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culture et histoire - Page 1176

  • Eugénie Bastié : « L’égalitarisme, c’est la mort de la littérature »

    Eugénie Bastié est journaliste au Figaro.fr. Elle dirige également la rubrique société du magazine d’écologie décroissant Limite. Aux éditions du Cerf, elle vient de publier Adieu mademoiselle, essai dans lequel elle critique les dérives du néo-féminisme. À travers l’actualité récente, elle prend aussi position sur des sujets polémiques : Cologne, la GPA, le voile…

    PHILITT : À vos yeux, le néo-féminisme, parce qu’il prône l’indifférenciation entre les sexes, aboutit à « la défaite des femmes ». Vous considérez-vous comme féministe et, si oui, quel serait votre féminisme de substitution ?

    Eugénie Bastié : Y a-t-il des « valeurs féministes devenues folles », pour reprendre le mot de Chesterton ? Faut-il trier le bon grain de l’ivraie ? Pour ma part, je crois que le mot même de « féministe » est devenu inapproprié. Tout comme on peut trouver abominable la manière dont étaient traités les ouvriers au XIXe siècle, sans pour autant adhérer au marxisme, et sa relecture de l’Histoire sous le prisme unique de la lutte des classes, on peut considérer que les femmes ont connu et connaissent parfois encore une forme de domination, sans adhérer pour autant au paradigme féministe, qui présuppose une lecture binaire des rapports humains sous le prisme dominants-dominés. Comme le marxisme prétend en finir avec le capitalisme à travers l’imposition de la dictature du prolétariat, le féminisme prétend en finir avec le patriarcat par l’abolition de la division genrée de l’humanité. Comme pour le marxisme, on peut comprendre les conditions d’émergence d’une telle idéologie, on peut trouver qu’elle a pu jouer un rôle dialectique dans l’Histoire, tout en pensant qu’elle se trompe dans ses présupposés.

    La suite sur Philitt.fr

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Eugenie-Bastie-L-egalitarisme-c

  • LA GALAXIE FINANCIERE.

    Depuis quelques jours, les médias nous présentent un scandale concernant les « Paradis Fiscaux » comme si durant des décennies la fraude fiscale n’était qu’une maladie bénigne. Or certains spécialistes avaient déjà mis à jour les turpitudes des Etats et de conseillers fiscaux notamment Edouard CHAMBOST (1942-2009) dans ses recueils l’Affaire Panamag en 1978 et dans son Guide Mondial des secrets bancaires en 1981 et aussi Nicholas SHAXSON avec son livre sur les « Paradis Fiscaux » en 2012.

    Le 4 avril 2013, l’ICIJ avait déjà fait paraître une enquête sur 2,5 millions de documents (soit 100 fois supérieurs à ceux de Wikileaks en 2010) ce que l’on a appelé Offshore Leaks.

    Le 5 novembre 2014, apparaît le Luxembourg Leaks qui dévoile plus de 28.000 pages concernant des milliers d’accords fiscaux avantageux conclus entre le Luxembourg et des milliers de clients internationaux.

    En février 2015 enfin, le Swiss Leaks occupe les médias en mettant à jour des fraudes et le blanchiment d’argent noir imputés à la banque suisse HSBC pour un montant de plus de 180 milliards d’euros concernat plus de 100.000 clients et 20.000 sociétés vers 188 pays différents.

    Rien de neuf sous le soleil donc, et l’on peut se poser la question de savoir pourquoi les gouvernements persistent à tolérer une telle évasion fiscale, alors même que les instruments de contrôle existent !

    C’est pourquoi l’étude ci-dessous permet d’en comprendre les mécanismes :

    A l’heure de la crise financière et économique, les autorités fustigent à tort ou à raison certains participants aux marchés financiers non pas tant pour leur rôle que pour le risque qu’ils font peser sur le système financier mondial. Or il existe un certain nombre de sociétés financières particulièrement puissantes par le rôle qu’elles jouent dans le bon fonctionnement des mécanismes des marchés financiers. Ces institutions occupent une place privilégiée car sans elles, le système ne pourrait plus fonctionner : ce sont les infrastructures de marché.

