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culture et histoire - Page 1294

  • « Le Siècle de 1914 / Utopies, guerres et révolutions en Europe au XXe siècle » par Dominique Venner

    La réputation d'historien de Dominique Venner n'est plus à faire. Ainsi que l'écrit son éditeur, ses nombreux livres sur la Résistance, la Collaboration, le Baltikum, les révolutions fascistes, la guerre civile russe, l'Armée rouge ou le terrorisme l'ont fait connaître pour l'ampleur et la profondeur de ses vues. On sait qu'il dirige aussi « La Nouvelle Revue d'histoire (NRH) ».
    Le prisme large de son érudition historique appliquée à toute l'Europe le désignait mieux qu'un autre pour écrire cette immense fresque du XXe siècle européen et de ses multiples tragédies. Relater en 400 pages, de façon claire et pratiquement exhaustive, les bouleversements historiques, politiques, idéologiques et militaires du siècle était une gageure. Tenant le pari, Dominique Venner montre notamment que l'histoire véritable des années 1920 et 1930 n'a vraiment rien à voir avec ce que l'on a raconté après la Seconde Guerre mondiale. Pourquoi, par exemple, des esprits aussi éminents que Carl Schmitt ou Martin Heidegger se sont-ils ralliés quelque temps au IIIe Reich naissant (époque où l'Association des rabbins allemands proclamait aussi son ralliement), alors qu'Oswald Spengler ou Ernst Jünger, bien que nationalistes allemands, furent d'emblée hostiles ? L'analyse fouillée qu'en fait Venner éclaire mieux la nature du IIIe Reich que des bibliothèques entières de livres vaseux consacrés au sujet. 
    Ainsi que l'écrit un commentaire récent : « Sur la Russie, l'Allemagne, l'Italie et même l'Espagne, le livre de Dominique Venner est un monument de savoir et un chef-d'œuvre de pédagogie. Il se lit – ou plutôt s'avale – d'un trait. Dominique Venner sait aller droit à l'essentiel. Il nous offre des textes clefs (par exemple, cette lettre de 1927 dans laquelle Churchill dit son admiration pour Mussolini). Il excelle à mettre les nuances que l'enseignement en noir et blanc de l'histoire officielle nous avait fait oublier (en soulignant, par exemple, le “classicisme” de Mussolini et ses conflits avec Hitler). » 
    L'une des thèses de Dominique Venner est que l'histoire véritable du siècle a été dérobée aux Européens par les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale, celle-ci n'étant jamais que le prolongement de la nouvelle guerre de Trente Ans commencée en 1914. Dans cet essai ambitieux, il entend donc restituer la réalité de cette histoire. 
    Première observation, il faut le dire, inattendue : avant 1914 rayonnait sur le continent un ordre européen spécifique et en bonne forme. A l'exclusion de la République française, secouée de remous, l'Europe était charpentée par des monarchies et des aristocraties modernes et dynamiques que la Première Guerre mondiale a détruites. Sur leurs décombres ont surgi les révolutions des années 1920 et 1930. Cependant, après de réelles tentatives de renouvellement de l'ordre rompu, ces révolutions sorties de la plèbe et des tranchées ont finalement aggravé les facteurs de décomposition qui avaient conduit à la catastrophe de 1914. Dominique Venner désigne notamment les nationalismes agressifs liés à la démocratisation de la vie publique, ainsi que la volonté de puissance technicienne, portée à un niveau destructeur jamais vu au cours de la Seconde Guerre mondiale. 
    La critique tout à fait nouvelle des grands systèmes idéologiques du XXe siècle, démocratisme américain, bolchevisme soviétique, fascisme italien et national-socialisme allemand, déplace l'angle de vue sous lequel on n'a cessé de lire le passé récent. Venner montre en quoi les révolutions des années 1920 et 1930, en dépit des espoirs parfois placés en elles, furent des impasses étrangères à l'authentique et longue tradition politique européenne. Ce regard libérateur replace l'Europe dans sa véritable trajectoire historique, ouvrant des perspectives neuves pour l'avenir. 
    Polémia 30/07/06
    Dominique Venner, « Le Siècle de 1914 / Utopies, guerres et révolutions en Europe au XXe siècle », Pygmalion, 400 p., 22,50 euros.

    http://archives.polemia.com/article.php?id=1309

  • Entrevue du C.N.C. #22 : Michel Drac et Maurice Gendre

    Michel Drac et Maurice Gendre seront à Lille le 12 septembre 2015 pour une conférence sur le Traité transtlantique. Nous avons sollicité nos deux prochains intervenants pour une courte entrevue qui donnera quelques clefs à nos lecteurs en perspective de la conférence à venir.

