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culture et histoire - Page 1291

  • Julius Evola : « Psychanalyse de la contestation »

    Un des signes de l’affaiblissement de la culture actuelle est l’attention qu’on accorde à ce qu’on appelle le mouvement contestataire en général, et, en particulier, comme ne soit pas important, au contraire : mais il ne l’est que factuellement, comme signe des temps, et c’est uniquement en ces termes qu’il devrait être envisagé.

    Le « virus » des courants en question est une réaction violente contre les aspects négatifs du monde actuel ; mais ce qui est encore plus caractéristique, c’est qu’il ne s’agit dans tout cela que de manifestations instinctives désordonnées et anarchisantes, qu’on ne justifie en aucune manière en indiquant ce au nom de quoi on nie et on conteste. Même s’il n’était pas évident qu’elle obéit à des influences marxistes ou communistes, le fond « existentiel » de cette jeunesse contestataire n’en serait pas moins suspect.

    Un de ses dirigeants, Cohn-Bendit, a déclaré que ce pour quoi il lutte, c’est l’avènement d’un « homme-nouveau » : mais on a oublié de dire ce qu’est cet « homme-nouveau », et, si jamais il devait avoir pour modèle l’immense majorité des contestataires actuels dans leur individualité, leur comportement et leurs choix électifs, il n’y aurait qu’à dire : non merci, on s’en passera.

    En raison de l’absence d’une vraie contrepartie et la prédominance d’un fond irrationnel, on peut dire, sans être malveillant, que le mouvement contestataire mériterait une étude existentielle et psychanalytique plus qu’une analyse culturelle. Il nous semblait que c’était là le cadre que s’était tracé M. Moreno, dans une brochure récemment publié aux Éditions RAI sous le titre de Psychodynamique de la contestation, puisque cet auteur est un spécialiste dans le domaine des recherches psychologiques modernes.

    Mais, à la lecture, il apparaît qu’il manque au fond à ces recherches les principes nécessaires pour parvenir à des résultats sérieux et plausibles.

    Quand, dans cette étude de Moreno, comme caractéristiques principales du mouvement contestataire contemporain, on indique l’anti-autoritarisme et, en conséquence, la défense de l’instinct contre toute forme de « répression » (particulièrement dans le domaine sexuel), puis l’anarchisme, on ne va pas au-delà de ses aspects les plus évidents et tapageurs ; on ne touche pas encore le domaine des impulsions profondes et inconscientes dont s’occupe la psychanalyse. On n’entre dans ce domaine que lorsque, après avoir défini comme « patriarcal » (en se référent à l’exercice correspondant d’une autorité) le type de système qu’on conteste, on fait intervenir le fameux complexe d’Œdipe.

    Pour la psychanalyse freudienne, et, comme on le sait, c’est un de ses dogmes, chacun de nous souffrirait de ce complexe, conçu comme un sombre héritage ancestral revivifié par certaines expériences infantiles présumées ; la révolte qu’il comporte contre le père va jusqu’à la volonté de le supprimer. L’explosion collective de ce complexe latent serait une des racines souterraines de la contestation actuelle.

    Tout ceci n’est guère convaincant. Il faudrait d’abord démontrer que le « système » actuel est marqué par l’idée du « père » et de son autorité. Or, tout au plus, cela pouvait être le cas en partie, pour l’Europe jusqu’à la première guerre mondiale, mais, dans le monde actuel, ce qui règne, c’est la démocratie, le socialisme, l’égalitarisme, le socialitarisme, et ainsi de suite, qui ont tous le signe contraire, car, comme quelqu’un l’a affirmé à juste titre, toutes ces formes politico-sociales ont un caractère « féminin » et « maternel ». Ce qui, en revanche, a le signe masculin et paternel, c’est cet État monarchique, aristocratique et hiérarchique dont il est actuellement difficile de trouver encore quelques traces. Mais, pour réfuter et expliquer tout à la fois la thèse œdipienne, on peut se référer avant tout à la théorie psychanalytique, car elle reconnait l’« ambivalence » du complexe d’Œdipe : celui qui en est atteint déteste le père tout en l’admirant et en l’enviant ; il veut l’éliminer seulement pour prendre sa place et jouir de ses privilèges.

    Or, ce qui est remarquable, c’est que cet aspect est absent de l’arrière-plan de la « contestation ». Le « père » n’est nullement « admiré » et « envié ». On ne veut pas prendre sa place. Toute forme d’autorité fait voir rouge à la nouvelle génération. C’est donc là que ressort l’autre caractéristique, celle que nous avons déjà signalée, l’aspect purement, hystériquement anarchique, auquel, au fond tout le reste sert ici de prétexte.

    Ceci témoigne, du point de vue humain général, d’un phénomène régressif. Il conviendrait d’avoir une bonne fois pour toutes les idées claires sur cette « répression » tant critiquée. Platon a dit qu’il vaut mieux que celui qui ne dispose pas en lui d’un principe souverain l’ait au moins en dehors de lui.