    Clearstream

    Diagramme

    Une infrastructure de marché financier est un système multilatéral utilisé par les institutions financières incluant l’opérateur du système et utilisé à des fins d’enregistrement, de règlements des paiements, des titres, des produits dérivés et autres transactions financières. Ces infrastructures de marché peuvent être regroupées en 4 catégories :

    • Les systèmes de paiement d’importance systémique (SIPS):CLS, Target2, et les prestataires : Equens, Mastercard, SWIFT…
    • Les dépositaires centraux de titres (CSD): Euroclear, Clearstream …
    • Les chambres de compensation (CCP) : Eurex ; LCH Clearnet, CME pour les opérations standardisées sur les marchés boursiers, STET. (pour les paiements électroniques.)
    • Les référentiels centraux (TR) et fournisseurs de données financières: DTCC, Regis TR, Bloomberg, Reuters, Trioptima, Markit….

    Chacune de ces catégories est dépendante des autres et forment une pieuvre aux multiples tentacules. Quelle pourrait en être la tête ? Imaginons la disparition de l’une d’entre elle du jour au lendemain…Si une des plus importantes chambres de compensation comme EUREX cessait de fonctionner (sans pour autant faire défaut), cela détruirait il le système ? Non, il serait ralenti entraînant certainement quelques faillites, et des dommages financiers collatéraux certains, mais un effondrement du système financier pourrait être évité.

    La rupture nette et irréversible du fonctionnement des marchés doit venir d’un acteur incontournable, indispensable, sans réelle concurrence, ou un duopole. Seule une poignée de sociétés est concernée : il va sans dire que SWIFT en particulier, mais pas seulement, correspond à l’entité systémique mondiale typique. En effet, son métier se concentre autour des services de messageries standardisées de transferts interbancaires. SWIFT est LEfournisseur mondial de services de messages financiers sécurisés (« The global provider of secure financial messaging services » tel que décrit sur son site internet).

    Opérant sur toute la surface de la Planète et offrant ses services auprès de 11.000 institutions, SWIFT assure plus de 10 millions de messages journaliers portant sur des milliers de milliards !

    Son siège opérationnel se trouve dans la banlieue de Bruxelles sur la commune de La Hulpe.

    SWIFT a été utilisé à des fins politiques par le Parlement Européen en 2014 pour envisager de déconnecter la Russie du réseau SWIFT tandis que les autorités américaines ont piraté des données provenant de la société SWIFT. Cela montre l’importance à la fois des informations détenues par la société et son rôle dans le fonctionnement des transactions financières. SWIFT opère la quasi-totalité des transferts bancaires à travers le monde, notamment en tant que gestionnaire des codes IBAN. Pratiquement tous les mouvements interbancaires sont donc traçables. Il est donc d’une facilité déconcertante de retrouver n’importe quel mouvement financier grâce aux informations détenues par SWIFT.

    Le secret bancaire n’existe pas pour SWIFT : elle sait tout !

    Une autre société ayant elle aussi son siège en Belgique (coincidence ?) et occupant une place stratégique au cœur de la finance mondiale : Euroclear, l’un des deux dépositaires centraux mondiaux de titres (avec Clearstream* basé lui, au Luxembourg). Son activité ? Euroclear est le plus grand système de règlement/livraison de titres au monde, pour les opérations domestiques et internationales sur obligations et actions.

