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entretiens et videos - Page 736

  • Jean Sévillia : « Malgré l'effondrement de notre société, une France tient encore debout

    À l'occasion de la sortie d'un recueil de trois essais, Jean Sévillia a accordé au FigaroVox [26.09] un entretien où il revient sur l'historiquement correct et le moralement correct qui pèsent plus que jamais sur notre société. Mais il ne doute pas d'une « renaissance future ».  LFAR

    Vous publiez en un recueil trois essais historiques et politiques: «Historiquement correct», « Moralement correct » et « Le Terrorisme intellectuel ». Commençons par ce dernier, dont la première parution date de l'an 2000. Seize ans plus tard, le terrorisme intellectuel a- t-il disparu, et sinon quelles sont ses nouvelles formes ?

    Il suffirait d'évoquer quelques manifestations toutes récentes du terrorisme intellectuel, ce que je fais dans la préface de ce volume qui réunit des textes plusieurs fois déjà réédités et actualisés, pour constater que, non seulement le phénomène n'a pas disparu, mais qu'il sévit plus que jamais. Faut-il rappeler les attaques subies au cours des dernières années, pour ne retenir que quelques figures en vue, par les philosophes Alain Finkielkraut ou Michel Onfray, par le journaliste Eric Zemmour, par le comédien Lorànt Deutsch ou par le romancier Michel Houellebecq ? Faut-il rappeler les conditions dans lesquelles s'est déroulé le débat - ou plus exactement l'absence de débat - sur le Mariage pour tous, où il était posé par principe qu'en être partisan était le signe d'un esprit ouvert et moderne et qu'en être l'adversaire était le fait d'une mentalité intolérante et rétrograde ?

    Dans une société démocratique où le débat d'idées est censé être libre, tout se passe comme si certaines idées étaient interdites, certains sujets tabous, et certaines voix moins légitimes que d'autres puisqu'elles contreviennent à la pensée dominante, qui est la pensée des élites politiques, culturelles et médiatiques. Le mécanisme du terrorisme intellectuel n'a pas varié. Il consiste à jeter l'opprobre sur les opposants à cette pensée dominante en leur collant, explicitement ou implicitement, une étiquette qui a pour but de les réduire au silence en jetant le discrédit sur leur personne et leur propos. Ces étiquettes se traduisent par des mots - réactionnaire, raciste, fasciste, homophobe, etc. - qui n'ont plus un sens objectif : ils peuvent s'appliquer à n'importe quoi et n'importe qui afin de les disqualifier selon le principe de l'amalgame et de la reductio ad hitlerum. Ce qui change, en revanche, c'est l'objet du terrorisme intellectuel, puisque celui-ci est indexé sur l'idéologie dominante. Il y a cinquante ans, quand le marxisme triomphait chez les intellectuels, être anticommuniste valait de se faire traiter de « chien » par Jean-Paul Sartre. Aujourd'hui, alors que l'antiracisme et le multiculturalisme sont présentés comme des impératifs catégoriques, affirmer que l'origine et l'ampleur des flux migratoires pose un problème à la France et à l'Europe en général vaut d'être accusé de racisme.

    Dans votre ouvrage Historiquement correct, vous rétablissiez un certain nombre de vérités que l'histoire « grand public » ne diffusait pas. Considérez-vous que les légendes noires de l'Histoire de France se sont estompées ?

