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Éducation Nationale : dépenser plus pour avoir moins (archive 2008)

Cette année, le baccalauréat a soufflé ses 200 bougies. Que de chemin parcouru depuis sa création le 17 mars 1808 par Napoléon Bonaparte ! Or, voici que la récente Palme d'Or « Entre les murs » aborde la question de la scolarité. Ode cinématographique à la société mixte, ce film produit d'ailleurs un effet inverse à celui recherché : sommé par le réalisateur de plaindre les victimes Nassim et autre Souleymane, le spectateur est bientôt gagné par une solide envie de conseiller à ces héros hargneux - qui remercient leurs hôtes doigt levé à l'appui - un prompt retour dans leur savane ou douar.
Quoi qu'il en soit, examinons à la lueur du film l'état de notre école publique.
Si l'on se fonde sur la dépense globale d'éducation (cantines, transports, compris, etc.) la France a dépensé 116,3 milliards d'euros pour l'année scolaire 2005-2006. L'Education nationale engloutit la part la plus importante de nos impôts, qu'ils soient récoltés par l'Etat, les régions ou les départements, et encore cela ne suffit pas, puisque, selon SOS-Education, il convient d'y ajouter 11,2 % de la somme, dépensés par les ménages à titre personnel (cahiers, livres, etc.) À raison de 7 401 euros par collégien et par an, 10 000 euros par lycéen, la dépense s'alourdit chaque année. Ces chiffres, tirés d'un rapport d'audit commandé par l'Etat lui-même, montrent une augmentation budgétaire de 33 % pour les collégiens entre 1994 et 2004, et de 50 % pour les lycéens. Pendant ce temps-là, entre 1990 et 2006, le nombre d'enfants et de jeunes scolarisés dans le primaire a décru, passant de 6 953 milliers à 6 644 milliers. Dans le secondaire, le ressac est plus visible encore : on passe de 5 709 milliers en 1990 à 5 418 milliers à la rentrée 2006 (sources : Insee).
Premier poste de l'Etat, l'Education nationale emploie le chiffre ahurissant de 1 192 600 personnes ; elle est le premier employeur au monde, devançant même les Chemins de fer indiens (population de l'Inde : 1,1 milliard d'habitants). Précision qui ne manque pas de sel, 38 % de cette armée mexicaine, reconnaît benoîtement le ministère, sont affectés à des tâches administratives. Quant aux « fonctionnaires enseignants », leur nombre exact demeure imprécis, mais ils sont officiellement plus de 23 000 à ne pas enseigner du tout, qu'ils soient « détachés » ou « en attente de poste » ; et ce chiffre ne comprend pas les « en stage » ou « souffrants », dont la proportion reste opaque. Rappelons tout de même que l'absentéisme dans le secteur public coûte environ 8,5 % du Budget annuel de l’État.
Bien entendu, à défaut d'une franche approbation, toutes ces dépenses pourraient être admises, si, en regard de leur absurdité, des milliers de Pic de la Mirandole formaient l'avant-garde de nouvelles générations surdouées. Hélas, il faut déchanter. Le budget de l'Education nationale représente 7,1 % du PIB de la France quand 61,4 % de la population active salariée sont sans diplôme ou titulaires d'un diplôme inférieur au bac. Voilà qui en inquiétera plus d'un, puisque le bac est lui-même un produit dévalué, avec 83 % de reçus. En donnant un hochet à tous les recalés du dernier rang, l’Éducation Nationale a du reste dynamité la filière du secondaire. Pour rappel, il y avait eu 50 % de reçus au Bac général en 1966. Serait-ce que les génies en herbe actuels ont fait de considérables progrès ? Non : ces diplômés de perlimpinpin possèdent à l'usage un bagage étique, une orthographe relevant de l'onomatopée et du tag, et des connaissances souvent fantaisistes, assénées par un encadrement soixante-huitard. Quand on songe qu'à sa création, l'examen se déroulait exclusivement à l'oral et en grande partie en latin ! Et nunc reges, intelligite erudumm, qui judicatis terram (« et maintenant, vous les élites, instruisez-vous, vous qui décidez du sort du monde ») ...