    Le montant annuel des transactions dénouées par Euroclear avoisine les 500.000 milliards de dollars. Plus de 15.000 milliards de dollars de titres sont conservés chez Euroclear pour le compte de ses clients. Travaillant main dans la main avec SWIFT (qui assure la communication des messages financiers d’Euroclear avec ses clients), Euroclear s’assure que ses clients, qui opèrent des transactions entre eux, disposent des titres et des liquidités suffisantes pour les effectuer. Chaque client dispose de comptes cash/titres ouverts chez Euroclear. Cette dernière est donc en mesure de confirmer et d’effectuer les transferts, entre ses clients, d’un compte à un autre en toute sécurité. Si pour quelle que raison que ce soit, Euroclear n’est plus en mesure d’assurer ce service (et bien d’autres connexes) le système mondial de transactions sur titres (actions, obligations, fonds…) ne pourrait plus fonctionner, il serait gelé instantanément.

    Les chambres de compensation sont des organisations financières opérant sur des marchés financiers réglementés et se portant contreparties pour chaque transaction (avec une échéance) effectuée par ses membres adhérents pour leur propre compte ou ceux de leurs clients. La chambre de compensation est donc acheteuse pour chaque opération de vente et vendeuse pour chaque opération acheteuse : son risque global de marché est donc nul. Cependant, afin d’éviter de se retrouver avec une transaction dont la contrepartie ne serait plus en mesure d’honorer son (ses) contrat (s) (la ou les transaction(s)), la chambre de compensation met en place deux mécanismes destinés à s’assurer que les opérateurs ne seront pas défaillants au moment du débouclement :

    Dès le lancement de la transaction, elle impose un déposit, aussi appelé marge initiale, qui correspond, en général, à la variation maximale tolérée en une journée sur le marché. Ce déposit sert à garantir le risque résiduel supporté par la chambre de compensation en cas de suspens (opération non dénouée).

    Quotidiennement, pendant toute la durée de l’opération, elle surveille les différences entre le prix auquel le produit a été acheté ou vendu. En cas de perte potentielle (« latente »), elle procède à un appel de marge, c’est-à-dire qu’elle demande à l’adhérent qui suit cette position perdante de verser une marge additionnelle. La somme des marges appelées auprès des adhérents est, par construction, égale à la somme des marges restituées à d’autres adhérents (wikipédia).

    Ces mécanismes financiers font intervenir en particulier SWIFT et au moins un ICSD, plusieurs CSD, et de nombreux autres prestataires de services financiers. Si l’un de ces 2 premiers intervenants vient à ne plus remplir son rôle, une partie importante (et c’est un euphémisme) des transactions opérées au travers des chambres de compensation ne pourront plus s’effectuer…maux de tête garantie pour nos autorités et instances diverses !

    Il est bon de savoir que les organisations ci-dessus n’ont pas de lien direct avec le citoyen et que si un « accroc » se produit, ce ne sont que des dommages collatéraux que le consommateur supportera : cartes de crédit indisponibles, transferts bancaires impossible, paiements électroniques bloqués. L’économie sera ralentie et les pertes commerciales importantes, comme cela c’est déjà produit durant quelques heures dans le passé, à cause d’interférences ou erreurs du système informatique.

    Mais dans l’hypothèse d’un clash imprévu et destructif, que feraient les autorités ? Il est probable que les financiers et les banquiers refuseront ou limiteront l’accès aux comptes bancaires et aux retraits de monnaie, ce qui aggraverait la situation et paralyserait l’économie nationale, européenne, voire mondiale.

    Autant savoir !

    Pieter KERSTENS.

    Article paru dans le numéro 42 de la revue « Synthèse National ».

    *A propos de Clearstream lire les ouvrages du journaliste Denis Robert « Révélations » et

    « La boîte noire », parus aux Editions Arènes

    http://www.altermedia.info/france-belgique/uncategorized/la-galaxie-financiere_158007.html#more-158007

  • Anthropologie politique. Une société anti-humaine. Comment rétablir le prestige social et visible de l'aristocratie ?

    L'aristocratie moderne, comme l'ancienne, est dépendante de l’État, car il représente l'institution tutélaire la mieux à même de distinguer les talents et de leur donner une reconnaissance qui fasse autorité.