    J'aimerais le croire, mais ces légendes qui concernent d'ailleurs toute l'histoire occidentale et pas seulement l'histoire de France ont la vie d'autant plus dure qu'elles sont véhiculées et répercutées par de multiples canaux, depuis les manuels scolaires jusqu'aux jugements lapidaires qui émaillent les discussions de bistrot. Ce que j'ai appelé l'historiquement correct, le politiquement correct appliqué à l'histoire, vient de loin. Il a sa propre histoire que l'on peut reconstituer, puisqu'il mêle procès contre l'Europe catholique venant des Encyclopédistes, vision négative du monde d'avant 1789 et légende dorée de la Révolution française, legs de l'école républicaine des XIXe et XXe siècles, refus de l'histoire événementielle et lecture socio-économique du passé, héritage de l'école marxiste, et enfin histoire analysée au prisme des droits de l'homme, fruit de l'individualisme ambiant. Rétablir la vérité est un travail long, et patient. Il suppose d'opposer des faits aux légendes, et surtout pas des légendes inversées, ce qui serait le contraire de la démarche historienne. Avec le temps, en faisant progresser la recherche, on obtient des résultats. Les guerres de Vendée de 1793-1794, par exemple, sont beaucoup mieux connues qu'elles ne l'étaient il y a un demi-siècle, parce qu'il y a eu d'authentiques travaux d'historiens sur cet épisode dramatique, et bien rares sont ceux qui nient que la population civile vendéenne de l'époque a été victime d'une entreprise d'extermination. Autre exemple, on commence à reconnaître que la traite négrière était un système qui n'impliquait pas que les Européens, puisque certaines tribus africaines vendaient leurs frères de couleur, et qu'il a toujours existé une traite interafricaine, des hommes étant réduits en esclavage et mis en vente à l'est du continent par des trafiquants arabo-musulmans.

    Comment expliquer le décalage entre le sérieux des publications historiques et la légèreté avec laquelle le cinéma et les séries télés abordent cette même histoire ?

    En soi, ce décalage n'est pas nouveau. Les feuilletons écrits du XIXe siècle, quand ils campaient leur intrigue dans le passé, prenaient déjà des libertés avec l'histoire réelle. Même chose pour le théâtre ou le cinéma. Et même chose encore pour la télévision quand elle était un genre naissant. Les grandes séries télévisées historiques des années 1960 et 1970 n'obéissaient déjà pas aux canons universitaires, mais au moins y avait-il un souffle, une ambition. Du Chevalier de Maison-Rouge (1963) à Vidocq (1967) et des Cathares (1966) aux Rois maudits (1972), toute une génération y a gagné le goût de l'histoire, même si la véracité de ces films était discutable. On peut donc faire de la fiction télévisée avec une certaine exigence historique. Encore faut-il avoir le goût de l'exigence et le respect du passé, ce qui n'est guère dans l'air du temps de nos jours.

    La place de l'histoire se réduit dans les programmes scolaires et se diffuse de plus en plus à la radio (Franck Ferrand), la télévision (Stéphane Bern), en librairie, dans les festivals… Comment expliquer ce paradoxe ?

    Ce paradoxe n'en est pas un. Il y a même un lien de causalité direct entre l'amenuisement de la place accordée à l'histoire à l'école et le succès des bonnes émissions historiques, des biographies des grands personnages et des spectacles et reconstitutions historiques. En réalité, dans une époque bouleversée, les gens cherchent des repères, y compris dans le passé. Si l'école n'enseigne plus l'histoire de notre pays comme elle l'enseignait autrefois, ils vont chercher eux-mêmes ces repères. Ce mouvement ne fera que s'accélérer : plus on voudra nous couper de nos racines, plus elles seront prisées, par un mouvement naturel de réappropriation d'un héritage volé, occulté ou méprisé. La philosophe Simone Weil affirmait que le passé est un des plus vitaux des besoins de l'âme humaine. Que Madame Najat Vallaud-Belkacem lise Simone Weil…

    Dans votre préface vous revenez sur les notions discutées de « victoire culturelle » et de « bataille des idées ». Considérez-vous que les « réacs » ont gagné ?

