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culture et histoire - Page 1406

  • Les « valeurs de la République » : une supercherie

    Les politiciens de la République, tous bords confondus, sont indomptables quand les valeurs de la République sont en jeu : « quand il s’agit des valeurs de la République, on ne transige pas ! » (Valls), « on ne tolèrera aucune remise en cause des valeurs de la République » (Vallaud-Belkacem), Sarkozy demande quant à lui qu’on expulse tout imam, « qui ne respecte pas les valeurs de la République », etc.

    Il est assez cocasse que des personnalités se voulant « démocrates » refusent toute remise en cause des « valeurs » du régime politique en place, celui qui les nourrit en l’occurrence. Il faut croire que les hommes sont vraiment un « abîme de contradictions » ! Mais quelles sont au juste ces prétendues « valeurs » avec lesquelles nos démocrates ne peuvent transiger ?

    Paradoxalement, ces « valeurs » dans lesquelles, dignement, nos politiciens se drapent à tous propos, sont rarement par eux définies. Nous avons réussi à en débusquer quelques unes. Nous les présentons ici… avec quelques commentaires et de manière critique, si c’est encore possible.

    La Démocratie

    La République n’est pas démocratique pour au moins trois raisons (passons sur les transferts de « souveraineté » aux technocrates de Bruxelles) :

    1) La Constitution de la République refuse au « peuple français » le « droit à la libre détermination », qu’elle accorde aux peuples d’outre-mer (Conseil Constitutionnel n° 91-290 DC)
    2) L’article 89 de la Constitution interdit de remettre en cause le régime politique en place (le régime républicain, il va sans dire)
    3) La République ne reconnaît pas l’existence du peuple autochtone de France

    Ajoutons que la République ne définit pas ce qu’est un « peuple » ou ce qu’est le « peuple français » (contrairement au peuple kanak, longuement décrit – Accords de Nouméa, par exemple). Cette « négligence » singulière, puisqu’on prétend avec force que la souveraineté appartient au « peuple », est pour le moins suspecte. Réduire le peuple français à un « concept juridique » (décision 91-290 DC) n’est pas davantage propice à persuader des intentions démocratiques de la République : comment un concept pourrait-il détenir la souveraineté ?

    Résumons : premièrement, nous avons un « peuple » réduit à une vague notion juridique, sans « chair » identitaire, culturelle, religieuse, historique, généalogique. Deuxièmement, ce « peuple » n’est pas libre de disposer de lui-même. Troisièmement, ce « peuple » ne peut changer le système politique qui le régit. Donc : en quoi ce « peuple » est-il un peuple ? En quoi ce « peuple » est-il « souverain » ?

    En République, la souveraineté effective appartient à une nomenklatura républicaine et la « volonté générale », manipulée, ne peut s’exercer que dans un cadre soigneusement délimité par elle. C’est cela, une démocratie ?

    La Liberté

    La liberté est la faculté pour un citoyen « de faire tout ce qui n’est pas contraire à la loi ». Autrement dit, c’est la faculté de faire tout ce qui n’est pas interdit. Quel est le régime tyrannique qui n’adhérerait pas à une telle conception ? L’important, en effet, n’est pas de savoir s’il existe un « espace de liberté » (tous les régimes l’octroient peu ou prou à leurs administrés), mais où se situe le curseur des libertés. Où se situe par exemple le curseur des libertés pour le peuple autochtone de France ? De quelles libertés peut-il jouir ? Est-il aussi libre de disposer de lui-même que le peuple autochtone de Nouvelle-Calédonie ? Où se situe le curseur des libertés pour le « peuple français » ? Est-il libre de choisir des représentants qui ne soient pas républicains ? Est-il libre de « remercier » le régime républicain ?

    La liberté n’est qu’un espace de jeux consenti par le régime politique à ses administrés. Cet espace ne s’étend jamais jusqu’aux lieux stratégiques dont dépend la survie du régime : les citoyens français ne sont pas libres de remettre en cause la République (cf. infra).

    Les libertés au contraire sont des conquêtes qui agrandissent l’espace de jeu en refoulant la limite des interdits. L’extension des libertés concrètes est donc un danger pour le régime car elles impliquent à terme la liberté de le remettre en cause. La liberté n’est donc pas une valeur mais une mystification destinée à détourner le peuple de la conquête de vraies libertés.

