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culture et histoire - Page 1297

  • 25 août 1270 : mort de Saint Louis.

    Le roi de France Louis IX était âgé de 56 ans.

    C’était au cours de la 8e croisade (sa seconde). Il espérait convertir le sultan de Tunis au christianisme et le dresser contre le sultan d’Égypte. Les Croisés s’emparèrent facilement de Carthage mais l’armée faut victime d’une épidémie. Louis IX mourut le 25 août sous les remparts de Tunis, de dysenterie vraisemblablement (de peste selon certains). Son corps fut étendu sur un lit de cendres en signe d’humilité, et les bras en croix à l’image du Christ.

    Sacre de Saint Louis

    Considéré comme un saint de son vivant, Louis IX fit l’objet d’une vénération dès sa mort. Des miracles étaient réputés avoir lieu sur le passage de sa dépouille et un service d’ordre dut être mis en place près de son tombeau pour canaliser la foule de ceux qui venaient implorer son intercession.

    Le XIIIe siècle reste dans l’histoire comme le « siècle d’or de Saint Louis ».
    La France, centre des arts et de la vie intellectuelle, y atteint son apogée aussi bien économiquement que politiquement, mais aussi quant au degré de perfection de sa civilisation, dont nous sommes à présent loin…

    Saint Louis commandait la plus grande armée et dirigeait le plus grand royaume d’Europe. Sa réputation de sainteté et de justice était déjà bien établie de son vivant et on le choisissait régulièrement comme arbitre pour régler les querelles entre grands d’Europe. Le roi était considéré comme leprimus inter pares (le premier parmi ses pairs).

    Saint Louis est généralement considéré comme le modèle du prince chrétien.

    Quelques livres à son propos ici.

    Source : Thibaut de Chassey

    http://www.contre-info.com/

  • « Eloge des frontières », de Régis Debray

    Régis Debray, venu d’une ultra-gauche mondialiste marxiste, ne cesse d’étonner. De livre en livre comme dans sa remarquable revue Médium il évolue vers un national populisme tranquille et solidement argumenté. Bousculant avec allégresse ses utopies d’origine, il établit de nouvelles frontières intellectuelles. A lire, faire lire, commenter, réfléchir, diffuser. Après Didier Marc c’est au tour de Claude Lenormand de nous y inciter avec un article à paraître dans Livr’Arbitres, la revue du pays réel.
    Polémia

    Médecins sans frontières, proxénètes saxophonistes sans frontières, sosies d’Elvis Presley sans frontières, arrêtons-nous ici, la liste est longue et la pauvre frontière semble passée de mode. Dans une Europe fatiguée, Euroland – capitale Bruxelles – ne sait même pas où sa frontière s’arrête. Les doses de Valium du Borderless World bercent des vieillards gâtés. La ville monde du libéralisme marchand et l’hyper-classe mondiale rêvent d’un monde enfin unifié (exact pendant de la bonne vieille société sans classes marxiste) où enfin hommes et marchandises, réduits à leur valeur d’échange, circuleraient librement.

    La frontière se rebiffe

    Mais la frontière se rebiffe ! Vingt-sept mille kilomètres de frontières nouvelles ont été tracées depuis 1991. Le droit international – pétrole et gaz obligent – territorialise la mer. La frontière est insubmersible tant sont profondes ses racines. Religieuses tout d’abord. Jéhovah sépare la lumière des ténèbres puis sépare la terre et les eaux. Zeus coupe l’androgyne primitif (tant regretté par Platon) pour en faire un homme et une femme. Toute création implique partage et toute frontière a un fond sacré. Sacré comme sanctuaire viennent du latin sencire : délimiter, entourer, interdire. Par la frontière le politique rejoint le religieux. Là où il y a du sacré, il y a aussi une enceinte. Ce que la communauté perd en superficie elle le gagne en durée et en intensité. La séparation nous protège comme elle nous prolonge, rejoignant Paul Valéry : « Ce qu’il y a de plus profond chez l’homme c’est la peau ».

    La frontière déclenche la guerre et établit la paix

    La frontière est par essence ambivalente. Elle déclenche la guerre et établit la paix. L’exemple du conflit israélo-palestinien en est une vivante illustration. Faute de limites territoriales clairement établies, deux peuples – aux racines historiques mais antagonistes – s’affrontent entre oppression quotidienne et défense par le terrorisme. Elle inhibe la violence et peut la déclencher. Elle dissocie et réunit. Janus, le dieu du passage, a deux faces. C’est la membrane qui détermine la cellule. La membrane, couche isolante, protège et en même temps régule l’indispensable échange entre le dedans et le dehors. Notre première maison c’est la matrice maternelle. En japonais fukuro, sac, poche, désigne aussi bien la mère que la communauté de naissance. Cette même communauté érige des frontières culturelles visibles ou invisibles. Dans L’Empire des signes Roland Barthes établit un catalogue du Japon, de ses signifiants, les corps, les visages, l’écriture et leurs entrelacs. Tous ces traits circulent et forment délibérément un système, le Japon, et un peuple, les Japonais. Le chaos initial pour le nouvel arrivant se décrypte en ordre symbolique qui forme un peuple. Nos drapeaux, nos chansons (aussi ce que Deleuze appelle la ritournelle, l’air que l’on sifflote dans le noir), nos comptines, nos hymnes, notre manière de faire la cour, de faire l’amour, ce que nous buvons, ce que nous mangeons sont des référents implicites ou explicites qui établissent autant de frontières culturelles.

    Par ces frontières culturelles la population devient un peuple

    Par ces frontières culturelles la population devient un peuple. La question en apparence secondaire de la nourriture halal est culturellement fondatrice pour le vécu le plus ordinaire de chacun : ce que les peuples européens mangent tous les jours. Manger halal et réclamer son extension (déjà faite dans nombre de cantines collectives et chez certains traiteurs) c’est marquer clairement son appartenance à une autre communauté, elle-même porteuse d’un grand nombre de valeurs culturelles implicites ou revendiquées ni inférieures ni supérieures mais clairement autres. « La religion sans la culture devient une façon économique de rentrer au village tout en restant sur place », une manière élégante de faire sécession tout en tirant profit de certains avantages culturels – notamment sociaux et financiers – de la cellule d’accueil.

    L’idéologie transfrontiériste

    Que veut en réalité l’idéologie transfrontiériste ? Quelles sont ses perspectives concrètes affectant tant notre vie individuelle que notre devenir commun ? Tout d’abord masquer un économisme ontologique défendant les intérêts matériels et moraux de l’hyper-classe mondialisée. Avalisant le moins d’Etat, conférant à la libre circulation des hommes et des marchandises l’onction d’un dogme, le transfrontiériste déguise les multinationales en autant de fraternités. L’exception culturelle, voilà la barrière à abattre pour le bobo mondialiste figure emblématique de la classe médiatique. Ouvrir les vannes, c’est à coup sûr renforcer encore le rôle de l’argent. Là où tout est monnayable, seuls les dépossédés ont intérêt à la territorialisation. « Leur seul actif, c’est leur territoire ». Les très riches n’ont pas de frontières, d’un coup d’avion ils se transfèrent avec leur famille vers le « bon territoire », entendez celui où la fiscalité est la plus favorable. D’un coup de clavier les banques leur transfèrent leurs avoirs, la vie est belle et sans frontières. Mais les autres ? Les classes moyennes, les pauvres ? « Le faible n’a pour lui que son bercail ». Economisme donc mais aussi absolutisme et affadissement des saveurs du monde. Les terroirs (pour le vin la lutte entre les appellations européennes par terroirs et les américaines par cépages est révélatrice), les patois – et toute autre langue que le Globbish English est un patois –, les rites, les cérémonies, les rythmes propres à chaque culture sont des obstacles à la société comme marchandise, au monde comme monnaie. Cet absolutisme se transforme volontiers en impérialisme compassionnel. « Justice sans limites » fut le nom initial donné par les Etats-Unis dans leur première opération contre l’empire du mal, le terrorisme. Le devoir d’ingérence était difficile à digérer même pour les estomacs néo-colonialistes les plus robustes. Il s’est donc mué en un charmant « devoir de protection » qui est la même chose mais en plus chantant. Il va de soi que ce devoir sacré de protection des peuples s’applique à la Libye. Pour des raisons inexpliquées à ce jour il ne s’applique pas à Bahrein. Gageons que la présence de la base centrale de la VIe flotte américaine en Méditerranée n’y est pour rien. Pour le Tibet, le peuple Karen, l’Algérie, la Tchétchénie et d’autres les paris sont ouverts mais soyez prudents dans votre mise et mesurez bien les rapports de force avant d’engager votre chemise.