    Mais, cette mainmise de l’État sur la reconnaissance du caractère aristocratique d'un homme engendre le risque accru de l'oligarchie, plaçant dans l'ombre d'authentiques aristocrates au profit du petit groupe des oligarques courtisans ou administrateurs zélés et obéissants.

    Il apparaît donc nécessaire que la société produise elle-même une part de son aristocratie. C'est de fait déjà le cas, puisque chaque groupe social a ses meilleurs. Cependant, il leur manque la reconnaissance sociale commune et l'assise familiale qui, dans la dynastie, donne un surcroît de légitimité à l'aristocrate dans le monde et augmente donc la vertu de son exemple.

    Le meilleur moyen de donner une assise sociale à l'aristocrate est de favoriser la patrimonialisation et son passage trans-générationnel. C'est-à-dire que l'aristocrate doit pouvoir s'appuyer sur un patrimoine. Pour que cela soit possible, il faut, d'une part, une fiscalité mesurée, et d'autre part la capacité de transmettre ce patrimoine sans trop d'écornures. Ce thème a déjà été abordé dans de précédents articles. La préférence doit aller au patrimoine foncier. C'est lui qui doit être exonéré de droits de succession et reposer sur une totale liberté testamentaire. En effet, le foncier représente une forme de fortune en soi vertueuse, par rapport à la fortune financière. C'est un patrimoine plus humble, plus lent à acquérir et bâtir, qui nécessite des soins d'entretien constants et produit un revenu moindre que le patrimoine financier. En ce sens, c'est une fortune moins attirante. Mais elle est aussi plus solide car son incarnation la place relativement à l'abri des crises. Les loyers peuvent chuter demain et remonter après-demain, l'immeuble sera toujours là… En outre, le type de revenus générés par ce patrimoine implique la patience et la modération. En effet, on ne peut aller plus vite que le calendrier et il faut attendre toujours la fin du mois pour son loyer, ou la fin des récoltes. Enfin c'est une fortune incarnée et enracinée qui rend nécessaire le contact humain.

    La transmission aux héritiers crée un attachement à une région, une terre, un sol mais aussi à des hommes qui habitent les lieux possédés.

    La grande humilité de ces fortunes ne doit pas être négligée. Elle ne permet pas de susciter la forte  croissance de l'économie industrielle ou financière. Mais elle permet aux propriétaires une  participation beaucoup plus robuste, quoique plus discrète, à la vie économique. En effet, si les revenus peuvent être grignotés à l'excès, le capital demeure et peut recréer du revenu.

    Cette forme de richesse est la plus aristocratique de toutes parce qu'elle est à la fois la plus dépendante des contingences humaines et la plus indépendante des turbulences de l'économie financière quotidienne. Ce n'est pas un hasard si ainsi pensaient déjà les Grecs et les Romains, il y a plus de vingt siècles.

    Bien sûr, rien ne garantit qu'un aristocrate propriétaire foncier aura des enfants à sa mesure. Mais ce foncier rend plus aisée la transmission du talent, à des héritiers partiellement ou totalement déchargés de l'angoisse de la survie, grâce à la rente. Quid du mauvais héritier ? De celui qui n'a pas de talent et fait dégénérer l'aristocratisme ? Il ne faut pas croire qu'il y aurait une injustice à le faire hériter du patrimoine de ses pères. Il y a une cruelle justice toute humaine et perpétuellement à l’œuvre ; le mauvais héritier dilapidera et perdra ce qui avait été accumulé par les siens. Il dispersera en même temps que ses talents moraux les talents d'or qui lui avaient été transmis, et ce qu'il vendra sera récupéré par des personnages industrieux, économes et entreprenants, en somme les aristocrates de demain, qui bâtiront leur assise sur la ruine de ceux d'hier. Nous en avons l'exemple chaque jour dans les études notariales ou des fortunes d'hommes brillants sont totalement défaites en une ou deux générations.