    Tout ordre normal comporte certaines limitations, qui ne visent pas tant à contraindre qu’à soutenir celui qui n’est pas capable de se donner une loi, une forme, une discipline. Naturellement, un système peut entrer en crise et se scléroser ; ces limitations peuvent alors prendre un aspect étroit, simplement « répressif », pour tenter de contenir encore, dans une certaine mesure, le désordre et la dissolution.

    Mais, dans ce cas, pour passer à la « contestation », il faudrait se justifier, c’est-à-dire montrer qu’il ne s’agit pas là d’une simple aversion pour toute discipline intérieure, mais bien de l’élan vers une vie plus authentique. Mais, actuellement, on est loin de pouvoir constater quelque chose de semblable.

    Il est à constater au contraire que les individus s’identifient à la partie instinctive, irrationnelle et informe de l’être humain (à son « sous-sol »), partie qui, dans tout type humain supérieur, n’est pas « refoulé » de manière étroite, mais tenue à une certaine distance et freinée. Les liens du mouvement contestataire avec la soit-disant révolution sexuelle dans ses aspects les plus troubles et hybrides, la connivence avec des « petits chefs », des drogués et d’autres individus du même genre, sont significatifs, tout comme le spectacle qu’offrent certains secteurs dans lesquels un système « répressif » est de plus en plus supplanté par le système « permissif ».

    Que fait-on de ce nouvel espace, de cette nouvelle liberté ? Il y a de plus en plus de symptômes qui montrent que toute la « révolte » est conditionnée par le bas, contrairement à cette révolte, au fond aristocratique, qui pouvait encore caractériser certains individus de la génération précédente, à commencer par Nietzsche, par le meilleur Nietzsche. Ce sont justement certaines phrases de Nietzsche (auteur qui n’est jamais mentionné par les contestataires actuels, qui se sont entichés de Marcuse et compagnie, parce qu’ils sentent instinctivement que sa révolte, beaucoup plus vaste, est de nature différente, aristocratique) qu’il convient de citer ici.

    Zarathoustra dit : « Tu te dis libre ? Je veux connaître ta pensée maîtresse, mais non pas apprendre que tu as échappé à un joug. Es-tu quelqu’un qui avait le droit de s’échapper d’un joug ? Il en est qui perdent leur dernière valeur en rejetant leur sujétion. Libre de quoi ? Qu’importe à Zarathoustra ? Mais ton œil clair doit m’annoncer : libre pour quoi ?« 

    Et Zarathoustra d’avertir que le solitaire qui n’a aucune loi au-dessus de lui, qui n’a que sa liberté informe, court à sa perte.

    Quand on veut déterminer l’origine de la force motrice et de la « psychodynamique » du mouvement contestataire, on voit donc qu’elle est bien située dans cette zone obscure de l’être humain au fond subpersonnelle et infra-intellectuelle, élémentaire, sur laquelle la psychanalyse a concentré l’attention ; ce sont des manifestations régressives et explosives de ces couches, analogues aux nombreuses fissures d’un monde en crise. Reconnaître les aspects contestables et méprisables de ce monde n’y change rien. Quand un mouvement révolutionnaire manque de valeurs authentique restauratrices et n’est pas porté par un type humain représentant une légitimité supérieure, il faut s’attendre à passer un stade encore plus critique et destructif que celui dont on est parti.

    Puisque les présentes notes s’inspirent de la brochure de Moreno, nous ferons remarquer, pour finir, que ce professeur de psychiatrie, après avoir mentionné l’interprétation œdipienne purement freudienne de l’arrière-plan inconscient de la contestation, la critique et la rejette partiellement, et considère qu’on devrait plutôt faire appel à une théorie de C. G. Jung. Comme on le sait, la conception de Jung est quelque peu différente de celle de Freud. Il a repris de Platon le concept d' »archétype » et l’a transposé du plan métaphysique sur celui de l' »inconscient collectif ». Dans l’inconscient collectif vivraient encore à l’état latent, dans les profondeurs de l’individu, certaines structures dynamiques, les « archétypes », qui pourraient réapparaître dans certaines conditions critiques, individuelles ou collectives, transportant les personnes. Il y aurait plusieurs archétype de ce genre, liés à certaines « figures » symboliques. L’un d’eux serait le puer aeternus, incarnation de l’aspect préconscient et originel de l’âme collective qui, comme l’enfant, est« devenir en puissance », et, par conséquent, principe de renouvellement, de revitalisation de tout ce qu’un individu ou une culture a rejeté ou refoulé.

    Or, à la lumière de la psychanalyse, selon Moreno, le mouvement contestataire témoignerait de l’irrésistible émergence de cet archétype, du puer aeternus, dans la nouvelle génération, qui ne se reconnait plus dans les symboles surannés que lui impose le « système ». Somme toute, son jugement final est positif.

    Pour suivre Moreno dans cette construction tirée par les cheveux, il faudrait d’abord que nous prenions au sérieux la « mythologie » de Jung, que nous rejetons au contraire tout autant que celle de Freud, pour des raisons que nous avons eu l’occasion d’exposer ailleurs. Au fond, cette lubie du puer aeternus ne nous semble pas très différente de la fétichisation de la jeunesse, autre phénomène régressif contemporain : le jeune, voix de l’avenir, détenteur de valeurs nouvelles et authentiques, à qui on devrait tout permettre, et de qui on devrait apprendre, au lieu de l’éduquer et de le former.