L'enquête qualitative PISA (Programme International pour le suivi des acquis des élèves), menée par l'OCDE en 2006, confirme le classement médiocre de la France, déjà pointée du doigt par l'organisation internationale dans ses précédentes études de 2000 et de 2003 L'OCDE teste près de 400 000 élèves de 15 ans scolarisés dans 57 pays. Alors que les élèves finlandais caracolent une nouvelle fois en tête du classement, les Français dégringolent. En 2003, la France était a la 10e place pour les sciences. Elle recule au 19e rang en 2006 parmi les trente pays de l'OCDE. Ce décrochage se confirme aussi dans les deux autres domaines étudiés depuis 2000, la compréhension de l'écrit (lecture) et les mathématiques. En lecture, la France a ainsi rétrogradé entre 2000 et 2006 de la 14e place à la 17e place. Même chose en mathématiques, où les Français sont passés en trois ans du 13e au 17e rang. Quant à l'université, c'est kif-kif bourricot : les universités américaines se réservent les 30 premières places du classement de l'enseignement supérieur dans l'évaluation PISA. Le premier établissement français, l'université Paris VI (Pierre et Marie Curie) pointe à une peu enviable 36e place ...
TABLEAU NOIR ET DJELLABAS
Venons-en au cœur de la question. Comment expliquer qu'avec un tel niveau de dépenses - aucun autre pays ne consacre un tel budget par élève scolarisé - nous soyons ainsi à la traîne ?
« La France et le Japon ont vu leurs performances en lecture diminuer, mais pour des raisons diamétralement opposées. En France, c'est la proportion d'élèves en difficulté qui a augmenté », explique Eric Charbonnier, analyste à la direction de l'éducation de l'OCDE. Que signifie ce langage châtié ? Qui sont ces mystérieux « élèves en difficulté » qui se multiplient et plombent nos performances ?
Une étude menée par la Commission européenne dans le cadre de son programme intitulé « Education et formation 2010 » indique que 40 % des élèves immigrés de la 1ère génération ont des performances moyennes inférieures au niveau 2 (sur les six niveaux possibles de compétences) en Belgique, France, Norvège et Suède. Dans notre pays, ces malchanceux méconnaissent en outre les vertus de la ponctualité : une enquête de 2002 de notre ministère de l’Éducation montre qu'en terminale technologique et générale, seuls 5,2 % des élèves d'origine maghrébine arrivent au cours à l'heure.
Citons à présent le rapport de la Commission européenne in extenso : « L'analyse des évaluations PISA 2003 montre que, dans la plupart des pays, les enfants qui, à la maison, parlent une autre langue que la langue de l'enseignement ont de moins bons résultats scolaires, et ce dans tous les pays européens de l'étude OCDE. Le décalage entre la langue maternelle et la langue seconde et les difficultés qui en résultent s'expliquent d'une part par la difficulté pour les élèves de s'adapter au langage scolaire, et, plus généralement, par la difficulté à s'adapter à la forme scolaire (compréhension des consignes, des tâches à accomplir). Les effets linguistiques et textuels des consignes scolaires ne peuvent être isolés du contexte socioculturel ou socio-historique (...). L'apprentissage du vocabulaire, la reconnaissance du code, déjà difficiles à appréhender pour les petits autochtones, sont autant de barrières à franchir pour maîtriser l'écriture, la lecture et la résolution de problèmes. » Cette analyse est rejointe par une autre ; selon d'autres experts de l'OCDE en effet, « le fait de parler à la maison une autre langue que la langue d'enseignement est préjudiciable pour les apprentissages des élèves issus de l'immigration et engendre des retards irrécupérables ». Ces experts entérinent donc le fait qu'une classe où les enfants surgis du bilad prédominent est dans l'incapacité de bien fonctionner, puisque le préalable à l'enseignement être entendu - n'est pas rempli. Le sabir qui, dorénavant, tient lieu de novlangue dans de nombreuses régions de France entre en conflit avec la transmission du savoir. Voilà qui est fâcheux, certes, mais doit être exprimé.
Terminons par quelques chiffres : selon l'Insee, 13 % des immigrés ont moins de 25 ans. La part des immigrés nés au Maghreb a doublé depuis 1962. Le nombre de naturalisations s'élève à environ 150 000 individus chaque année. En 2004, parmi ces nouveaux «Français», 50 % étaient originaires du Maghreb avec une écrasante majorité d'Algériens, 11 % d'un autre pays africain, et 15 % d'Asie.
Gageons qu'avec un tel apport, augmenté des enfants de "sans-papiers" qui, par convention internationale, ont accès à la scolarité, les disciples de Bossuet ou d'Honoré de Balzac seront bientôt légion.
Grégoire DUHAMEL. Rivarol 17 octobre 2008

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