Quel avenir pour l’Eglise catholique en Europe et dans notre pays « fille aînée de l’Eglise » ? Quel poids la religion autochtone de la très grande majorité des Français conserve-t-elle en ce début de millénaire, celui de tous les bouleversements et de l’effacement des repères civililsationnels ? Le Figaro évoquait mercredi le cinquantième anniversaire à Rome du Concile Vatican II, lequel «n’est pas marqué par l’euphorie », « car le bilan est plutôt sombre ». «L’aggiornamento de l’Église catholique voulu par Jean XXIII pose aujourd’hui plus de questions qu’il n’a pu en résoudre. Jusque-là relativement tabou, ou confisqué par les traditionalistes, le discours critique sur les fruits du concile est désormais publiquement porté par des évêques modérés. Et si, est-il rapporté, Benoît XVI a convoqué « 250 évêques choisis et une centaine d’experts et d’auditeurs venus de toute la planète » c’est « pour stimuler la nouvelle évangélisation – déjà lancée par Jean-Paul II en 1983 – et parce que l’Église catholique souffre de tiédeur (…). Le chrétien ne doit pas être tiède, a insisté le Pape. C’est le plus grand danger du chrétien (…) ». « Le tableau dressé en introduction des travaux du synode par les rapporteurs continentaux sur la situation de l’Église catholique est inquiétant. Le cardinal Peter Erdö, archevêque de Budapest en Hongrie et président du Conseil des conférences épiscopales d’Europe, l’a constaté crûment: Dans la plus large partie du continent, c’est l’ignorance à propos de la foi chrétienne qui se répand, avec «une perte de la mémoire et de l’héritage chrétiens».
C’est dans ce climat, alors que l’Eglise tente d’apporter des réponses à ce que le Vatican appelle l‘ « apostasie silencieuse » des catholiques, que le quotidien La Croix a publié un sondage IFOP, qui, souligne Le Monde, confirme qu’ « En cinquante ans, la pratique religieuse chez les catholiques s’est effondrée et le fossé s’est creusé entre les pratiquants et le reste de la population (…). » « En 1961, 92 % des Français étaient baptisés et seuls 5 % d’entre eux n’envisageaient pas de faire baptiser leurs enfants. Aujourd’hui, 80 % se disent encore baptisés mais 25 % d’entre eux n’ont pas l’intention de transmettre cet héritage à leurs enfants. Les moins de 35 ans sont encore moins nombreux à se dire baptisés (68 %) et plus nombreux (30 %) à ne pas souhaiter baptiser leurs enfants. Selon la Conférence des évêques de France, quelque 35 % des enfants d’une classe d’âge sont baptisés et seuls 6 % se font confirmer. »
Reste à savoir si cette enquête a pris en compte les bouleversements démographiques de ces dernières décennies, puisqu’il n’a échappé à personne que dans la tranche d’âge des moins de 35 ans, les enfants de baptisés sont aussi « en concurrence » avec ceux des immigrés musulmans. Le démographe Philippe Bourcier de Carbon notait qu’en 2004 , en France, la population née d’au moins un parent étranger de en provenance du Maghreb, d’Afrique noire africaine ou de Turquie était selon ses calculs de plus de 4 millions, soit 7 % de la population et près de 14 % des naissances ; la population des ménages immigrés originaires d’Afrique et de Turquie de 5 millions environ, soit 9 % de la population, près de 16 % des naissances .Aussi, cette population pourrait approcher, en 2030, 9,6 millions, soit 15 % de la population métropolitaine totale et donner le jour à 200 000 enfants, soit 30 % des naissances métropolitaines. A cela deux causes principales expliquait M. Bourcier de Carbon : l’accélération des flux migratoires et le maintien d’un taux de fécondité élevé pour les femmes étrangères musulmanes arrivées en France.
« L’enquête de 1961 explique La Croix dépeint un pays encore très largement catholique. Mais l’Église, reconnue comme l’un des piliers moral et spirituel de la société, commence à se voir reprocher une forme d’intransigeance par rapport au monde. Aujourd’hui, en revanche, la religion catholique, si l’on s’en tient à la pratique, n’est plus que le fait d’une petite minorité de Français. Conséquence, la pratique, elle, enregistre une chute très importante. En 1961, un tiers des Français allait à la messe tous les dimanches. Ils ne sont plus que 6 %, alors que la proportion de ceux qui n’y assistent jamais est passée de 32 à 66 %. Cette chute avait commencé avant 1962 et le Concile l’aurait plutôt freinée », estime Denis Pelletier, historien du christianisme contemporain ». Un avis qui ne fait pas vraiment l’unanimité soulignons-le, et à l’évidence le dynamisme et le renouveau aujourd’hui, sont plutôt du côté des « tradis » que des « progressistes »…
Il est d’ailleurs significatif, toujours à l’aune du concile Vatican II et du « modernisme » qu’il a introduit dans l’Eglise, que cette enquête d’opinion souligne que nos compatriotes sont moins nombreux à considérer que l’institution conserve son rôle de gardien de la morale (59 % en 1961, 40 % aujourd’hui) ou de l’ordre et des bonnes traditions (44 % contre 30 % aujourd’hui). Il n’est pas certain que ce constat soit un motif de satisfaction pour tous les Français…
Jérôme Fourquet, de l’Ifop, souligne La Croix , pointe aussi « une constante de la société française : le rapport à la politique et le souci d’une stricte laïcité. Déjà en 1961, dans une société pourtant de baptisés, les Français rejetaient à 76 % toute intervention de l’Église dans le jeu politique. Ils sont aujourd’hui 83 % à penser de même. En revanche, les catholiques pratiquants ont désormais une position inverse : 65 %, soit deux tiers d’entre eux, estiment que l’Église doit intervenir en politique ! Sans doute conscients de ne constituer désormais plus qu’une minorité dans la société, ils éprouvent le besoin de se faire entendre, y compris au plan politique. »
Les medias ont noté d’ailleurs que les catholiques de France sont en pointe dans le combat contre la légalisation du mariage homosexuel, a titre d’exemple la pétition contre ce projet de loi mise sur le site Internet du diocèse de Toulon, a déjà recueilli près de 62.500 signatures en deux semaines.
Il s’agit en effet de ne pas perdre de vue, et les auteurs de cette enquête l’ont souligné, que l’influence de l’Eglise, les valeurs helléno-chrétiennes qu’elle véhicule débordent du cadre strict des 6 à 7 millions de Français catholiques pratiquants réguliers ou occasionnels plutôt marqués « à droite ».
Au lendemain du premier tour de la présidentielle, Bruno Gollnisch l’avait relevé, le sondage réalisé par Harris-Viadeo pour l’hebdomadaire La Vie, indiquait ainsi que les jeunes catholiques « avec leurs exigences éthiques fortes, leurs réflexes identitaires plus marqués et leur plus grande radicalité » , avaient voté à 37 % pour Nicolas Sarkozy et placé Marine Le Pen en deuxième position à 27 % . « Je vomis les tièdes » (Apocalypse 3,15-16) est une parole qui a été entendue par la jeunesse, et c’est aussi un motif d’espérance !