Il y a cent ans paraissait l'ouvrage le plus célèbre de Nietzsche, celui qui sera le plus lu et que toute personne moyennement cultivée citera ou évoquera spontanément : Ainsi parlait Zarathoustra. On sait d'emblée que le philosophe allemand a une réputation qui sent le soufre, que ses vigoureuses tirades anti-chrétiennes risquent de faire chavirer toutes les certitudes, que son rejet, qualifié d'aristocratique, de toute espèce de moralisme, fait de sa pensée une gâterie, une ivresse, une drogue pour un très petit nombre. Tous les fantasmes sont permis quand il est question de Nietzsche ; chacun semble avoir son petit Nietzsche-à-soi, chacun tire de l'itinéraire du philosophe de Sils-Maria une opinion chérie qu'il exhibera comme un badge coloré, avec la certitude coquine de choquer quelques bien-pensants. Et, en effet, en cent ans, on a dit tout et n'importe quoi à propos de Nietzsche, tout et le contraire de tout.