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    1) Le Cercle Non Conforme : Merci d'avoir accepté de répondre à quelques questions et de venir le 12 septembre à Lille pour une conférence sur les enjeux et les menaces du Traité transatlantique. Pouvez-vous vous présenter rapidement pour nos lecteurs ?

    Michel Drac : J’ai commis quelques textes dont certains m’ont valu l’intérêt de lecteurs partageant mes préoccupations. Mon message général est simple : il n’y a rien à espérer à l’intérieur du système, donc s’il reste un espoir, c’est en dehors. Je suggère aux dissidents de s’organiser entre eux, pour incuber la matrice d’une contre-société libératrice. Par ailleurs, ayant une formation en finance d’entreprise, je m’intéresse particulièrement aux questions économiques.

    Maurice Gendre : Je suis chroniqueur sur Méridien Zéro, l'émission francophone de Radio Bandera Nera.

    J'ai participé depuis une dizaine d'années à différents media de la sphère dite "alternative" : Ringle Gri-gri internationalTant pis pour VousScriptoblog,Agence info libre et MZ.

    J'ai toujours tenu dans ces différents organes de presse la même ligne : anti-immigration, souverainiste mais favorable à une Europe boréale des peuples et des Nations libres et indépendantes, contre les interventions militaires "humanitaires" en Afrique ou au Moyen-Orient, anti-libérale et anti-libertaire.

    J'ai pu tenir cette "ligne" (fruit de convictions profondes et très ancrées) y compris au sein de la rédaction de Ring, à l'époque où celle-ci était fortement marquée par un atlantisme et un sionisme forcenés (ce n'est plus vrai aujourd'hui), du fait de la présence tutélaire de l'écrivain Maurice G.Dantec.

    En relisant très récemment des articles et des entretiens rédigés à l'époque, il m'a immédiatement sauté aux yeux que premièrement mon ami David Serra n'était définitivement pas un censeur et que tout ce à quoi nous assistons dramatiquement aujourd'hui était au minimum prévisible il y a dix ans déjà.

    Je ne tire aucune gloire d'avoir eu cette lucidité (il suffisait d'ouvrir les yeux), en revanche je me désole que les traîtres, les couards et les salauds qui nous servent de dirigeants n'aient rien fait pour changer de cap.

    2) Le C.N.C. : Quelle est votre actualité militante actuelle. Êtes-vous encore engagés dans l'édition ? Prévoyez-vous d'éditer ou de rédiger prochainement un ouvrage ?

    M. D. : Depuis que j’ai quitté E&R en 2009, je ne milite plus nulle part. J’ai cofondé les éditions du Retour aux Sources en 2007, mais je n’y travaille pas. Un ouvrage regroupant les textes de trois conférences prononcées en 2014, complétés par environ 200 pages de notes, va sortir dans les semaines qui viennent. Il fait en quelque sorte un point de situation sur l’état de la France et propose quelques pistes de réflexion.

    M. G. : En dehors de mon activité syndicale prenante, mon militantisme repose de plus en plus sur la réinformation : articles, conférences, émissions radio etc.

    Désormais, je suis partenaire des éditions du Rubicon. Le dernier ouvrage paru :La jeunesse au pouvoir de Julien Langella est un manifeste salutaire à la gloire des Anciens et contre les vieux cons de la génération 68.

    Cet ouvrage appelle au sursaut les jeunes Français et les jeunes Européens et les invite à tout faire pour sortir de l'apathie et à se lever contre l'effacement du Destin.