    D’autre part, une fétichisation de l’enfant lui-même était déjà partie des anticipations anti-autoritaires de la pédagogie de Montessori et d’autres, et elle s’est poursuivie avec la découverte de l’enfant « créateur », « artiste », et ainsi de suite. Avec Jung, le puer est passé au rang d’archétype, et, comme on l’a vu par l’interprétation de Moreno, au rang d’archétype révolutionnaire positif.

    L’image au fond sympathique que Freud avait brossée de l’enfant, en le présentant au contraire comme un « pervers polymorphe », a donc été invertie. Pour notre part, nous sommes prêt à accepter qu’il y ait un puer aeternus en acte dans le subconscient des contestataires (selon les vues de Moreno), mais seulement en prenant l’enfant comme tel, démythifié, et, donc, en nous référant à un état de nature ou à un infantilisme fort ennuyeux.

    Puer aeternus ou non, il conviendrait donc de l’envoyer au lit, tout virulent et tyrannique qu’il soit, si nous ne vivions pas dans un monde défaitiste.

    Julius Evola

    Phénoménologie de la subversion, 1984

    Troisième partie : La soit-disant contestation globale,

    Chap. II : Psychologie de la « contestation »

    Édition de l’Homme Libre, 2004, p. 129-135.

    SourceFront de la Contre-Subversion

    http://la-dissidence.org/2015/09/02/julius-evola-psychanalyse-de-la-contestation/

  • Henri IV : du bon roi au tyran

    À l'approche du cinquième centenaire de l'assassinat d'Henri IV, le 10 mai 1610, rééditions et nouveautés vont abonder en librairie. Toutes tendent à comprendre un paradoxe : comment le roi le plus populaire de l'histoire de France a-t-il pu être victime d'un "tyrannicide" ?

    La monumentale biographie que Jean-Pierre Babelon consacra au Béarnais en 1982 reparaît avec un appareil critique remis à jour tant est considérable la somme des études inspirées par l'homme et le règne. Elle n'a rien perdu de son importance ni de son intérêt. Une question la domine : eu égard à l'art de la communication du roi et de son entourage, l'image transmise à la postérité, et tellement familière, est-elle un reflet exact de la réalité, ou une savante fabrication destinée à influencer l'opinion, d'abord en sa faveur, puis dans le bien de la dynastie qu'il a fondée ? Le premier propos de Babelon est donc de faire le tri entre mythes et faits avérés, même si, très vite, la sympathie et l'admiration qu'il éprouve envers le Prince ne se cachent plus.

    Un prétendu sauvageon

    Une certitude s'impose : Jeanne d'Albret a tôt envisagé l'éventualité d'asseoir son fils sur le trône de France et l'image gracieuse de l'héritier de Navarre élevé en liberté parmi les paysans du Sud-Ouest, si elle n'est pas fausse et explique une part du caractère de Henri, ne doit pas occulter une autre facette de son personnage : tant par son père, Antoine de Bourbon, premier prince du sang, que par sa grand-mère maternelle, Marguerite d'Angoulême, soeur de François Ier, le prétendu sauvageon est un authentique Capétien qui sait rappeler combien il cousine de près avec les brillants Valois. Cependant, une partie de l'opinion, protestante, se rassure de savoir l'héritier potentiel étranger aux moeurs, supposées dissolues, de la Cour, et à l'influence de Catherine de Médicis, accusée d'avoir perverti la famille royale. Jeux de miroirs alternés en fonction des besoins du moment, de l'interlocuteur à séduire, des volontés de ses proches tant que Henri ne pourra s'en émanciper, des périls à éviter.

    Catholiques et huguenots ont également reproché au Prince ses palinodies religieuses, ses apostasies successives, ses fidélités variables, sans comprendre que le jeune homme, au demeurant profondément croyant, peinait à entrer dans la querelle à laquelle, en son for intérieur, il n'attachait pas une grande importance. En quoi il différait non seulement de sa redoutable mère, mais aussi de ses contemporains des deux bords. Ce que certains ne lui pardonnèrent pas, quoique ce soit son trait de caractère le plus royal, celui, précisément, qui, le hissant au dessus des factions, fit de lui le pacificateur et le réconciliateur magistral que la France, exsangue, attendait. Ce refus d'encourager les haines civiles, de trancher, de donner tort ou raison aux uns plutôt qu'aux autres ne pouvait qu'engendrer des rancoeurs plus ou moins ouvertes. Celles qui, année après année, armèrent le bras de plusieurs régicides manqués, avant de mettre un couteau dans la main de Ravaillac.

    Babelon ne laisse de côté aucun aspect de la personnalité royale ; surtout, il la resitue dans un contexte, un univers, dont Henri IV fut le produit, avant de s'en libérer, puis de le modeler à son image. Admirablement documenté, bien écrit, enthousiaste, son livre constitue une référence, agréable à lire de surcroît.