     

    L’Égalité

    En République, ce sont les citoyens qui sont égaux, c’est-à-dire des hommes préalablement amoindris, des hommes réduits à la seule chose qu’ils ont en commun par la grâce de la République égalisatrice : leur englobement dans une même catégorie juridique (la citoyenneté). Tout ce qui est propre à la nature humaine, toute cette subtile alchimie qui transforme un être de nature en être de culture, qui fait d’un animal un homme, toutes ces petites choses que la République appelle des « distinctions » (d’origine, de race, de religion, d’appartenance, d’identité…) sont rejetées du concept de citoyenneté, sont volontairement ignorées par la République. Celle-ci a bâti un moule qui se veut universel pour reproduire un homme standard : l’Homme, cette chose abstraite dépouillée des marques qui font les hommes. L’égalité républicaine, pur fantasme ignoble dont le réel révèle toute l’absurdité, suppose donc une violence extraordinaire. Elle impose en vain le primat de la citoyenneté calibrée sur l’humanité diversifiée. Elle génère par essence la souffrance des hommes, et leur révolte.

    L’égalité républicaine ne rend pas égaux des hommes : elle détruit des hommes pour fabriquer des clones. Elle désintègre pour intégrer. Ce n’est pas une valeur : c’est une machine à amoindrir les hommes et un moyen de les dénaturer.

    La Fraternité

    Le concept est intéressant car il suggère un lien de parenté entre « frères », donc une relation de solidarité entre gens de même lignée.

    « L’origine » aurait-elle donc une importance pour la République ? On sait bien que non puisque celle-ci se refuse officiellement à « distinguer » et ne reconnaît que des citoyens indifférenciés et des non citoyens. Pour la République, la fraternité ramène donc à la solidarité entre citoyens-clones, voire à la solidarité envers des hommes abstraits (d’où cette France « terre d’asile »).

    Le concept d’égalité faisait de l’homme multidimentionnel un citoyen indifférencié, standardisé et interchangeable, celui de fraternité confirme en République que le citoyen est « hors sol », déraciné, sans aucune lignée à laquelle on puisse le rattacher. Ce concept n’est pas un vecteur d’affirmation des origines ancestrales, ce qu’il aurait pu être, mais une contrainte morale qui ouvre l’individu au monde, le dissocie de ses « frères » et lui impose l’accueil des clandestins comme l’ouverture des frontières. L’homme amoindri et dénaturé, sans identité, sans lignée et sans frontières, simple unité solidaire d’un tout (l’humanité) devient par la fraternité universelle un « citoyen du monde ».

    La fraternité n’est qu’un humanitarisme exprimant encore une fois la vieille volonté républicaine de détacher l’homme de son humanité, de sa relation à une identité et à une lignée, afin de le calibrer pour le rendre universel et conforme à son idée abstraite de l’Homme.

    Les Droits de l’homme

    Les hommes concrets (les Italiens, les Indiens, les Chinois, les Toucouleurs…) ont toujours eu des droits et des devoirs. Affirmer que les hommes ont des droits, revient donc un peu à défoncer une porte ouverte, d’autant que les droits de la Déclaration sont surtout des artifices de rhétorique et des abstractions qui ne convaincront que des naïfs.

    On retrouvera parmi ces droits révélés en 1789 la sempiternelle liberté (judicieusement « bornée» par les interdits de la loi et fortement tempérée par des « pourvu que » ou des « sauf à répondre de ») ; la prétendue égalité (entre des hommes amoindris par la citoyenneté) ; la « souveraineté de la Nation » et la « volonté générale » dont nous avons vu le caractère relatif ; une loi omniprésente (avec une confusion constante entre le légal, dont peut se parer n’importe quel arbitraire, et le légitime)…

    Toutes ces propositions (hormis le droit à la propriété) sont suffisamment imprécises et confuses pour être sans caractère normatif, donc sans portée réelle. N’importe quel système totalitaire peut ainsi s’en réclamer avec cohérence. Les États-Unis, par exemple, pratiquent comme toutes les tyrannies la torture, les emprisonnements arbitraires dans des prisons secrètes, les assassinats ciblés, l’espionnage de ses citoyens… Pourtant, ce pays peut se prévaloir de la démocratie et des « droits de l’homme » sans que cela fasse réagir la République. C’est que l’idéologie des droits de l’homme est tellement imprécise et abstraite que même la torture et l’arbitraire le plus brutal peuvent y trouver leur justification.