    C'est un refrain que reprend, sur un ton dépité, la presse de gauche : la droite - ou les conservateurs, les réactionnaires, etc. - auraient gagné la bataille des idées. Or ce refrain est largement trompeur. Il est vrai, ce qui est nouveau par rapport au paysage des idées d'il y a quinze ans, que quelques figures telles qu'Alain Finkielkraut ou Eric Zemmour obtiennent de réels succès d'audience quand la télévision ou la radio leur tendent un micro, ce dont je me réjouis. Mais ces individualités demeurent des exceptions sur les ondes, et leurs propos suscitent un violent contre-feu, quand ce ne sont pas des menaces de poursuites judiciaires, parfois mises à exécution. Il est encore vrai que la pensée de gauche mouline dans le vide, mais elle continue néanmoins à mouliner… Il n'est que d'observer la façon dont sont analysés les facteurs qui conduisent des jeunes vivant en France au djihadisme pour constater que les commentateurs tournent toujours autour d'explications sociales - pauvreté, exclusion, déscolarisation, etc. - pour ne pas voir et nommer la réalité, qui est politique, culturelle et religieuse.

    Non seulement le concept de « néoréac », lancé en 2002 par le livre de Daniel Lindenberg, essayiste de gauche, procède d'un amalgame réducteur - non, Pascal Bruckner ne pense pas comme Natacha Polony qui ne pense pas comme Elisabeth Lévy et ainsi de suite - mais le fait que la haute cléricature de gauche ait disparu ou se taise n'empêche pas la basse cléricature d'être en place. Faites un sondage sur ce qu'on pense dans les salles de profs ou dans les rédactions des chaînes publiques de la loi travail ou de la question des migrants, et vous serez édifiés. Or dès lors que tous les Français passent par l'école ou regardent la télévision, ils en subissent l'influence, même si beaucoup savent aussi s'en libérer. Par conséquent, j'en suis bien navré mais, sur le terrain, la « victoire culturelle » n'est pas encore là. En dépit de tout, nous ne sommes pas sortis, culturellement parlant, du paradigme selon lequel il serait bien d'être de gauche et être de droite imposerait de s'excuser. C'est si vrai que la droite, qui ne brille pas par ses idées, fait tout pour faire oublier qu'elle n'est pas de gauche. Je ne suis pas de ceux qui croient que le clivage droite/gauche est caduc. Cette distinction structure notre vie politique depuis deux siècles, et elle n'est pas près de disparaître, même si ses frontières se sont déplacées, et même si les élites dirigeantes de droite comme de gauche communient dans un libéralisme libertaire qui les rapproche et souvent les confond.

    La bataille se déroule-t-elle à l'université, dans les librairies ou dans les émissions de divertissement ?

    Elle se déroule partout, puisque le politiquement correct se niche aussi bien dans les amphithéâtres des universités que dans les librairies et les studios de télévision ou de radio où les clowns d'aujourd'hui jouent les penseurs. A chacun son créneau ou son talent parmi les rebelles au politiquement correct. Personnellement, je ne me sentirais pas à l'aise dans une émission de divertissement, mais je me félicite que des amis s'y risquent. Dans les librairies, le succès des ouvrages qui expriment des idées à contre-courant prouve que les lignes bougent dans la société, à défaut d'un changement dans la sphère politique, culturelle et médiatique. Quant à l'université, elle n'est pas monolithique. Si vous saviez les témoignages que je reçois d'historiens universitaires me remerciant pour ce que j'écris…

    Le « moralement correct » est-il le même que celui que vous décriviez dans votre essai ?

    Oui. Nous sommes toujours sur le coup, et nous le resterons très longtemps, de la profonde révolution intellectuelle et morale des années 1960-1970 qui a érigé en paradigme l'individu et ses droits conçus comme un absolu. Très schématiquement, on considérait naguère que l'individu devait d'abord quelque chose à la société. On considère aujourd'hui, à l'inverse, que la société doit d'abord quelque chose à l'individu. Au sein de la famille, de l'école, de l'université, de l'entreprise, dans les loisirs ou la politique, dans le rapport à la culture ou à la religion, cela a tout changé. C'est l'individu qui fixe ses propres normes du bien et du mal et qui définit ce qu'il veut ou non accepter comme contrainte collective. En d'autres termes, il n'y a plus de normes objectives et indiscutables. Mais cette révolution est paradoxalement contraignante, puisque l'absence de normes est devenue une norme, et donc une obligation. C'est cela, le moralement correct.