    En ce sens il serait gravement dommageable que des privilèges héréditaires de type nobiliaires soient assimilés à l'aristocratie moderne. Cela reviendrait à gripper la justice humaine naturelle, aussi dure soit-elle, mais nécessaire au corps social. Le seul rôle de l’État doit, ici, se limiter à rendre possible l'exercice de cette justice naturelle en donnant aux hommes la liberté de disposer de leur patrimoine dans leur famille comme ils l'entendent, au moins pour le foncier. L'usage de la liberté est ici essentiel, car si la dynastie est grande et belle, il peut parfois être préférable pour le bonheur commun de la famille que la dynastie cesse et que le bien soit partagé à parts égales. L’État ne saurait imposer ici des partages ou un droit d'aînesse préjudiciables à chaque histoire familiale. La liberté doit régner. Elle permet la mobilité et la fluidité sociale.

    Cette assise sociale est une reconnaissance économique et rend l'aristocrate indépendant des largesses publiques, grâce à son bien, gagné ou transmis. Enfin, elle crée une aristocratie locale, enracinée, qui renforce le corps social, échelon par échelon.

    Cette notion de renforcement du corps de la société, strate par strate est essentiel, car il permet une véritable aristocratisation de tout le pays, du bas vers le haut, du petit bourg à la patrie entière, créant partout des forces à la fois éclairantes et modératrices.

    La pleine réalisation de ce point nécessite des institutions communautaires qui permettent de publiquement reconnaître les aristocrates, mais aussi de les faire se rencontrer, pour créer une nécessaire émulation.

    A suivre…

    Gabriel Privat

    Du même auteur :

    -          Publié le jeudi 17 septembre 2015 : Anthropologie politique. Une société anti humaine. La Famille

    -          Publié le vendredi 16 octobre 2015 : Anthropologie politique. Une société anti humaine. L'enracinement territorial

    -          Publié le 18 novembre 2015 : Anthropologie politique. Une société anti humaine. Le lien professionnel

    -          Publié le 28 décembre 2015 : Anthropologie politique. Une-société anti humaine. Promouvoir une famille humaine

    -          Publié le 27 janvier 2016 : Anthropologie politique. Une société anti humaine. Promouvoir un enracinement territorial.

    -          Publié le 20 février 2016 : Anthropologie politique. Une société anti humaine. Créer un monde du travail.

    -           Publié le 15 mars 2016 : Anthropologie politique. Une société anti-humaine. Faut-il une aristocratie à la société humaine.

    http://www.vexilla-galliae.fr/royaute/idees/1916-anthropologie-politique-une-societe-anti-humaine-comment-retablir-le-prestige-social-et-visible-de-l-aristocratie

  • Mavrakis contre Badiou par Daniel COLOGNE

    Lorsqu’il fonde en 1973 la revue maoïste Théorie et Politique, Mavrakis se considère toujours comme un disciple d’Alain Badiou.

    Mais aujourd’hui, l’élève s’éloigne du maître quasi-octogénaire. Sa distanciation commence en 2005, quand Badiou publie Le Siècle, le « plus contestable de ses écrits » selon Mavrakis. 

    Il s’agit bien sûr du XXe siècle, caractérisé, selon Badiou, par la hantise de l’« homme nouveau », qui s’exprime à travers les avant-gardes artistiques, via les totalitarismes et « sur l’horizon de la mort de Dieu ». 

    Mavrakis réplique en dénonçant cette « utopie nihiliste » comme un « rêve mortifère ». Il ne partage pas l’admiration de Badiou pour « la splendide et violente ambition » des années 1900.

    Mavrakis redoute la prolongation, en mode inavoué et indolore, sous les auspices de la techno-science et du néo-capitalisme, du projet d’extermination de l’homme ancien attaché à ses origines, ses dieux et ses formes artistiques. 