    La vocation de cette idéologie des « droits de l’homme » n’est donc pas de donner de nouveaux droits aux hommes, mais de leur faire troquer des droits particuliers, imparfaits, injustes parfois mais néanmoins réels, contre des droits universels, suffisamment inconsistants et imprécis pour justifier tous les arbitraires.

    La Laïcité

    Encore une vaste supercherie. La laïcité suppose la séparation de l’État et de la religion, la neutralité de l’État républicain à l’égard des confessions religieuses et des opinions politiques, l’interdiction du prosélytisme religieux ou idéologique à l’école…

    En fait, la laïcité est un piège grotesque car il n’a jamais été question pour la République de faire de l’École ou de l’administration publique un espace neutre et de l’État une institution bienveillante qui protège la liberté de conscience et d’opinion. Cela, c’est pour la galerie.

    L’objectif de la République a été d’expulser tout système « concurrent » (et notamment l’Église), hors de l’État, hors de l’École, hors de la sphère publique… pour occuper tout l’espace !

    Ceci explique les lois sur l’enseignement et la mise en place d’une « école républicaine » devant enseigner les « valeurs de la République », les purges dans l’armée (affaire Dreyfus, affaire des fiches…) pour créer une armée « de la République », l’omniprésence dans la sphère publique de la devise de la République, du drapeau de la République, des symboles de la République, de l’hymne de la République… Ceci explique l’article 89 de la Constitution, rédigé à seule fin que tout l’espace politique soit occupé à jamais par la République…

    Où est alors la laïcité ? Car, à moins de considérer que la République et la France recouvrent la même réalité, comme essaient de nous en persuader les républicains (« la France est une République », art. 2 de la Constitution), à moins d’estimer que la République est une transcendance absolue et révélée par quelque prophète (une religion), alors il faut admettre que la République incarne une idéologie politique, une opinion subjective, un système de valeurs parmi d’autres qui aura ses partisans mais aussi ses détracteurs. Mais dans ce cas où est la neutralité d’un État qui se prétend par ailleurs « républicain » ? Dans ce cas, en vertu de quel droit l’École impose-t-elle les « valeurs » d’une idéologie à nos enfants ?

    On le voit, la République s’est servie du concept de laïcité pour substituer à tous les niveaux ses propres valeurs aux valeurs chrétiennes, monarchistes ou identitaires, éjectées de la sphère sociale et politique. La République a été la première à trahir la laïcité dont elle fait la promotion. La laïcité n’est donc pas une « valeur », juste une hypocrisie.

    En conclusion, la République n’a pas de « valeurs ». Elle a des éléments de langage qui révèlent des a priori idéologiques mais aussi et surtout une volonté de tromper, de masquer, de détourner l’attention des enjeux réels… L’idéologie de la République occupe tout l’espace politique, institutionnel, juridique, social, scolaire… Si l’on veut bien, une seconde, considérer la République pour ce qu’elle est, c’est-à-dire un régime politique contestable comme tous les régimes politiques, il nous faut admettre que ce régime global qui ne permet pas l’expression d’une contestation est un régime totalitaire. Les pseudos « valeurs » de la République, au nom desquelles les républicains ne veulent pas « transiger », sont précisément l’expression de ce despotisme qui, plus que nos libertés, cherche à atteindre notre humanité.

    Les fausses valeurs de la République ne sont donc pas bienveillantes. Elles expriment une conception du monde qui ne tolère ni la divergence, ni la dissidence. Quant aux vraies valeurs de la République, ce sont celles-ci :

    • Premièrement : un homme se définit par sa seule catégorie juridique (il est citoyen ou non citoyen), tout le reste est inessentiel.
    • Deuxièmement : un peuple est une catégorie juridique qui représente la somme de tous les hommes appartenant à la catégorie juridique des citoyens. Le peuple est d’ailleurs extensible à l’humanité entière, par simple procédure juridique (la naturalisation).
    • Troisièmement : La République est une transcendance qui ne souffre pas le blasphème, qui par la Loi a créé le peuple en tant que catégorie juridique, qui le gouverne donc légitimement et qui ne saurait être remise en cause par des citoyens qui puisent en Elle leur existence juridique.

