur régnait partout. La Révolution ne fut pas terroriste par suite d'un dérapage en 1792-1793 ; elle portait le terrorisme en elle dès ses débuts car elle voulait forcer la nature, violer l'ordre naturel, anéantir les communautés naturelles... On ne peut s'étonner que les jeunes terroristes d'aujourd'hui essaient de s'inscrire dans cette continuité en massacrant même, et peut-être surtout, le jour de la fête nationale de la république qu'elle engendra.

    Il est aujourd'hui de bon ton de dire que le 14 juillet commémore non la prise de la Bastille, mais la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790. Mais celle-ci ne renia aucune des exactions commises l'année précédente : au cours d'une cérémonie ridicule où le roi Louis XVI semblait bien être le seul à croire à ce qu'il faisait, on continua d'exalter la Liberté telle que l'avaient gagnée les "vainqueurs" de la Bastille et sur laquelle on voulait aligner toute la population française, au mépris de son histoire et des données naturelles de l'épanouissement des provinces.

    L'ivresse de meurtre marqua aussi la seconde "journée" révolutionnaire, celle du 6 octobre 1789, quand le roi Louis XVI et la reine Marie-Antoinette, et leurs deux enfants Marie-Thérèse - Madame Royale -, dix ans, et le dauphin Louis-Charles, quatre ans, furent ramenés de Versailles à Paris. Pierre Gaxotte donne une idée de l'horreur de ce cortège : « D'abord en guise de trophées, les têtes sanglantes des gardes ; puis une cohue de femmes, de brigands, de soldats ivres, débraillés, hurlant, tenant les propos les plus obscènes et faisant les gestes les plus immondes... ; encore des soldats en désordre qui déchargent leurs armes au hasard ». À la suite de quoi, le roi et sa famille furent pris en otage à Paris au Palais des Tuileries, par la Commune de Paris, c'est-à-dire par ce qu'il y avait derrière : les clubs, la franc-maçonnerie, les semeurs patentés de haine...

    Tout cela n'était qu'un début : d'autres massacres allaient avoir lieu dans les années 1792-1793. Citons pour mémoire : les noyades de Nantes en juin 1794 où périrent en masses des prêtres et des familles entières, le massacre des Lucs-sur-Boulogne en mars 1794 où les républicains des Colonnes infernales mirent le feu à l'église, faisant mourir des centaines d'hommes, de femmes et d'enfants qui s'y étaient réfugiés, l'extermination de la ville de Lyon en octobre 1793 où plus de mille cinq cents personnes furent tuées. Comment un pays qui ne cesse de s'honorer des « grands ancêtres » ayant commis ou toléré de si horribles carnages peut-il encore prétendre faire la morale aux jeunes tentés par le terrorisme ?

    L’occident sans réponse

    Permettez, chers lecteurs, que je vous ramène sur la Promenade des Anglais, endeuillée aujourd'hui, mais où je me souviens d'avoir assisté, les 13 et 14 décembre 1990, dans les salons de l'hôtel Westminster, à un colloque sur les religions et la guerre. Tous les participants, catholiques, juifs et musulmans, s'entendaient sur le fait que les religions du Livre sont porteuses de paix puisque la paix est un attribut de Dieu et que la sanctification des hommes est le seul moyen d'édifier un monde juste et pacifique. Mais de quelle paix parlaient-ils ? Les musulmans avaient du mal à cacher à ce sujet que le Coran contient des contradictions et qu'une doctrine de limitation de la guerre, remplaçant la force par la confrontation pacifique entre morales différentes, n'était pas encore généralement reçue dans le monde musulman. Certains affirmaient que le dji-had a pour origine le droit de Dieu « et doit aboutir à la soumission de l'humanité entière ». Le terrorisme peut donc avoir une connotation religieuse : « la logique du martyre ne conduit-elle pas à concevoir l'acte terroriste dans le cadre islamiste comme un rapport avec Dieu, l'accomplissement d'un acte de foi ? C'est la reformulation dramatique de la lutte universelle entre le bien et le mal », concluait l'un des orateurs. Quant au phénomène islamiste, j'avais compris qu'il était "complexe" mais que c'était « la revendication du croyant agressé dans son être comme dans son identité collective par l’occidentalisation de ses gouvernants et de la société ».

    Je m'étais demandé, en entendant cela, quelle figure montre l'Occident face à l'émergence religieuse dans les pays islamiques et parmi les immigrés chez nous. Nos sociétés marchandes, laïcisées, apostates, avachies moralement et intellectuellement ont-elles une réponse à cette soif d'idéal ? L'islam profite du vide créé par le laïcisme ambiant car ses "certitudes" rassurent. Rien n'est plus étrange aux yeux d'un musulman pratiquant que la laïcité. Il respecte ceux qui ont une autre foi que la sienne et qui y croient fermement mais il méprise ceux qui mettent toutes les religions sur le même plan ou qui n'en ont aucune - ce qui revient au même. Et quand, en plus, il voit passer dans les rues de nos grandes villes une bacchanale comme la Gay Pride, on peut deviner qu'il n'a guère envie de s'assimiler à une société aussi fière d'exhiber son nihilisme.