    Mauvais calcul amoureux

    Pourtant, à compter du printemps 1609, l'image du roi tend à se fissurer. La faute à la énième foucade d'un homme qui, jamais, ne sut réfréner ses instincts amoureux, au risque de ruiner ses meilleurs efforts politiques. À cinquante-sept ans, âge avancé pour l'époque, Henri s'éprend de Charlotte de Montmorency, tendron de quatorze ans. Les convenances exigeant, pour avoir Charlotte, de la marier d'abord, le roi rompt les fiançailles de la jeune fille avec son ami Bassompierre, qu'il ne veut pas cocufier, et lui fait épouser son neveu Condé ; homosexuel notoire, celui-ci ne sera pas un rival.

    Mauvais calcul... Condé, s'il n'est pas porté sur les femmes, ne veut pas jouer les maris complaisants. Il enlève son épouse et fuit avec elle à Bruxelles, chez l'archiduc Albert, frère de l'empereur d'Autriche, et l'archiduchesse Claire-Eugénie, fille du roi d'Espagne. Autrement dit, chez l'ennemi. Le vaudeville tourne à l'incident diplomatique. Pour récupérer Charlotte, sous prétexte d'intervenir dans la succession de Clèves, disputée entre principicules catholiques et protestants, Henri IV est prêt à envahir les Pays-Bas espagnols et à déclencher une guerre mal engagée. Folie mise en branle si un dément venu d'Angoulême n'avait, la veille du départ pour la frontière, frappé rue de La Ferronnerie...

    Tout a-t-il été dit sur les circonstance du crime ? Jean-Christian Petitfils, auteur de biographies bourboniennes qui, de Louis XIII à Louis XVI en passant par le Régent, font autorité, ne le pense pas. Selon lui, la solution à une énigme qui fit couler tant d'encre dormait dans les archives, si évidente que des générations de chercheurs, obnubilés par des pistes plus excitantes, sont passées sans les voir.

    Les mystères d'un crime

    L'Assassinat d'Henri IV, mystères d'un crime, commence par un rappel haletant des faits, cerne Ravaillac, psychopathe en proie à des pulsions meurtrières obsédantes qui, plusieurs fois, est venu à Paris dans l'intention de tuer le roi. Il est difficile d'empêcher ces tueurs-là de passer à l'acte. Henri IV, qui a échappé à maints attentats, le sait, et s'en remet à la Providence. Mais la Providence va lui manquer... Alors que les signes prémonitoires inexplicables s'accumulent, le Roi court au devant de sa destinée, comme emporté par la fatalité.

    Mais tous ces signes sont-ils inexplicables ? Qui, depuis des mois, fait courir des prophéties alarmistes sur la mort du Béarnais ? Comment se fait-il qu'à l'étranger, le crime ait été annoncé une semaine avant d'être commis ? Pourquoi Ravaillac, halluciné nourri de discours incendiaires mais absolument ignorant du fonctionnement de l'État, a-t-il attendu le sacre de la reine, qui assurait la régence, donc la continuité des institutions, pour frapper, alors qu'il n'avait plus les moyens de rester à Paris ? Peut-on supposer que, menacé de mourir sans absolution, ce dévot ait menti et couvert ceux qui l'avaient poussé à l'acte ? Qui étaient les personnages avec lesquels des témoins le virent ? Et les cavaliers qui, le crime commis, tentèrent de le tuer ?

    Tyrannicide

    Petitfils reprend les faits, dissèque, éclaire, réexamine les pistes : complicité de Marie de Médicis, vengeance de l'ancienne favorite, Henriette d'Entragues, et de son amant Épernon, services secrets espagnols. Prouve qu'aucune ne tient la route. Les indices, en revanche, pointent dans une même direction et désignent un coupable que tous couvrirent, afin d'éviter les retombées catastrophiques d'une accusation portée contre lui. Hypothèse étayée, convaincante, qui donne sans doute le fin mot de l'énigme. Ravaillac se plaignit qu'on l'avait persuadé que son geste serait bien reçu, quand il suscita indignation et fureur. C'est qu'Henri IV n'entrait pas, selon l'opinion, dans la catégorie des tyrans contre lesquels la vengeance publique peut sévir. Ravaillac s'inscrivit dans un courant typique de l'époque, induit par les haines religieuses. Monique Cottret publie une intéressante étude, Tuer le Tyran ? Le tyrannicide dans l'Europe moderne, qui définit, avec une maestria époustouflante et une érudition jamais prise en défaut, les enjeux d'un débat sorti de la théorie pour gagner la rue, et inciter aux passages à l'acte.

    Les réticences de l'Église

    Au vrai, ce n'est pas saint Thomas d'Aquin, souvent cité mais mal compris, qui justifie le crime politique, l'Église restant plus que réticente. Mieux vaut chercher du côté des penseurs protestants, prêts à tout pour détrôner Marie Tudor ou Marie Stuart, coupables d'être des femmes, tare rédhibitoire qui s'effacera curieusement quand Elizabeth règnera sur l'Angleterre, mais surtout d'être fidèles à Rome. Les Espagnols, et la papauté, riposteront sur le même ton. Guillaume d'Orange, stathouder de Hollande, sera, en 1583, avant Henri III et Henri IV, la plus emblématique victime de cette frénésie, Philippe II ne se cachant pas d'avoir encouragé le geste. Cependant, les souverains régnants ne tarderont pas à comprendre le danger de ce jeu, et l'élasticité de la notion de tyran. Dès lors, la personne du roi deviendra, un temps, intouchable, les rancunes se focalisant sur des seconds rôles, commodes boucs émissaires. À moins que le "peuple" lui-même s'arroge le droit de condamner et de tuer : Charles Ier et Louis XVI en seront victimes, parce que la notion de tyran se sera confondue avec celle de roi...