    3) Le C.N.C. : Sans livrer la substantifique moelle de votre venue du 12 septembre, pourquoi lutter contre le Traité transatlantique ? En quelques lignes ?

    M. D. : Il faut informer la population. Nous n’empêcherons pas l’adoption de ce traité, s’il doit être adopté. En l’occurrence, la décision sera prise au plus haut niveau, et n’aura évidemment rien de démocratique. Mais en informant la population, nous nous préparons à rebondir politiquement et culturellement sur les conséquences d’une éventuelle adoption, et cela peut d’ailleurs peser indirectement sur le contexte général au sein duquel notre classe dirigeante devra définir ses choix.

    M. G. : Le TAFTA c'est la Bête sauvage. Si on considère que le mondialisme est le stade suprême de l'impérialisme, il faut envisager le TAFTA comme le stade suprême d'un des segments du mondialisme, en l’occurrence l'occidentalisme. > Dimension parfaitement illustrée par le projet de Fédération transatlantique et de Parlement transatlantique.

    4) Le C.N.C. : Allez-vous au cours de votre intervention nous présenter des optiques concrètes de lutte contre le TAFTA ? Nous avons pu constater au M.A.S. que l'affichage public était très insuffisant par exemple.

    M. D. : Ce n’est pas mon rôle a priori, mais si on me pose la question, je suggérerai sans doute de repérer les urticants et de leur donner la plus grande publicité possible. Les gens, en général, ne réagissent que quand leurs intérêts personnels sont engagés à court terme. Il faut donc construire une stratégie de communication segmentée, et pour cela mettre en lumière les points qui fâchent telle ou telle catégorie de la population. Incidemment, j’aimerais pouvoir vous dire qu’il faut parler d’indépendance nationale et de souveraineté populaire, mais soyons lucide : pour la majorité de nos contemporains, ces mots ne signifient plus rien. A la rigueur, une fois qu’on les aura réveillés en leur parlant de leurs petits sous, on pourra élargir le propos.

    M. G. : La seule chose que nous puissions faire à notre modeste niveau est d'informer, informer, informer, informer et... informer. Faire circuler des vidéos sur la Toile, donner des conférences, ne pas négliger le tractage (pénible mais parfois payant). C'est peu ? Oui fort peu malheureusement au regard des enjeux qui sont absolument gigantesques. Mais je crains que nous ne puissions pour le moment faire plus. Nous ne devons jamais oublier que nous avons le Devoir de le faire. C'est un impératif catégorique. Ne serait-ce que pour pouvoir être en paix avec notre conscience et pouvoir dire : "Cette immense saloperie n'aura pas été faite en notre nom". Mon véritable espoir de voir ce projet funeste capoter vient d'une fronde - peu médiatisée bien évidemment - de certains congressistes US contre le TAFTA. Ils viennent essentiellement des rangs des Démocrates populistes et des Républicains isolationnistes qui eux non plus ne veulent pas voir les États-Unis disparaître dans un magma informe et dépourvu d'âme. A moins que cette opposition ne soit elle aussi parfaitement contrôlée. Un virus que la matrice aurait injecté pour mieux le maîtriser. Malheureusement, ce n'est pas du tout inconcevable. Des députés européens je n'attends en revanche rigoureusement rien. Si ce n'est un à-plat-ventrisme de tous les instants.

    5) Le C.N.C. : Pour conclure, pouvez-vous nous dire quelques mots sur la situation économique à prévoir pour la rentrée de septembre ?