    La bonne frontière

    La bonne frontière, c’est celle qui permet des aller-retour, des échanges fructueux sans que chacun renonce à être soi-même. Qu’y a-t-il de plus agréable que de franchir une frontière pour découvrir de l’étranger, de l’inconnu, de l’autre. Qu’y a-t-il de plus doux que le devoir d’hospitalité ? Cette hospitalité qui est détruite dès que le franchissement de frontière se transforme en colonie de peuplement. Pour les juristes et les spécialistes du droit une priorité s’impose :

    « Le droit à la frontière… un droit ? Non : le devoir de frontière est une urgence ». Merci, Monsieur Debray.

    Claude Lenormand , 1/04/2011

    Régis Debray, Eloge des frontières, Gallimard 2010, 96 pages
    A retrouver sur Livr’Arbitres, la revue du pays réel

    http://archives.polemia.com/article.php?id=3717

  • Nouvelle École, Oswald Spengler

    Nouvelle_Ecole_3.jpegLa densité et la longueur de cet article de Marc Didier, consacré à la dernière livraison annuelle de Nouvelle Ecole, nous contraignent à n’en présenter, ci-après, qu’une première partie. Le lecteur pourra prendre connaissance de l’ensemble du texte, édité en PDF tel qu’annoncé in fine.
    Polémia

    La revue annuelle que dirige Alain de Benoist vient de publier un numéro consacré en grande partie au philosophe allemand Oswald Spengler (1880-1936), un des représentants les plus éminents de la Révolution Conservatrice. L’ensemble proposé est d’une grande densité et il ne saurait être question ici d’en rendre compte d’une manière exhaustive, notre propos sera donc d’en présenter les principaux thèmes et de dégager ainsi les aspects essentiels d’une pensée particulièrement riche.

    Jusqu’à cette livraison de Nouvelle École, l’œuvre de Spengler demeurait largement méconnue en France. C’est bien sûr la traduction du Déclin de l’Occident (1) en 1931-1933 qui l’a fait connaître, elle sera suivie en 1934 de celle de l’essai Années décisives. L’Allemagne et le développement historique du monde (2), puis il faudra attendre 1958 pour L’homme et la technique (3), 1979 pour lesÉcrits historiques et philosophique (4) et 1986 pour Prussianité et socialisme (5). Nombre de ses ouvrages, dont sa correspondance et ses écrits posthumes, n’ont a ce jour jamais été traduits.

    Peu de livres lui ont été consacrés, hormis quelques thèses universitaires, dont celle, en 1980, de Gilbert Merlio Oswald Spengler, témoin de son temps ». Son nom apparaît seulement, que ce soit pour le contester ou pour l’approuver, dans des ouvrages d’historiens ou de sociologues. Henri-Irénée Marrou a vu ainsi en lui « un maître d’erreurs sombres », et Lucien Febvre a défini sa philosophie comme « opportuniste ». Moins hostile, Raymond Aron, dans son Plaidoyer pour une Europe décadente(1977), évoquera « une philosophie de l’histoire […] qui dénonce les idoles modernes annonciatrices de la décadence », tandis que Julien Freund et Gilbert Durand lui emprunteront certains aspects de sa pensée politique.

    Hors de France, Spengler a certainement beaucoup influencé l’historien anglais Arnold J. Toynbee qui, dans sa conception de l’histoire universelle, accorde une place centrale aux « cultures » mais refuse l’idée qu’elles sont des « organismes vivants ». Il a également marqué le sociologue russe Pitrim Sorokin pour qui l’auteur du Déclin de l’Occident « s’est d’un seul coup placé au premier rang de la pensée sociologique du XXe siècle ».

    Plus récemment, l’américain Samuel Huntington, auteur du Choc des civilisations, essai dans lequel il distingue huit grandes aires civilisationnelles, a remis Spengler au goût du jour, bien qu’à ses yeux les cultures ne soient pas des organismes vivants et qu’il ne reprenne pas à son compte l’opposition entre culture et civilisation (The clash of civilisations a été traduit en allemand par Der Kampf der Kulturen).

    Une chose est sûre, Spengler est essentiellement connu pour son « grand œuvre » Le déclin de l’Occident (sous-titré Esquisse d’une morphologie de l’histoire universelle), dont le premier volume est paru en avril 1918 et le second en mai 1922 Cette publication, peu avant la fin de la Première Guerre mondiale, fut un véritable événement, notamment en Allemagne où elle suscita, dans des articles et des livres, maints commentaires, favorables ou hostiles. Par exemple, si Walter Benjamin l’attaqua violemment, Georg Simmel le salua comme le créateur de « la philosophie de l’histoire la plus importante depuis Hegel ».

    L’idée centrale du livre est que « l’humanité n’a aucun objectif, aucune idée, aucun plan », elle n’est qu’« un concept zoologique, ou bien alors un mot vide de sens ». Il n’existe donc pas d’« histoire de l’humanité » mais une « histoire mondiale […] des grandes cultures » qui en constituent la « propre substance » et en constituent le « phénomène originaire ». De même, il n’y a pas une « histoire mondiale linéaire », mais une « multiplicité de cultures puissantes » qui correspondent aux grandes cultures historiques.

    Après la culture primitive qui est apparue au début de l’ère glaciaire et s’est achevée il y a 10.000 ans, l’auteur distingue huit « grandes cultures » : celles de Sumer, de l’Egypte, de la Chine, de l’Inde, de l’Antiquité (Grèce et Rome), du Mexique, de l’Occident et du monde arabe. Dans la vie de ces cultures, il discerne trois grandes phases qui, comme cela se produit pour les plantes et les animaux, correspondent à la naissance, au développement, à la vieillesse, puis à la mort. Chaque culture est un « être vivant », un organisme doté d’une « âme » spécifique, et chacune atteint son plus haut degré de développement lorsque cette âme leur donne, et devient elle-même, une « forme ». Quand l’âme « a réalisé la somme entière de ses possibilités », la culture meurt, et lorsque l’âme dépérit, la culture devient civilisation. Celle-ci est « le destin inéluctable de toute culture », c'est-à-dire le temps du déclin. C’est ce qui s’est produit au IVe siècle pour le monde gréco-latin et au XIXe siècle pour l’Occident, c’est ce qui correspond à la phase de « mécanisation du monde », selon la formule de Walter Rathenau. L’Occident va alors exporter sa civilisation, sous la forme de la « mission civilisatrice » des peuples européens, que Jules Ferry définit, le 28 juillet 1885 dans un discours à la Chambre des députés, comme « le devoir de civiliser les races inférieures ». De fait, Spengler ouvre sur l’histoire universelle une perspective organiciste et morphologique inspirée de Goethe. L’histoire doit être considérée de manière « physiognomique », c'est-à-dire en cernant la « physionomie » de leurs formes historiques, ce qui implique « la décision du sang, la connaissance des hommes étendue au passé et à l’avenir, le sens inné des personnes et des situations »… Comme l’écrit Alain de Benoist dans son introduction, « Spengler ne cherche pas à expliquer, mais à comprendre l’histoire », à en déchiffrer le « secret » qui est celui d’une « unité organique à structure périodique ».