    Le républicanisme est une religion. Les « valeurs » de la République sont des dogmes qui demandent un acte de foi. Les républicains sont des prêtres.

    Il serait temps, peut-être, de se libérer des superstitions, de l’arbitraire et de la tyrannie !

    Antonin Campana
    Source :
     autochtonisme.com

    http://fr.novopress.info/182961/les-valeurs-de-la-republique-une-supercherie-tribune/#more-182961

  • D’ou vient le dictat intellectuel de la gauche ?

    Il est un fait que l’élite de la droite subit ce dictat de la gauche. Voyez Juppé, NKM, Estrosi et consorts… Pourquoi ? Parce que la gauche est propriétaire du système politique et la droite n’en est que locataire. On entend par système politique ce que Gramsci appelait le métapolitique ou tout ce qui participe au combat politique : éducation nationale, médias, culture, monde artistique.

    Dans sa vision noble et traditionnelle de la politique, la droite d’après 1945 a cru pouvoir gouverner en délaissant des pans entiers de la société à la gauche qui, elle, capitalisant sur ses expériences du passé (1789, 1848, 1871) et ses théoriciens (Proudhon, Marx, Gramsci), comprit qu’il fallait massivement investir ces domaines qui constituent de puissantes caisses de résonance sociétales pour ses idées : un prof auprès de ses élèves ou un artiste auprès de ses fans influence plus efficacement les masses populaires qu’un politicien. Or, considérant que l’éducation et les milieux artistiques étaient les hochets d’amusement de la gauche, la droite les a délaissés et abandonnés à l’entrisme de la gauche qui a lentement mais sûrement utilisé ces puissants relais d’opinion. Avec ses cohortes de professeurs inféodés aux syndicats, la gauche manipule les futurs citoyens pour en faire les Homo republicanus dont elle a besoin. Par les médias et les artistes largement acquis à ses idées, elle distille sa propagande pour faire accepter ses propositions les plus folles.

    Propriétaire du système métapolitique, la gauche avance par petits pas en se cachant derrière des promesses mensongères ou trop faciles pour être vraies et accepte même de reculer parfois d’un pas pour mieux avancer sous une autre forme. Et à chaque avancée, il y a la certitude qu’on ne reviendra pas en arrière car la droite n’est que locataire du système et n’osera donc pas s’attaquer au propriétaire et à toute sa puissance de frappe sociétale. C’est l’effet cliquet. Syndicats, médias, artistes et intellectuels constituent le cliquet de la gauche qui pousse la roue toujours dans le même sens et l’empêche de revenir en arrière.

    C’est en vertu de ce système que la gauche instaura le PACS en 1999 comme une union pour les homosexuels en jurant qu’il était hors de question de leur donner le mariage. On connaît la suite. La même démarche est en cours avec la GPA et l’euthanasie. Il ne reste plus qu’à Juppé – le plus brillant de sa génération, le « meilleur d’entre nous », néanmoins intellectuellement soumis à la gauche – qu’à déclarer qu’il ne reviendra pas sur le « mariage pour tous » car la roue ne tourne jamais en sens inverse. Ou que la droite n’est pas revenue sur les 35 h. Toujours aller de l’avant en subissant l’influence de la gauche…

    Caisses de résonance sociétale et effet cliquet vers « toujours plus » sont les deux mamelles de la gauche dans sa religion républicaine qui lui permettent de progresser, même quand elle n’est pas au pouvoir.

    Philippe Rodier

    source : Boulevard Voltaire 

    http://www.voxnr.com/cc/dt_autres/EukuAVEplpcWwVCsas.shtml

  • La liberté d’expression à l’ère de la communication numérique : faut-il domestiquer internet ?

    Texte n°9 (Rétablir la liberté d’expression – XXXe Université annuelle du Club de l’Horloge, les 15 et 16 novembre 2014)

    ♦ Yves Duhamel, consultant, essayiste…

    « Manifestement la maîtrise d’internet par différents biais en vue de contrôler ou de restreindre la liberté d’expression apparaît comme une chimère. La maîtrise d’Internet par les différents pouvoirs n’apparaît donc ni souhaitable, ni même réalisable. S’accommoder d’un véritable outil au service de la liberté d’expression reste la seule alternative ».

    Cette réflexion sur la pratique de la liberté d’expression à l’heure de l’Internet est conduite du strict point de vue d’un technicien du « Net ».