    M. D. : La conjoncture est en train de dessiner la configuration de base d’une tempête parfaite. On ne s’en rend pas forcément compte, parce que la classe dirigeante truque désormais tous les compteurs avec la complicité active des médias, mais pour qui prend le temps d’étudier sereinement les données objectives, c’est clair et net : avis de gros temps. La crise de l’euro est maintenant entrée en phase critique. L’agonie promet d’être longue et douloureuse. J’espère qu’elle sera suffisamment spectaculaire pour anéantir les derniers reliquats de légitimité qui restent à nos dirigeants déconsidérés. Je fonde cet espoir sur la nullité des dirigeants français, la psychorigidité des Allemands, la perfidie des Britanniques, le cynisme des Américains et l’irresponsabilité des Grecs. Un casting de rêve, n’est-ce pas ? De toute façon, au-delà de l’euro, c’est tout le système monétaire international qui est en train de sombrer, dans la foulée d’un système financier complètement déséquilibré. Tôt ou tard, nous allons traverser une convulsion globale monstrueuse. Nos dirigeants s’y préparent. Les Grecs leur servent de cobayes, à mon avis. Dans ce contexte, l’économie française est à l’arrêt. Elle sous-performe pratiquement dans tous les domaines. Nous allons vers un climat social très détérioré, qui pourrait dessiner une toile de fond intéressante pour les échéances politiques 2017.

    M. G. : Pour ne rien vous cacher, je crains infiniment l'automne qui arrive. La dégringolade des bourses chinoises constitue peut-être un des prolégomènes de la Grande Catastrophe à venir. La question semble être désormais : d'où le chaos va-t-il partir ? L'étranglement de la Grèce se poursuit et reposera inéluctablement la question de la viabilité de l'euro, l'Ukraine est dans une situation calamiteuse (et je ne parle que de la dimension économique), les banques régionales allemandes sont toujours truffées d'actifs toxiques, des bulles immobilières restent menaçantes (au Royaume-Uni notamment), la valeur notionnelle des produits dérivés a très largement dépassé son niveau d'avant la crise des subprimes, on assiste à des choix totalement délirants qui sombrent dans l’irrationnel le plus complet (récemment le Mexique a emprunté à 100 ans !), mais le plus grave reste évidemment la politique "accommodante" des banques centrales qui finira inéluctablement par nous exploser à la figure et entraînera un effondrement incontrôlable des monnaies. Il faut ajouter à cela, un déferlement migratoire cataclysmique dont les conséquences prochaines seront ravageuses. 

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/

  • Action Française - Rupture anthropologique de la révolution française à la LMPT

  • Pierre Mac Orlan

    L’auteur de cette biographie de Mac Orlan, parue chez Pardès, est Bernard Baritaud, spécialiste reconnu de l'écrivain. Il préside la Société des lecteurs de Mac Orlan.

    L’enfance de Mac Orlan

    Pierre Dumarchey, qui prendra plus tard le pseudonyme de Pierre Mac Orlan, naît le 22 février 1882 à Péronne, ville de garnison du Nord de la France. Son père s'était battu en 1870 parmi les zouaves pontificaux et poursuivra une carrière militaire assez terne jusqu'au grade de capitaine. Le premier souvenir que conserve l'enfant de son père est celui d'un officier « vêtu d'un pantalon rouge à bandes noires et d'un dolman noir à brandebourgs ». De la mère, qui était la fille d'un employé des Chemins de fer, on ne sait rien. Est-elle prématurément décédée ? Cela expliquerait que Pierre et son frère Jean, un rebelle dans l'âme, aient été élevés par un oncle, agrégé d'histoire. Les études de Pierre sont peu concluantes. Il en retiendra cependant un goût pour les poètes latins et une passion pour le rugby ! Il envoie quelques poèmes à Aristide Bruant qui lui répond fort aimablement. Il va avoir bientôt dix-sept ans. Débute une période de misère qui durera près de dix ans.

    La misère

    Pierre Dumarchey était persuadé d'avoir trouvé sa voie : il sera peintre. Il arrive, avec un petit pécule, à Paris dans les derniers mois de 1899 et s'installe, comme il se doit, à Montmartre. Il s'inspire de Toulouse-Lautrec, qu'il admire mais ne parvient à vendre aucune de ses œuvres. Pour, subsister, il fait quelques petits travaux. Il tapisse une villa, il est terrassier, et dort dans des hôtels meublés. Il fréquente les bars à matelots et y rencontre une foule d'originaux dont il s'inspirera dans ses livres. Il rencontre sur la butte les rédacteurs du Libertaire hebdomadaire, une feuille anarchiste où il publie un article parfaitement médiocre fustigeant la bourgeoisie. Il vit une existence inquiète, minée par la hantise d'assurer la survie quotidienne. Il a souvent faim. Le thème de la faim sera d'ailleurs récurrent dans l'œuvre du romancier.