    À ces crimes réels correspondent, dans l'imaginaire collectif, les défouloirs que sont théâtre, littérature, peinture. Monique Cottret explique la place tenue pendant deux siècles dans les arts par les figures emblématiques de Judith et de Brutus. Quand le trouble Lorenzaccio leur succédera sur la scène, le monde aura changé et l'idée même de tyrannicide perdu son sens.

    Anne Bernet L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 15 octobre au 4 novembre 2009

    * Jean-Pierre Babelon : Henri IV ; Fayard, 1 105 p., 34 s.

    * Jean-Christian Petitfils : L'Assassinat d'Henri IV ; Perrin, 330 p., 20,90 s.

     

    * Monique Cottret : Tuer

  • William Morris le refus de l’impérialisme

    Comme il l’a souvent déclaré ironiquement, c’est d’abord parce qu’il était vieux jeu et conservateur que William Morris dénonça la société industrielle de son temps et finit par rejoindre le mouvement ouvrier organisé. Notons que c’est son refus de l’impérialisme qui le rapproche à l’origine des milieux socialistes. En 1877, il devient secrétaire de l’Association de la question d’Orient, un petit groupe d’intellectuels qui s’opposait à la politique britannique dans les Balkans. Dans une conférence de 1880, il s’élève ainsi contre la prétention civilisatrice du colonialisme anglais : « Depuis que j’ai entendu parler de vin fabriqué sans jus de raisin, de toile de coton principalement à base de barytine ou de soie constitué à deux tiers de tripes, de couteaux dont la lame se tord ou se casse dès que vous tentez de couper quelque chose de plus dur que du beurre, et de tant d’autres mirifiques prodiges du commerce actuel, je commence à me demander si la civilisation n’a pas atteint un point de falsification tel que son expansion ne mérite plus d’être soutenue – en tout cas, s’il faut tuer un homme pour qu’il l’accepte, elle ne vaut sûrement plus grand-chose. »
         Cette critique du monde capitaliste, comme civilisation de la falsification et âge de l’ersatz, restera un leitmotiv de la pensée morrissienne. Sa conversion au socialisme ne fera jamais de Morris un matérialiste étroit ni un adorateur des forces productives. Au contraire de nombreux révolutionnaires de son temps qui cherchaient à accomplir les « promesses de l’industrie », il remit en question les finalités mêmes de la production matérielle. Il ne crut jamais au potentiel émancipateur du développement industriel. Comme l’écrit Victor Dupont, son biographe et traducteur, « sa haine de la civilisation moderne industrielle et capitaliste était telle qu’il ne concevait pas d’autres issues ni solution valable que la destruction totale du système par la révolte générale de ses principales victimes, c’est-à-dire la révolution prolétarienne. »
         En 1883, année de la mort de Karl Marx, William Morris adhère à laDemocratic Federation, organisation socialiste révolutionnaire dirigée par Hyndman, dont il se séparera un an plus tard pour fonder une Socialist League, plus conforme à son souci d’indépendance et son refus des bureaucraties. Il la représente en 1889 au congrès de la IIe Internationale et siège dans les rangs des marxistes, dont il apprécie la combativité militante. C’est à cette époque qu’il va déployer une activité de conférencier et d’essayiste révolutionnaire. De sa lecture du Capital en 1884, Morris retient la critique de la division capitaliste du travail et de l’aliénation, mais, en artiste et en poète, il récusera toujours les visions mécanicistes de l’histoire. Sa conception de la révolution est ancrée dans une reconnaissance des capacités des êtres humains à façonner leur avenir. L’homme n’est pas l’objet des desseins aveugle d’une parodie laïque de la Providence chrétienne. Le rôle d’un mouvement révolutionnaire n’est pas la soumission au sens de l’Histoire, mais la construction consciente des conditions de l’émancipation. S’il s’éloigne du spontanéisme des anarchistes, il s’en rapproche aussi par sa défense des petites communautés à la mesure de l’individu.
    Contre le culte du confort 
    On a pu reprocher à William Morris d’être un utopiste, et certains directeurs de la révolution moqueront son médiévalisme, son souci de défendre le beau et les plaisirs forcément « réactionnaires » de la vie campagnarde. A lire ses conférences et son utopie Les Nouvelles de Nulle part, on constate qu’il annonce souvent la critique écologiste de la croissance industrielle et qu’il entre en résonance avec les critiques de la vie aliénée par les situationnistes ou les groupes révolutionnaires hétérodoxes. Précurseur, Morris dénonce la soumission aux logiques de la machine, l’artificialisation du monde et l’idéologie productiviste. Il conteste ainsi les bases même de civilisation capitaliste, ses valeurs toutes matérielles et son culte du confort : « Certaines personnes pensent que ces conforts-là constituent l’essence même de la civilisation et que leur jouissance est ce qui sépare cette civilisation de la barbarie. S’il en est ainsi, adieu mes espoirs ! Je pensais que la civilisation signifiait conquête de la paix, de l’ordre et de la liberté, bonne entente entre les hommes, amour de la vérité et haine de l’injustice, en résumé une bonne vie nourrie de ces valeurs, libérée de la lâcheté et de la peur, mais riche en événements. Voilà comment je définis la civilisation et non par l’accumulation de sièges rembourrés et de coussins, de tapis et de gaz de ville, de viandes délicates et de boissons fines et, enfin, par des différences de plus en plus aiguës entre les classes ».
         Morris, comme plus tard George Orwell, ne sépare jamais la critique socialiste d’un souci d’élévation morale et d’une recherche de la « vie bonne ». Il est socialiste non parce qu’il rêverait d’une fin de l’histoire où s’établirait une société d’oisifs gravés par les produits de l’industrie, mais pour fonder une communauté d’hommes libre, responsables et créateurs de richesses durables. « L’utopie, écrit Miguel Abensour, nous permet d’aider à la naissance d’une raison élargie, suffisamment aventureuse pour se conforter à un mode de pensée sauvage qui marque les limites de la raison et en désigne les points aveugles. » 
    L’union de l’art et de la vie 
    William Morris ne s’est jamais laissé intimider par les dogmes de la pensée officielle de son époque, ce cercle de la raison qui est souvent une résignation à l’histoire telle qu’elle est imposée par les dominants. Dans les Nouvelles de Nulle part, son roman utopique écrit en 1890, il imagine une société de petits producteurs, où s’est réalisée l’union de l’art et de la vie, du travail et du plaisir, dans une société moléculaire fondée sur des coordinations locales de travailleurs.Les rivières ont été nettoyées et les grandes métropoles sont redevenues des villes à la mesure de l’homme. Les vêtements sont souvent de factures médiévales, mais on cultive les différences individuelles car la société socialiste n’est pas une caserne d’austères salariés. Publicité et modes ont disparu. Les logiques du don et la gratuité se sont substituées au commerce... 
         Le programme socialiste morrissien est aux antipodes du dirigisme que commencent à promouvoir de nombreux théoriciens révolutionnaires à la fin du XIXe siècle. Il plaide pour la relocalisation de l’économie et l’usage de techniques douces qui annonce la société conviviale, défendue par Ivan Illich ou Schumacher. 
         Mort en 1896, William Morris est redécouvert aujourd’hui par le mouvement de la décroissance et l’écologie radicale. La plupart de ses textes sont réédités. Ses conceptions artistiques intéressent à nouveau les historiens de l’art. Sa pensée politique, qui s’exprime à travers ses nombreuses conférences et son roman utopique, n’est pas systématique, et il serait donc difficile d’en tirer un programme d’action pour militants pressés. Mais par ses intuitions prémonitoires, et son refus de la fin marchande de l’histoire, il demeure un éveilleur. Son archéo-futurisme, où la critique sociale n’exclut pas la fidélité au passé, reste précieuse pour qui cherche à construire de vraies alternatives. 
    Olivier François pour Eléments n°151