    Si l’on s’arrête un instant sur le titre de l’ouvrage qui a fait florès, on observe que le mot « déclin » (en allemand Untergang) a le sens de « crépuscule »mais aussi celui d’« accomplissement », et que le mot « Occident » (Abendland) signifie la terre du couchant. Toutefois Spengler aura beau dire que la notion d’Untergang renvoie à l’image d’un très beau soleil couchant, c’est l’idée de « déclin » que retiendront les commentateurs, et avec elle, le constat du pessimisme de l’auteur. Si celui-ci se veut avant tout « réaliste », il ne nie pas un certain pessimisme, mais demande qu’il ne soit pas confondu avec celui « des petites âmes fatiguées qui craignent la vie et ne supportent pas la réalité ». Pour mieux convaincre, il écrira dans L’homme et la technique : « Nous devons poursuivre avec vaillance, jusqu’au terme fatal, le chemin qui nous est tracé. […] Notre devoir est de tenir […] à l’exemple de ce soldat romain […] qui, durant l’éruption du Vésuve, mourut à son poste parce qu’on avait omis de venir le relever. Voilà qui est noble, voilà qui est grand ».

    L’intuition fondamentale de Spengler fut celle de la non-continuité de l’Histoire et de l’irréductibilité des cultures (idée que l’on retrouvera plus tard chez Claude Lévi-Strauss). Mais son apport sans doute le plus fructueux est sa critique de la conception linéaire de l’histoire, autrement dit de son « sens », selon les deux acceptions de ce terme. C’est une critique de l’idée de progrès, de la vision classique du déroulement de l’histoire, mais aussi de l’universalisme et de l’ethnocentrisme. L’ensemble des cultures, notamment celles d’Asie et d’Orient, ne doit pas être considéré à la seule aune de l’Occident.

    Didier Marc, 21/03/2011

    Notes :

    1. 1ère édition en français, vol 1-2. : Forme et réalité, vol. 3-5 : Perspectives de l’histoire universelle, coll. « Bibliothèque des idées », Gallimard, 1931 et 1933. Depuis, l’ouvrage a connu dix rééditions, dont la dernière en 2002.
    2. Mercure de France, réédition coll. « L’Or du Rhin », 2, Copernic, 1980.
    3. Coll « Les Essais », 89, Gallimard, réédité en 1969.
    4. Coll « L’or du Rhin », 3, Copernic.
    5. Actes Sud.

    Texte intégral en cliquant ici http://www.polemia.com/pdf_v2/Nouvelleecole.2.pdf

    Nouvelle École, numéro 59-60, années 2010-2011/29 €. 
    242, boulevard Voltaire, 75011, Paris.

    http://archives.polemia.com/article.php?id=3723

  • Compte-rendu des portes ouvertes d'Academia Christiana (21 au 23 août 2015)

    La semaine dernière se déroulait à Sées, en Normandie, une université d'été catholique, Academia Christiana. Sées, située dans le sud de la Normandie, entre Argentan et Alençon, est une ville riche d'histoire avec entre autre la cathédrale Notre-Dame.

    C'est au sein des locaux de la Fraternité Saint-Pierre, catholique traditionaliste, que se sont regroupés une soixantaine de jeunes catholiques de différents horizons ayant la volonté de recevoir une formation religieuse, intellectuelle et politique. Ils ont pu entendre entre autre Gilles de Beaupte, Frédéric Pichon ou Philippe Maxence. A partir du vendredi étaient organisées des portes ouvertes pour lesquelles Jean Terroir, responsable du C.N.C., Arnaud Naudin, qui y collabore et Julien Langella, auteur de l'ouvrage La jeunesse au pouvoir, paru aux Éditions du Rubicon, sont intervenus. Nous avons été accueillis chaleureusement et avons été positivement impressionnés par la qualité du public et de l'organisation. Une autre jeunesse existe bel et bien.

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    C'est au C.N.C. et au réseau M.A.S. par le biais de Jean Terroir qu'il revenait d'inaugurer en quelque sorte le dernier week-end de formation. Un propos sur « Résister au capitalisme dans un système capitaliste » qui donnait des pistes et qui a reçu un bon accueil en raison de certaines habitudes de nombreux paroissiens en ce qui concerne l'entraide par exemple. Samedi matin, c'était à Arnaud Naudin qu'il revenait de traiter un sujet singulier : Une autre vision de Mai 68. Arnaud aura pointé qu'il existe un « bon Mai 68 » qu'on pourrait retrouver dans les réflexions actuelles d'une frange catholique sur la décroissance et la limite. Il a aussi noté combien la droite gaullo-pompidolienne avait contribué au moins autant aux changements de la société française que l’intelligentsia gauchiste. Enfin samedi, Julien Langella a tenu un propos sans concession sur l'engagement politique, qu'il soit électoral ou associatif, où il aura insisté sur la nécessité d'agir et de défendre une ligne identitaire. Le samedi a également été l'occasion d'écouter l'Abbé de Nedde sur « charité et politique », un propos intéressant où nous avons pu déceler certains points communs avec notre approche comme l'importance de l'action locale et enracinée.

    Ce week-end aura été placé sous le signe des échanges et des rencontres. Les contributions d'Arnaud Naudin et Jean Terroir seront publiées prochainement. Pour le reste, il faudra attendre les versions audio ou video des différentes interventions. Nous avons également procédé à l'enregistrement d'une émission de Méridien Zéro qui, espérons le, n'aura souffert d'aucun soucis technique. Nous y traitons de la dernière Encyclique du Pape et d'Academia Christiana. Une petite « surprise » musicale se glisse aussi au cœur de l'émission. Vous y entendrez Jean Terroir (C.N.C./M.A.S.), Arnaud Naudin (C.N.C./M.Z.), Victor Aubert (Academia Christiana), Pierre Saint-Servant (Présent), Guillaume Le Carbonel (C.N.C. / Rébellion), Julien Langella (Academia Christiana) mais aussi des jeunes participants qui ont accepté de s'exprimer lors de cette émission.

    Souhaitons que cette première participation du C.N.C. et du réseau M.A.S. ait pu nourrir le débat et la réflexion et que cette session de formation débouchera chez les jeunes sur un engagement dans le réel.

    Le Cercle Non Conforme

    Liens:

    - Le site d'Academia Christiana pour en savoir plus sur cet événement.

    - Le site des Éditions du Rubicon pour commander l'ouvrage de Julien Langella.

    - Le blog de Méridien Zéro pour ceux qui voudraient découvrir la radio.

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/

  • De la tradition

    Ex: http://www.dedefensa.org

    La tradition, à toutes les époques, représente la « substantifique moelle » de l’ethos collectif. On parle de la durée historique sur le « long terme », de la « mémoire collective » ou du rôle métahistorique des archétypes qui tiennent le rôle d’agrégateurs des mythes fondateurs de la cité. La cité représente l’ordre consensuel qui cimente les libertés individuelles dans un contexte où toute citoyenneté qui se respecte ne peut agir qu’à travers le consensus civique. La Charte de la cité est comparable à une forme de « pacte républicain » qui ordonnance un « vivre ensemble » qui, autrement, ne serait qu’une chimère en l’espèce. Toutefois, c’est la tradition, comme force dépositaire de la mémoire collective, qui donne sa raison d’être à la vie citoyenne. Privée de tradition, la cité est condamnée à se transformer en univers concentrationnaire.