    Culte de l’homme et culte d’allah

    Tel est, hélas, l'état de la société française après plus de deux siècles de règne des principes de la Révolution de 1789. Non seulement elle est incapable d'intégrer, mais elle diffuse par son école « laïque, gratuite et obligatoire » des verges pour se faire fouetter. J'ai écrit, il y a quelques mois, dans un raccourci quelque peu audacieux que les terroristes d'aujourd'hui étaient « les enfants de Marat et de Robespierre » ; j'aurais pu ajouter de Rousseau, car le "philosophe", dit-on, éprouvait un certaine fascination pour l'islam. Sa théorie de l'Homme libéré de tout ce qui le caractérise, n'étant sur terre que pour y chercher un moyen de survie de son égoïsme, jouissant de droits purement subjectifs puisque non reliés à des devoirs et ne puisant pas leur source dans leur conformité avec l'ordre naturel, a donné naissance à la Déclaration des Droits de l'Homme du 26 août 1789, laquelle a voulu organiser la société de façon que le citoyen, n'ayant plus d'intérêt particulier, familial, paroissial, provincial ou professionnel, à considérer, pût être "vertueux" et fondre sa volonté dans la volonté générale. On préparait ainsi le règne de "purs", de ceux qui seraient le plus déconnectés des forces vives où ils puisaient leur sève, de ceux qui se seraient le plus dépouillés des traditions pour devenir des hommes nouveaux.

    En l'absence de toute référence transcendante pour juger de la vertu, donc de la pureté de tel individu, cela pouvait déboucher sur une espèce d'eugénisme, voire sur le culte du surhomme. Cette idéologie arme aujourd'hui les djihadistes, les plus purs entre les purs du terrorisme moderne, dont la philosophie se calque presque exactement sur les principes qui engendrèrent la Terreur de 1793-1794 : si chacun peut refaire le monde d'après soi, quelle chance pour les ratés, pour les envieux, pour les aigris, pour les névrosés, pour ceux qui ne surmontent pas l'épreuve d'être privés de ce à quoi ils croyaient avoir "droit", pour tous ces gens que fabrique à longueur d'année l'école sans Dieu ! Sous couvert de religion, ils peuvent alors prendre leur revanche et imposer leur loi par la violence à tous leurs contemporains ! On assiste alors à la rencontre explosive de deux principes totalitaires : celui du culte de l'Homme et celui du culte d'Allah, les deux étant sans amour, sans clergé, sans médiateur entre la créature et son créateur, sans Sauveur, et écrasant l'homme de leur toute-puissance faussement divine.

    Le pire terrorisme

    Il résulte de tout cela que la république dite française est bien mal armée pour lutter contre le terrorisme. Il lui faudrait tout repenser de ses prétendues "valeurs" et renouer avec sa tradition chrétienne hautement civilisatrice. Alors, la France oserait se faire respecter dans le monde, car elle aurait cessé de donner aux nations l'exemple quotidien de l'acte le plus sauvagement terroriste qui soit : l'avortement, qui massacre chaque jour, au nom de la Liberté absolue fêtée chaque Quatorze Juillet, les plus petits, les plus innocents, les plus démunis, d'entre les hommes. Ces enfants-là méritent bien autant de pitié et de larmes que ceux de Nice !

    Michel Fromentoux. rivarol du 21 juillet 2016

  • « Les cinq stades de l’effondrement » | Entretien avec Dmitry Orlov.

    « Il y une décennie et demie, le monde est passé de bipolaire à unipolaire, parce que l’un des pôles s’est désagrégé : l’Union soviétique n’est plus. L’autre pôle – symétriquement appelé les États-Unis – ne s’est pas (encore) désagrégé, mais il y a des grondements menaçants à l’horizon. L’effondrement des États-Unis semble aussi improbable maintenant que l’était l’effondrement de l’Union soviétique en 1985. L’expérience du premier effondrement peut être instructive pour ceux qui souhaitent survivre au second. »Dmitry Orlov

    Si vous nous lisez depuis ces deux dernières années, vous avez eu le plaisir de suivre la pensée de Dmitry, grâce à ses articles quasi hebdomadaires. En plus d’un grande érudition et d’une pensée en effervescence souvent teintée d’un humour caustique, Dmitry est aussi d’un abord très simple et nous entretenons avec lui une relation de confiance pour améliorer les traductions et aider à la diffusion des idées alternatives au Système. 

    - Entretien réalisé par le Saker Francophone.

    Le Saker Francophone : – Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

    Dmitry Orlov : – Je suis quelqu’un qui tape sur un ordinateur portable. C’est très certainement vrai; personne ne conteste cela. Tout le reste me concernant n’est pas aussi certain. Je ne cherche pas à être timide, seulement à dire la vérité. La plupart des faits sur moi semblent quelque peu contradictoires. J’ai un diplôme d’ingénieur, mais je traite les sciences de l’ingénieur comme un passe-temps. Je suis diplômé en linguistique, matière que je traite aussi comme un passe-temps. J’écris des livres et des articles, pas comme un passe-temps, mais je ne suis pas un humaniste ou un littéraire. J’ai vécu pendant de nombreuses années aux États-Unis, et je connais l’anglais beaucoup mieux que la plupart des Américains, mais je suis russe et à la maison on ne parle que russe. Il n’est même pas possible de dire précisément où je vis, parce que nous vivons sur un voilier, qui se déplace d’un endroit à l’autre. Donc la meilleure chose à faire est de simplement lire ce que je vous écris, et ne pas essayer d’y lire qui je suis, parce que rien de tout cela n’est particulièrement pertinent. Ma motivation pour l’écriture est très simple : je veux donner un sens au monde, pour moi-même, et pour toute autre personne qui pourrait être intéressée.