    Un personnage de Montmartre : naissance de Mac Orlan

    Il va très vite prendre ses habitudes au Lapin agile, un cabaret de Montmartre, propriété de Bruant. Il courtise la fille du patron, Marguerite, qui deviendra plus tard, en 1913, son épouse pour la vie. On imagine que cette relation l'aide sans doute quelque peu à survivre. Toujours est-il qu'il va y connaître de "vrais" écrivains qui deviendront ses amis Apollinaire, Carco, Salmon, qui exerceront sur lui une réelle influence littéraire. Il est apprécié, pas tant pour ses écrits qui sont encore peu nombreux, que pour sa personnalité, haute en couleur, coiffé d'une casquette ronde, flanqué d'un basset d'Artois, il entonne volontiers des chansons de marins ou de légionnaires. On l'appelle « le patron », ce qui signifie, en fait, qu'il fréquente la fille de la femme de Frédé, le vrai patron, qui est, lui aussi un personnage pittoresque, avec sa longue barbe, sa toque de fourrure et sa guitare. C'est en 1905 que naît Mac Orlan. C'est avec ce pseudonyme qu'il commence à signer ses dessins. Pour vivre, il écrit aussi des textes de chansons, que d'autres signent le plus souvent et qui sont interprétés par des chanteurs des rues. Il réussira même à vendre quelques dessins à la presse humoristique.

    Le voici écrivain

    On en attribue le mérite au directeur artistique du journal Le Rire, Gus Bofa, qui est un ami de Pierre. Celui-ci apprécie davantage les légendes que les dessins que lui soumet Mac Orlan. Du coup, il l'encourage à développer les légendes et à les transformer en contes. Mac Orlan, qui donnera plus de soixante contes dans les journaux humoristiques en 1913, entre ainsi de plain-pied en littérature. Il ne renoncera cependant pas tout à fait à dessiner. On lui doit des « bandes dessinées » avant  la lettre, où le texte est intégré à l'image, sous forme de bulle. Sa collaboration à la presse va, dès lors, assurer sa sécurité matérielle. Son premier roman, La Maison du retour écœurant, paraît en 1912. Il doit beaucoup aux expériences antérieures de l'auteur, et se caractérise par un ton cocasse mais grinçant, où affleure l'amertume. Un deuxième roman, Le Rire jaune, est publié en feuilleton en 1913. Il décrit les ravages d'une épidémie burlesque, venue de Chine. L'épidémie fait mourir de rire, au sens propre. Du coup, la foule fanatisée massacre ceux qui font rire, les clowns, les humoristes... Les paysans, quant à eux, profitant de l'anarchie, vont piller les villes. C'est dans ce livre que l'on trouve cette formule  « Je ne crains qu'une chose dans un bois et la nuit... c'est l'homme ». Le pessimisme de Mac Orlan est total  le rire jaune est la folie que tout groupe humain porte en soi et qui peut entraîner, lorsqu'elle est libérée par les circonstances, un bouleversement radical de la société. Après ce livre, Mac Orlan est devenu un écrivain plein de promesses, reconnu par ses pairs.

    Et puis, arrive la guerre

    Il sera engagé en Lorraine, en Artois et à Verdun et évoquera dans ses écrits un « travail meurtrier désespérément quotidien ». N'étant pas officier, donc sans solde, il collabore à La Baïonnette afin de subvenir aux besoins de son épouse. Mais l'agent de liaison Pierre Dumarchey va être touché par des éclats d'obus, le 14 septembre 1916, devant sa ville natale. Décoré de la croix de guerre, il sera réformé le 8 décembre 1917. Il écrira dans Verdun, une vingtaine d'années plus tard : « A Verdun commença réellement la fin d'un monde et ceux qui vécurent là, en février 1916, purent constater que la guerre était la plus terrifiante de toutes les maladies de l'intelligence humaine ». Les personnages de Mac Orlan portent la guerre au plus profond d'eux-mêmes « comme une maladie secrète », dira l'un d'eux. La guerre fut pour lui un traumatisme. Vingt ans plus tard, il raconte dans Chroniques de la fin du monde (1940) que, à la tombée de la nuit, en Seine-et-Marne, il crut entendre un jour, venant de l'Est, le bruit d'une petite troupe de cavalerie en mouvement. Il écrira « C'est précisément de là, c'est-à-dire du seuil de ma porte au sommet arrondi, que j'ai entendu venir un soir les quatre cavaliers de l'Apocalypse ». Parmi eux, la Guerre et la Mort, dont il n'avait cessé de redouter le retour...

