Que la France reste largement une colonie américaine, difficile de l’ignorer au regard de l’écho médiatique délirant donné à la campagne présidentielle américaine dans notre pays depuis plusieurs mois. Un contraste saisissant avec la discrétion qui entoure la désignation cette même semaine par le parti communiste chinois de son futur chef, le multimillionnaire Xi Jinping, qui devrait succéder au président Hu Jintao en 2013 et devenir ainsi un des hommes les plus puissants de la planète… Au moins 303 des 538 grands électeurs pour lesquels les Américains étaient amenés à voter ont donc assuré la réelection de Barack Obama selon les premiers résultats.
Une France qui épouse les peurs, les fantasmes, les causes, les « valeurs » d’une Amérique très insidieusement distillés et suggérés par ce formidable outil de propagande et de conditionnement des esprits qu’est aussi l’industrie cinématographique américaine. Le regretté et grand cinéaste français Claude Autant-Lara a écrit sur cette question, notamment dans « Les fourgons du malheur » des réflexions qui, à défaut d’être politiquement correctes, sonnent particulièrement justes…
Si les méchants des films hollywoodiens sont principalement Russes, Arabes (et fumeurs !), les Iraniens font aussi leur retour sur le devant de la scène dans le rôle du grand Satan. Les liens des grands studios d’Hollywood avec le lobby militaro-industriel et le département d’Etat sont notoires, on ne s’étonnera donc pas du financement et de la promotion du film Argo de Ben Affleck, qui débarque sur nos écrans, évoquant l’odieuse prise d’otage de l’ambassade américaine de Téhéran par les gardiens de la révolution en 1979. Un timing parfait…
Cette américanophilie de nos « élites » dans une France réputée américano-sceptique a peut être empêché nos « grands » médias gauchisants de faire le récit circonstancié de la visite en France la semaine dernière du très droitier Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, à la tête d’un pays qui est au Proche-Orient le fidèle prolongement l’Oncle Sam qu’il soit dirigé par le champion du parti républicain ou du parti démocrate.
Pas un mot, ou presque, sur la captation assez éhontée par M. Netanyahu de l’hommage rendu aux morts de Montauban et de Toulouse, aux victimes franco-israéliennes de Mohammed Merah.
Le chef du gouvernement israélien a transformé cette cérémonie en meeting de propagande dans lequel il a déroulé les mots d’ordre et les slogans du Likoud, les appels au communautarisme, au retour en Israël des juifs de France, devant un François Hollande amorphe réduit au rôle de potiche …qui ne dit mot consent ?
Cette parenthèse étant fermée, remarquons que l’obamania est toujours aussi forte en France.
Dans sa dernière chronique publié juste avant les résultats, Philipe Randa rappelait que si le président américain et son rival Mitt Romney étaient au coude à coude dans les enquêtes d’opinion outre-Atlantique, un récent sondage réalisé en France indiquait que 78 % des Français souhaitaient la victoire d’Obama, 5 % seulement celle du candidat républicain (17 % ne se prononçaient pas).
Et quand la question était posée aux sondés « sur la cause de cet engouement, la réponse obtenue – il n’y en a qu’une ! – a tout de même de quoi rendre perplexe. Sur leurs programmes politiques respectifs, aucun avis exprimé, si l’on excepte les lieux communs et autres arguments de comptoir de bistrot : Obama veut la paix, Romney la guerre ; Obama fait la sécu, Romney veut davantage de privilèges pour les riches, etc. »
« Non, tous les fans d’Obama le sont pour une unique raison. Dans un pays où l’on n’a de cesse de répéter que les races, ça n’existe pas, il est assez déroutant d’entendre que les Français préféreraient Obama avant tout parce qu’il est… noir ! Mieux que noir, même : afro-américain, le top du top du surhomme nouveau. Comme le beaujolais du même nom (…) Même chez les électeurs français de droite, il ne passe pas : 81 % d’entre eux préfèrent Obama. Et les électeurs FN ? Ils sont pour Obama à 70 % ! 70 % seulement, aurait-on envie de sourire… »
Pourtant sur des sujets de politique étrangère qui intéressent très directement notre pays souligne Bruno Gollnisch, force est de constater la grande similitude de vue entre les deux candidats, à quelques nuances prés, comme l’a relevé notamment France 24.
Que ce soit sur le soutien à Israël, la volonté de renverser le régime laïc en Syrie ou le nucléaire iranien, l’identité de vue sur le fond était souvent complète. M. Obama soucieux de ne pas apparaître comme un mou vis-à-vis de son concurrent a même « réaffirmé être prêt à utiliser la force, également en dernier recours contre Téhéran lors d’un discours tenu devant le puissant lobby pro-Israël Aipac. »
Mais comme l’a souligné Bruno Gollnisch si la France, la vieille Europe d’un côté et Washington de l’autre ont souvent des intérêts, géopolitiques, économiques, commerciaux divergents ,« les Américains, et pas seulement eux, sont forts de nos faiblesses, de notre refus de la puissance. Il faut en vouloir aux politiques français et européens de ne pas assez défendre leurs intérêts face aux Etats-Unis et non blâmer les Américains de lutter pour sauvegarder les leurs !»
En politique intérieure, les observateurs de la société américaine ne peuvent que constater la paupérisation accélérée des classes sociales les plus fragiles depuis la crise de 2008, mais aussi d’une partie de la classe moyenne. Quant à la ghettoïsation du pays sur une base raciale, elle ne se dément pas.
A titre d’exemple, dans les quartiers sud de Chicago, peuplés à 90% d’afro-américains, ville actuellement dirigée par l’ ancien directeur de cabinet à la Maison Blanche du président américain, le très belliciste Rham Emanuel, ville où M. Obama a commencé sa carrière politique et où son QG de campagne attendait le verdict des urnes, le nombre d’homicides a augmenté de 40 % au cours du premier semestre 2012. On dénombre dans la cité d’Al Capone et troisième plus grande ville des Etats-Unis, plus de morts par balles dans les affrontements entre gangs que de soldats américains tués en Afghanistan par les Talibans….
Les enquêtes d’opinion montrent cependant que les votes des minorités ethniques ont été encore largement acquis au président sortant. Lors de l’élection présidentielle de 2008, si une minorité très conséquente des blancs avait voté pour le candidat démocrate (44% pour Obama contre 55% pour le républicain John Mc Cain), 62% des Asiatiques, 67% des hispaniques, 95% des afro-américains avaient voté Obama. Les mêmes pourcentages, quasi identiques, se sont retrouvés à cette élection.
L’avocat Gilles-William Goldnadel le relatait le 7 septembre dernier sur l’antenne de RMC, « que cela plaise ou non, qu’on le veuille ou non l’Amérique de Romney c’est l’Amérique blanche et l’Amérique d’Obama elle est noire et latino. De ce point de vue c’est une très grande défaite pour la philosophie américaine de manière générale » et « en France on suit le triste exemple des Etats-Unis » a-t-il ajouté.
La théorie-philosophie du melting pot a certes beaucoup de plomb dans l’aile, mais ce n’est pas un scoop depuis déjà longtemps des deux côtés de l’Atlantique.