    Encadrement, amendements, contrôle, restrictions, censure… Ce champ lexical est étroitement lié au terme « liberté d’expression ».

    L’histoire de la liberté d’expression et de la presse, qui vont de pair, est paradoxalement jalonnée de lois visant précisément à les restreindre, voire à les étouffer. Il s’agit pourtant de l’une des premières libertés politiques et, plus généralement, des libertés fondamentales garanties par la Déclaration des droits de l’homme dès 1789 en réaction à la censure royale. Ce droit à la liberté d’expression fut reformulé par l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, établie après la seconde guerre mondiale et les crimes commis par l’Allemagne nazie : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ». Il faut noter que l’Union soviétique, la Pologne, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie dont les peuples subissaient le joug d’une autre idéologie totalitaire, le communisme, s’abstinrent lors du vote de la Déclaration, le 10 décembre 1948, par l’Assemblée générale des Nations unies réunie au Palais de Chaillot.

    Certains pans de l’Histoire peuvent parfois se résumer à une succession de luttes entre pouvoirs et contre-pouvoirs.

    La naissance de l’imprimerie à la fin du XVe siècle s’est accompagnée d’un contrôle de celle-ci par les pouvoirs religieux et politique. Mais ces pouvoirs, s’ils contrôlaient d’un côté, surent aussi utiliser l’innovation à leur avantage. Ainsi Louis XI considérait l’imprimerie comme une arme politique dont il a favorisé l’essor.

    La naissance et le développement de la presse écrite dans le courant des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles ont été suivis par un renforcement croissant de sa surveillance par les autorités.

    Dans la seconde moitié du XXe siècle survient un changement de méthodes. Au lieu de censurer les idées, il s’agit d’en favoriser certaines par rapport à d’autres, en façonnant une « opinion publique », si bien décortiquée par l’universitaire Bernard Faÿ. Il suffit alors pour le pouvoir de tenir et de contrôler les canaux par lesquels l’information est diffusée, qu’il s’agisse de la presse, de la télévision, ou des radios.

    Mais l’Histoire est aussi faite de surprises et d’événements inattendus. Inattendue dans l’esprit du législateur français des années 1970 et 1980 l’émergence d’une technologie grand public, la toute-puissance d’un réseau d’informations transnational et révolutionnaire, difficilement contrôlable, et en même temps à la portée de tous, ou presque. C’est ainsi que l’on pourrait résumer l’ère de la communication numérique, dans laquelle nous sommes entrés en ce début de XXIe siècle.

    Faut-il domestiquer Internet ?

    Domestiquer Internet, l’apprivoiser, le soumettre, le maîtriser… Il s’agit de questions qui ne relèvent pas seulement d’un vocabulaire mais qui en appellent plusieurs autres.

    La première d’entre elles est la suivante : quelles limites poser à la liberté d’expression ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit, tant Internet est devenu l’un des principaux vecteurs par lesquels se manifeste désormais aujourd’hui cette liberté d’expression : la presse n’est plus en effet un vecteur de liberté parce qu’elle dépend des revenus publicitaires et qu’elle est l’apanage de quelques oligarques, et la télévision n’a jamais été préoccupée par la liberté. Quant aux radios libres, l’épopée des années 1980 a pris fin avec la création des autorités de régulation mises en place par le pouvoir socialiste.

    Selon Jean-Yves Le Gallou, deux conceptions s’opposent par rapport à l’exercice de la liberté d’expression :

    • celle d’une liberté absolue qui implique de condamner les différentes lois françaises, restrictives, dites Pleven, Gayssot, Taubira, Perben, de la même manière que la loi russe réprimant la propagande homosexuelle devant les mineurs ;

    Il faut remarquer que les lois françaises prévoient des peines nettement plus lourdes que la loi russe et surtout que les premières visent non seulement les dires mais aussi les intentions prêtées à leurs auteurs ce qui relève davantage de l’anathème que de la justice.

    • les nécessaires limites imposées dans un souci de maintenir un consensus social qui mènent à l’établissement d’interdits.

    Ces interdits sont alors relatifs car ils dépendent de circonstances historiques et géographiques.

    « Faut-il domestiquer Internet ? » appelle une deuxième question. Peut-on domestiquer Internet ?