    1918-1939 : une activité débordante

    Ces années correspondent à la maturité de l'écrivain. Son activité est débordante. Il est éditeur et découvre notamment Joseph Delteil. Il édite de magnifiques ouvrages pour bibliophiles. Il est critique, publie un feuilleton littéraire où il traite de l'actualité comme des rééditions importantes. Il effectue des reportages pour le compte de journaux qui font appel, en ces années-là, à dès écrivains de renom. Il se rend en Allemagne nationale-socialiste, en Italie où il interviewe Mussolini, en Angleterre, en Espagne, en Afrique du Nord. Il "couvre" des procès  retentissants, et, précurseur d'Antoine Blondin, suit pour Le Figaro, quelques étapes du Tour de France. Mais ce n'est pas tout. Il tient une chronique "Disques" dans Le Crapouillot à partir de 1927 et écrit aussi sur les œuvres de photographes connus. Et puis, il écrit le scénario du film de Marcel Lherbier, L'Inhumaine, qui fut certes un échec commercial, mais qui reste une référence pour les cinéphiles. Et enfin, il fera les adaptations au cinéma de ses romans, La Bandera réalisé par Julien Duvivier, en 1935, et le célèbre Quai des brumes de Marcel Carné, en 1938. Mais revenons à ses romans. Il avait écrit un grand roman d'aventures maritimes, Le Chant de l’équipage, en 1918 qui sera suivi de A bord de l’Etoile Matutine. Beaucoup de ses livres respirent le goût de l'aventure. Il y a, selon lui, deux sortes d'aventuriers : l'aventurier actif qui court le monde et finit mal, et l'aventurier passif (dans lequel il se reconnaît puisque écrivain), qui se contente d'imaginer l'aventure. Et puis, il y a aussi l'aventure de la pègre, l'aventure militaire et coloniale qui fascineront Mac Orlan. On les retrouve dans La Bandera (1931) et Le Camp Domineau (1937). Quant au roman le plus connu, Le Quai des brumes (1927), il fait largement appel aux souvenirs des années de misère à Montmartre. Mac Orlan avait aussi abordé le fantastique sur un ton qui n'est certes pas tout à fait celui de Hoffmann, de Jean Ray, de Seignolle ou de Lovecraft. Dans Malice (1923), ruiné, arrivé au bout du désespoir, le personnage principal du livre n'a d'autre ressource que de vendre son âme... pour la corde lui permettant de se pendre. On ne lui en offre pas davantage. Cet usage burlesque de la damnation nous donne une idée du pessimisme radical de l'écrivain. Mais Mac Orlan s'intéressera aussi aux phénomènes sociaux. Il écrit sur le sport, la mode, l'automobile, la publicité... Il évoque le Vel d'Hiv, les music-halls et les grands magasins, où ses contemporains se prosternent devant la modernité et la consommation gloutonne. Pierre Mac Orlan est un pessimiste. L'univers obsessionnel de ses livres les errances stériles et la marginalisation du héros, la mauvaise chance qui le poursuit, la conviction que l'aventure vécue est néfaste, et puis, tous les hommes sont dangereux, le monde est rempli de pièges mortels destinés à nous perdre.