    La mémoire collective et ses enjeux

    « Si cette volonté, cette injonction d’être moderne, ne cesse de bouleverser les conditions de la vie commune, de faire se succéder les révolutions aux révolutions, sans jamais parvenir à se satisfaire, sans jamais parvenir à un point où nous puissions nous reposer en disant : « voici enfin le terme de notre entreprise », si cette volonté ou cette injonction ne se saisit jamais de son objet, qu’est-ce que cela veut dire ? »

    - Pierre Manent, in « Les Métamorphoses de la cité – Essai sur la dynamique de l’Occident »

    Cette perte des repères de la mémoire collective qui affecte nos sociétés occidentales postmodernes s’apparente, manifestement, à une fuite en avant mortifère. Et, nous l’observons tous les jours, cette fuite semble nous entraîner vers le gouffre abyssal d’une « antimatière historique », pour reprendre une catégorie conceptuelle mise de l’avant par Philippe Grasset. Nous serions entrés, d’après certains historiens, dans l’ère de la postmodernité à la suite de la Seconde Guerre mondiale. C’est donc dire que ceux qui ont le pouvoir d’écrire l’histoire ont décrété la fin de la modernité, c’est-à-dire le délitement de cette « époque des lumières » à l’intérieur de laquelle le « mythe du progrès » jouait un rôle d’agrégation et de consentement essentiel. Mais, vers où sommes-nous donc entraînés ?

    Qu’il nous soit permis de reprendre une intervention d’Éric Basillais, un commentateur particulièrement actif sur le site Dedefensa.org. Ce dernier soulignait, à la suite d’un article intitulé « Vertigo », que « si subversion il y a, elle tient à un habitus Marchand (l'échange, la monnaie,...) dans un premier sens historique; et à une subversion du COSMOS (en CHAOS au final) si l'on songe (et croit) aux Eschatologies de la TRADITION (Hindoue, Germanique, Celtique...) ». À l’instar d’Éric Basillais, nous estimons que la tradition constitue, bel et bien, un processus métahistorique d’agrégation des cultures et des cultes, dans un sens fondateur. Ainsi donc, la TRADITION, peu importe les enjeux idéologiques ou spirituels, est le lit sur lequel prendra forme une nouvelle société, une nouvelle cité.

    C’est par la médiation de la mémoire traditionnelle que s’accompliront la dissolution d’une cité et sa refondation dans un nouvel espace de représentation. La tradition est immémoriale, a-historique, indépendante des lectures orientées de l’histoire humaine et dépositaire d’une mémoire collective qui permet aux générations de se succéder en espérant pouvoir approfondir le legs de leurs géniteurs. La tradition, au sens universel, représente la mémoire de l’humanité, non pas un ensemble de prescriptions se rattachant à une culture en particulier.

    C’est ce qui a poussé Mircea Eliade à professer que les rituels qui se répètent in illo tempore, en dehors de la contemporanéité, à une autre époque, permettent aux archétypes de survivre et d’irriguer la mémoire collective. Une mémoire collective correctement irriguée fera en sorte que les citoyens puissent approfondir leur passage en cette vie, donner un sens à leur existence. Pour paraphraser Eliade, on pourrait souligner que les places sacrées de la cité le deviennent parce qu’une collectivité y a accompli, sur le long terme, « des rites qui répètent symboliquement l’acte de la Création ». La tradition, si l’on approfondit cette vision des choses, est manifestement indépendante de l’« habitus Marchand », pour reprendre l’expression d’Éric Basillais. Voilà pourquoi l’« ordre marchand » tente de « liquéfier » nos sociétés postmodernes, pour que rien ne vienne entraver la libre circulation des commodités. Les commodités sont des valences qui permettent au pouvoir de dominer l’espace et le temps, d’acheter l’ « humaine condition » et de transformer la cité en univers concentrationnaire.

    La TRADITION représente, pour l’imperium, l’ennemi numéro 1 à abattre, vaille que vaille.

    Nous avons pris le parti de lancer un débat herméneutique qui portera sur le rôle de la TRADITION au cœur de la cité humaine. Ce mortier spirituel aura permis aux sociétés de s’ériger sur le mode d’une cité symbolique favorisant l’épanouissement de l’humanité en définitive. Toute société qui se coupe de la tradition est condamnée, à brève échéance, à se muer en univers concentrationnaire, à devenir l’« agora du chaos » [dixit PHP]. Loin de nous l’idée de perpétuer une vision nostalgique, pittoresque, de l’histoire. Il nous importe, a contrario, de partager avec nos lecteurs notre appréhension viscérale du délitement d’une tradition menacée par la vision luciférienne d’un « progrès illimité », véritable deus ex machina au service de la « volonté de puissance » de nos maîtres réels. En espérant qu’un authentique débat puisse naître à la suite de notre analyse.

    Les fondations de la cité

    « La cité, la polis, est la première forme politique. Elle est la condition de production ou la matrice d’une forme de vie nouvelle, la vie politique, la vie dans laquelle les hommes se gouvernent eux-mêmes et savent qu’ils se gouvernent eux-mêmes. Cette forme de vie peut prendre des formes diverses, car il y a différentes manières de se gouverner. »

    - Pierre Manent, in « Les Métamorphoses de la cité – Essai sur la dynamique de l’Occident »

    Nous tenterons, malgré l’étendue du sujet, de cerner l’importance de la tradition comme source immémoriale. La cité grecque représentant l’apex de la médiation (politique) des rapports citoyens, elle nous sert de représentation symbolique d’un stade de gouvernance qui semble indépassable au moment de composer notre analyse. Mais, outre le fait qu’elle permette d’organiser la collectivité, qu’est-ce qui fonde la cité ?

    Pierre Manent, chercheur en sciences sociales, nous rappelle que « les auteurs grecs (Aristote et consorts) n’ignoraient pas l’existence d’autres formes politiques que la cité, s’ils montraient peu d’intérêt pour elles. Ils connaissaient fort bien deux autres formes politiques au moins, à savoir la tribu – ethnos – et l’empire (en particulier l’empire perse qui s’imposa plus d’une fois à leur attention !). On pourrait ajouter une quatrième forme, celle des monarchies tribales… ». La nation, pour sa part, est une structure politique forgée tout au long d’une modernité qui allait tenter de fédérer des ensembles de cités qui, autrement, seraient condamnées à se faire la guerre. Les nations de la postmodernité tiendraient-elles le rôle des antiques cités ? Les nouvelles formes d’unions fédérales devenant le mortier de cette gouvernance mondiale tant abhorrée par ce qu’il est convenu d’appeler la « dissidence ».

    Certains anarchistes, pour leur part, professent que la polis génère un état d’enfermement qui brime les droits fondamentaux de ses sujets au profit d’une concentration de pouvoir entre les mains d’une élite prédatrice. Leur vision d’une autogestion fédérée par une constellation de syndicats en interrelation dynamique nous fait penser au monde tribal des anciennes nations amérindiennes. Cette vision idyllique d’un univers tribal « non-concentrationnaire » ne semble pas tenir compte du fait que la guerre ait toujours été une condition naturelle de cet état d’organisation politique primitive.

    La guerre permanente était, aussi, une condition naturelle inhérente au rayonnement de la cité grecque. Toutefois, comme le souligne Pierre Manent, «… le politique ancien est un éducateur inséparablement politique et moral qui s’efforce de susciter dans l’âme des citoyens les dispositions morales « les plus nobles et plus justes » ». Si la cité moderne a pacifié nos ardeurs guerrières, c’est l’appât du gain qui est devenu le modus operandi d’une politique qui revêt toute les apparences d’une médiation entre des intérêts financiers qui menacent la pax republicana. Pour simplifier, on pourrait dire que les philosophes étaient les politiques (politiciens) de l’antiquité, alors que les épiciers (pris dans un sens négatif) sont les politiques de la postmodernité.

    Qu’est-ce qui fonde la cité ? C’est la famille; le récit de l’Iliade est sans équivoque sur la question. Lorsque le troyen Paris enlève la belle Hélène, il provoque la colère des Grecs et, de fil en aiguille, le siège de la ville de Troie se met en place sur la base d’une saga familiale. Ce sont les liens filiaux, en dépit des rançons exigées, qui sont en jeu et non pas une volonté de puissance automotrice. Toutefois, les héros de cette tragédie épique sont emportés par la folie de l’hubris et sont les auteurs de forfaits impardonnables. Un retournement de la destinée fera en sorte qu’Achille (le champion des grecs) finisse par céder aux supplications du roi Priam traversant les lignes ennemies pour réclamer la dépouille de son fils Hector. Il s’agit d’un moment-clef du récit construit par Homère. L’auteur y démontre que c’est en raison du respect de la filiation que les vainqueurs finiront par se montrer cléments.