    Vous reprenez à votre compte la citation d'Albert Camus lors de son discours de Stockholm: « Empêcher que le monde se défasse ». Le « vieux monde » ne s'est-il pas défait en grande partie ? N'est-ce pas le moment de reconstruire autre chose ?

    Si, mais on ne reconstruira pas sur du vide. Les plus grands créateurs ne sont jamais partis de zéro. Ils étaient d'abord des héritiers, même s'ils bousculaient l'héritage. Demain, il faudra reconstruire en s'appuyant sur les principes qui ont toujours fondé les civilisations. On ne peut faire l'économie de la réception et de la transmission, du lien entre les générations, du partage d'un héritage. En dépit de l'effondrement visible de notre société, ce qui tient encore debout repose sur des individus et des familles qui, elles-mêmes, tiennent bon sous la mitraille de l'époque. Ces forces-là sont plus nombreuses qu'on ne le croit. Elles sont la garantie de notre future renaissance.   

    Journaliste, écrivain et historien, Jean Sévillia est rédacteur en chef adjoint du Figaro Magazine. Il vient de publier Ecrits historiques de combat, un recueil de trois essais (Historiquement correct ; Moralement correct ; Le terrorisme intellectuel) qui vient de paraître aux éditions Perrin.  

    Vincent Tremolet de Villers    

    A lire aussi sur Lafautearousseau ...  

    Jean Sévillia : « Écrits historiques de combat »   

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2016/09/26/jean-sevillia-malgre-l-effondrement-de-notre-societe-une-fra-5852878.html

  • Dimitri Casali : « Nos élites ne défendent plus l’intérêt général parce qu’elles ont honte de la France ».

    Atlantico : L’idée même d’un débat sur la notion d’identité française est depuis plusieurs années critiquée par bon nombre de personnalités politiques et intellectuelles. Pourquoi l’identité française est-elle perçue négativement par certaines de nos élites ? Quels sont les ressorts de cette opposition ?

    Dimitri Casali : Il existe depuis une vingtaine d’années une véritable détestation des valeurs constitutives de l’identité française au sein même de nos élites politiques et médiatiques. La culture, l’histoire de France, la langue (écoutez le président Hollande et sa manie de redoubler le sujet au début de chacune de ses phrases) et ses symboles nationaux sont constamment dévoyés ou dénigrés. A l’exemple de Christiane Taubira traitant notre hymne de «karaoké d’estrade», de Thierry Tuot, haut conseiller d’Etat, prônant la fin de l’intégration ou encore l’acteur Lambert Wilson, s’exprimant à propos de la Marseillaise sur la radio RTL, et rabâchant les âneries habituelles bourrées de contrevérités historiques : «les paroles sont épouvantables, sanguinaires, d’un autre temps, racistes et xénophobes».

    Alors que dans le monde entier, notre hymne incarne, non pas un chant d’asservissement, mais un chant de liberté et de libération.

    Ces inepties dissimulent mal l’ignorance crasse et l’inculture de nos élites politiques ou médiatiques. La vérité est que nos élites ne défendent plus l’intérêt général parce qu’elles ont honte de la France. A l’inverse, je suis très frappé de voir à quel point les élites britanniques sont fières de leur nation !