    La mise au pas des médias traditionnels a pu s’effectuer relativement aisément, et ce d’autant plus qu’ils obéissent à des modèles économiques les rendant plus que vulnérables vis-à-vis des centres de pouvoir politiques et financiers. Les mésaventures arrivées à la revue trimestrielle Médias, dirigée par Robert Ménard et Emmanuelle Duverger, sont emblématiques de cette servitude : en deux ans, le magazine a enregistré une baisse de 80% de ses recettes publicitaires et a cessé d’exister en juillet 2012, prix à payer pour avoir osé être une voix par trop dissidente et libre dans un environnement où seul le politiquement correct a droit de cité.

    Il en va tout autrement d’Internet dont la perception par les utilisateurs et le fonctionnement sont les meilleures garanties d’une indépendance difficile à mettre à bas.

    Selon la Quadrature du Net, association de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet, « la censure du Net progresse dangereusement, à mesure qu’un nombre croissant de gouvernements démocratiques envisagent ou mettent en œuvre des mécanismes bloquant l’accès à certains sites, parfois sans aucun contrôle de l’autorité judiciaire. Mis en place au nom de la régulation des contenus “violents ” ou à caractère pédopornographique, ou du contrôle des jeux en ligne, ces dispositifs sont à la fois inefficaces et disproportionnés. En effet, le blocage de sites Internet est par na nature imprécis, faisant courir le risque de “censure collatérale” ou de sur-blocage de sites parfaitement légitimes. »

    Techniquement, il est très difficile de mettre au pas Internet

    Certes, il existe des lois, et ces dernières s’appliquent sur Internet comme partout ailleurs. Mais dans la course à la technologie, technologie que les utilisateurs à même de faire rapidement progresser, le pouvoir politique aura toujours un temps de retard. A peine un projet de loi est-il abordé que des internautes ont déjà trouvé la parade et la communiquent aux autres comme une traînée de poudre. Promulguée dans le meilleur des cas quelques semaines plus tard, la loi est déjà périmée.

    Les difficultés rencontrées par la HADOPI (Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet) sont plus que symboliques de cette course de vitesse perdue d’avance pour l’administration ; sans les énumérer toutes, citons l’incertitude de l’identification de l’utilisateur ; l’inadaptation des sanctions prononcées contre ce dernier avec une coupure d’Internet qu’il est très aisé de contourner ; des sanctions inadaptées aux personnes morales et aux mineurs, etc. Si, en l’espace de cinq ans, HADOPI s’est adaptée, elle n’en reste pas moins à la traîne.

    Même la Chine avec son « Bouclier d’Or », ensemble de lois visant à interdire l’accès à certains contenus en ligne, ne parvient pas à rendre son réseau totalement imperméable à la libre circulation de l’information. Rappelons-nous le parcours de la Flamme olympique à Paris en 2008 perturbé par des manifestations de soutien au Tibet. Bien que censurées en Chine, les images ont été rapidement diffusées par des internautes chinois, provoquant un tollé rapidement suivi d’un interdit frappant les produits français.

    Le contrôle technique d’Internet relève donc d’un fantasme.

    Enfin, s’il s’agit de mettre à bas des sites dissidents par la pression financière, là encore, c’est raté. Le modèle économique communautaire de la plupart des voix libres ou dissidentes sur Internet les rend étanches à toute forme de pression budgétaire. Par ailleurs, la possibilité d’héberger leurs données dans des pays où la législation française ou européenne ne s’applique pas en fait des cibles inattaquables.

    Donc. Que faire ?

    Manifestement la maîtrise d’internet par différents biais en vue de contrôler ou de restreindre la liberté d’expression apparaît comme une chimère. La maîtrise d’Internet par les différents pouvoirs n’apparaît donc ni souhaitable, ni même réalisable. S’accommoder d’un véritable outil au service de la liberté d’expression reste la seule alternative.

    Le Club de l’Horloge, 25/02/2015

    http://www.polemia.com/la-liberte-dexpression-a-lere-de-la-communication-numerique-faut-il-domestiquer-internet/

  • Saint-Loup « Götterdämmerung ; Rencontre avec la bête »

    Saint-Loup « Götterdämmerung ; Rencontre avec la bête »

    (Art et Histoire d’Europe, 1986 – Réédition l’Homme Libre, 2012)

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    Il y a des livres parfois bien oubliés et qui méritent justement de ne pas l’être ;Götterdämmerung  est de ceux-là. C’est un témoignage capital sur la Seconde guerre mondiale et l’un des meilleurs ouvrages de Saint-Loup selon moi (deux de ses autres ouvrages sont recensés ici et ici). Ecrit en 1947 alors que l’auteur était en exil en Argentine -car condamné à mort par contumace en France-, ce livre fut publié en allemand peu après mais subit rapidement les foudres de la censure de l’Allemagne nouvellement « libérée ». Il fallut étrangement attendre les années 1980 pour l'édition française.