    On pourrait, facilement, opposer l’idéal de la cité (le rayonnement des familles patriciennes) à celui de l’imperium (le nivellement des citoyens afin qu’ils deviennent des sujets consentants). Que s’est-il passé, en Occident, pour que l’idéal de la cité finisse par imploser sous la pression d’un imperium protéiforme et « multicartes »?

    Dominique Venner, historien français décédé en 2013, déplore, comme tant d’autres, cette perte de mémoire qui afflige nos élites intellectuelles (…) et il ne se gène pas pour pointer du doigt cette « métaphysique de l’illimitée » qui semble avoir fourni à l’imperium ses meilleurs munitions. Venner admire la sagesse antique des stoïciens qui s’appuyait, entre autres, sur le respect des limites qui sont imparties à la nature environnante. Il souligne, à l’intérieur de son dernier essai (*), que « la limite n’est pas seulement la frontière où quelque chose s’arrête. La limite signifie ce par quoi quelque chose se rassemble, manifestant sa plénitude ». Cette notion de borne, ou delimite, recoupe toute la question, combien controversée, des frontières, de l’identité et de la filiation. Dominique Venner rend justice à la contribution du philosophe Martin Heidegger, notamment pour son essai intitulé « Être et Temps », qui a su définir « le monde contemporain par la disparition de la mesure et de la limite ».

    Le rituel de la consommation

    Mais, comment sommes-nous passés d’une civilisation agraire, à l’écoute des rythmes de la nature, à cet espèce de VORTEX du commerce qui désintègre tous nos habitus, nos lieux communs? La mémoire collective se déploie sur le cours d’une histoire longue, elle consiste en une agrégation de rites qui fondent leurs pratiques sur des cités pérennes. Le commerce, a contrario, nécessite une fluidité constante, des flux tendus qui permettent de produire, écouler, échanger, retourner, recycler, détruire et recommencer le cycle de la production-consommation de manière quasi instantanée. Consommer c’est oublier qui nous sommes, puisque la marchandise impose son langage propre au sein de nosagoras qui sont devenues des places marchandes. Le commerce ne constitue pas un problème en soi; c’est son développement sans limites et son instrumentalisation au profil de la sphère financière qui blessent. Guy Debord, nous le répétons, n’aurait pas hésité à affirmer que « c’est la marchandise qui nous consomme » en définitive.

    La consommation demeure le seul rituel toléré par l’ordre marchand. À l’instar de la marchandise qui se déplace, suivant les flux monétaires, nos habitudes de consommation sont instables, elles induisent des rituels qui ne sont fondés que sur des concepts arbitraires. Dans de telles conditions, lacité se dissout et, invariablement, les rapports citoyens se distendent. Curieusement, plusieurs grandes « marques » commerciales se sont glissées, tels des parasites, sous la dépouille de termes empruntés à la mythologie. Ainsi, les chaussures Nike ont été affublées du nom de la déesse grecque de la VICTOIRE (Niké). Idem pour les voitures Mazda, empruntant au dieu perse Ahura Mazdâ la prérogative d’être un « Seigneur de la Sagesse ». Les commodités du monde marchand se sont infiltrées à travers tous les pores de la cité, au point de permettre à la caste aux manettes d’investir nos repères symboliques afin de les récupérer.

    Wall Street représente l’Acropole, ou cité des dieux. Les centres commerciaux tiennent la place detemples de la consommation. Les vendeurs ressemblent, à s’y méprendre, à des prêtres officiant au culte de l’achat compulsif et salutaire. Les marques affichées sur les bannières servent à nommer les divinités tutélaires de la cité marchande. Et, in fine, les logos commerciaux se sont substitués aulogos, c’est-à-dire le discours de la raison des antiques philosophes. Les logos commerciaux nous propulsent en arrière, à l’époque des hiéroglyphes, en s’imposant comme « signes moteurs » de la communication. Il n’y a qu’à observer les nouvelles formes d’écriture tronquée utilisées pour transmettre des message-textes via nos téléphones « intelligents » pour comprendre l’étendu des dommages. De facto, on pourrait parler de « troubles moteurs » de la communication. Ainsi donc, c’est toute la syntaxe des rapports langagiers qui est déconstruite, déstructurée, au gré d’une communication humaine calquée sur celle des échanges marchands.

    Le Léviathan de la sphère marchande

    Qu’est-ce qui nous prouve que les fondations de la cité aient été pulvérisées par l’ordre marchand en fin de parcours ? Le fait qu’un ancien cimetière soit converti en centre d’achat, ou qu’une église désaffectée se métamorphose en édifice à condominiums, tout cela nous interpelle. Il n’est pas surprenant, dans un tel contexte, d’assister à la multiplication de profanations qui visent les cimetières, et autres nécropoles (cités des morts), où ont été enterrés nos ancêtres. Ceux et celles qui profanent et souillent les sites sacrées de nos cités dévoyées agissent au profit de l’ordre marchand. Il s’agit de banaliser, de néantiser, tous les lieux de la mémoire collectives qui conservent (pour combien de temps?) une part inviolable de cette tradition immémoriale. Lorsque certaines églises étaient érigées sur les décombres d’anciens sites de rituels païens, il ne s’agissait pas de souiller la mémoire collective en abrogeant la symbolique initiale des lieux. La tradition avait, donc, été respectée dans une certaine mesure. Le Genius loci (Esprit du lieu) n’avait pas été transgressé.

    À l’heure du néolibéralisme, dans un contexte où de puissants intérêts privés investissent les espaces de la cité, tous nos rites immémoriaux sont menacés d’extermination. Enterrer ses morts constitue une pratique universelle qui aura contribué à façonner nos espaces collectifs. De nos jours, par soucis d’économie et au nom de la protection de l’environnement, nous utilisons la crémation (ici, nous ne remettons pas cette pratique en question) afin de faire disparaître toute trace du défunt et l’urne funéraire, posée tel un bibelot sur une console, a définitivement pris la place de la pierre tombale. Les morts n’ont plus droit de cité, ils sont devenus des itinérants, sans domicile fixe, qui, passant d’une main à l’autre, ne peuvent même plus reposer en paix ! Tout doit circuler dans le monde marchand. Même les morts …

    Pierre Manent souligne, dans son essai intitulé « Les métamorphoses de la cité », que la caste des guerriers dans le monde de l’ancienne Grèce constituait le « petit nombre » des citoyens aux commandes de la polis. Outre leurs prérogatives guerrières, les patriciens s’adonnaient, aussi, au commerce qui permettait à la cité de s’épanouir en tissant des liens avec d’autres cités concurrentes. Maîtres du commerce, les patriciens ne possédaient pas de grandes richesses, hormis des propriétés terriennes et des titres se rapportant aux tombeaux des ancêtres. Il ajuste le tir en précisant que « le petit nombre était surtout propriétaire de rites – rites funéraires, rites de mariage –, tandis que le grand nombre n’avait que la nudité de sa nature animale. Le grand nombre était extérieur au genos, ou à l’ordre des « familles », comme plus tard l’étranger (métèque) « proprement dit » sera étranger à la cité ». L’auteur cerne, avec précision, la notion capiton de filiation, dans le sens d’une passation de prérogatives qui n’ont rien à voir avec une quelconque fortune personnelle. Nul de besoin, ici, de discuter (ou de nous disputer) des limites objectives de cette démocratie primitive limitée aux descendants (patriciens) d’une haute lignée. Le point de cette observation portant sur l’importance des rites funéraires dans le cadre d’une transmission de la mémoire collective, sorte de « génome » de la cité.