    Depuis 20 ans, à l’opposé de leurs prédécesseurs qui ont reconstruit la France au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les hommes qui nous gouvernent sont convaincus que la France est née uniquement des valeurs universelles positives qu’elle incarne aujourd’hui. Ce qui est historiquement faux. Depuis 20 ans, nos dirigeants révisent le passé pour ne célébrer ou critiquer que des événements ou des personnages incarnant soit le bien, soit le mal. Dès lors, ils éliminent toute la complexité de l’Histoire. Une nouvelle fois, ils «égalitarisent» pour éviter à tout prix tout culte de la personnalité ou du héros qui pourrait mettre en relief leur propre médiocrité. On nie Jeanne d’Arc pour Hollande, la laissant au seul Front National, on gomme Napoléon pour Chirac, on ignore Louis XIV à nouveau pour Hollande. Le manichéisme est érigé en nouveau paradigme avec d’un côté le bien, avec les valeurs de la France, les déclarations des droits, et de l’autre le mal avec nos grands conquérants, le colonialisme, Vichy. Cette attitude est imposée par la perspective de donner une version politiquement correcte à toutes les nouvelles composantes de notre population. Il y a désormais une version binaire de l’Histoire avec une bonne histoire «blanche et immaculée» d’une part, s’opposant à une histoire noire, mauvaise et partiale, d’autre part…

    Dans son livre Désintégration française, Dimitri Casali revient sur les causes du déclin français. Un déclin qui trouve sa source notamment dans l’effondrement de notre système éducatif et de notre modèle d’intégration.

    En novembre 1997, le Premier ministre, Lionel Jospin, interpellé à l’Assemblée nationale, avait, en digne héritier du modèle soviétique – et trotskyste -, fini par refuser d’admettre, hors de lui, «un signe égal entre le nazisme et le communisme…» Et ses 80 millions de morts, alors ! Un bel exemple d’aveuglement idéologique. De Gaulle et Mitterrand portaient, eux, un jugement bien plus savant, à la fois éclairé et éclairant, sur notre histoire. L’un déclarant : «Pour moi, la France commence avec Clovis», l’autre en 1982 : «Un peuple qui n’enseigne plus son histoire est un peuple qui perd son identité» ou encore, au sujet de la repentance, «Je considère que c’est une demande excessive, de gens qui ne sentent pas profondément ce que c’est d’être Français et l’honneur de l’Histoire de France. C’est l’entretien de la haine, et ce n’est pas la haine qui doit gouverner la France.» Imprégnés l’un et l’autre d’une immense culture historique, ils possédaient une hauteur de vue qu’ignorent leurs pâles successeurs.

    Aujourd’hui, nos élites capitulent sur nos fondamentaux culturels à la moindre offensive comme on le voit avec François Hollande. Faire aimer la France, ce serait par conséquent et avant tout faire aimer leur propre histoire à nos dirigeants eux-mêmes…

    Dans votre ouvrage, vous fustigez une école incapable d’apprendre à lire, écrire, compter ainsi qu’un collège unique qui représente «un creuset des inégalités». Vous estimez également que la nouvelle réforme du collège va accentuer la médiocrité. Comment justifiez-vous votre analyse ? Quelles sont, selon, vous les causes profondes qui ont mené à ce diagnostic que vous dressez aujourd’hui ?

    Apprendre à lire, écrire et compter certes, mais l’Ecole échoue aussi dans sa mission chaque fois qu’elle ne sait pas faire de ces élèves des Français, c’est-à-dire des citoyens fiers de leur appartenance à la Nation, enrichie de leurs histoires personnelles. De 1881 à 1981, nos Hussards de la République avaient réussi à faire de la France un des pays les plus instruits au monde, où le système éducatif était un des moins inégalitaires de la planète et où l’ascenseur social devait le moins à la naissance. La nouvelle réforme s’annonce catastrophique. Nous étions encore 10e au classement PISA en 2000, nous sommes désormais 25e ! La réforme de l’école n’est pas faite au nom de l’égalité mais au nom de l’égalitarisme, du nivellement par le bas et de la médiocrité.