  • « Dheepan » Les cités intouchables

    Contrairement à la propagande LGBT de La Vie d’Adèle il y a deux ans, le filmDheepan, Palme d’or 2015, n’a pas fait le bonheur de toutes les critiques de gauche. En découvrant le film en salles, on comprend pourquoi.

    C’est une chance pour Jacques Audiard que les frères Coen aient présidé le jury de Cannes cette année. L’originalité du style de l’auteur, son empreinte personnelle et l’histoire forte d’amour et de guerre qu’il nous raconte n’ont pas dû laisser indifférents ces deux grands cinéastes.
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    Audiard (réalisateur du très bon Un prophète) dresse un état des lieux sans concession de nos banlieues françaises (effarant à vrai dire) véritables no-go zones dans lesquelles on n’aperçoit jamais un flic, entièrement livrées aux gangs ethniques. De quoi donner des boufioles au Monde : un film « simpliste dressant un tableau très sombre des banlieues françaises ». Et à Libération : « Un décor de désolation et de violences urbaines, traversé par une idéologie du nettoyage au Kärcher et d’un héroïsme viriliste. »

    Car on a beau se crever à faire un film sur le parcours d’un migrant fuyant la guerre civile au Sri Lanka (presque entièrement dialogué en tamoul), encore faut-il qu’il soit vraiment politiquement correct… Notamment à l’égard de nos braves racailles, casseurs et dealers bien de chez nous, nouvelle sorte d’« intouchables » qui vont réveiller le Tigre qui sommeille en Dheepan. Ajoutez à cela la notion de déracinement, de « mauvais » et de « bons » immigrés travailleurs et respectueux du pays d’accueil, désireux de s’intégrer alors que les autres non… (au point, détail percutant, que le Tamoul demande à sa femme de porter le voile alors que ce n’est pas sa religion : « Ça a l’air d’être ce qui se fait, en France »).