    Les puissantes guildes marchandes de la Renaissance permettront au grand capital de circuler et de concurrencer le pouvoir tutélaire des patriciens. L’auteur Thomas Hobbes, dans son célèbre traité intitulé « Le Léviathan », oppose le droit naturel à un contrat social qui représenterait les fondations politiques de toute société évoluée. Une société où tout un chacun tire sur la couverture peut se désagréger sous l’effet délétère de la guerre civile et dégénérer en chaos. Rappelons que le termeLéviathan représentait le monstre du chaos primitif dans la mythologie phénicienne. C’est précisément la figure symbolique du chaos qui semble menacer une tradition par laquelle se fondent les « rapports citoyens durables ». Et, c’est la notion moderne de progrès illimité qui conforte toute la politique d’une sphère marchande emportée par un hubris sans vergogne. Pierre Hadot, un spécialiste cité par Dominique Venner, nous prévient que « le « oui » stoïcien est un consentement à la rationalité du monde, l’affirmation dionysiaque de l’existence dont parle Nietzsche est un « oui » donné à l’irrationalité, à la cruauté aveugle de la vie, à la volonté de puissance par-delà le bien et le mal ».

    L’hubris au service d’une volonté de puissance démoniaque

    Nous sommes rendus au terme de notre analyse critique et nous devons conclure, faute de temps et d’énergie. Qu’il nous soit permis de revenir sur cette notion d’« affirmation dionysiaque de l’existence » afin d’expliciter le rôle de la « contre-culture » au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Prétextant une étape inévitable, au cœur d’un fallacieux processus de libération, les activistes à l’œuvre dans les coulisses de Mai 68 ont moussé l’« affirmation dionysiaque de l’existence » dans un contexte où l’« état profond » souhaitait accélérer le cours des choses. « Il est interdit d’interdire » deviendra l’antienne d’une communication au service de la dissolution des repères identitaires qui auraient dû, normalement, guider l’éclosion des forces vives du « baby boom » de l’après-guerre.

    Jim Morrison, chantre emporté par un hubris débridé, déclame vouloir « faire l’amour à sa mère et tuer son père ». Brisant le tabou fondateur de la famille, unité de base de la cité, Morrison inaugure, tel un prophète de malheur, une nouvelle ère. Cette ultime provocation agira comme le « geste fondateur » d’une « rébellion sans cause ». La jeunesse paumée de l’Amérique se mettra à danser en solitaire dans les discothèques, en répétant, pour paraphraser le philosophe Michel Clouscard, la gestuelle d’une rébellion supposément révolutionnaire. Il s’agissait, pour dire vrai, de se mouler aux exigences de la nouvelle « société de consommation » afin d’épouser les gestes d’un automate programmé dans ses moindres affects par les « sorciers » de la « contre-culture ». Et, à coup de drogues de plus en plus dures, il sera possible de rendre amnésique la jeunesse pour qu’elle ne soit plus JAMAIS capable de renouer avec ses racines.

    Patrice-Hans Perrier

    Petite bibliographie

    (*) Un samouraï d’Occident – Le Bréviaire des insoumis, une source de références incontournable achevée en 2013. Écrit par Dominique Venner, 316 pages – ISBN : 978-2-36371-073-4. Édité par Pierre-Guillaume de Roux, 2013.

    (*) Les Métamorphoses de la cité – Essai sur la dynamique de l’Occident, une étude synoptique de l’histoire politique de l’Occident achevée en 2010. Écrit par Pierre Manent, 424 pages – ISBN : 978-2-0812-7092-3. Édité par Flammarion, 2010.

    http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2015/08/21/de-la-tradition.html

  • Charles Maurras : l’Intelligence, l’Or et le Sang

    Pour Maurras, le monde est régi par un certain nombre de forces. Ces forces sont de natures différentes : matérielle et spirituelle. « Il faut être stupide comme un conservateur ou naïf comme un démocrate pour ne pas sentir quelles forces tendent à dominer la Terre. Les yeux créés pour voir ont déjà reconnu les deux antiques forces matérielles : l’Or, le Sang. »

    Le destin de l’unique force spirituelle, l’Intelligence, est de s’allier à l’une de ces forces matérielles. Elle doit décider, trancher « entre l’Usurier et le Prince, entre la Finance et l’Épée. » Aux yeux de Maurras, le déclin de l’Intelligence est dû à un renversement d’alliance. Autrefois, l’Intelligence était souveraine car liée au Sang, c’est-à-dire aux rois. Aujourd’hui, l’Intelligence est soumise au règne de l’argent. La cause de ce retournement est la Révolution française. « De l’autorité des princes de notre race, nous avons passé sous la verge des marchands d’or, qui sont d’une autre chair que nous, c’est-à-dire d’une autre langue et d’une autre pensée. »

    Avant la Révolution française, le déclin de la monarchie a coïncidé avec l’essor des hommes de lettres. L’Intelligence a pris les traits de la noblesse. La voix des philosophes compte alors plus que celle des seigneurs. Jean-Jacques Rousseau rédige la constitution polonaise et l’on parle désormais du « roi Voltaire ». Pour Maurras, « le successeur des Bourbons, c’est l’homme de lettres. » La révolution marque donc, selon le mot du martégal, l’avènement « d’une dictature littéraire ». L’Intelligence, ayant mis à mal le Sang, ménage de la place pour le retour de la force matérielle concurrente : l’Or. Pour Maurras, le paradoxe est le suivant : la victoire de l’Intelligence pendant la période révolutionnaire, parce qu’elle s’est faite contre la force du Sang, favorise le règne de l’Or. L’Intelligence révolutionnaire, détachée de sa référence au Sang, aboutit au règne illégitime de l’Écrit. « L’Écrit régna non comme vertueux ni comme juste, mais précisément comme Écrit. Il se fit nommer la Raison. » Le philosophe maurrassien Pierre Boutang parle ici d’une « absurde victoire » et explique que celle-ci s’est plus faite contre l’Église que contre la royauté déjà moribonde. Les hommes de lettres deviennent selon Boutang les nouveaux clercs : « le nouveau pouvoir du littérateur s’est modelé sur le pouvoir ecclésial ». Mais cette autorité va vite s’émousser car la rupture d’avec le Sang est insoutenable pour l’Intelligence. Au « roi Voltaire » va succéder le « père » Hugo, un symbole qui montre dès la moitié du XIXe siècle la déliquescence de cette Intelligence séparée.

    Avec le progressisme révolutionnaire et la complication du monde va naître l’abondance matérielle. Cette abondance va favoriser l’émergence d’un nouveau type d’homme : le bourgeois. Les rapports de force vont donc changer radicalement. L’Or va définitivement prendre le pas sur le Sang pour plus tard asservir l’Intelligence. « Cet Or est sans doute une représentation de la Force, mais dépourvue de la signature du fort. » Ce qui afflige Maurras, c’est que « les quelques familles devenues maîtresses de la planète » sont les tenants de l’Or et non du Sang. C’est donc une nouvelle forme de pouvoir, sans noblesse, sans vertu, toute soumise et conditionnée par les lois ignobles de l’argent, qui dirige le monde.

    Quel avenir pour l’Intelligence dans un contexte où les forces matérielles de l’Or ont triomphé de celles du Sang ? « Au temps où la vie est simple, la distinction de l’Intelligence affranchit et élève même dans l’ordre matériel ; mais, quand la vie s’est compliquée, le jeu naturel des complications ôte à ce genre de mérite sa liberté, sa force. » Aux yeux de Maurras, le danger ultime pour l’Intelligence est l’industrie littéraire, c’est-à-dire le conditionnement de la pensée par des impératifs d’argent. Si Maurras n’a pas développé, comme le montre Boutang, de méfiance particulière vis à vis du progrès matériel – progrès technique « qu’il attribue à Pallas-Athéna et à l’industrieux Ulysse dans leur véritable origine » – « l’ordre mauvais » et les « lois défectueuses » le corrompent fatalement jusqu’à ce qu’il ne soit plus qu’un moyen pour l’argent d’étendre sa domination.

