Charles Péguy (1873-1914) est un homme à part dans l’histoire des lettres françaises. Poète de l’incarnation, polémiste redoutable, il avait une âme religieuse, chargée d’humanité. De l’affaire Dreyfus à la Grande Guerre, il a cherché à faire prévaloir une conception héroïque de l’existence. Jusqu’à sa mort, au champ d’honneur, d’une balle en plein front.
L’œuvre de Péguy, c’est un peu le mémorial de la Grande Guerre. En mourant aux premiers jours de septembre 14, celui qui était alors lieutenant est devenu l’un de ces soldats aux mille visages, dont les noms sont inscrits sur les monuments aux morts qui jalonnent notre pays. La propriété de tous, sans exclusive. Vichy a bien cherché à l’annexer, mais en vain. Il était trop inclassable, lui qui prévenait : « Je suis toujours sur deux plans. » Nationaliste chez les dreyfusards, monarchiste chez les républicains, charnel chez les mystiques. Jean Guéhenno l’a résumé d’une formule sans appel : Péguy était un républicain qui ne votait pas et un chrétien qui ne communiait pas.