    À la différence de beaucoup de réalisateurs français, Audiard sait ce qu’est le cinéma. On retrouve son réalisme brutal mêlé de visions oniriques, la poésie qui traverse chacun de ses films, la beauté éblouissante de ses plans. Mais aussi les thèmes qui lui sont chers : la famille, la rédemption par les femmes, la volonté de ne pas se laisser faire. Il est question ici d’une fausse famille : un homme, une femme, une petite fille. Combinée en quelques minutes d’une scène saisissante pour obtenir l’asile politique. Une vraie famille va-t-elle naître ? C’est le plus bel enjeu du film.

    Caroline Parmentier

    http://fr.novopress.info/

  • Libérer l'histoire de l'idéologie

    Louis Dimier dénonce la déformation du passé français par la Révolution. Mais la rectification des faits ne constituait pour lui « qu'une partie de la besogne » ; « il fallait de plus restituer le vrai sens des faits dûment établis ».

    Louis Dimier a placé cette phrase en exergue de son livre Les Préjugés ennemis de l'histoire de France (1) : « L'histoire imparfaitement observée nous divise : c'est par l'histoire mieux connue que l'oeuvre de conciliation doit commencer. » (Fustel de Coulanges) On lit aussi : « À Charles Maurras en hommage amical des idées que lui doit ce livre. » Louis Dimier (1865-1943) fut professeur de lettres et soutint une thèse d'histoire de l'art. Suspendu de l'université pour avoir protesté contre l'expulsion des maristes de Valenciennes sous le gouvernement Combes, il rallia l'Action française dès 1903 et il participa à la création de l'Institut où il occupa la chaire Rivarol. Il se brouilla avec l'AF entre 1924 et 1925 pour des raisons complexes et raconta ses années d'engagement dans un livre amer, Vingt ans d'Action française. Son éloignement et ses rancoeurs ne font pas oublier ce qu'il fut pendant de longues années auprès de Maurras et les excellents livres qu'il publia. Après sa rupture, il s'occupa d'histoire de l'art où il excellait.

    L'esprit du livre

    Dans Les Préjugés ennemis de l'histoire de France, il dénonce la déformation du passé français par la Révolution : « Je ne pouvais souffrir que mon propre pays fût condamné dans son passé par des hommes dont la friponnerie est peu de chose, si on la compare à leur sottise. »

    Il va donc revenir sur un certain nombre de points : « J'ai nommé ces chapitres du nom de préjugés. Ce nom indique qu'il s'agit d'autre chose que des faits. La rectification des faits n'était qu'une partie de la besogne ; il fallait de plus restituer le vrai sens des faits dûment établis. Ce sens méconnu n'est pas un moindre mal que les événements controuvés ; il ne tend pas moins à faire détester le passé de notre pays ; il n'a pas fait un moindre objet des soins de la Révolution dans sa conspiration contre l'Histoire. »

    Dimier va chercher à redresser ce que l'idéologie révolutionnaire a déformé pour justifier la République. Et de citer un joli mot de Fustel de Coulanges qui recommande le respect des faits et de leur contexte en parlant de « la chasteté de l'Histoire ».

    Le plan de l'ouvrage

    Dimier commence par faire un sort au celtisme – les vilains Romains ont détruit une civilisation supérieure – et au germanisme – la Gaule médiévale entièrement formée par les Germains et germanisée – deux thèses contraires aux données de l'histoire, il en vient à l'oeuvre des Capétiens, la création de la France.

    Pour la monarchie capétienne, il redresse le préjugé démocratique qui fait mépriser la fonction royale, le préjugé économique qui pousse à mépriser l'oeuvre militaire des Capétiens, construisant peu à peu le pays, le préjugé féodal qui conduit au mépris de l'ordre royal au nom d'une fausse notion de liberté : certains ont voulu faire de Louis XIV, mieux, de François Ier, mieux encore, de Philippe le Bel, les fossoyeurs des libertés féodales qui déformèrent l'ancienne monarchie. Bainville s'amusait à leur dire avec sa froide ironie que les Capétiens avaient dévié dès Robert II !

    Tour d'horizon historique

    Après avoir renvoyé dos à dos les détracteurs du Moyen Âge qui voient dans la Renaissance la libération des « ténèbres » et les thuriféraires d'un paradis médiéval qui n'a jamais existé (tous idéologues hostiles à « l'oeuvre de conciliation »), Dimier fait la revue critique des revendications des partis qui cherchèrent à déchirer le tissu français et sont présentées comme des victimes de la monarchie, Albigeois, protestants, jansénistes. Il achève son tour d'horizon en étudiant la notion d'absolutisme et constate que « la tyrannie de Louis XIV n'a gêné que des gens qui n'ont pas vécu sous son règne ».

    Le livre se termine sur un discours prononcé en 1905 pour le 75e anniversaire de la naissance de Fustel de Coulanges, le grand historien qui, le premier, dans l'Histoire des institutions politiques de l'Ancienne France, nous a libérés des préjugés ennemis de notre passé, qui empoisonnent notre présent et obèrent notre avenir.

    Gérard Bodin L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 15 octobre au 4 novembre 2009

     

    1) - Nouvelle Librairie Nationale, 1907 ; nouvelle édition revue et corrigée, même éditeur, 1917.