    L’Intelligence ne peut reconquérir sa noblesse perdue avec cette nouvelle allégeance. « La vraie gloire étant évaluée en argent, les succès d’argent en reçurent, par une espèce de reflet, les fausses couleurs de la gloire. » Pour Maurras, le prestige lié à l’Or est un faux prestige. L’Intelligence en s’alliant à l’Or ne peut plus être prestigieuse. Elle n’est plus que la victime du mépris des industrieux. Car si tout succès est aujourd’hui évalué en argent, l’écrivain, le représentant de l’Intelligence, parce qu’il ne pourra jamais dégager autant d’argent que le grand industriel, est condamné à la relégation. « Non contentes, en effet, de vaincre l’Intelligence par la masse supérieure des richesses qu’elles procréent, les autres Forces industrielles ont dû songer à l’employer. » Dans ce monde dominé par l’Or, l’Intelligence n’est plus une fin, seulement un moyen. L’Intelligence est soumise, elle défend des intérêts qui ne sont pas les siens, elle prend partie pour le plus offrant. Avec le règne de l’Or, la liberté de penser devient monnayable, négociable. On échange « un peu de son franc-parler contre de l’argent. » La presse en particulier n’est plus qu’un instrument entre les mains des possédants. L’Intelligence est humiliée, étriquée. Elle sert.

    L’argent est aussi un moyen pour l’Étranger d’œuvrer à travers et par lui. Maurras s’appuie sur deux exemples historiques : les distributions d’or anglais en France pour les campagnes de presse, de 1852 à 1859, en faveur de l’Unité italienne et les arrosages de la presse française par Bismarck après la bataille de Sadowa en 1866. Pour autant, Maurras, face aux intrusions de l’Étranger via l’argent, ne cède pas à la fatalité. « C’est à la Patrie de se faire une presse, nullement à la presse, simple entreprise industrielle, de se vouer au service de la Patrie. » Cette phrase contient en elle-même une légitimation de L’Action Française.

    Néanmoins, aux yeux de Maurras, la liberté absolue de l’Intelligence est de tout temps dure à conquérir. « L’indépendance littéraire n’est bien réalisée, si l’on y réfléchit que dans le type extrême du grand seigneur placé par la naissance ou par un coup de la fortune au-dessus des influences et du besoin (La Rochefoucauld) et dans le type correspondant du gueux soutenu de pain noir, désaltéré d’eau pure, couchant sur un grabat, chien comme Diogène ou ange comme Saint François. » La logarchie (de logos et archè) absolue qui est l’horizon de Maurras semble donc inatteignable. Par ailleurs, beaucoup lui ont reproché la liberté de ton de L’Action Française conjuguée à une conception autoritaire du pouvoir politique. Une dévotion à l’État qui l’amènera en septembre 1939 à demander des mesures pour limiter la liberté de la presse. Cependant, pour Boutang, il n’y a pas de contradiction « mais la reconnaissance de deux pouvoirs contraires ».

    L’avenir de l’Intelligence n’est donc pas radieux. Maurras a cette phrase terrible : « Le Sang et l’Or seront recombinés dans une proportion inconnue. Mais l’Intelligence, elle, sera avilie pour longtemps ; notre monde lettré, qui paraît si haut aujourd’hui, aura fait la chute complète, et, devant la puissante oligarchie qui syndiquera les énergies de l’ordre matériel, un immense prolétariat intellectuel, une classe de mendiants lettrés comme en a vu le moyen âge, traînera sur les routes de malheureux lambeaux de ce qu’auront été notre pensée, nos littératures, nos arts. » Cependant, il n’est pas dans la nature du maurrasisme que de céder à la tentation pessimiste. L’Or peut être vaincu et l’alliance de L’Intelligence avec le Sang restaurée. Ce salut pour l’écrivain, « le plus déclassé des êtres », est possible sous deux conditions : le renforcement en France du catholicisme en tant que « croyance autonome de l’esprit pur » et la reconstitution progressive de l’ancienne alliance à travers une contre-révolution.

    Matthieu Giroux

    SourcePhilitt

    http://la-dissidence.org/2015/08/11/charles-maurras-lintelligence-lor-et-le-sang/

  • 22 août 1914 : mort au front d’Ernest Psichari,

    à l’âge de 31 ans. Ce jeune écrivain était le petit fils d’Ernest Renan.

    Il rejetta tôt les idées exprimées par le milieu de la bourgeoisie intellectuelle dreyfusarde de sa jeunesse.
    Au pacifisme succéda la ferveur nationale, au culte du moi celui de la communauté enracinée, au rationalisme la ferveur des sentiments.
    Même s’il n’a pas laissé une œuvre très importante, Psichari est, par sa personnalité, ses préoccupations, ses aspirations morales et son engagement, emblématique d’une jeunesse exaltée dont fit aussi partie Charles Péguy par exemple.

    Engagé dans l’artillerie à l’âge de vingt ans, il servit d’abord au Congo, puis en Mauritanie, ce qui lui inspira des récits de voyages (Terres de soleil et de sommeil, 1908). Ayant choisi l’armée par idéal, il y éprouva la satisfaction d’appartenir à un corps dépositaire d’une longue tradition. Il se mit également à soutenir les idées de Charles Maurras et de l’Action française.

    En 1913, il publia L’Appel des armes, contre l’humanitarisme pacifiste et le déclin moral qui lui sembla en être la conséquence, au profit d’un idéal de dévouement et de grandeur.

    Cette attitude s’exprima avec encore plus de force dans son second livre, publié à titre posthume, Le voyage du centurion (1916). Il s’agit de la transposition (à peine masquée) de son expérience et de son évolution spirituelle. Longtemps à la recherche de certitudes intellectuelles, le jeune homme se tourna vers la foi catholique et la méditation. De simple croyant, il devint pratiquant en 1912, puis décida d’entrer dans l’ordre des dominicains.

    La guerre, qui éclata peu après, l’empêcha de concrétiser son vœu. Sous-lieutenant au 2e régiment d’artillerie coloniale, il fut tué à Rossignol en Belgique le 22 août 1914. Les monarchistes de l’Action française tels Henri Massis et Paul Bourget, mais aussi Maurice Barrès ont vu en Psichari un héros national et ont entretenu sa mémoire par diverses publications.

    Une stèle puis un monument-autel ont été érigés à la mémoire de Psichari à Rossignol, à l’initiative du poète Thomas Braun et de Henri Massis.

    Quelques-uns de ses livres sont commandables ici.

    http://www.contre-info.com/22-aout-1914-mort-au-front-dernest-psichari#more-14227

  • « Les racines de notre Europe sont-elles chrétiennes et musulmanes ? » de Guy Rachet

    Les papes Jean Paul II et Benoît XVI ayant donné l’exemple, le premier en sollicitant humblement le pardon des mahométans pour les atrocités commises pendant les Croisades, le second en priant tourné vers La Mecque dans l’ancienne basilique Sainte-Sophie d’Istanbul transformée en mosquée puis en musée, les chrétiens seraient-ils tétanisés devant l’islam, comme ils le sont devant le judaïsme depuis la Shoah ?

    Al-Andalous, paradis ou enfer ?