    – Est-ce que votre livre Les cinq stades de l’effondrement, qui va bientôt être publié en français, sert encore de base à votre réflexion sur la situation mondiale?

    – Les cinq étapes offrent un bon échafaudage intellectuel de réflexion sur les différents effondrements qui se déroulent, avec quelques mises en garde.

    Tout d’abord, il est clair que les étapes peuvent se chevaucher; il n’est pas nécessaire que l’effondrement financier aille à son terme avant que l’effondrement commercial et politique puisse commencer. Les effondrements sociaux et culturels sont largement entamés à certains endroits (des parties entières des États-Unis me viennent à l’esprit). Les effondrements peuvent se produire dans des poches relativement petites, franchir une ou deux étapes, et parfois même inverser leur cours, comme c’est arrivé en Russie après l’effondrement de l’URSS.

    Mais il y a aussi des exemples emblématiques : l’Ukraine traverse actuellement l’ensemble des cinq étapes dans une spectaculaire cascade d’échecs.

    Deuxièmement, il y a toujours des surprises. Je suis toujours étonné de voir comment les autorités financières mondiales ont été habiles à perpétuer une sorte de suspension théâtrale de l’incrédulité, ce qui a rendu l’insolvabilité systémique normale. Si j’avais prédit des taux d’intérêt négatifs, il y a quelques années, les gens auraient ri de moi, et pourtant ils sont là! Nous savons tous que la bulle de la dette va éclater, et que quand elle le fera, tout le monde se retrouvera avec du chewing-gum dans les cheveux, mais nous ne savons pas quand cela se produira. Une autre grande surprise a été la volonté des investisseurs de jeter de l’argent facile dans une production marginale d’hydrocarbures, qui est maintenant à l’origine d’une vague massive de faillites dans le secteur de l’énergie. Nous savons que les réserves de pétrole conventionnel s’épuisent de 5% par an, sans rien pour les remplacer, et que la surabondance actuelle ne durera que quelques mois, mais nous ne savons pas encore quel processus va courir le plus vite, l’épuisement du pétrole ou l’effondrement industriel. Nous connaissons le résultat final: le pétrole finira par être considéré comme un déchet toxique inutile.

    Troisièmement, lorsque j’ai écrit ce livre, je ne donnais pas l’attention voulue à l’effondrement de l’environnement, et pourtant il se révèle être l’un des plus importants. Mais il est difficile d’être précis à ce sujet en ce qui concerne d’autres tendances de l’effondrement. D’une part, c’est une mort à petit feu; le réchauffement de la planète va rendre l’agriculture impossible dans de nombreuses régions de la planète; l’élévation du niveau des océans va déloger près de la moitié de la population mondiale en inondant les villes côtières; l’acidification des océans est en train de détruire les chaînes alimentaires marines et priver les populations côtières et insulaires d’une source de nourriture essentielle. D’autre part, la probabilité accrue de phénomènes météorologiques extrêmes liés au réchauffement climatique peut avoir des conséquences soudaines et assez surprenantes.

    Par exemple, une vague de chaleur en Russie en 2010 a influencé la récolte de blé, ce qui a provoqué l’arrêt des exportations de céréales de la Russie, conduisant le prix du couscous à crever le plafond, provoquant le printemps arabe, qui à lui-même conduit une vague de migrants à inonder l’Europe ensuite, provoquant des divisions dans la solidarité européenne. Le changement climatique est comme une bombe en caoutchouc:

    Le nombre de victimes ne peut être calculé, car elle continue à sauter partout, sans fin.

    – Comment voyez-vous la situation mondiale actuelle?

    – La question la plus importante n’est pas comment je vois la situation du monde, mais si vous la voyez. J’en suis venu à la conclusion que la plupart des gens ne voient rien du tout.

    A l’Ouest, en raison du contrôle serré des entreprises transnationales sur les médias de masse, que les Allemands ont commencé à appeler joliment Lügenpresse (presse menteuse), ces médias ont créé un royaume fictif, et la plupart des gens y passent leur vie entière. Par exemple, je suis sûr que beaucoup de Français pensent que la Russie a envahi et annexé la Crimée, et c’est parfaitement vrai. Mais je suis sûr que presque aucun d’entre eux n’a une idée de quand c’est arrivé. Le savez-vous? C’est arrivé en 1783. La Russie occupe la Crimée depuis lors.

    Ce n’est qu’un petit exemple, mais il y en a d’innombrables.

    Et ce n’est là qu’un seul problème dans la connaissance de la situation mondiale. Un autre problème vient d’une dangereuse hiérarchisation de la connaissance, parce que la situation est vraiment catastrophique. Si vous évaluez la situation attentivement, vous découvrirez que si vous voulez que vos enfants et petits-enfants aient une chance de survivre, alors vous devez commencer à vivre d’une manière très différente au sein de la capacité de charge biologique de la petite parcelle de terre que vous et vos compatriotes pourrez défendre, et vous l’appellerez votre chez vous. Mais si vous deviez essayer de commencer à vivre de cette façon, vous devriez aussi arrêter d’aller travailler et de faire du shopping, les entreprises perdraient de l’argent, il y aurait des pertes d’emplois, les recettes fiscales diminueraient, les gens ne recevraient plus leurs pensions et leurs prestations sociales. Il y aurait donc des troubles sociaux et de l’instabilité politique, et vous pourriez donc finir par en mourir. Aussi peut-être le meilleur plan est-il de ne pas attacher trop d’attention à ce qui se passe dans le monde, et se contenter de rester assis là, tranquillement, en vous persuadant que tout est OK, et d’attendre que certains gentils terroristes réfugiés vous jettent une bombe pour vous sortir de votre misère.