    Daniel Cologne 

    • Kostas Mavrakis, De quoi Badiou est-il le nom ? Pour en finir avec le (XXe) siècle, L’Harmattan, coll. «Théôria », 2009, 130 p., 13 €.

     
     

     

     

  • La fin de la prolophobie?

    Trois films sortis en ce début 2016 - "Merci Patron", "Nous ouvriers" (diffusé ce mardi sur France 3) et "Comme des lions"- viennent consacrer le retour des ouvriers sur les grands écrans des salles obscures et sur nos écrans plats. Il ne s'agit pas à proprement parler du retour de la "classe ouvrière" mais bien plutôt de celui des ouvriers et de la dure réalité sociale qu'ils vivent. Les mondes ouvriers avaient, dans un même mouvement, tout simplement disparu de nos écrans et des écrans radars de la vie politique.
    Il est vrai que les mondes ouvriers ont muté. La chute des grandes citadelles industrielles a induit, au fil des années, un changement de perception de la réalité sociale de notre pays par les élites du pouvoir. Si Billancourt n'existait plus, à quoi bon cela servait-il ne pas la désespérer ? Cette disparition a surtout été médiatique mais elle a aussi été vrai pour ce qui est des discours politiques. En 2008, dans un article du Monde Diplomatique, Mathias Roux faisait observer la quasi absence d'ouvriers dans la série "Plus belle la vie". Il ne s'agit que d'un aspect parmi bien d'autres de cette disparition.
    Or la désindustrialisation n'a pas fait disparaitre les ouvriers. Elle les a rendus moins visibles ou elle les a déplacés. Les externalisations des années 1990 ont aussi permis de casser la forteresse ouvrière. Nombre d'entreprises nouvelles, plus petites ont aussi été le cadre de conditions de travail encore plus difficiles. Il suffit de se reporter aux travaux de Stéphane Beaud et Michel Pialoux pour contrecarrer une des phrases chocs du quinquennat de François Hollande prononcée par l'ancienne Ministre Fleur Pellerin en octobre 2012 : "Dans les PME, je ne crois pas à la lutte des classes". Les méthodes de gestion du personnel "à l'américaine" avaient dès l'origine pour corollaire l'absence de syndicats afin de ne pas gêner la course à la productivité mais aussi une augmentation constante du stress ainsi qu'un accroissement des maladies professionnelles (pas toujours déclarées pour ne pas être "remercié"). La précarité institutionnalisée avec l'obtention, éventuelle, d'un CDI après un véritable parcours du combattant fait de stages, CDD, formations et entretiens, est devenu le lot commun de millions de salariés. La fragilisation sociale des ouvriers (souvent des ouvrières comme dans l'industrie agro-alimentaire) est devenue pour l'entreprise un gage de loyauté. Une plus grande diversification des métiers ouvriers, une diminution importante des métiers non qualifiés, a aussi changé les mondes ouvriers. Autre réalité, la mutation géographique des mondes ouvriers: les mondes ouvriers sont aujourd'hui d'abord des mondes ruraux et les mondes ruraux d'abord des mondes ouvriers (on peut renvoyer à l'excellent ouvrage de Nicolas Renahy, Les Gars du Coin, La Découverte, 2005). C'est encore là, dans les zones rurales, qu'on trouve une bonne part de l'activité industrielle. De la ville vers les campagnes, avec un déplacement également de l'activité industrielle vers l'Ouest (le département de la Vendée en est un exemple) mais aussi avec l'essor de nouveaux métiers ouvriers dans les services au cœur de nos métropoles, une importante mutation géographique a brouillé la perception que la France pouvait avoir de sa population ouvrière.
    Avec la désindustrialisation, ce sont aussi des formes de sociabilité qui ont disparu et qui ont contribué à faire muter l'idéologie des ouvriers français. Il n'en demeure pas moins, comme le dit Julian Mischi (dans Le Bourg et l'Atelier, Agone, 2016), que le combat syndical a une importante dimension de structuration pour les mondes ouvriers. Affaibli, il n'a pourtant pas disparu.