  • C’était un 3 septembre… 1792 : massacre maçonnique de la princesse de Lamballe

    [Un texte tiré de la revue L’Héritage, via T. de Chassey]

    Parlant des Francs-Maçons et de leurs forfaits, dans son admirable encyclique Humanum Genus, le Pape Léon XIII a écrit ces lignes : « Il n’est pas rare que la peine du dernier supplice soit infligée à ceux d’entre eux qui sont convaincus, soit d’avoir livré la discipline secrète de la Société, soit d’avoir résisté aux ordres des chefs ; et cela se pratique avec une telle dextérité que, la plupart du temps, l’exécuteur de ces sentences de mort échappe à la justice établie pour veiller sur les crimes et pour en tirer vengeance. »

    Rien n’est plus vrai, en effet.

    La Franc-Maçonnerie profite de toutes les circonstances pour frapper ceux dont elle a décidé la mort.

    Quand ses victimes sont des personnages en vue, elle prend, d’ordinaire, ses mesures pour que l’assassinat soit mis sur le compte des passions politiques ; ainsi elle opéra surtout pendant la Révolution. Par exemple, il est certain que plusieurs meurtres essentiellement maçonniques furent commis à Paris, à la faveur des horribles massacres de septembre.

    Citons le cas de la princesse de Lamballe.

    Cette infortunée princesse, qui fut – personne ne l’ignore – l’amie dévouée de la reine Marie-Antoinette, avait eu la faiblesse, en 1777, de se laisser affilier à la Franc-Maçonnerie, dont elle ne soupçonnait pas les tendances.
    Le but de la secte était, à cette époque, d’accaparer quelques personnes de la Cour, surtout celles admises dans l’intimité des souverains. La princesse aimait les fêtes ; on la prit par son faible.

    Elle fut initiée par la Loge La Candeur, de Paris.

    En 1781, elle fut élue Grande Maîtresse de la Mère Loge Ecossaise d’Adoption, c’est-à-dire qu’elle fut mise à la tête des Loges de Dames. Le jour de son installation, la « Sérénissime Sœur de Lamballe », le maillet en main, put entendre le Frère Robineau lui chanter, au nom du rite, des couplets fort galants :
    « Amour, ne cherche plus ta mère/Aux champs de Gnide ou de Paphos/Vénus abandonne Cythère/Pour présider à nos travaux. Etc… »

    D’un esprit très léger, elle ne comprit pas ce qui se tramait dans les Loges et n’ouvrit les yeux que lorsque la Révolution eut éclaté.
    Mais alors elle fit son devoir sans aucune défaillance. Elle s’efforça de réparer le mal dont elle avait été la complice inconsciente. En novembre 1791, elle prit l’initiative de la surveillance qu’il était nécessaire d’exercer sur tous les foyers de conspiration. La secte jura de lui faire payer de sa vie son loyal retour au bien.

    Au 10 août 1792, la princesse de Lamballe suivit, avec le plus grand courage, la famille royale à l’Assemblée, puis au Temple. Dans la nuit du 19 au 20 août, elle fut transférée à la Force.

    Son sacrifice était héroïque ; elle savait, la malheureuse, quel sort l’attendait. On en a la preuve.

    En effet, c’est après la fuite de Varennes (juin 1791) que la princesse avait eu les preuves du rôle joué par la secte. Chargée d’une mission en Angleterre, elle avait constaté, avec douleur, l’influence que les Loges exerçaient sur Pitt, le conseiller du roi Georges ; celui-ci avait refusé son intervention, Pitt avait été jusqu’à dire que Louis XVI n’avait que ce qu’il méritait. Après un court séjour en Angleterre, la princesse était passée à Aix-la-Chapelle ; c’est à ce moment qu’elle avait brisé les liens maçonniques. Elle avait rompu avec la secte, et, circonstance significative, fait aussitôt son testament ; ce document, qui a été publié, est daté du 15 octobre 1791. Puis, elle était rentrée en France, pour lier son sort à celui de la famille royale.

    Le 3 septembre 1792, à la Force, elle comparut devant le tribunal de sang, présidé par le franc-maçon Hébert. Sa vaillante attitude a été immortalisée par Peltier et Bertrand de Molleville. Conduite dans la rue du Roi-de-Sicile, elle fut égorgée par les massacreurs. Un de ces misérables voulut lui enlever son bonnet avec la pointe d’un sabre et la blessa au front ; un autre la renversa d’un coup de bûche ; elle fut achevée à coups de sabre et de pique. Son corps fut mutilé, telle était la rage de ces scélérats ; on lui arracha le cœur ; on coupa sa tête, qui fut promenée, au bout d’une pique, jusque sous les fenêtres du Temple.

    Plus tard, en 1796, ses assassins furent jugés. L’un des principaux, Nicolas Le Grand, franc-maçon, fut condamné à vingt ans de fers ; un autre, nommé Charlat, également franc-maçon, s’était engagé pour aller combattre les Vendéens, mais il fut tué par ses camarades, à qui il faisait horreur à raison de sa participation au crime.

    Hiram 

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