    – Quelles sont vos attentes autour des élections américaines, le Brexit, les élections françaises l’année prochaine? Ces événements sont-ils significatifs?

    – Il semble qu’à la fois l’UE et les États-Unis sont au bord d’une révolte massive. Ces peuples ont eux-mêmes permis d’être gouvernés par des élites transnationales non élues, et cela a été une catastrophe à tous les niveaux. Hillary Clinton est un spécimen de premier choix de cette élite: elle habite un royaume abstrait où la souveraineté nationale est une chose du passé et où les pays n’existent pas vraiment. Si ces élites essayent d’agir comme si ces pays existaient encore, alors ils doivent les menacer ou les bombarder pour obtenir leur soumission. Mais s’ils sont trop gros et trop puissants pour être menacés ou bombardés afin d’obtenir cette soumission (comme la Russie), alors le seul choix qui reste est de devenir hystérique et de trépigner de rage en menaçant d’anéantissement nucléaire mondial.

    J’espère que ce sentiment de révolte peut être canalisé sous des formes démocratiques d’expression individuelle, parce que sinon tout va chuter à partir de maintenant. En Europe, l’objectif devrait être de réaffirmer la souveraineté nationale et de détrôner la bureaucratie transnationale non élue. C’est en fait un objectif très modéré; mais s’il est considéré comme extrémiste, alors les résultats seront encore plus extrêmes, avec des partis d’extrême-droite populiste prenant en charge les pays, les uns après les autres.

    Aux États-Unis, il y a maintenant une haine publique très palpable contre la plupart des institutions officielles, et les résultats peuvent être tout à fait imprévisibles. Nous assistons à la mort du duopole des deux-partis républicain / démocrate, ce qui est une chose merveilleuse à observer. Le parti démocrate est une institution complètement anti-démocratique, avec de multiples sorties de route pour priver d’expression le plus grand nombre possible d’électeurs, et qui recourt maintenant à des falsifications pures et simples par le piratage des machines à voter lors de l’actuelle primaire présidentielle. Le parti républicain est aussi un abus de langage, parce que son but a toujours été de convertir la res publica en res privata en privatisant tout ce qui était possible. La disparition de ces deux horribles organisations serait une cause de célébration.

    Mais une fois que la clique duopolistique nous asservissant aura été délogée, on ne sait pas ce qui va arriver. Les États-Unis ne sont pas vraiment un pays, que ce soit territorialement, linguistiquement ou culturellement; il s’agit d’un certain nombre de territoires qui ont été occupés, arbitrairement regroupés dans des États en utilisant une règle sur une carte, et maintenus ensemble par la force. Regardez le Nouveau-Mexique: sa population est presque exactement à moitié mexicaine. Donald Trump y a organisé un rassemblement il y a quelque temps, ce qui a provoqué une émeute, parce que son concept de l’Amérique ne comprend pas le Mexique. Eh bien, ne dites pas cela à tous les Mexicains vivant aux États-Unis, en particulier sur le territoire mexicain occupé par les États-Unis, car ils vont littéralement essayer de vous tuer! Non seulement le Mexique fait partie de l’Amérique, mais il est, en fait, les États-Unis: Estados Unidos Mexicanos. Contrairement à l’UE, qui est, après tout, composée de ce qui était des pays anciennement séparés, et qui peut se désagréger pour revenir à ces mêmes pays, les États-Unis vont se fissurer en gros morceaux partant en lambeaux comme une pastèque trop mûre.

    – Quel est votre message pour que les gens comprennent à quel point la situation actuelle du monde est mauvaise? Qu’est-ce qu’ils peuvent faire?

    – Vous pouvez toujours relire votre Voltaire et suivre l’exemple de Candide: cultiver votre jardin. Vous pouvez difficilement faire mieux.

    – Le Saker francophone traduit vos textes depuis maintenant deux ans. Je sais qu’ils sont aussi traduits en italien, en russe et en allemand. Est-il important pour vous de tendre la main à d’autres personnes, et pas seulement aux États-Unis et en Russie? Avez-vous un message universel?

    – J’étais déjà lu par des gens partout dans le monde. Mes livres sont sortis en anglais, portugais, japonais, chinois, coréen, français maintenant, bientôt suédois. Le russe n’est pas si important parce que les Russes savent déjà tout cela. Si je dois avoir un message universel, il est celui-ci: vous n’êtes pas des citoyens du monde; vous n’êtes que celui d’où la chance vous a fait naître.

    Je suppose que mon attitude envers l’Europe est très russe.

    Géographiquement, l’Europe comprend toute l’Eurasie qui est à l’Ouest des montagnes de l’Oural, mais politiquement c’est seulement cette petite péninsule avançant de ce côté de l’Eurasie, et qui est composée de ces minuscules et mignons petits pays, chacun avec sa propre petite langue et ses petites traditions locales. Elle est vraiment très belle. Mais ce qui se passe là-bas ces derniers temps est une abomination.