    Il est vrai qu'au début des années 1980, une autre mutation d'ampleur, électorale celle-là, a frappé les mondes ouvriers. Elle s'est accélérée et a pris un tour spectaculaire depuis 2011. Le FN a largement progressé dans les mondes ouvriers au point qu'aux dernières élections régionales, il a recueilli 51% des suffrages exprimés chez les ouvriers). Cette captation du vote ouvrier par le FN a suivi la période de désalignement du vote ouvrier par rapport à la gauche. Ces réalités électorales sont connues (les débats sont nombreux à ce sujet) et ont donné lieu à de solides travaux, comme l'ouvrage coordonné par Jean-Michel De Waele, Fabien Escalona et Mathieu Vieira. Le vote ouvrier de classe a été "enterré vivant", c'est-à-dire qu'il est encore avéré pour les ouvriers les plus âgés, beaucoup moins pour les plus jeunes. Le vote de plus en plus important des ouvriers en faveur du FN est de fait venu corroborer un discours répandu, y compris à gauche, consistant à déprécier les ouvriers. Depuis les années 1970 s'était développée, en France, une forme de prolophobie, dont le coup d'envoi a été contemporain du célèbre film d'Yves Boisset, Dupont-Lajoie, dans lequel les personnages incarnés par Jean Carmet (Georges Lajoie, assassin d'une jeune fille) et Victor Lanoux ("Le costaud", ancien d'Algérie) rivalisent de veulerie, accusent et lynchent des ouvriers algériens du meurtre commis par Lajoie pendant que l'inspecteur de police (incarné par Jean Bouise) mène l'enquête. Les ouvriers disparaissent et laissent la place à des classes populaires qui ne pouvaient être, pendant les dernières décennies, que "beaufs", "racistes" et "homophobes". Depuis la crise de 2008, c'est davantage la révolte sociale qu'on criminalise, ainsi que le fait remarquer avec justesse François Davisse, la réalisatrice de Comme des Lions.
    Nous comptons encore entre 5,5 et 6 millions d'ouvriers, auxquels on doit évidemment ajouter les retraités de la classe ouvrière (puisque eux, en général, ont davantage connu l'époque de la classe ouvrière). Cette disparition de la classe ouvrière et cette heureuse réapparition des ouvriers viennent consacrer l'idée selon laquelle la gauche, telle qu'elle a existé, n'existe plus mais qu'elle peut cependant se refonder, se redéfinir. A bien des égards la disparition médiatique, mais aussi la disparition des discours politiques et syndicaux, ainsi que la dépréciation de la classe ouvrière ont été et sont les puissants révélateurs d'une mutation d'ampleur de l'idéologie de notre pays. Si la gauche parvient à comprendre ce qui s'est passé depuis trois décennies, elle pourra engager une reconquête du pays. Elle est aujourd'hui "structurellement" minoritaire. L'intérêt des ouvriers, comme celui des autres catégories sociales, n'est pas donné. Il se construit intellectuellement et moralement, socialement et politiquement et, évidemment, culturellement et idéologiquement. La réapparition médiatique des ouvriers est l'occasion de renouveler l'offre discursive des forces de gauche (celles, du moins, pouvant se revendiquer comme étant encore de gauche. A elles de le dire et de le prouver). Engager un processus politique nouveau est désormais de leur responsabilité. A la Gauche radicale, la social-démocratie et l'écologie politique d'y répondre... la fin de la prolophobie en est l'occasion.
    Gaël Brustier, docteur en science politique, avait publié en 2009 avec Jean-Philippe Huelin "Recherche le peuple désespérément" (François Bourin Editeur). Il a publié en octobre 2015 "A demain Gramsci" (Editions du Cerf).