    La guerre à nouveau

    Il approche de la soixantaine quand la guerre éclate. C'est à la campagne que lui et Marguerite vont vivre les années de l'Occupation. Ils élèvent des poules et des lapins, ce qui leur permet d'affronter les difficultés d'approvisionnement. Il se met en retrait de la vie littéraire mais collabore cependant, avec prudence, à certains journaux (certes pas Je Suis Partout !), en restant obstinément dans un registre littéraire. Il publiera cependant un grand livre, L'Ancre de miséricorde, en 1941 encore un roman d'aventures maritimes. Et puis, il interrompra au bon moment sa collaboration à une presse tout de même liée à Vichy. Il ne sera pas inquiété à la Libération... Bon, il avait certes signé la pétition du « Manifeste des intellectuels français pour la défense de l'Occident et de la paix en Europe », publiée par Le Temps du 4 octobre 1935. Ce manifeste soutenait l'invasion de l'Ethiopie par Mussolini. Mais ceci était une vieille histoire et après tout, Mac Orlan n'avait-il pas aussi signé en son temps une pétition réclamant la libération de Malraux, emprisonné au Cambodge, où il avait quelque peu été mêlé à un trafic d'oeuvres d'art ?

    L’après-guerre : une nouvelle carrière

    Mac Orlan va entreprendre une nouvelle carrière à la radio. Il produira, entre 1947 et 1958, une dizaine d'émissions radiophoniques. Il y égrène ses souvenirs, ses lectures, évoque ses amis et ses passions, dont le rugby, fait entendre les chansons qu'il aime. Il adapte aussi certains de ses textes et nouvelles pour des émissions qui ont beaucoup de succès. Et puis, il y aura le retour à la chanson. Il va écrire une soixantaine de textes qui seront interprétés essentiellement par des femmes Germaine Montera, Monique Morelli ou Juliette Gréco, entre autres. Ses chansons font souvent appel à des souvenirs de jeunesse. Voici un couplet de la chanson Fanny de Lanninon : il s'agit de la triste histoire d'un marin breton, depuis ses vingt ans jusqu'à sa vieillesse sans espoir. « J'ai plus rien en survivance / Et quand je bois un coup d'trop / Je sais que ma dernière chance / S'ra d'faire un trou dans l'eau ». En 1950, Mac Orlan avait été élu à l'Académie Goncourt, à l’unanimité. Il y siégera aux côtés de ses amis André Billy, Roland Dorgelès, Francis Carco, et de la présidente, Colette, qu'il admirait. Les honneurs ne l'épargnent pas. Il sera Commandeur de la Légion d'honneur, à l'initiative d'André Malraux, en 1966. Mai-68 ? Bof , il y verra une révolte des jeunes contre la civilisation des machines et des ordinateurs. On a compris que Mac Orlan n'était pas un grand penseur politique. Armand Lanoux était étonné de sa « merveilleuse qualité d'inengagement » l'instinct de conservation et la prudence érigés en règles de vie...

    Les dernières années, puis la fin

    Pour son quatre-vingt-deuxième anniversaire, en 1962, les éditions Gallimard, ses lecteurs et ses amis lui avaient offert un perroquet, Catulle, vite surnommé Dagobert. Mac Orlan avait indubitablement le sens de la communication. Ce perroquet sur son épaule va contribuer à donner à Mac Orlan, vêtu d'un col roulé de grosse laine, coiffé d'une casquette écossaise à pompon, le profil de l’aventurier qu'il n'a jamais été. Le 10 novembre 1963, Marguerite meurt brutalement. Il ne s'en remettra jamais. Il se flattait volontiers de n'avoir jamais divorcé, contrairement à nombre de ses confrères. Il avait consacré à son épouse, en 1952, un poème tout à fait admirable La Chanson des portes. Une puissante et ancienne affection les liait. Mac Orlan survivra encore sept ans, sept ans empreints de mélancolie. Il se retire petit à petit du monde, continuant à recevoir cependant ses visiteurs, même les plus anonymes, avec une extrême gentillesse. Une crise cardiaque l'emporte le 27 juin 1970. Il sera enterré discrètement, selon ses vœux, à Saint-Cyr-sur-Morin, aux côtés de son épouse qu'il aimait tant.

    R.S. Rivarol du 23 juillet 2015

     

    Mac Orlan de Bernard Baritaud, 127 pages, 15 euros franco de port à Pardès, 44 rue Wilson, 77880 Grez-sur-Loing.