    Imaginez que vous amenez vos enfants au zoo, mais que quelqu’un aurait ouvert toutes les cages, et maintenant vous avez des lions ayant des rapports sexuels avec des tigres, de sorte que vous avez beaucoup de tigrons et de ligres, de jaguars ayant des rapports sexuels avec des léopards, et donc beaucoup de petits jaguleos courant partout, et là dans le coin vous avez un rhinocéros qui s’approche d’une hippopotame, et qui sait ce qui va en advenir. Et maintenant, quelqu’un envoie un troupeau de chameaux en panique au milieu. Ils vont tous essayer de se croiser avec les chameaux aussi? C’est une parodie!

    Blague à part, si vous pensez que le monde est un après tout, ou que vous êtes un citoyen du monde, alors vous tenez compagnie à certains autres participants à un voyage mondialisé: les rats, les cafards, les poux et les punaises. Ils n’ont aucune nation non plus, et vont partout où vous allez, et ont autant de raison d’exister que vous, aussi il ne faut pas essayer de les éradiquer. Ils ont les mêmes droits que vous! Mais si vous êtes à la recherche d’une meilleure raison d’exister, il faut commencer par avoir le sens de l’unicité, non pas celui de l’individualisme mais au sens unique du lieu. Il faut être enraciné dans un lieu et parmi un peuple, et avoir le sens du sacré qui est connecté à cet endroit et à ce peuple. Cela concerne tous les lieux, les forêts et les vallées, les champs et les montagnes qui vous donnent un sentiment d’être et un sens du but, quelque part où vous voulez vivre et pour lequel vous êtes prêt à mourir, et dont l’avenir est l’avenir de vos enfants, de sorte que vous ne manquerez pas d’en prendre soin et de le défendre.

    Je suis tout à fait sûr que si nous ne parvenons pas à produire ce sentiment de l’attachement, de l’enracinement à nos lieux de vie et à nos peuples, alors tout sera perdu.

    – Merci Dmitry.

    Vous pouvez retrouver tous les textes de Dmitry Orlov sur le site du Saker Francophone.

    http://www.scriptoblog.com/index.php/archives/actu-videos-auteurs/140-entretiens/1933-les-cinq-stades-de-l-effondrement-entretien-avec-dmitry-orlov

  • Camp Maxime Real Del Sarte 2016 - 10 axes de salut national

  • Jean-Louis Harouel - Les droits de l'homme contre le peuple

    Jean-Louis Harouel

    Les droits de l'homme contre le peuple

    Conférence de Jean-Louis Harouel au Cercle Aristote le 20 juin 2016 : "Les droits de l'homme contre le peuple"

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  • Le « Temps du phénix » : ou la leçon de grande politique de Bruno Mégret (1) [rediffusion]

    Michel Geoffroy, essayiste ♦ Bruno Mégret aurait pu choisir de publier ses souvenirs politiques, façon Philippe de Villiers, c’est-à-dire en forme de plaidoyer ou de plateforme électorale qui ne dit pas son nom. Il aurait pu aussi céder au syndrome des Décombres, façon Rebatet, Finkielkraut ou Zemmour, c’est-à-dire de décrire par le menu le « mal » ou le « suicide » français, au risque de renforcer l’abattement national au lieu de le combattre. Non, il a choisi d’écrire un roman de politique fiction : Le Temps du phénix (*).

    livre-couv-phenix-184x300.jpgC’est un roman apparemment intemporel, puisque tous les noms des acteurs sont inventés. Ceux qui espéraient des petites phrases assassines ou des détails croustillants sur la famille Le Pen en seront pour leurs frais. Bruno Mégret ne mange pas de ce pain-là.

    L’ouvrage est une fiction mais une fiction réelle cependant. Il ne traite pas de la prise du pouvoir mais de l’exercice du pouvoir. La nuance est de taille et distingue la politique politicienne de la grande politique.

    Le roman d’une autre politique

    Le Temps du phénix débute le jour de l’élection du président de la République française, en 2017 : un président qui ne sera jamais nommé par son nom mais que l’on sent issu de la droite nationale et qui ressemble beaucoup à l’auteur. Et le roman se termine au soir du second tour des élections présidentielles qui clôt son quinquennat en 2022.

    Le roman sert, en toile de fond, à développer en détail et avec un grand réalisme, la mise en œuvre d’un programme de renouveau national et européen sur 5 ans. A l’évidence celui de Bruno Mégret.

    Yes we can (**)

    L’auteur ne cache ni les difficultés ni les oppositions que suscite cette politique, mais la trame de l’ouvrage repose sur une conviction : une autre politique que celle menée depuis 30 ans par l’oligarchie politicienne est possible. Une autre politique pour enrayer le déclin de la France et de l’Europe. Yes we can, nous dit ce président. Et on finit par le croire.

    Le phénix représente bien sûr la France. Mais aussi l’Europe car la dimension diplomatique et européenne occupe une place importante dans l’ouvrage. Car l’auteur ne verse pas dans un souverainisme étroit : le président ne cesse de répéter sa conviction que dans un monde multipolaire, une France seule ne peut plus compter : c’est pourquoi il déploie tous ses efforts pour réformer l’Union européenne afin qu’elle joue enfin son rôle de protection et de promotion de notre civilisation.

    Un suspense ou une anticipation politique ?

    Le ton impersonnel de l’ouvrage, écrit à la troisième personne, peut surprendre. Mais au fil des pages on se prend vite au jeu.

    Les rebondissements entretiennent aussi l’intérêt jusqu’à la fin, comme dans tout bon roman.