    Elle choisit d’accompagner la désintégration de la société plutôt que de se poser en digue protectrice. Les anciennes disciplines classiques sont réduites pour promouvoir des Enseignements Pratiques Interdisciplinaires (les fameux EPI), mais aussi l’abaissement du Latin et du Grec, la réduction des classes bilangues, la suppression des classes européennes, toutes des filières d’excellence… Alors que pendant plus de cent ans la recherche de l’excellence et la méritocratie ont caractérisé la France. Les plus aptes à gouverner, à inventer, à diriger le pays avaient suivi un enseignement classique souvent éloigné de leur poste de dirigeants. Citons en exemple Georges Pompidou, petit-fils de valet de ferme, Jean Jaurès, fils de petit paysan, Aristide Briand, fils de tenancier de bar à vin, Edouard Herriot, petit-fils de caporal, tous issus de milieux modestes et ont fait de brillantes études, pour la plupart élèves de l’Ecole normale supérieure. Cet «élitisme républicain» permit de donner une base au recrutement des classes dirigeantes par la méritocratie. Durant leurs classes préparatoires, tous ont fait leurs humanités en acquérant une excellente culture générale que ce soit en histoire, en sciences ou même en latin… D’Henri Bergson à Georges Charpak, tous ont pu faire des études supérieures grâce aux examens et aux concours, des bourses mises en place par l’école républicaine. Il s’agissait de permettre aux meilleurs de s’en sortir et d’être des exemples pour les autres, de sorte qu’ils pouvaient dire avec fierté : je suis fils d’ouvrier artisan, et j’ai passé des concours que j’ai réussis !

    Un autre des symptômes les plus évidents de cette maladie qui ronge la France est cet acharnement, cette hargne qu’ont nos élites à déconstruire notre passé pour faire croire à nos enfants que les Français ont tous été d’horribles esclavagistes au XVIIIe siècle, d’infâmes colonisateurs au XIXe siècle et uniquement des collabos au XXe siècle…. On joue la carte de la culpabilisation, voire de la criminalisation de l’Histoire de France. Les sujets, tel que l’Islam, la traite négrière, la colonisation, sont obligatoirement étudiés, – les autres comme le christianisme médiéval, l’humanisme et les Lumières – sont réduits à la portion congrue.

    Non seulement ces thèmes se retrouvent à tous les niveaux mais on leur adjoint dès l’école primaire «l’histoire des mouvements de population», ce qui inclut l’esclavage et  la traite négrière, les colonisations et décolonisations, les immigrations économiques, les réfugiés, les migrations liées aux Printemps arabes et celles des Roms. Et tous cela au détriment de notre histoire de nos grands personnages et évènements. Même un évènement comme le débarquement en Normandie du 6 juin 1944 ne sont plus appris…

    Vous faites le constat que le système d’intégration français, basé sur l’assimilation et à l’opposé du multiculturalisme britannique, est en panne. Par quels moyens pourrait-il être relancé ?

     Pendant plus de 200 ans l’ «intégration à la française» a réussi au-delà de nos espérances. Intégrer les immigrés belges, polonais, italiens, portugais, serbes, juifs d’Europe de l’est ou musulmans de première génération et deuxième génération n’a jamais été le résultat d’une conversion miraculeuse à la francité. Cela s’est passé au contraire par des expériences extrêmement douloureuses au moins dans les premiers temps. Mais l’on peut dire globalement que creuset français a merveilleusement fonctionné pendant ces deux siècles, et pourrait continuer de le faire si l’on restait ferme sur nos valeurs fondamentales. Tous ces immigrés – simples ouvriers, réfugiés politiques, artistes, hommes de sciences et intellectuels de tous bords –, hommes ou femmes, avaient choisi de devenir Français. Aujourd’hui, on ne cesse de parler du «vivre-ensemble» mais la réalité est que justement plus personne ne veut vivre ensemble – notion floue qui se résume à une mosaïque identitaire recouvrant l’occultation de tout ce qui pourrait contrarier certaines communautés.  Attentats islamiques, banlieues aux bords de l’implosion, école, immigration, Etat en déliquescence, économie, corporatisme, c’est toute la République et la notion de «vivre-ensemble» qui sont à reconstruire. Les événements que traversent notre pays vont certainement changer la face de la fin du quinquennat de François Hollande.