    On se souvient de la phrase définitive du président Jacques Chirac refusant en mai 2003 toute référence au christianisme dans la constitution européenne au prétexte que « les racines de la France sont tout autant musulmanes que chrétiennes », en raison de l’inestimable apport culturel prétendument dû aux docteurs et philosophes de l’islam. L’antienne est reprise les 17 et 18 juin 2011 à la Sorbonne à l’occasion d’un très officiel colloque sur « L’Europe et l’Islam, d’Al Andalous aux négociations d’adhésion de la Turquie ». Et comme rien ne doit être négligé pour imposer ce nouveau credo à nos peuples, le magazine Histoire le si mal nommé avait consacré un mois plus tôt un dossier extatique à Al-Andalous, ce « paradis perdu », émergeant d’un océan de barbarie, où toutes les religions et toutes les communautés auraient vécu en paix dans le meilleur des mondes évolués, irradiant ses lumières de l’Irlande à la Chine. Dommage pour le mensuel : au même moment sortait un livre de Guy Rachet, Les racines de notre Europe sont-elles chrétiennes et musulmanes ?, dénonçant entre autres cette sornette devenue vérité d’évidence à force de rabâchage. Or, de même que Sylvain Gouguenheim, auteur d’un autre ouvrage radicalement démythifiant, Aristote au Mont Saint-Michel(éd. du Seuil 2008), l’historien Guy Rachet, auquel on doit de multiples études et romans sur la Grèce et l’Egypte notamment, n’a rien d’un indéfectible paladin du Vatican. Bien au contraire : tout comme son ami l’écrivain Pierre Gripari en guerre contre « Le Méchant Dieu » de la Bible, l’historien revendique bien haut son agnosticisme et son hostilité à tous les monothéismes venus d’Orient, « stérilisateurs », selon lui, des grandes époques, des grandes civilisations et de la haute pensée qui les ont précédés.

    Mais tous n’ont pas à ses yeux la même capacité de nuisance. Ainsi écrit-il :

    « Si l’on me demande : Le christianisme a-t-il exercé une influence capitale sur le développement de ce qu’on put appeler la civilisation européenne ? Je répondrai oui, à l’évidence [avec] le déploiement prodigieux d’une vaste architecture laquelle, sur les données romaines et plus encore gréco-byzantines, nous a donné ces merveilles de l’art que sont les cathédrales romanes, gothiques et baroques (…). Par ailleurs, la mythologie issue de la légende chrétienne et la théologie sont à l’origine de toute une peinture et une sculpture dites sacrées qui apparaissent comme des manifestations uniques et sublimes d’un art religieux. »

    « Si l’on me demande : Les racines de l’Europe sont-elles d’une certaine manière musulmanes ? Je répondrai : en aucune manière. Et je préciserai que l’islam en tant que religion se trouve à l’opposé de la mentalité européenne telle qu’elle s’est forgée pendant des millénaires au cours desquels se sont accumulées des nappes de populations et de cultures diverses qui ont constitué l’Europe dans sa diversité et dans son unité. »

    Cette conclusion couronne une étude aussi érudite que parfaitement étayée (impressionnante bibliographie), qui commence par le survol des « substrats ethniques de l’Europe », où romanité et germanité parfois s’opposèrent et souvent composèrent pour s’harmoniser (en matière de droit notamment, comme l’a souvent souligné l’avocat Eric Delcroix), et où les constantes références n’excluent jamais un ton polémique assez réjouissant : par exemple, quand l’auteur étrille les intellectuels et chercheurs triturant désespérément les textes pour légitimer leur zèle islamomaniaque, ou quand il évoque le Kossovo, foyer national serbe follement abandonné par les Occidentaux aux mafias islamistes pressées – comme, du reste, les envahisseurs turcs avant elles – de détruire les plus purs chefs-d’œuvre de l’art orthodoxe… parfois d’ailleurs, ajouterons-nous, sublimés par un apport catholique, comme l’admirable monastère de Detchani, qui inclut la plus vaste cathédrale médiévale des Balkans et dont, au XIVe siècle, le roi serbe Stefan Ourosh avait confié la construction à des franciscains italiens, bel exemple d’unité européenne.

    Byzance, la grande oubliée

    On retiendra, parce que les faits sont mal connus sous nos climats, le chapitre sur le rôle déterminant – sans commune mesure avec celui que l’on prête indûment aux musulmans ! – joué par l’empire byzantin dans la transmission de l’héritage grec classique. Loin de l’obscurantisme des Iconoclastes, les basiléus et les lettrés de Constantinople s’attachèrent à la préservation du patrimoine pictural antique (voir les admirables mosaïques de l’ancienne église Saint-Sauveur stin Chôra, aujourd’hui simple musée) comme des écrits des philosophes, des poètes et des dramaturges qui avaient fait de l’Hellas le phare intellectuel du monde alors connu. Car ce n’est pas à quelque ouléma du Caire ou de Grenade qu’on doit la redécouverte d’Homère, d’Hésiode, de Diogène Laërce ou même du sceptique Pyrrhon mais à « Byzance, la grande oubliée » qui, avant que ne s’abatte sur elle, en 1453 – jour de deuil pour notre continent – la nuit ottomane, transmit ces richesses à Rome, avec le « souffle vivifiant de la Grèce antique ».

    Car le mécréant qu’est Guy Rachet ne mésestime pas l’action de la Papauté, ou du moins de certains pontifes, passionnés par l’Antiquité – même venue la Contre-Réforme – dans la prise de conscience de l’héritage ainsi transmis. Notre historien cite les édits pris par Eugène IV, Nicolas V (qui possédait une bibliothèque de « huit cents volumes, dans lesquels on trouvait des auteurs grecs en grand nombre »), Alexandre VI, etc., pour faire relever les ruines de Rome et restaurer les monuments anciens, tels le Capitole ou « le château Saint-Ange, qui est le mausolée de l’empereur Hadrien », créant ainsi une science toute nouvelle et dont l’Europe garda l’exclusivité des siècles durant : l’archéologie. Bien sûr, les sculpteurs de nos cathédrales n’avaient pas attendu la Renaissance pour représenter la nudité, comme en témoigne l’étonnant « Adam » conçu pour Notre-Dame en 1260, aujourd’hui exposé au Musée de Cluny, certes éloigné de l’ «Hermès» d’Olympie mais qu’un critique a pu définir en 2006 comme un « trait d'union, chaînon manquant entre Praxitèle et Donatello ou Michel-Ange ». Mais, en encourageant les artistes à s’inspirer, même dans les monuments religieux, de la statuaire antique, la papauté donna à tous les arts un prodigieux essor. Les mieux disposés envers l’Islam ne sauraient créditer celui-ci d’un rôle quelconque dans cet essor puisqu’il interdit toute représentation des êtres vivants !

    Ainsi, n’en déplaise au prédécesseur de Nicolas Sarkozy, les racines de notre Europe sont-elles essentiellement grecques et latines (sans oublier les apports slaves, celtes et germano-scandinaves, avec les sagas), le « génie du christianisme » ayant été au fil des millénaires d’assimiler le passé européen et de s’en enrichir. Elles ne sont en aucune façon musulmanes.

    En réaction contre le propos de Jacques Chirac, Guy Rachet avait écrit son livre magistral en 2004, pour Jean-Paul Bertrand, patron des éditions du Rocher. Cette maison d’éditions ayant été rachetée, la commande fut annulée mais Les Racines de notre Europe firent l’objet d’une conférence prononcée en 2005 devant les membres du Cercle Ernest Renan (www.cercleernestrenan.org, contact : infos@cercleernestrenan.org) dont l’historien est aujourd’hui le président. Le livre paraît enfin, hélas trois ans après celui de Sylvain Gouguenheim, étude excellente mais plus ciblée et moins exhaustive que celle de Guy Rachet. Dommage. Mais ceux qui s’intéressent à la question seront comblés. Voilà tout un arsenal d’arguments décisifs pour les Européens en général et nos compatriotes en particulier qui refusent l’envahissement de notre continent par l’islam et l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne.

    Camille Galic, Réfléchir & Agir 
    n° 39 (automne 2011) Guy Rachet, Les racines de notre Europe sont-elles chrétiennes et musulmanes ? Ed. Jean Picollec, mars 2011, 565 pages.

    http://archives.polemia.com/article.php?id=4291