    On finit par vivre au rythme trépidant de ce président : au rythme du Pacte de Schönbrunn, des émeutes de l’A6, des menées américaines ou des opérations à Niamey. Et plus on avance dans la lecture, plus la fiction prend un goût de réalité. Au point que l’on en vient à attendre avec impatience les sondages de 20 heures, au soir du second tour des élections présidentielles de 2022. Mais c’est la dernière page du livre.

    Le Temps du phénix s’achève sur ce suspense. Mais Bruno Mégret aura réussi à nous faire réfléchir et à nous faire rêver.

    Et aussi à nous faire souhaiter que cette fiction fût aussi une anticipation de notre avenir.

    Michel Geoffroy, 9/02/2016

    Bruno Mégret, Le Temps du phénix, Editions Cité Liberté, février 2016.

    Notes

    (*) Editions Cité Liberté.
    (**) Oui nous pouvons (le faire).

    Pour acheter le livre

    Se rendre sur le site de l’éditeur et télécharger le bon de commande.

    http://www.polemia.com/le-temps-du-phenix-ou-la-lecon-de-grande-politique-de-bruno-megret-1-rediffusion/

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  • Pour en finir avec la Doctrine Sociale de l’Église – Stageiritès

    Pour comprendre que la «DSE» est une expression contemporaine :

    «L’expression doctrine sociale remonte à Pie XI* et désigne le « corpus » doctrinal concernant les thèmes d’importance sociale qui, à partir de l’encyclique Rerum novarum* de Léon XIII, s’est développée dans l’Église à travers le Magistère des Pontifes Romains et des évêques en communion avec lui. La sollicitude sociale n’a certes pas commencé avec ce document, car l’Église ne s’est jamais désintéressée de la société. Néanmoins, l’encyclique Rerum Novarumouvre un nouveau chemin : venant se greffer sur une tradition pluriséculaire, elle marque un nouveau début et un développement substantiel de l’enseignement dans le domaine social.

    * Cf. Pie XI, Encycl. Quadragesimo anno : AAS 23 (1931) 179; Pie XII, dans son radiomessage pour le 50ème anniversaire de « Rerum novarum »: AAS 33 (1941) 197, parle de « doctrine sociale catholique » et, dans l’Exhortation apostolique Menti nostrae sur la sainteté de la vie sacerdotale, du 23 septembre 1950: AAS 42 (1950) 657…
    Le Compendium de la doctrine sociale de l’Église – Document rédigé en 2004 par le cardinal moderniste Martino qui vante les mérites des papes successeurs de Vatican II.

    Ci-dessous se trouve un extrait d’article comprenant de bons points, qui se base en partie sur la pensée de Jean Madiran, les deux auteurs de ce qui suit sont quelque peu «tradi-conciliaire», ce en quoi la ligne éditoriale ne les suit pas,  mais il est cependant opéré une critique du positionnement «tradi-pêchu» qui voit dans cette doctrine sociale : le traitement essentiel de tous les éléments politiques possibles, ainsi qu’un enseignement relevant limite d’un magistère infaillible… C’est ainsi que l’auteur souligne ensuite l’incohérence de refuser la néo-DGE post-conciliaire tout en «mangeant» intégralement celle d’avant Vatican II ; sans parler des dégâts précédents dus au «ralliementisme» républicain sous le pontificat de Léon XIII.

    -*-

    (…)

    La DSE [Doctrine Sociale de l’Église] est un cursus d’une ampleur impressionnante et dont la qualité mérite manifestement de retenir l’attention. Ce serait une malhonnêteté intellectuelle de ne pas reconnaitre à la DSE l’importance spéculative d’un tel corpus. Or un problème de premier ordre se pose immédiatement à l’observateur attentif des débats politiques qui animent notre « famille de pensée ». Clercs et laïcs semblent unanimes pour tenir les deux propositions suivantes :

    1° Tous les problèmes politiques importants y sont traités. Elle est exhaustive.
    2° Cette « doctrine » est obligatoire (il s’agit donc ici d’un argument d’autorité)

    Observons que ces deux caractéristiques sont étroitement liées. Quel serait en effet l’intérêt d’un cursus obligatoire s’il ne traitait l’ensemble des problèmes politiques ? Autrement dit à quel titre et comment la DSE ferait-elle la distinction entre les éléments de science politique simplement importants mais réputés facultatifs et ceux qui seraient à la fois importants et obligatoires ?

    Tous les problèmes importants sont-ils effectivement traités dans la DSE ?

    Pierre Martin dans Patrie, Nation, État cite Pie XII écrivant que « les points principaux sont contenus dans les encycliques, les allocutions et les lettres pontificales » et conclut en note : « D’autres points – secondaires – se trouvent dans les écrits des docteurs de l’Église, tels saint Thomas d’Aquin. »1
    Or cette assertion est manifestement fausse.
    Nous prendrons un exemple et non des moindres puisqu’il s’agit du problème de la légitimité politique. Ce thème est d’une importance capitale puisqu’il conditionne toute l’action politique. La moralité des actions politiques dépend directement de de la légitimité de l’État : soit l’État est légitime et la soumission est de mise et tout trouble à l’ordre est un péché grave, soit l’État est illégitime et alors la situation se complique…
    L’ennui c’est que ce thème central de science politique n’est traité dans la DSE que par un membre de phrase – pas même une phrase entière – dans l’enseignement de Léon XIII.