    La politique d’immigration menée par nos gouvernements successifs a conduit à la reconstitution des sociétés d’origine sur le sol d’accueil, rendant ainsi l’intégration traditionnelle chimérique. Désormais, l’inquiétude identitaire au sujet de l’immigration massive est devenue un des thèmes majeurs de questionnement de notre société. C’est le sujet le plus important de l’Histoire de France, tous siècles compris. Moins marqué politiquement, il va désormais au-delà des familles idéologiques. Cependant, son traitement est de moins en moins sensible à l’auto-culpabilisation que l’on nous assène depuis une vingtaine d’années. Plus que jamais, l’enseignement de l’Histoire de France est fondamental pour ancrer nos principes fondateurs dans la tête de tous nos concitoyens, pour inscrire l’amour de son pays, sentiment irraisonné comme le sont tous les sentiments, dans le cœur de chacun. Plus que jamais, il est nécessaire de s’inscrire dans le flux d’une histoire qui plonge dans le plus lointain passé, donne sens au présent, et éclaire l’avenir. Par sa richesse culturelle, intellectuelle, spirituelle, la France possède les clés pour empêcher sa fragmentation en communautés opposées.

    À tous, il faut faire découvrir les grandes œuvres françaises, ouvrir les portes de Versailles, de l’Hôtel des Invalides, du Louvre. À tous, je souhaite que la France puisse devenir ce qu’elle est pour moi : une seconde mère, (moi, qui suis d’origine italienne) à laquelle un lien indéfectible m’attache. De sorte que tous, dans les crises que nous traversons, choisiront de la défendre. Le pays a besoin de retrouver sa foi, son dynamisme, son enthousiasme. Enseignons à nos enfants ce qu’est leur pays, son Histoire, ses institutions et ses valeurs. Beaucoup de Français ont sacrifié leur vie pour ça. Nous devons nous en souvenir et être fidèles à la mémoire de ces millions de morts. Cocteau disait : «les vrais tombeaux des morts sont les cœurs des vivants». Notre Histoire, plus que la morale laïque ou l’éducation civique, sera la clé de l’intégration. Transmettons l’envie de réussir à tous les jeunes de France, d’où qu’ils viennent. Apprenons à nos élèves à être fiers d’eux-mêmes car la vraie mémoire est celle qui regarde résolument vers l’avenir. L’historien Michelet l’a écrit : « Plus l’homme entre dans le génie de sa patrie, mieux il concourt à l’harmonie du globe ; il apprend à connaître cette patrie, et dans sa valeur propre, et dans sa valeur relative, comme une note du grand concert, il s’y associe par elle, en elle il aime le monde. La patrie est l’initiation nécessaire à l’universelle patrie… »

    Dimitri Casali 4/09/2016

    Dimitri Casali, historien, spécialiste de l’enseignement de l’Histoire, est l’auteur de Désintégration française(JC Lattès, 2016), du Nouveau manuel d’histoire (La Martinière, 2016), de L’Empire colonial français (Gründ, 2015), d’Ombres et Lumières de l’Histoire de France (Flammarion, 2014), du manuel Lavisse-Casali Histoire de France, de la Gaule à nos jours (Armand Colin, 2013), et de L’Histoire de France interdite. Pourquoi ne sommes-nous plus fiers de notre histoire (Lattès, 2012). Il collabore régulièrement avec la presse écrite, la radio, la télévision.

    Source : Atlantico.fr

    http://www.polemia.com/dimitri-casali-nos-elites-ne-defendent-plus-linteret-general-parce-quelles-ont-honte-de-la-france/

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