    Götterdämmerung présente le témoignage autobiographique de l’écrivain maudit Marc Augier dit Saint-Loup (1906-1990) sur les années charnières 1944-1945 qu’il passa en Allemagne puis en Italie. Bien des aspects méconnus de la guerre derrière la ligne de front en Allemagne sont ici mis en lumière : la vie à Berlin, certains des mystères de « l’Ordre Noir », l’exil du gouvernement français à Sigmaringen, les derniers jours de l’Italie fasciste… Nous suivons ici le parcours atypique de Saint-Loup dans les derniers mois de cette guerre qui allait finir de mettre à genoux une Europe déjà bien affaiblie par les boucheries et les haines tenaces dues à la guerre 1914-1918… De nombreux faits et anecdotes ponctuent ce récit haletant où l’on croise nombre de grands noms : Céline, Rebatet, Mordrel, Déat, Krukenberg…

    Saint-Loup a divisé son livre en cinq parties chronologiques qui reprennent les étapes de sa vie personnelle durant ces deux années. On le suit en premier lieu en 1944 à Berlin au milieu des bombardements alliés qui affectent profondément la capitale du Reich et sa population qui résiste héroïquement aux difficultés de la vie quotidienne par tous les moyens possibles (notamment le marché noir). Dans un second temps, on le retrouve en séjour au « monastère des hommes noirs » d’Hildesheim. Saint-Loup put pénétrer ce lieu très secret en vertu de son poste de rédacteur en chef du bulletin Devenir, organe de la Division SS Charlemagne. Il ne cache pas à quel point cette expérience fut formatrice pour lui car, dans ce monastère, il fit partie d’un centre de recherches pour la formation d’un gouvernement européen en cas de victoire du Reich. « Je n’ai rien oublié depuis Hildesheim » écrit-il… Livrant des informations rares sur cet Ordre Noir sur lequel on a écrit tant de sottises, il souligne par exemple à quel point les relations étaient tendues dans le NSDAP entre les pangermanistes purs et durs et les partisans d’une nouvelle Europe, majoritaires dans la SS (cette opposition et les tensions qu'elle a généré durant la guerre entre les acteurs tant politiques que militaires de l'Allemagne nationale-socialiste permet de comprendre bien des choses...). Ce chapitre est également l’occasion pour Saint-Loup de parler du fameux Hauptsturmführer Le Fauconnier (personnage clé de plusieurs de ses romans) qui assiste à la réduction en cendres de la ville médiévale d’Hildesheim sous les bombes au phosphore américaines… L’auteur, et c’est la matière du troisième chapitre, arrive ensuite à Sigmaringen où il retrouve tout le petit monde de la collaboration française rassemblé autour du « vieux maréchal »… Les deux derniers chapitres narrent quant à eux la fuite de Saint-Loup et de quelques camarades en Italie en 1945 alors que la défaite totale de l’Axe n’est plus qu’une question de temps. Il s’agit ici de passer incognito, de ne pas être débusqué comme « fasciste » ou « nazi » par les résistants italiens qui prennent part eux aussi à « la plus formidable persécution que le monde ait jamais connue ». Ce sont les derniers jours de Mussolini. L’ambiance est électrique et impitoyable. C’est la « rencontre avec la bête » de laquelle Marc Augier sortira sain et sauf mais qui l’obligera, comme tant de ceux qui avaient choisi le même camp que lui, à s’exiler...

    Götterdämmerung est un ouvrage qui mérite d’être lu par tous ceux qui s’intéressent à la Seconde guerre mondiale et qui désirent découvrir le point de vue de l’un de nos plus grands écrivains. Cette lecture essentielle pourra également s’accompagner par deux autres témoignages qu’il écrivit sur cette période : J’ai vu l’Allemagne et les Partisans.

    Rüdiger / C.N.C.

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/