    Nous posons la question aux champions de la DSE : Durant tout le XX° siècle et ses millions de morts, la DSE peut-elle prétendre à l’exhaustivité alors qu’elle s’est révélée incapable de proposer aux citoyens catholiques un enseignement sur la légitimité du pouvoir politique ? Une telle carence dans un tel enseignement est manifestement une preuve d’insuffisance.

    La DSE est-elle une doctrine obligatoire ?

    Le pape Pie XII n’hésite pas à affirmer lors de l’Allocution aux membres du congrès de l’Action catholique italienne du 29 avril 1945 : Cette doctrine « est obligatoire ». Étonnant de ne pas avoir stipulé la chose avant 1945.2
    Nous proposons maintenant une discussion plus serrée du problème.

    La DSE à géométrie variable.

    Très souvent, dès qu’un partisan de la DSE expose un sujet politique quelconque il s’empresse de modifier subrepticement sa propre définition de la DSE. En effet sans être grand clerc, on constate facilement ceci :

    1° L’auteur embauche à son service de nombreux experts qui ne sont pas les papes de la DSE, comme par exemple saint Thomas d’Aquin, saint Augustin, saint Paul, Jean Madiran, mgr Pie, etc.
    2° L’auteur fait un tri dans le cursus de la DSE qui est pourtant sensée être obligatoire dans sa totalité ; soit en passant sous silence l’enseignement de plusieurs papes depuis Léon XIII et le Ralliement3 ou chez Paul VI ou Jean-Paul II ; soit en ramenant de sa propre initiative l’enseignement ponctuel de tel ou tel pontife dont on doit reconnaître qu’il est parfois quelque peu surprenant, à ce qu’il estime devoir être la vérité pratique.4

    Qu’on se le dise, les partisans de la DSE ont manifestement un problème de cohérence interne. Nous ne sommes pas chargés de leur apporter la solution d’un problème dont ils sont eux-mêmes la cause, mais simplement de faire remarquer que lorsqu’une théorie conduit à quelque inconséquence, il faut tenir que certaines prémisses sont fausses.
    Par ailleurs, le problème est bien plus vaste que la simple alternative entre le fait que la DSE soit à la fois exhaustive et obligatoire ou trancher en disant qu’il est inutile désormais de lire Léon XIII.

    En réalité la seule alternative intellectuelle est la suivante :
    Ou s’intéresser véritablement, laborieusement à la vraie politique5, ou cesser de prétendre s’intéresser à la politique.

    D’un point de vue d’ordre général

    1° Avant Léon XIII, les Princes connaissaient et pratiquaient, par la prudence politique, la science politique. Ce savoir organisé doit bien être disponible ailleurs que dans la DSE ?

    2° Si nous lisons bien Jean Madiran le domaine prudentiel serait souvent celui de la DSE. Comment peut-on penser que dans ce domaine prudentiel, le citoyen catholique devrait tenir compte non point des jugements historico-prudentiels du Prince (ce qui fut toujours le cas partout et de tout temps) mais des jugements proposés par les papes depuis Léon XIII ?6 L’affirmation par l’Église de l’autorité politique souveraine du Prince ne serait-elle dans ce contexte qu’un mensonge ? L’ordre naturel serait-il dissous dans l’ordre surnaturel de sorte que les papes doivent diriger tous les pays du monde par leur sagesse ?7

    3° On nous présente les papes depuis Léon XIII comme des experts en prudence politique. Mais comment expliquer que ces experts si avisés n’aient pas su conserver leur propre territoire, en l’occurrence les états pontificaux aujourd’hui devenus un des États les plus petits du monde ? On ne s’en tirera pas par un calembour sur « la conjuration anti-chrétienne », la bonne politique se juge in concreto, dans les résultats. Par suite, l’existence d’ennemis n’a pas valeur d’excuse en politique.

    4° Bien plus. Si comme l’explique Jean Madiran l’essentiel de la DSE porte sur des jugements historico-prudentiels, comment la DSE pourrait-elle avoir la qualification d’une science ? Car une science justement doit apporter à ceux qui la connaissent des jugements permanents et universels. Selon Thomas d’Aquin la cité est un tout d’ordre et pour ce motif il existe obligatoirement la science correspondante.8

    5° La DSE ne traite pas de ce qui fait l’objet pour l’essentiel de la science politique de saint Thomas d’Aquin dans ses commentaires sur la Politique et l’Éthique d’Aristote (pour ne citer que ces deux ouvrages). Ni des grands débats qui l’oppose à Suarez par exemple. Comment l’expliquer ? Comment expliquer le silence de l’Église sur le fait de n’avoir pas diffusé largement les bons auteurs, vrais disciples de Thomas d’Aquin : Koninck, Meinvielle, Lachance, Descoq, etc ? Comment ne pas avoir pris part à leurs travaux ? En effet, le personnalisme de J. Maritain, erreur pratique singulièrement pernicieuse, a pu s’étendre au monde entier durant le règne de Pie XII. Aucune mise en garde adressée aux autorités politiques et aux citoyens n’a été faite par la DSE. Les thomistes américains ont lutté seuls contre cette erreur politique. Comment expliquer cette carence ?

    6° La DSE dans sa partie théologie morale9, la partie la plus noble de ce cursus, est aujourd’hui elle-même en débat. Autrement dit, dans ce qui devrait être le plus sûr, l’incertitude morale règne. A quoi peut bien servir en pratique un cursus « obligatoire » de ce type ?

    L’autorité de la DSE

    La DSE relève du magistère pontifical ordinaire, réputé faillible. Dans ce contexte comment peut-on soutenir l’inerrance habituelle de la DSE ? Une exception est précisément celle de la liberté politique en matière religieuse si discutée de nos jours.10
    Mais au niveau des principes, jamais la science politique n’est subalternée à la théologie proprement dite.11 En supposant – dato non concedo – que l’un des papes récents soit un hérétique formel, cette hérésie n’affecterait a priori en rien sa métaphysique ni sa science politique deux éléments d’ordre naturel. On ne peut donc pas rejeter l’apport doctrinal des papes conciliaires à la DSE sous prétexte d’hétérodoxie religieuse. Il y faut d’autres motifs et plus avisés. La position de certains traditionalistes, partisans de la DSE, face à l’enseignement de la doctrine sociale sous les pontificats de Paul VI jusqu’à François est donc singulièrement incohérente.

    (…)

    Conclusion de Marcel de Corte :

    Rappelons-le, la règle fondamentale du politique est l’échelle du Réel. Ne faudrait-il donc pas cesser « de christianiser la politique comme la plupart des clercs ne cessent de le faire depuis plusieurs siècles avec les résultats que nous avons sous les yeux12 ».

    Thomas Audet et Bernard de Midelt pour Stageiritès


    1. Martin Pierre, op cit, p 6
    2. cité par Martin Pierre, op cit, p 6
    3. dès l’origine de la DSE ?
    4. Par la méthode dite de la pieuse interprétation dont la revue Itinéraires jusqu’à Paul VI exclusivement est une véritable anthologie. Les citations sollicitées dans un sens manifestement inacceptable sont légion. Malheureusement, cette détestable habitude perdure de nos jours, tout particulièrement dans notre famille de pensée. Par exemple lorsque Pie XI enseigne matériellement, mot à mot, le contradictoire de la science politique de saint Thomas d’Aquin sur les rapports de l’homme et de la Cité
    5. et par suite à la science politique et pourquoi pas aussi, par voie de conséquence, à la DSE.
    6. et pendant ce temps les non-baptisés, qui en seraient dispensés puisque n’étant pas sous la juridiction de l’Église, obéiraient eux aux jugements historico-prudentiels du Prince ? Autant dire l’anarchie.
    7. Nous renvoyons le lecteur à nos différents articles sur le surnaturalisme
    8. Prooemium des commentaires de la Politique, n 4
    9. La théologie morale, au plan politique, traite de la doctrine du Christ, Roi des nations.
    10. Marcel Clément et Bossuet soutiennent que la science politique est dans la Bible. A noter que l’islam soutient cette même thèse pour le Coran.
    11. Une telle affirmation ce nomme le fidéisme. Le fidéisme au sens large désigne toute doctrine d’après laquelle les vérités fondamentales de l’ordre naturel au plan spéculatif et pratique (i.e. politique) ne peuvent être établies ou justifiées par la raison ; et par conséquent ne peuvent être connues et établies que par la Foi. L’Église a condamné les fidéistes : S. 3, c. 4 ; Denz., 1796
    12. De Corte Marcel, Réflexion sur la nature de la politique, L’ordre français mai 1975 n°191 p 17.* En théologie, l’infaillibilité est une position doctrinale selon laquelle une autorité ne peut pas se tromper et l’inerrance une position selon laquelle un ou plusieurs textes ne contiennent aucune erreur. Ces deux termes sont parfois utilisés de manière interchangeable mais une distinction doit absolument être faite

    -*-

    En complément, la déclaration ONUesque hallucinante de Pie XII qui n’a rien à envier à la «théologie démocratique» de Jean-Paul II :

    «Dans une partie toujours croissante de nobles esprits surgissent une pensée, une volonté de plus en plus claire et ferme : faire de cette guerre mondiale, de cet universel bouleversement, le point de départ d’une ère nouvelle pour le renouvellement profond, la réorganisation totale du monde (…) En outre – et ceci est peut-être le point le plus important – à la lueur sinistre de la guerre qui les emporte, dans la chaleur cuisante de la fournaise où ils se trouvent emprisonnés, les peuples se sont comme réveillés d’une longue torpeur. Ils ont pris face de l’État, en face des gouvernants, une attitude nouvelle, interrogative, critique, défiante. Instruits par une amère expérience, ils s’opposent avec plus de véhémences aux monopoles d’un pouvoir dictatorial, incontrôlable et intangible, et ils réclament un système de gouvernement qui soit plus compatible avec la dignité et la liberté des citoyens. Ces multitudes, inquiètes, bouleversées par la guerre jusqu’en leurs assises les plus profondes, ont acquis aujourd’hui l’ultime persuasion – auparavant peut-être vague et confuse, mais désormais incoercible – que, si la possibilité de contrôler et de corriger l’activité des pouvoirs publics n’avait pas fait défaut, le monde n’aurait pas été entraîné dans le tourbillon désastreux de la guerre, et qu’afin d’éviter à l’avenir qu’une pareille catastrophe se répète, il faut créer dans le peuple lui-même des garanties efficaces. Dans cet état d’esprit, faut-il s’étonner que la tendance démocratique envahissent les peuples et obtiennent largement le suffrage et le consentement de ceux qui aspirent à collaborer plus efficacement aux destinées des individus et de la société.»
    Le radiomessage au monde entier du 24 décembre 1944.

    http://reconquetefrancaise.fr/pour-en-finir-avec-la-doctrine-sociale-de-leglise-stageirites/